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Pièces j.

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V. Ep. opposé du général Rochambeau, une entreprise 1792 fut décidée sur Mons et sur Tournai. On combina, en même temps, ou plutôt, décida une tentative sur Furnes, tandis que Lafayette, averti trop tard, et sans aucun moyen, devait, avec son armée, partir de Metz, et par une marche de 60 lieues, se trouver, à jour nommé, le 30 avril, à Givet, pour se porter sur Namur. Le maréchal Rochambeau reçut, du ministre Dumourier, des ordres cachetés, qu'il dut remettre 29 avril. aux généraux Dillon et Biron. Biron partit de Valenciennes avec dix bataillons et dix escadrons, pour attaquer Mons; il se porta, le 29, sur Quiévrain, dont on s'empara ; les troupes autrichiennes avaient pris une position en avant de Mons; on la jugea inattaquable, et en même temps, la fatigue de la journée, et les dispositions du soldat, firent craindre de hasarder une retraite de nuit devant des troupes fraîches; mais vers les to heures du soir, deux régiments de dragons montent à cheval sans ordre, et reprennent précipitamment la route de Valenciennes; les généraux essayent en vain de les arrêter; ils sont entraînés; on criait : « nous sommes trahis. » Le désordre et le tumulte empêchèrent de rallier les troupes; on ne put les reformer qu'une lieue en arrière, et la plus grande partie des fuyards ne s'arrêta qu'aux portes de Valenciennes. Biron, alors, essaya de rassurer l'incerti

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tude du soldat par un mouvement en avant, le V. Ep. village de Quiévrain fut rattaqué et repris; mais ayant voulu y faire marcher de nouvelles troupes, elles refusèrent. Il fallut se décider à la retraite, qui fut bientôt une déroute. Le maréchal Rochambeau sortit avec la garnison de Valenciennes, et protégea la rentrée; mais le camp fut pris et pillé.

A Lille, les mêmes causes avaient eu les mêmes résultats; le général Dillon devait, avec un corps de cavalerie de dix escadrons, faire une tentative, et d'après ses ordres, seulement, une fausse attaque sur Tournai. Le désordre et la déroute y furent plus prompts encore. A peine la ligne fut formée, que les cris de trahison s'élevèrent. Des troupes ennemies parurent sur le flanc gauche, et d'après le rapport même du général ennemi, avant que l'infanterie ait pu faire une seule décharge, avant que la cavalerie ait été assez avancée pour pouvoir l'atteindre, l'armée française prit la fuite, tout fut également perdu, et le désordre porté par les fuyards dans Lille, y mit tout dans le plus grand danger. Quelques prisonniers faits avant l'action furent lâchement égorgés, et le malheureux général Dillon massacré par ses soldats. Cet accord même dans les moyens de dissolution et de désordre, prouvait qu'ils étaient préparés. Les factions opposées y trouvaient également

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V. Ep. leur compte; la méfiance du soldat, le décou ragement des chefs, et la désorganisation complète de tous les moyens de défense.

Lafayette, après une marche forcée de cinq jours, était arrivée à Givet; il se porta, le 30, à Bouvines, sur le chemin de Namur, avec environ dix à onze mille hommes ; il y apprit les désastres de Valenciennes et de Lille. Le but était manqué. Il laissa à Bouvines une avantgarde de 3 mille hommes, aux ordres de Gouvion, et revint prendre une position au camp de Valenciennes.

La politique intérieure peut seule expliquer ce concours d'ineptie et de fausses mesures. Rochambeau était parti pour joindre son armée, laissant un plan de campagne convenu et arrêté au conseil. Lafayette, plus au fait, disait le maréchal, des guerres de révolution, devait entrer en Flandres avec une armée de 40 mille hommes, et le maréchal se reservait une armée en seconde ligne pour le soutenir. On comptait sur des intelligences avec les patriotes brabançons, et peut-être qu'à la vue de forces nombreuses, et pendant l'absence et l'éloignement des armées autrichiennes, qui ne pouvaient pas. arriver avant deux mois, il eût été possible qu'une insurrection secondât les premiers efforts d'une armée; des demi- moyens n'étaient pas faits pour la décider. On s'attendait à une in

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vasion imposante, on ne vit qu'une tentative V. Ep. ridicule; mais il fallait, pour satisfaire des prétentions ambitieuses, rebuter Rochambeau et perdre Lafayette; il avait été calculé assez juste, qu'averti au dépourvu, privé de moyens,fil ne pouvait pas se trouver à Givet au jour indiqué dès-lors, ce défaut de mesures aurait servi d'excuse au non-succès des deux autres expéditions; le tort lui en aurait été imputé, et sa condamnation, prononcée à la tribune des jacobins, aurait devancé sa justification tardive à l'assemblée.

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Depuis la déclaration de guerre, la société des jacobins avait vu s'accroître rapidement, non plus son influence politique, mais sa prépondérance avouée et vantée; en vain deux schismes de doctrine opposée, les feuillants: par leur modérantisme, les cordeliers par leur exagération, essayèrent de lutter avec la société-mère, ainsi qu'on la dénommait ; l'ancienne vénération des sociétés affiliées, lai conserva la prééminence; et, comme le cratère exhaussé de l'Etna, elle dominait toujours les montagnes que ses éruptions avaient amoncelées autour d'elle; le Titan avait cent bras; mais tous aux ordres d'une seule tête. Le local de ses séances s'était agrandi comme son pouvoir; la nef de l'église des jacobins avait été transformée dans un vaste cirque, dont les gradins s'élevaient circulairement en

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V. Ep. amphithéâtre jusques au ceintre de la voûte. Une haute pyramide de marbre noir, appliquée à l'un des côtés, et qui servait jadis d'ornement à un tombeau, avait seule été conservée; le bureau des officiers du club y était adossé ; là, sur une, estrade élevée, siégeaient le président et les secrétaires; derrière et, au dessus d'eux, les. bustes blancs de Mirabeau, puis de Marat. En face était la tribune, exhaussée jusqu'à moitié distance du parvis et de la naissance de la voûte. De là tonnait la voix des orateurs, qui retentissait dans toute l'Europe; plus bas se préparaient les feux et les foudres qui l'ébranlaient ou l'embrasaient. En pénétrant dans cette enceinte imposante, où tout était démesuré et gigantesque, l'ame ne pouvait se défendre d'un mouvement de terreur et d'admiration, et l'imagination exaltée se rappelait avec effroi ces temples redoutés que la poésie a consacrés aux divinités vengeresses. Tout, dans cette époque de la révolution, garda toujours un caractère excessif; la grandeur fut gigantesque, le stoïcisme de la vertu fut impassible, les victimes insultèrent avec orgueil aux bourreaux, et le crime dédaigna les remords. On y avait déja décidé que la présence des membres de l'assemblée nationale n'était pas nécessaire pour prendre des délibérations: on y avait décidé la déchéance du roi et le licenciement de l'armée; on y vit ensuite des matelots venir

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