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IV.• Ep. « tière exécution, consentons à l'oubli du passé;

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que les accusations et les poursuites qui n'ont « pour principe que les événements de la révolu<«<tion, soient éteintes dans une réconciliation générale. Je ne parle pas de ceux qui n'ont été « déterminés que par leur attachement pour moi; pourriez-vous y voir des coupables? Quant << à ceux qui, par des excès où je pourrais aper«< cevoir des injures personnelles, ont attiré sur «< eux la poursuite des lois, j'éprouve à leur égard « que je suis le roi de tous les Français.

« P. S. J'ai pensé, Messieurs, que c'était au <<< milieu même des représentants de la nation, et « dans le lieu même où la constitution avait été «<formée, que je devais en prononcer l'acceptation solennelle. Je me rendrai en conséquence, « demain à midi, à l'assemblée nationale. »

Si l'on examine attentivement l'esprit de cette lettre, on y trouvera expliqué le système de conduite de Louis XVI, ou plutôt que sa conduite n'avait point de système..

Sans conseil, et même méfiant par sa position et par raisonnement, il se réglait sur chaque événement; n'ayant aucun moyen personnel ou auxiliaire pour les créer, il s'éloignait ou se rapprochait de la révolution, selon que les événements amenaient ou calmaient les désordres. Ayant trop peu de lumières acquises par l'expérience ou par l'étude pour prévoir au loin, le

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moment le déterminait toujours. Chaque état de IV. Ep. choses, en mieux ou en mal, lui paraissait devoir être toujours tel; et sa conduite variait à chaque changement, parce que chaque changement faisait varier son opinion. Ne connaissant, par éducation et par état, ni les hommes ni les affaires, tous ses jugements se portaient sur les événements, et il n'étudiait qu'eux, parce qu'eux seuls étaient à sa portée. Lui supposer une profonde dissimulation et une duplicité longue et soutenue, serait lui supposer plus qu'un jugement droit et commun; et s'il eût eu plus, il s'en serait servi.

Cette lettre fut accueillie avec des transports extraordinaires de satisfaction publique, et de longs et vifs applaudissements. Une députation de 60 membres alla remercier le roi. Il n'y eut, de part ni d'autre, aucun discours, aucune réponse préparée; ce fut comme une visite où tout se passa en compliments de société. Pendant ce temps, Lafayette fit la motion de l'amnistie générale pour tous les faits relatifs à la révolution, et le décret en fut de suite envoyé au roi. On en régla la rédaction de manière à y comprendre implicitement l'abolition de toutes les lois précédentes qui avaient pu être faites surl'émigration. On abolit aussi tout autre serment que le serment civique. Le lendemain, à midi, le roi entra au bruit du canon, des applaudissements et des bénédictions du peuple, qui se por

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IV. Ep. tait sur son passage. La salle était indistinctement comblée d'une assemblée nombreuse de citoyens réunis aux députés. On avait prévenu que l'assemblée, comme représentative, devait s'asseoir pour recevoir le serment du roi. Dès qu'il commença son discours, le président s'assit, et l'assemblée à son exemple. Ce mouvement imprévu frappa le roi, qui s'assit brusquement sans s'interrompre, et promenant sur l'assemblée un regard de confiance et de dignité tellement senti, qu'il fut un instant interrompu par des applaudissements vifs et courts. Son discours fut en peu de paroles. La réponse du président, plus délayée, fit moins d'effet. Le roi, à sa sortie, fut reconduit par l'assemblée entière. A son retour, elle ordonna un jour de réjouissance publique dans toute la France, et en envoya im18 sept. médiatement le décret au roi. Il y eut une fête et illumination dans Paris; et le roi et sa famille, dans une voiture d'appareil, se rendirent aux Champs-Elysées, à minuit, et furent accompagnés par tous les témoignages de l'alégresse publique. Peu de jours après, le roi alla au théâtre Français et à celui de l'Opéra. Pendant le chant d'un choeur, qui disait : Régnez sur un peuple fidelle, les spectateurs, debout, en firent l'application par des applaudissements. Tout sembla fête pendant plusieurs jours : la nation semblait se hâter de reprendre son caractère.

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Les intérêts contraires se turent un moment, IV. Ep. laissèrent passer cette ébullition qu'ils appelaient populaire, et retirés en eux-mêmes pendant les jours de fête publique, ils préparaient avec l'étranger les glaives de la guerre, les torches du fanatisme et de la discorde civile, et tous les crêpes funèbres qui devaient bientôt couvrir la France de victimes, de sang ou de deuil.

Tous ces présages semblaient s'être réunis dans l'affaire d'Avignon, qui fut la dernière dont l'assemblée s'occupa avant sa clôture, fixée au 30 septembre. S'il est une Providence supérieure qui daigne baisser ses regards sur les jeux sanglants des peuplades humaines, on put croire, en écoutant le récit des événements révolutionnaires d'Avignon, que cette Providence avait voulu, sur un territoire resserré, montrer d'avance à une grande nation l'abrégé des calamités que les dissensions civiles et les guerres d'opinion ou de parti peuvent accumuler sur elle.

Avignon et son territoire jouissaient d'un assez doux gouvernement, sous la souveraineté du pape; mais les événements, qui changeaient l'état de la France, ne pouvaient laisser une enclave qui serait devenue le foyer d'activité des mécontents, qui leur offrait un refuge assuré au cœur de l'état, et, sous le rapport fiscal, était une place forte pour la contrebande. Il était donc inévitable qu'Avignon se réunît à la France, ou

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IV. Ep. qu'Avignon, continuellement bloqué par des forces militaires, éprouvât une gêne plus fâcheuse qu'un changement de gouvernement. Le parti populaire d'Avignon l'avait senti, et avait sollicité sa réunion. Les troubles avaient nécessité l'envoi de commissaires médiateurs entre les deux partis; ils avaient d'abord réglé une trève, et licencié les deux armées. Celle d'Avignon composée en partie de déserteurs français, commandés par Jourdan, surnommé Coupe-tête, resta en armes. Des massacres furent commis dans plusieurs communes, sur les citoyens qui y rentraient après le licenciement. Onze furent fusillés de sang-froid, après avoir été confessés, sous les yeux de leurs, familles. Carpentras, qu'une ancienne rivalité rendait l'ennemie d'Avignon, fut assiégée, et le pays voisin en proie à toutes les horreurs de la guerre et du pillage. Enfin, dans Avignon même, toute autorité civile détruite, la force armée régnant seule, on vit des massacres s'exécuter journellement et avec ordre, les cadavres entassés dans une glacière, qui devint tellement une expression d'usage, que peu après, lorsque les mêmes scènes menaçaient Paris, un député à la législature, Vaublanc, prophétisait les calamités, en disant à la tribune : « je vois ouverte devant moi << la glacière d'Avignon. »

Mauri accusa les commissaires médiateurs, et

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