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1791.

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IV.* Ep. surtout d'un orateur dont le patriotisme ne pouvait pas être suspecté de modération, plia, ce qu'on appelait la rigueur du principe à la plus suprême de toutes les lois : le salut du peuple ; il finit par proposer trois articles qui établissaient de nouveaux cas de déchéance. Ils furent décrétés ; et le décret proposé par les comités, suivit immédiatement. A peine fut-il prononcé, Robe'spierre se leva et protesta hautement, au nom, dit-il, de la raison et de l'humanité. Cette protestation n'était pas vaine Paris, depuis assez longtemps tranquille, prit, tout-à-coup, un aspect nouveau ; il semblait que les premiers jours de la révolution allaient revenir; les groupes se formaient dans les rues, dans les places, et surtout au champ de la fédération; sur l'autel de 17 juill. la patrie était déposée une protestation; et on y recevait les signatures. Le parti, ou plutôt les partis républicains, car il y en avait plusieurs qui prenaient ce nom, pour couvrir leur nom véritable, songeaient déja à se servir du mot République, et furent ensuite obligés de la servir sous ses étendards, n'osant pas lever le leur. On n'opposa, les premiers jours, que des mesures. de police et des voies de persuasion; enfin le 17 juillet au matin, les signataires s'étaient réunis en grand nombre autour de l'autel de la patrie, champ de la fédération. Lafayette arriva à dix heures, et fit abattre les barricades déja dres

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sées ; il fut tiré, à bout portant, par un homme IV. Ep. qu'il fit relâcher, et qui, depuis, s'en vanta à 1791. la barre de la convention: des officiers municipaux, venus avec Lafayette, firent promettre à la foule de se séparer. On laissa des gardes nationales pour veiller sur ce rassemblement..

Ce spectacle avait attiré un grand concours de peuple; la municipalité s'était assemblée à la maison commune. Plusieurs heures après, on apprit que l'effervescence augmentait, qu'on annonçait des projets menaçants contre l'assemblée nationale: ces faits y furent dénoncés, et l'assemblée ordonna à la municipalité de veiller à la sureté publique ; on reçut en même temps l'avis que deux hommes, l'un invalide infirme, avaient été saisis près de l'autel où se faisaient les signatures; là, sur des prétextes quelconques, ils avaient été égorgés; leur tête coupée et déja élevée au bout d'une pique. Alors la générale réunit la garde nationale; la, municipa lité se mit à sa tête et se transporta au Champde-Mars; en entrant dans l'une des issues qui sont dominées par les amphithéâtres, des cris séditieux se firent entendre; on jeta des pierres sur les troupes et aux officiers municipaux; un ou deux coups de fusil, ou de pistolet furent même tirés sur Bailli. La garde fit feu, mais seulement en l'air; l'audace s'en accrut, la force asmée se porta vers l'autel, l'entoura et dissipa le

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IV. Fp. rassemblement; il se réunit à l'extrémité oppo1791. sée; les insultes, les pierres et quelques coups de feu provoquèrent des mesures repressives; et la garde nationale reçut l'ordre de faire feu. Tout se dissipa; le procès-verbal fait mention de dix à douze hommes tués, autant blessés ; peut-être diminua-t-il le nombre; les rumeurs publiques l'augmentèrent beaucoup, en le portant à plusieurs mille. Cet acte de rigueur que l'on sut rendre nécessaire, marqua de sang, un jour qui eût dû faire époque pour le retour de l'ordre public, et la réunion des intérêts, communs. Au contraire, cette journée laissa de longs souvenirs de désordre; et les excès étaient si nécessaires aux partis vaincus, il était si important pour eux que la constitution s'établit sous de funestes auspices, que le jour de la restauration du roi constitutionnel fut un jour d'orage, et que cette époque fut, aux yeux du peuple, un jour malheureux. Les désordres provoqués qui avaient précédé ce jour, pouvaient si aisément être présentés comme amenant la nécessité d'y mettre un terme, par un acte de rigueur ou d'autorité ; il était déja si usité de faire naître, dans le parti opposé, les événements dont on voulait faire usage contre lui ; le caractère de Lafayette le tenait si peu en garde contre les ruses et les menées étrangères, et Bailli était si simplement l'homme de la loi,

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qu'il serait possible que l'un et l'autre eussent IV. Ep. été les instruments de leurs ennemis secrets, se ménageait d'avance contre eux des moyens de vengeance et d'accusation.

Ce fut ce même triumvirat qui avait déja beaucoup fait, et plus encore défait, ce fut encore eux qui refirent et devinrent les principaux moteurs du décret d'inviolabilité qui prévalut ; soit, comme on le crut alors, qu'ils voulussent placer près du trône un service d'un grand prix, soit qu'étonnés eux-mêmes de la rapidité de leur course, et mûris par deux ans d'expérience, ils sentissent qu'il était temps d'arrêter un mouvement qu'ils ne pouvaient plus régler.

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On ne put au moins leur refuser une grande fermeté de caractère et de conduite dans cette circonstance; ils futtèrent ouvertement contre l'opinion courante, qu'ils appelèrent une opinion factice. Ils jouèrent de bonne grace leur popularité, et la perdirent comme ils l'avaient acquise, Ils relevèrent le trône par un effort mais épuisés, ils manquèrent de moyens et de force pour l'appuyer; ils le posèrent en équilibre, et la première secousse les entraîna dans sa chute. Après cette grande décision, l'état du roi resta le même; seulement on feignit moins de le croire libre, et l'on avoua plus franchement qu'il ne devait pas l'être, jusqu'à l'époque où la constitution achevée, serait présentée à

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son acceptation; on sentait la nécessité d'en hâter le moment. Les adresses les pétitions commençaient à changer leur style. On en avait lu une qui demandait que la décision relative aux événements de Varennes fût renvoyée pardevant le peuple; une autre, après la décision, fut envoyée de l'Auvergne, protestait contre le décret du 15, et demandait à l'assemblée ses successeurs; une autre protestation fit plus de bruit et d'effet, celle que l'on appela des 290, du nombre des signataires; c'était une partie de l'assemblée qui manifestait ainsi son improbation des décrets constitutionnels. Cette démarche inconsidérée, dans sa forme, et mal dirigée vers son but, ne servit qu'à signaler les dissidents, et servit ensuite de prétexte à beaucoup d'injustes violences, au temps où les prétextes suffisaient et n'étaient même pas nécessaires pour en commettre. On régla encore quelques articles avant de présenter à l'assemblée l'ensemble de la constitution; on pourvut à la sureté du dedans par des lois militaires, faites pour y rétablir la discipline. Ce rapport fut fait par Emeri, homme de loi, dans une grande ville de guerre; il porta, dans cette rédaction, l'esprit qu'il montra en différentes occasions pendant la session, droit et éclairé. Ces dispostions réglementaires furent en même temps soutenues par des décisions conformes

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