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IV. Ep. ment monarchique, quand il est consenti par le vœu libre d'une nation, et il l'était alors. Duport observa avec justesse et par une théorie claire et précise, que les principes d'égalité politique qui nivelaient tous les citoyens, ne sont point applicables au roi, quand il y en a un, parce qu'alors le roi n'est pas citoyen; il n'est ni moins ni plus; il est autre chose; il est un pouvoir, pouvoir institué, délégué, sans doute; mais, comme tel, hors de l'atteinte des lois communes à tous; car s'il y était sujet, il ne serait plus ce que la nation qui l'a institué, a voulu qu'il soit; il ne serait plus un pouvoir; il ne serait plus, à lui-seul, le contre-poids d'un pouvoir législatif, que la nation a aussi institué et délégué à plusieurs. L'inviolabilité de l'un et de l'autre est également constitutionnelle dans le gouvernement monarchique; dans l'un, elle est collective, et le corps législatif ne peut être mis en cause pardevant aucun tribunal; dans l'autre, elle est personnelle, parce que le pouvoir est personnifié par la loi constitutive de l'état. Ces maximes éclaircies, reconnues, admises, servirent ensuite de principes pour statuer sur le sort de Louis XVI. Ces principes admis par l'assemblée, servirent aussi à éloigner toute entreprise du dehors. Les trônes y virent avec satisfaction le plan de leur fondation; ils virent réduit en principes politiques,

ce qui n'était, chez eux, qu'une pratique sou- IV. Ep. tenue de la force. Les rois accueillent volon- 1791. tiers la raison quand elle s'accorde avec leur intérêt; mais cet intérêt n'est pas hors de raison, quand il est aussi d'accord avec l'intérêt public. Certainement on dut à la sagesse, à la modération des mesures prises par l'assemblée, de préserver la France d'une invasion préméditée, et qui eût été embarrassante pour le moment, quoique, de toutes les parties du royaume, les adresses d'adhésion, arrivassent énergiques et prononcées dans le même sens. L'assemblée fut ce qu'elle devait être, le régulateur de l'impulsion générale. Les sociétés populaires la recevaient de celles de Paris, et la communiquaient aux départements. Bordeaux écrivait: Nous avons quatre-vingt mille hommes prêts à marcher; mais nous n'avons pas quatre-vingt mille fusils, faites-nous donner des fusils; de Normandie Nous sommes peu, mais nous sommes bons; de l'Allier, de Nevers, de Moulins Nous avons des plaines couvertes de moissons et d'hommes, hommes et moissons, tout est à la patrie. Destaing, général et amiral Je voudrais qu'il existât un élément de plus, sur lequel je puisse m'acquitter du devoir de citoyen; enfin Dumourier, alors commandant militaire, et depuis.

écrivit J'ai, pour mettre les contre-révolu

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IV. Ep. tionnaires à la raison, du canon, deux régiments et deux cent mille gardes nationales.

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Le général Bouillé écrivit aussi à l'assemblée. L'emportement, suite d'une grande entreprise manquée, dictait chaque expression de sa lettre : « Je guiderai les ennemis, je connais les passages, et je ne laisserai pas dans Paris, pierre sur pierre. Peut-être aussi voulut-il détourner le ressentiment public sur luimême. Le lendemain de sa déclaration, le roi fit redemander les commissaires; ils n'osèrent pas s'y rendre sans une nouvelle injonction de l'assemblée; ils regardèrent leur mission comme finie. Louis youlait seulement déclarer que les mouvements de troupes, commandés par Bouillé, s'étaient faits par ses ordres. Il y avait de la générosité et de la grandeur dans cette déclaration volontaire. Les commissaires refusèrent de la recevoir, parce que le procèsverbal était clos; et l'assemblée approuva leur refus. Il y avait aussi de la grandeur et de la générosité dans ce refus.

L'ordre du jour n'avait pas été interrompu pendant ces séances. La réunion des corps électoraux devait se faire pour procéder à l'élection de la nouvelle législature. Cette réunion fut ajournée, et les circonstances furent un motif louable et consenti par l'opinion publique. On essaya des lois contre l'émigration, et la

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rigueur du principe de liberté individuelle pré- IV. Ep valut. On indiqua seulement un délai; et, passé ce temps, l'imposition sur les biens de l'absent dut être triplée, comme remplacement de son service personnel. Les rapports sur l'état et les Pièces ja forces des émigrés, réunis alors à Coblentz, n'étaient pas inquiétants; on portait au plus, à six mille, leur nombre, et tous n'étaient pas gens de guerre. Le retour de l'agent Duveyrier, envoyé par le roi au prince de Condé, avait été longtemps attendu ;. et on était inquiet sur son sort; une jeunesse impétueuse l'avait assez mal accueilli et obligé de sortir de Coblentz. Il fut encore arrêté à Luxembourg, sous prétexte de représailles et de défaut de forme dans son passe-port, Le roi d'Espagne adressa une note à l'assemblée sur le départ du roi. Le style convenable et mesuré annonçait des intentions amicales, mais cependant conditionnelles.

Les écrits publics agitaient l'opinion; et la question de déchéance était traitée sans réticence et sans ménagement; enfin tout pressait le rapport qui devait fixer l'opinion publique sur l'état du roi; en attendant, il était en détention, quoique non avouée; il voulut même s'en assurer. Peu de jours après son retour, il se présenta à une porte intérieure qui donnait sur le quai de la Seine; une sentinelle ferma le passage: «Me connaissez-vous, dit le roi, » la sen

IV. Ep. tinelle répondit : « Oui, sire ;« ses gardes-du-corps

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avaient été licenciés; un bataillon de garde nationale, choisi, chaque semaine, sur tous les bataillons de Paris, faisait seul le service près de sa personne. La liste de ceux qu devaient l'approcher, était connue et réglée, chaque jour, quoiqu'il la dressât lui-même. Le matin, jusqu'à neuf heures, le jardin des Tuileries était fermé au public; il s'y promenait alors avec sa famille. Pendant le jour, le dauphin seul était promené par ses femmes escortées de gardes.

Vingt jours après le retour du roi à Paris, les comités réunis firent le rapport sur les événements relatifs à l'évasion du roi et de la famille royale. Après quelques détails historiques sur les moyens employés pour effectuer le départ, le rapport aborde la question et la réduit 16 juill. à celle-ci Le roi peut-il être mis en cause pour le fait de son évasion? Le début de cet examen en annonçait les principes et la conclusion.

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Lorsque vous avez donné une constitution à votre pays, vous avez examiné quel gou<< vernement vous adopteriez; vous avez con« sulté l'intérêt de tous et non le vœu d'un

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seul; vous avez recherché ce qui était le plus << avantageux au peuple, et non ce qui conve<«< nait le mieux à un individu; vous avez interrogé les mœurs de la nation; et vous n'avez

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