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ART. 1306

CHAMBRE DU CONSEIL. QUALIFICATION LÉGALE DES DÉLITS.

Les tribunaux correctionnels peuvent-ils qualifier les faits qui leur sont soumis autrement que la chambre du conseil qui les a saisis? (Art. 382, Cod. d'inst. crim.)

Statuant sur la plainte des femmes Combret et Cobendoz, la chambre du conseil du tribunal de la Seine rendit, le 17 juillet 1832, une ordonnance qui renvoya les sieurs Bonhomme et Beaufort en police correctionnelle, sous la prévention du délit de tromperie sur la nature de marchandises vendues. Parjugement du 26 décembre suivant, le tribunal, appréciant autrement les faits et les caractérisant de manoeuvres frauduleuses, condamna les deux prévenus pour escroquerie, et leur appliqua les dispositions de l'art. 405 du Code pénal, et non celles de l'art. 423, rappelées dans l'ordonnance de la chambre du conseil. Appel. — Devant la Cour, les sieurs Bonhomme et Beaufort soutenaient que, de ême qu'au grand criminel, l'arrêt de la chambre d'accusation, qui saisit la Cour d'assises, détermine invariablement le caractère et la qualification du crime sur lequel le jury est appelé à prononcer; de même, en matière correctionnelle, l'ordonnance de la chambre du conseil devait fixer la nature du délit soumis aux tribunaux correctionnels, et faire la loi de toutes les parties Ce système a été repoussé par l'arrêt suivant ;

tait la même rédaction, et il est fort douteux qu'on ait voulu aggraver ses dispositions. Les délits de maraudage ont un caractère particulier qui a sa source dans la facilité avec laquelle ils se commettent et le peu de dommage qu'ils causent De là les peines peu graves dont ils sont punis. Ce caractère doit-il être modifié lorsqu'ils sont commis avec deux des circonstances énumérées dans l'art. 388 Rentrent-ils alors dans la classe des crimes? Mais, d'abord, n'est-il pas contradictoire que le vol commis de comp'icité dans un lieu habité, et le vol commis de complicité dans les champs, soient punis, l'un de la peine de la réclusion, l'autre d'un simple emprisonnement, et que le concours à l'un et à l'autre de ces faits de la circonstance de la nuit aggrave nullement la peine infligée au premier, tandis qu'il modifie au contraire le caractère du 2o. en le rendant passible d'une peine afflictive et infamante! En 2. lieu, n'est-il pas également contradictoire que le concours des deux circonstances de nuit et de complicité puissent changer la nature du vol de récoltes et lui imprimer le caractère de crime, tandis que la réunion avec l'une ou l'autre de ces circonstances de celle de s'être servi de voitures ou animaux de charge, circonstance qui est mise sur la même ligue que les autres par la loi, exerce aucune influence sur le même fait? Il serait done plus conforme peut-être à l'esprit de la loi de laisser sous l'application de l'art. 388 tous les faits de maraudage, soit qu'ils aient été commis avec une ou plusieurs des cir constances énumérées dans cet article.

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ARRÊT.

LA COUR ; En ce qui touche le moyen résultant de ce que l'ordon nance de la chambre du conseil qui a renvoyé les prévenus en police correctionnelle, ayant qualifié le fait de tromperic sur la nature de la marchandise, délit prévu par l'art. 423 du Code pénal, le tribunal a néanmoins déclaré les prévenus coupables du délit d'escroquerie, prévu par l'art. 405 du même code; Considérant que l'ordonnance de la chambre du conseil, qui renvoie un prévenu devant le tribunal de po. lice correctionnelle, et qui qualifie le délit d'après les élémens de l'intruction écrite, est indicative et non limitative de la qualification que le fait peut recevoir de l'instruction orale et des débats qui ont eu lieu à l'audience; Que par conséquent les premiers juges ayant reconnu que les faits imputés à Bonhomme et à Beaufort avaient été accompagnés des circonstances de l'emploi de fausses qualités et de manœuvres frauduleuses pour faire naître dans l'esprit des femmes Combret et Cohendoz, plaignantes et parties lésées, l'espérance d'une vente chimérique qui ne devait pas se réaliser, ont pu, sans violer les dispositions de la loi et les règles de la compétence, déclarer les prévenus coupables du délit d'escroquerie ; Par ces motifs, met l'appellation au néant, ordonne que ce dont est appel sortira son plein et entier effet, adoptant au fond les motifs des premiers juges, confirme avec amende et dépens (1).

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- Du 14 février 1833. Cour de Paris (ch. corr.). M. Dehaussy, prés. - M. Desparbès, av.-gén. MM. Moulin et Nibelle, av.

- ART. 1307.

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Lorsqu'il s'agit de procéder à la reconnaissance de l'identité d'un condamné, et que la Cour d'assises, qui a prononcé la condamnation, ne fait plus partie de la France, il appar tient à la Cour de cassation de désigner la Cour qui doit pro- céder à cette reconnaissance. (C. inst. crim., 519) (2).

Le 15 juin 1810, Henno a été condamné à douze ans de fers par la Cour de justice criminelle de Jemmapes, siégeant à Mons. Le 11 juin 1821 il s'est évadé du bagne de Toulon où il exécutait sa peine. Arrêté à Montbrison, il a dénié son identité ; il est dès lors devenu nécessaire de la faire constater, conformé ment aux art. 518 et 519 C. inst. crim. Mais, aux termes du

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(1) Voy. un arrêt conforme de la Cour de cass. du 17 janv. 1829, p. 155. T. de 1829.

(2) La difficulté était réelle, car l'art. 518 du Code d'instr. crim. veut que la reconnaissance de l'identité ne soit faite que par la Cour qui a prononcé la condamnation. La Cour de cassation a suppléé à la lacune qui existe dans la loi; mais cette décision était peut-être plus dans le domaine du législateur que dans celui d'une cour de justice.

premier de ces articles, la reconnaissance de l'identité d'un individu condamné, évadé et repris, ne peut être faite que par la Cour qui aura prononcé la condamnation. Or, dans T'espèce, cette cour fait aujourd'hui partie du royaume de Belgique, et il est dès lors impossible que la loi soit exécutée. Dans cet état, le procureur général près la Cour royale de Lyon s'est pourvu en règlement de juges.

ARRÊT.

LA COUR; -Vu l'art. 518 du Code d'instr. crim.; vu l'art. 519 même code; — Attendu que la Cour d'assises de l'ancien département de Jernmapes ne faisant plus partie des tribunaux français, la disposition de l'art. 518 ne peut être exécutée; qu'il devient dès lors nécessaire de désigner une autre Cour d'assises devant laquelle la justice puisse avoir son cours : Renvoie le nommé Henno devant la Cour d'assises du Var, pour être procédé, en conformité de l'art. 519 Code d'instr. crim., à la reconnaissance de son identité.

- Du 13 mars 1834. — Cour de cass. M. Brière, rapp.

ART. 1308.

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ACCUSES DE MOINS DE 16 ANS. CHASSE.

Le bénéfice des art. 66 et 69 C. p. qui modèrent la peine lorsque le prévenu a moins de 16 ans, ne peut étre invoqué dans les matières qui sont réglées par les lois spéciales, et notamment en matière de délits de presse.

LA COUR;

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ARRÊT. (Garillon.)

Attendu qu'il est constant que le 15 septembre dernier, Jean Garillon fils a été trouvé chassant sur la commune de Murianette avec un fusil double de chasse, sans avoir pu justifier d'un permis de port d'armes ; Attendu que le fait est prévu par les art. 1 et 3 du décret du 4 mai 1812, et que l'auteur est passible d'une amende de 30 fr., outre la confiscation de l'arme ; - Attendu que le décret précité n'a fait au cune distinction entre les délinquans sous le rapport de l'âge, et qu'il ne s'y agit nullement de discernement; Attendu que l'art. 66 C. p. qui dispose que lorsque l'accusé aura moins de 16 ans et qu'il sera décidé qu'il a agi sans discernement, il sera acquitté, n'est, d'après l'article 484, applicable qu'aux matières réglées par le même code; Attendu qu'il en est de même de l'art. 69, qui dispose que, dans tous les cas où le mineur de 16 ans n'aura commis qu'un simple délit, la peine qui sera prononcée contre lui ne pourra s'élever au-dessus de la moitié de celle à laquelle il aurait pu être condamné s'il avait eu 16 ans; Attendu que la contravention au décret du 4 mai 1812, savoir: de chasser sans permis de port d'armes n'est point prévu par le Code pénal; Attendu, dès lors, qu'il est inutile d'examiner si Gaillon fils a agi avec ou sans discernement, si on non il avait atteint l'âge de 16 ans à l'épo

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que du délit qui lui est imputé, et qu'ainsi les art. 66 et 69 C. p.-sont inapplicables à l'espèce; — Réforme, quant à ce, le jugement du 19 octobre 1833 et élève à 30 fr. l'amende prononcée contre Garillon par les premiers juges..

Du 28 novembre 1833.-Cour de Grenoble. -M. Dubois, prés. M. Rolland, subst.

Ch. corr.

Observations. La Cour de Grenoble avait déjà rendu, le 12 janvier 1825, un arrêt identique. La Cour de cassation a également jugé, par deux arrêts des 2 juillet 1813 et 15 avril 1819, que le bénéfice de l'art. 66 C. p. ne peut être étendu aux matières régies par des lois spéciales; mais on doit cependant remarquer que ces deux arrêts ont été rendus en matière d'eaux et forêts et de douanes, et que, dans ces matières spéciales, les faits punissables sont plutôt considérés comme des contraventions que comme des délits. En thèse générale, nous ne pensons point que la règle posée par cet article doive être restreinte, dans son application, aux crimes et délits prévus par le Code pénal. L'art. 484 de ce Code a eu pour seul but de ne pas mettre obstacle aux poursuites qui sont dirigées en vertu des lois spéciales, et d'assurer l'exécution de ces lois, lorsqu'elles portent sur des matières qu'il n'a pas réglées. Mais rien ne s'oppose à ce que les règles générales, établies par le Code qui forme le droit commun en matière de droit pénal, étendent leur effet à toutes les pénalités établies en dehors du Code. Car, à moins d'une dérogation expresse, les règles générales doivent régir les matières spéciales, et quelques-unes de ces règles sont d'une telle nature, qu'elles doivent être invoquées dans toutes les matières et devant toutes les juridictions. Or, au nombre de ces règles se trouve celle qui détermine l'âge où les jeunes prévenus peuvent être déclarés irresponsables de leurs actions: car cette règle est puisée dans la nature des choses, dans la connaissance des progrès habituels de l'intelligence de l'homme; elle est donc nécessairement générale, elle embrasse nécessairement tous les actes des mineurs de seize ans ; car la présomption du défaut de discernement ne peut, sans une évidente injustice, s'appliquer à telle classe de délits et non à telle autre. Comment l'enfant, que, la loi excuse, parcequ'il n'a pas compris. l'immoralité d'un vol serait-il irrecevable à présenter la même excuse à l'égard d'une fraude ou d'un délit de chasse? Mais c'est en faveur de ces dernières infractions qu'il faudrait créer l'excuse si elle n'existait pas, car l'immoralité d'un vol se révèle par la conscience, tandis que les délits de douanes et de chasse, établis par des conventions humaines, en triction d'un droit naturel, ne peuvent être saisis par l'intelligence de l'enfant qu'avec une extrême difficulté. C'est sous ce rapport que l'arrêt de là Cour de Grenoble nous paraît trop

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absolu. Il faudrait admettre, dans le système qu'il paraît établir, que l'art. 66 doit être renfermé dans le cercle du Code pénal. Or, il serait absurde de supposer que le législateur, qui n'a voulu pas que le mineur de seize ans fût flétri d'une peine quelconque, quand il a agi sans dis ernement, en commettant un crime ou un délit commun, eût permis de lui infliger une peine qui peut, dans certains cas, atteindre un degré trèsgrave, lorsqu'il aurait commis sans discernement un délit spécial, qui révèle habituellement une perversité bien moins grande.

TRIBUNAL CORRECTIONNEL.

ART. 1309.

COMPÉTENCE. -REMPLACEMENT MILITAIRE.

Les tribunaux correctionnels, saisis d'une poursuite contre l'auteur d'un remplacement militaire effectué frauduleuse. ment, sont compétens pour prononcer sur la demande du ministère public, en nullité de l'acte de remplacement (21 mars 1832, 43) (1).

Pitrat, remplaçant du sieur Fauvin, avait faussement déclaré dans l'acte de remplacement qu'il n'était pas marié La fraude ayant été découverte, il fut traduit devant le tribunal correctionnel de Montbrison et condamné à trois jours d'emprisonnement par application des art 19, 43 et 46 de la loi du 21 mars 1832, sur le recrutement. Fauvin étant intervenu et ayant demandé la nullité de l'acte de remplacement, cette demande fut écartée par le motif que les tribunaux civils pouvaient seuls en connaître. En appel, le ministère public a soutenu que près les termes de l'art. 43 de la loi du 21 mars 1832 (1), c'était au tribunal correctionnel à prononcer dans l'intérêt de l'État, la nullité du contrat de remplacement, et sauf aux intéressés, d'ailleurs, à faire valoir leurs droits devant les juges ordinaires.

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ARRÊT.

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LA COUR ; Attendu que par l'art. 13 de la loi du 21 mars 1832, toute substitution, tout remplacement effectué en contravention à ladite loi, est déféré aux tribunaux, lesquels ont dès lors l'obligation de statuer, soit sur la validité de l'engagement, soit sur l'application de la peine; Attendu que l'appelé ne peut être tenu de fournir un nouveau remplaçant ou de partir lui-même qu'après l'expiration du délai d'un mois, à partir de la notification du jugement qui a prononcé la nullité de l'acte de remplacement; — Attendu que le ministère public a droit et qualité pour requérir cette nullité qui intéresse l'ordre public, et

(1) Voyez le texte de cette loi et les motifs des discussions dans l'article 84 de ce journal,

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