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Détape et Ansart, au procureur du roi et à l'officier de gendar merie de Saint-Pol, pour des faits relatifs à leurs fonctions. Le 5 septembre 1833, arrêt de la chambre d'accusation de la Cour de Douai qui renvoie les prévenus devant le tribunal correctionnel. Pourvoi, fondé sur l'incompétence de ce tribunal.

ARRÊT.

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LA COUR ; — Vu l'art. 1 de la loi du 8 octobre 1830, 1 de la loi du 17 mai 1816, et 6 de la loi du 25 mars 1822; — Attendu qu'aux termes de l'art. I de la loi du 8 octobre, les cours d'assises sont investies du droit exclusif de connaître de tous les délits commis à l'aide d'un des moyens énoncés en l'art. 1 de la loi du 17 mai 1819: Attendu que l'exception de l'art. 2 de la loi du 8 octobre, relatives aux délits de diffamation ou d'injure, ne renferme pas le délit d'outrage prévu par l'art. 6 de la loi du 21 mars;Attendu que l'arrêt frappé de pourvoi, établit contre les intervenants, la prévention d'un outrage fait publiquement à des fonctionnaires publics, à raison de leurs fonctions, ce qui constitue le délit prévu par l'art. 6 de la loi du 25 mars 1822; - Attendu dès lors quele dit arrêt, en renvoyant Ansart et Détape devant le tribunal de Saint-Pol pour y être jugés correctionnellement, a faussement interprété l'art. 2 de la loi du 8 octobre, et a violé les dispositions des articles de loi ci-dessus transcrits :- Casse.

-Du 20 décembre 1833.- Cour de cass.- Concl. conf. de M. Martin, av. gén.

Deuxième espèce.

Les sieurs Gazard, juge suppléant du tribunal d'Aurillac, et Desbans, étaient prévenus d'avoir publiquement adressé au commissaire de police de cette ville des propos outrageants, dans l'exercice et à raison de ses fonctions. La chambre d'accusation de la Cour de Riom, par arrêt du 26 octobre 1833, les a renvoyés devant la première chambre de la Cour royale, en se fondant sur la qualité de l'un des prévenus. Mais cette chambre s'étant reconnue incompétente par arrêt du 4 décembre suivant, et par le motif que le délit était de la compétence de la cour d'assises, le ministère public s'est pourvu en réglement de juges.

ARRÊT.

LA COUR:- - Vu l'art. 6 de la loi du 25 mars 1822, l'art. 1 de la loi du 8 octobre 1830 et l'art. 1 de la loi du 17 mai 1819; - Attendu que le le fait spécifié dans les deux arrêts ci-dessus datés, constitue un délit d'outrage fait publiquement à un fonctionnaire public, dans l'exercice et à raison de ses fonctions; - Que ce délit prévu et puni par l'art. 6 de la loi du 25 mars 1822 a été commis par l'un des moyens de publication énoncés en l'art. 1 de la loi du 17 mai 1829; Qu'il ne peut être considéré comme ayant le même caractère que la diffamation ou l'injure sur lesquelles seulement porte

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l'exception de l'art. a de la loi du 8 octobre 1830 ;

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Que dès lors la con

par

naissance de ce délit est attribuée par l'art. 1 de la même loi à une cour d'assises; Attendu que la compétence nouvelle et générale, établie la loi du 8 octobre 1830, est applicable à tous les délits énoncés dans son art. 1, quelle que soit la qualité des délinquants; — Qu'ainsi la qualité de juge suppléant du S1 Gazard, un des prévenus, ne pouvait donner lieu au renvoi de l'affaire devant la première chambre civile, en exécution de l'art. 479 C. Inst. Cr. et de l'art. 4 du décret du 6 juillet 1810 (1); - Renvoie, etc. - Du 2 janvier 1834.-Cour de cass.-M. Thil, rapp.

Troisième espèce.

Les jurés de la Cour d'assises du Loiret, après avoir rendu un verdict de culpabilité contre le gérant de l'Orléanais, avaient été publiquement injuriés après l'audience, par les sieurs Colas de Malmusse et Colas de Brouville. Renvoyés en police correctionnelle par la chambre du conseil, ces prévenus soutinrent l'incompétence du tribunal, qui, se fondant sur la loi du 8 octobre 1830, déclara cette incompétence. Sur l'appel du ministère public, ce jugement a été réformé.

ARRÊT.

LA COUR; -Considérant que s'il est vrai qu'en principe général la loi du 8 octobre 183a renvoie au jugement des Cours d'assises, tous les délits commis par la voie de la presse, et par les moyens de publication spécifiés en l'art. 1 de la loi de 1819, il l'est aussi que l'art. 2 de la loi d'octobre、 contient une exception relativement aux délits prévus par l'art. 14 de la loi du 26 mai 1819; — Que le délit imputé aux prévenus constituant une injure verbale prévue par cet art. 14 quant à la compétence, et punie par les art. 16 et 19 de la loi du 17 mai de la même année, combinés avec l'art. 6 de la loi du 25 mars 1822, le tribunal de police correctionnelle a méconnu les règles de compétence, et que conséquemment son jugement doit être frappé de nullité :-Annule le jugement du 15 janvier, retient la cause, etc. -Du 18 février 1834.-Cour royale d'Orléans.-App. corr.

Quatrième espèce.

Pendant un charivari donné à M. Jaubert, des injures avaient été adressées à ce député. Les prévenus de ce délit, traduits en police correctionnelle, demandèrent leur renvoi devant le jury. Mais la Cour royale de Bourges se déclara compétente. Pourvoi.

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(1) Ce point ne pouvait faire naitre aucuns doutes. Le privilége de l'art. 479 cesse d'exister dés que le délit est d'une nature politique. Voy. notre art. 474.

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ARRÊT.

--

LA COUR;-Vu les art. i et 2 de la loi du 8 octobre 1830, l'art, 6 de la loi du 25 mars 1822 et les art. 1 et 14 de celle du 26 mai 1819; — Attendu que l'art. 1 de la loi précitée du 8 octobre 1830 attribue d'une manière générale et absolue à la juridiction des Cours d'assises, la connaissance de tous les délits qui y sont énoncés sous la seule exception spécifiée par l'art. 2 laquelle ne s'applique qu'aux cas prévus par l'art. 14 de la loi du 26 mai 1819;- Attendu que les faits prévus et punis par l'art. 6 de la loi du 25 mars 1822 sont tout à fait distincts de ceux qui sont caractérisés par l'art. 14 de la loi du 26 mai 1819, et sont par conséquent attribués à la juridiction des Cours d'assises, par l'effet des dispositious générales de l'art. 1 de la loi précitée du 8 octobre 1830. Attendu que les faits à l'égard des quels la compétence de la juridiction correctionnelle était contestée lors de l'arrêt attaqué présentaient d'après le dit arrêt, et l'arrêt de la chambre d'accusation, le caractère d'un outrage fait publiquement à un membre de la ehambre des députés, à raison de ses fonctions, délit prévu et puni par l'art. 6 de la loi du 25 mars 1822; d'où il suit qu'en se déclarant compétente par l'arrêt attaqué, la Cour royale de Bourges, ( chambre des appels correctionnels) a violé l'art, 1 et faussement appliqué les art. 1 et 2 de la loi du 8 octobre 1830 - Casse et Renvoie, etc.

· Cour de cass. M. Mérilhou,

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Du 22 février 1834.
Concl. contr. de M. Parant, av. gén. —M. Crémieux,

rapp. avocat.

er

Observations. La loi du 8 oct. 1830 attribue aux Cours d'assises la connaissance de tous les délits commis soit par la voie de la presse, soit par tous les autres moyens de publication énoncés en l'art. 1 de la loi du 17 mai 1819. Cette attribution a reçu, néanmoins, une exception: « La charte n'enjoint pas, disait M. Simeon, à la chambre des pairs, d'attribuer au jury tous les délits quelconques, sans exception; l'exception confirme la règle. La charte demande l'application du jury, mais une application raisonnée et qui ne soit pas minutieuse: il paraîtrait étrange de convoquer un jury pour juger une imputation injurieuse, pour juger un écrivain qui aurait qualifié un homme d'imposteur ou une femme de courtisane. (Séance du 10 septembre 1830.)» Delà, l'art. 2 de la même loi, ainsi conçu : » Sont exceptés les cas prévus par l'art. 14 de la loi du 26 mai 1819. Or, ce dernier article porte que, « les délits de diffamation verbale ou d'injure verbale contre toute personne, et ceux de diffamation ou d'injure par une voie de publication contre des particuliers, seront jugés par les tribunaux de police correctionnelle. » La question est de savoir si l'injure verbale contre toute personne, comprend l'outrage par paroles contre un fonctionnaire public.

Il est difficile d'abord d'appercevoir la différence, la nuance

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même qui peuvent séparer l'outrage par paroles, de l'injure verbale tout outrage verbal se résout en injure; aussi l'art. 13 de la loi du 17 mai 1819, a-t-il défini l'injure, toute expression outrageante. Dira-t-on que l'injure verbale se modifie et prend le caractère indéfini de l'outrage, lorsqu'elle s'adresse à un fonctionnaire public? la Cour de cassation l'a ainsi décidé par arrêt du 18 juillet 1828, à l'égard de la diffamation et de l'injure commise par voie de publication, en déclarant « que l'art. 6 de la loi du 25 mars 1822 a modifié, en ce qui concerne les fonctionnaires publics, les art. 16 et 19 de la loi du 17 mai; qu'aux délits de diffamation et d'injure, définis par cette loi, il a substitué l'outrage dont il laisse l'appréciation aux magistrats.» Mais la Cour a elle même dérogé à cette doctrine, dans un arrêt du 16 mars 1833, en décidant que les injures verbales proférées contre l'adjoint d'un maire, rentrent dans les termes de l'art. 14 de la loi du 26 mai 1819, et que les mots contre toute personne de la première partie de ces articles, s'appliquent nécessairement aux fonctionnaires publics (1).

Il est évident, en effet, que les mots contre toute personne, mis en relation dans l'art. 14 avec ceux-ci, contre des particuliers, prouvent que les fonctionnaires publics sont compris dans cette disposition; et tel est le sens que le législateur de 1830 leur a lui-même attribué. La commission de la chambre des pairs avait d'abord proposé de déférer à la police correctionnelle, la connaissance des injures et des diffamations en général. M. de Broglie s'opposa à une attribution aussi étendue : « dans la pensée de votre commission, dit-il, toutes les diffamations, toutes les injures sont dévolues aux tribunaux correctionnels et sont distraites de la juridiction des Cours d'assises. Cette exception me paraît trop étendue; elle va plus loin que l'art. 14 de la loi du 26 mai 1819. L'art. 14 de cette loi ne réservait aux tribunaux que, d'une part, la diffamation ou l'injure verbale contre toute personne, délit trop léger pour mériter la solennité des assises, et, d'autre part, la diffamation et l'injure contre toutes les personnes privées par une voie de publication quelconque ; mais il laissait à la connaissance du jury, la diffamation (par voie de publication) contre les ministres,

(1) Voici le texte de cet arrêt: « La Cour; Attendu que les faits de la prévention.... présentent tous les caractères d'injures verbales proférées publiquement contre un adjoint de maire, dans l'exercice, et à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, et dès lors d'après les art. combinés 14 de la loi du 26 mai 1819, et 2 de la loi du 8 octobre 1830, de la compétence des tribunaux correctionnels; que les mots contre toute personne mis en relation dans l'art. 14, avec ceux-ci, contre les particuliers, prouvent que les fonctionnaires publics sont nécessairement compris dans la ire partie deo et article: etc. Du 16 mars 1832- Cass.-M. Brière, rapp.

fonctionnaires publics et les agens de l'autorité. (Moniteur du 15 sept. 1830, supp.) » C'est d'après cette observation, que l'art. 2 de la loi du 8 octobre 1830, fut rédigé.

On doit remarquer, au reste, que nulle part, la loi n'a prescrit que les délits prévus par l'art. 6 de la loi du 15 mars 1822 seraient dévolus au'jury; aussi la Cour de cassation a-t'elle jugé, qu'un outrage commis envers un ministre du culte, dans l'exercice de ses fonctions, était justiciable de la police correctionnelle. (Arr. 12 janvier 1833, t. de 1833, p. 29.) Nous avons rapporté plus haut (p. 49) un arrêt de la Cour royale d'Orléans,, qui applique la même décision à l'outrage commis par paroles envers un juré.

A notre avis, la seule interprétation qui puisse mettre quelque harmonie entre les dispositions un peu confuses de cette partie de la législation, est de distinguer les délits, sous le rapport de la compétence, non par leur caractère intrinsèque, mais par le mode de leur publication. Les outrages, les injures, les diffamations, s'ils ont été commis par voie de paroles, appartiennent aux tribunaux correctionnels; s'ils ont été commis par une autre voie de publication, le jury seul est compétent (1). Cette distinction, conforme, d'ailleurs, au texte de la loi, peut seule éviter à la jurisprudence des contradictions autrement inévitables.

Ainsi, la Cour de cassation a jugé par arrêt du 4 juillet 1833,.. (voy. 1833, p. 309,) que l'outrage par paroles envers un fonctionnaire public dans l'exercice de ses fonctions, constitue un délit d'une autre espèce, et puni d'une autre peine que l'outrage fait à un fonctionnaire public, à raison de ses fonctions; que l'un est prévu par l'art. 222 C. P. et l'autre par l'art. 6 de la loi du 25 mars 1822. D'où il suit que, dans l'état actuel de la jurisprudence, le delit d'outrage verbal doit être porté devant deux juridictions différentes: aux tribunaux correctionnels, s'il a été commis envers un fonctionnaire public, dans l'exercice de ses fonctions; aux Cours d'assises, s'il a eu lieu à raison des fonctions. Or il est impossible d'appercevoir les motifs qui auraient déterminé, le législateur à établir cette distinctoin relativement à la compétence. Dans l'un et l'autre cas, il doit protéger le dépositaire de l'autorité publique contre l'outrage, et le citoyen contre l'influence du fonctionnaire. Cette contradiction est toute entière dans la jurisprudence, qui a vu dans l'outrage prévu par l'art. 6 de la loi du 25 mars 1822 un délit particulier différent des autres outrages. Lorsque l'outrage a été commis, soit à raison, soit dans l'exercice des fonctions, les dispositions pénales peu

(1) M. l'avocat général à proposé dans son réquisitoire, une distinction. qui se rapproche beaucoup de celle-ci.

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