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Cette double solution, qui relèvé l'une des parties de la déchéance, tandis en frappe l'autre, nous paraît inconciliable avec les principes du droit et de l'équité. Ce n'est point ici le cas d'invoquer la maxime uniousque licet juri in favorem suum introducto renuntiare: cette règle peut être opposée aux voies de recours en matière civile, qui ne sont établies que dans l'intérêt des parties; encore, même en matière civile, est-il des exceptions à cette règle (1). Mais les règles de la juridiction criminelle reposent sur un interêt public : les voies de recours contre les jugements ne 'sont point ouvertes dans le seul intérêt du prévenu, mais dans celui de la société, qui, s'il n'est pas coupable, a intérêt à la révision du jugement. C'est donc le cas d'appliquer la règle jus publicum privatorum pactis non potest immutari. Sur quels motifs s'appuie la Cour de cassation en décidant que le procureur du roi qui a acquiescé au jugement peut néanmoins former appel dans les délais? Sur ce que le droit d'appel étant conféré à ce magis'trat dans l'intérêt de la société, son acquiescement ne peut en paralyser l'exercice. Mais les mêmes motifs ne s'appliquent-ils pas au condamné! Ainsi que nous l'avons déjà dit dans notre art. 274, en examinant l'arrêt du 5 novembre 1829, les délais de l'appel n'ont-ils pas été créés pour donner au prévenu le temps de rassembler et de peser ses moyens de défense, et pour que la société ne fût pas blessée par une injuste condamnation? On ne peut donc restreindre ces délais dans des limites plus étroites que ne l'a fait la loi. Opposer au prévenu un acquiescement prématuré quand la voie de l'appel n'est pas encore fermée, et qu'un nouveau témoignage, l'exhibition d'une pièce, peuvent changer la face de l'affaire, ce serait déroger à une règle de droit public. L'exécution intermédiaire et prématurée à laquelle le prévenu a consenti est essentiellement provisoire; son caractère définitif reste soumis à la condition résolutoire de l'exercice du droit d'appel pendant le délai légal (2).

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9.3

A plus forte raison, au surplus, faut-il décider que l'appel est recevable de la part du ministère public près le tribunal supérieur ou la Cour royale, nonobstant l'acquiescement du procureur du roi près le tribuual qui a rendu le jugement (3).

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En matière de simples délits, l'examen des circonstances attėnuantes n'appartient pas au jury; sa déclaration sur ce point est réputée non écrite, et ne porte aucune atteinte à celle qu'il a rendue sur le fait principal.

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Lorsque le jury a déclaré le prévenu coupable du délit qui lui est

(1) Toullier, tom. 9, pag. 50.

(2) Voyez, sur cette question, arr. cass. 11 juillet 1806, 16 juin 1809, 19 juillet 1813, 16 janvier 1824, 2 février 1827.

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(3) Arr. cass. 2 août 1815, 15 décembre 1814, 17 juin 1819, 2 février

1827.

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imputé, mais avec des circonstances atténuantes, la Cour d'assises ne peut renvoyer les jurés à nouveau; cette première déclaration, irrefragable, est acquise à la société, et l'ordonnance d'acquillement qui interviendrait plus tard sur une deuxième déclaration négative du jury, serait frappée de nullité.

M. de Fitz-James avait été renvoyé devant la Cour d'assises de la Seine-Inférieure comme prévenu d'avoir, par des écrits exposés au public, attaqué l'ordre de successibilité au trône. Le jury répondit affirmativement, mais il reconnut l'existence de circonstances atténuantes. Sur cette réponse, le ministère public requit l'application de la peine, sans avoir égard à cette déclaration accessoire, qui était viciée d'excès de pouvoir. Mais la Cour d'assises renvoya le jury dans la salle de ses délibérations, d'où il sortit une seconde fois avec un verdict d'acquittement. Le ministère public s'est pourvu contre l'ordonnance d'acquittement et contre l'arrêt qui avait renvoyé le jury à délibérer une seconde fois, -On a soutenu, dans l'intérêt du prévenu, qu'aux termes de l'art. 409, C. inst. crim., une ordonnance d'acquittement ne peut être attaquée que dans l'intérêt de la loi. M. l'avocat général Parant a écarté l'application de cet article, en cherchant à établir que cet art. 409 n'est pas applicable aux matières correctionnelles; 2° en soutenant d'ailleurs qu'il n'a pour but que de couvrir de la garantie de la chose jugée le prévenu qui est sorti victorieux d'un premier débat; mais que c'est précisément ce résultat qui est contesté dans l'espèce.

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ARRÊT.

LA COUR;- Vu l'art. 350, C. inst. crim., portant: La déclaration du »jury ne pourra jamais être soumise à aucun recours » ; -Attendu que la première réponse du jury était claire et précise sur le fait unique de prévention qui lui était soumis; que ce fait ne constituant qu'un délit, l'examen des circonstances atténuantes n'appartenait pas au jury; qu'ainsi sa déclaration sur ce point, qui ne portait aucune atteinte à celle qu'il avait donnée sur le fait principal, devait être considérée comme non écrite; Attendu qu'en cet état la déclaration affirmative du jury sur le fait de la prévention était irréfragable; qu'il n'y avait lieu par la Cour d'assises qu'à procéder à l'application de la loi pénale, et qu'elle ne pouvait, sans violer l'art. 350 précité et sans dépasser les limites de sa compétence, annuler cette déclaration et renvoyer le jury dans la chambre de ses délibérations pour en recevoir une déclaration nouvelle, qui a motivé une ordonnance d'acquittement;-Attendu que l'art. 409, C. inst. crim., n'est pas applicable au cas où une ordonnance d'acquittement est prononcée contrairement à une déclaration positive et régulière du jury;-Attendu que la première déclaration du jury n'ayant pu être annulée, conserve toute sa force; qu'ayant été signée par le chef du jury, par le président de la Cour d'assises et par le greffier, elle doit sortir son plein et entier effet, quoique biffée

sur l'original, se trouvant textuellement transcrite sur le procès-verbal de la Cour d'assises, dans lequel ont été constatées toutes les circonstances se rattachant à cet incident : — Casse ; - Et, pour être fait application de la loi pénale sur la premire déclaration du jury, renvoie devant la Cour d'assises de la Somme.

-Du 15 février 1834.-Cour de cass.-M. de Ricard, rapp. -M. Mandaroux-Vertamy, av.

Observations. C'est un point incontestable que le jury n'étant appelé à statuer que sur un simple délit, ne devait point se prononcer sur l'existence des circonstances atténuantes. (Voy. nos art. 902, 1081, 1125, etc.) Mais tel n'était point aussi le point à juger.Tout ela question était de savoir si la Cour d'assises avait pu infirmer la première déclaration du jury, en le renvoyant à délibérer de nouveau. L'interprétation des déclarations des jurés a fait naître des difficultés très graves. L'art. 350 du C. d'instr. crim. prononce que ces déclarations ne pourront jamais être soumises à aucun recours; mais la jurisprudence a admis des exceptions à ce principe d'irréfragabilité. Nous avons résumé, dans notre Code pénal progressif, page 42, les règles qu'elle a posées à cet égard, et nous avons admis, avec la Cour de cassation, que c'est la force des choses et la nécessité qui ont revêtu les Cours d'assises d'une sorte de droit de cassation sur les déclarations des jurés, lorsqu'elles ne sont pas complètes, qu'elles n'offrent pas un sens précis, et qu'elles renferment des contradictions. Le mode le plus simple de réparer ces vices, qui ne permettraient pas de les faire servir de base à une peine, est de renvoyer le jury compléter sa réponse ou en expliquer les obscuritės. Ce renvoi, qui n'altère en rien la souveraineté du jury, est un heureux moyen d'empêcher le juge d'entrer dans la voie envahissante de l'interprétation. Mais ce n'est qu'avec une grande réserve que la Cour d'assises doit employer cette mesure extraordinaire, cet acte de haute juridiction. L'insuffisance ou l'obscurité de la déclaration peut seule le justifier. L'arrêt que nous rapportons ne fait que maintenir cette règle, déjà consacrée par de nombreux arrêts. (Voy. Code pénal progr., p. 42.) Il est évident que, dans l'espèce, la déclaration du jury n'était ni incertaine ni ambiguë: c'est donc cette déclaration qui seule pouvait servir de base à l'arrêt de la Cour d'assises. Quant à l'irréfragabilité de l'ordonnance d'acquittement, on ne saurait la soutenir serieusement d'une manière absolue, car il dépendrait des juges d'acquitter l'accusé que le jury aurait déclaré coupable de la manière la plus formelle, et cet acquittement serait irrévocable. La jurisprudence s'est souvent prononcée à cet égard (arr. 24 octobre 1811, 6 février 1812, 8 déc. 1826, 18 juin 1830, 14 juillet 1831, rapp. dans notre art. 806 }. « Il

faut, dit M. Carnot, que l'ordonuance d'acquit soit motivée sur la déclaration faite par le jury, que l'accusé n'est pas coupable; car si l'ordonnance d'acquit se trouvait en contradiction avec la déclaration du jury, ce ne serait plus qu'un arrêt d'absolution; et, par suite de cette annulation, l'accusé devrait être renvoyé, non pas à un nouvel examen, mais à une nouvelle Cour, pour lui faire l'application de la peine résultant de la déclaration du jury.» (Comm. sur l'art 409.)

ART. 1283.

LOI SUR LES CRIEURS PUBLICS.

Art. 1. Nul ne pourra exercer, même temporairement, la profession de crieur, de vendeur ou de distributeur, sur la voie, publique, d'écrits, dessins ou emblêmes imprimés, lithographiés, autographiés, moulés, gravés ou à la main, sans autorisation préalable de l'autorité municipale. Cette autorisation pourra être retirée.-Les dispositions ci-dessus sont applicables aux chanteurs sur la voie publique.

Art. 2. Toute contravention à la disposition ci-dessus sera punie d'un emprisonnement de six jours à deux mois pour la première fois, et de deux mois à un an en cas de récidive. Les contrevenants seront traduits devant les tribunaux correctionnels, qui pourront, dans tous les cas, appliquer les dispositions de l'art. 463 du Code pénal.

-Du 16 février 1834.- Loi.

Observations. L'art. 290, C. P., punissait d'un emprisonnement de six jours à deux mois tout individu qui, sans avoir été autorisé par la police, ferait le métier de crieur ou d'afficheur. Mais cet article fut abrogé par la loi du 10 décembre 1830, qui, en interdisant les affiches politiques, avait réglé que la profession de crieur ne pourrait être exercée, même temporairement, sans une déclaration préalable faite devant l'autorité municipale, et que le crieur, avant d'annoncer des écrits autres que les journaux, serait tenu d'en déposer un exemplaire, et de faire connaître à la même autorité le titre sous lequel il entendait les annoncer (1). Ces garanties ont paru insuffisantes au législateur: l'art. 290, C. pén., était lui-même incomplet, puisqu'il n'atteignait que l'individu faisant métier de crieur. La loi nouvelle est destinée à remplacer cet article dans la législation. Nous allons essayer d'en faire connaître l'esprit et d'en expliquer les termes, en analysant avec soin les discussions auxquelles elle a été soumise dans les Chambres législatives (2).. Nous n'avons point à nous occuper ici des discussions théoriques, qui ont

(1) Le texte de cette loi est rapporté dans notre article 484.

(2) Ces discussions sont rapportées dans les Moniteurs des 4, 7, 8, 1a et 15 février.

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eu pour but d'attaquer le principe même de la loi, mais seulement de celles dont l'objet a été d'en régler l'application. Ainsi nous ne ferons qu'une rapide mention de l'amendement de M. Leyraud, ainsi conçu : « Nul ne pourra crier sur la voie publique aucun écrit imprimé, lithographié ou gravé. Les jugements des tribunaux sont exemptés. Cet amendement avait deux objets: 1o de remplacer le principe de la loi par un autre principe, la prohibition absolue de crier; 2o de maintenir la profession indépendante des vendeurs et distributeurs. Il n'a pas été adopté.

M. Charlemagne avait proposé de supprimer du paragraphe premier ces mots : de vendeurs ou de distributeurs. Cet amendement a été retiré par son auteur. Ces deux expressions n'ont point été définies avec précision dans la discussion. Il paraît seulement résulter du projet et du rapport de M. Persil que le but du législateur n'aurait été que d'atteindre les vendeurs ou distributeurs d'imprimés de deux feuilles et au-dessous. D'où il suit qu'on ne doit point étendre ses dispositions, soit aux colporteurs de livres, soit aux étalagistes.

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- M. Auguste Portalis a proposé un article additionnel ainsi conçu : « L'autorisation ne sera pas nécessaire pour les libraires, marchands d'estampes et cabinets de lecture. Mon amendement, a dit ce député, est inutile, si MM. les ministres veulent dire que la loi ne concerne pas les marchands en boutique. M. le ministre de l'intérieur : « C'est évident. M. le gards des sceaux : « Ils ne sont pas sur la voie publique. .-M. Portalis : «Alors je retire mon amendement qui devient inutile. »

M. Anglade a proposé une exception ainsi rédigée: «Sont dispensés de l'autorisation, les crieurs, vendeurs ou distributeurs de journaux publiés conformément aux fois de la presse. » On disait à l'appui : Les journaux ont un cautionnement ; ils sont signés par un gérant responsable: ils présentent donc des garanties que n'offrent pas les pamphlets, et qui sont suffisantes. Cet amendement a été écarté, parce qu'il eût établi des catégories de crieurs, parce qu'il eût donné à la loi un caractère d'exception à l'égard des simples imprimés, parce que l'esprit du projet était de s'adresser, non aux écrits, mais aux personnes; de s'occuper des crieurs, abstraction faite des écrits; d'appliquer la prohibition non aux ouvrages, mais aux crieurs.

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M. de Podenas a fait remarquer que le projet de loi ne s'occupait point des afficheurs. « Les écrits, a dit ce député, qu'on ne pourra vendre, distribuer, crier, on les fera afficher. Je sais que l'art. 1 de la loi du 10 décembre 1830 défend d'afficher des objets politiques; mais cet article est évidem ment insuffisant, car il faudra attendre que les autorités compétentes aient décidé jusqu'à quel point l'écrit est ou n'est point politique. En attendant, les actes coupables qui auront été commis au moyen de l'affiche, auront opéré d'affligeants résultats. D'ailleurs n'y a-t-il donc que les délits politiques qui présentent des dangers? Ne sait-on pas que les écrits obscènes, injurieux, diffamatoires, présentent autant d'inconvénients? Pourquoi ne pas assujettir les afficheurs à l'autorisation to Cette proposition n'a pas eu de suite.

Un amendement a été formulé en ces termes par M. de Failly : « Les dispositions ci-dessus sont applicables aux chanteurs sur la voie publique. » Le projet, a dit l'orateur, a-t-il fermé toutes les issues aux mauvais ferments

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