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de commercer les fromens, dans le Royaume, à ceux des deux dernières récoltes feulement, & d'interdire cette faculté, pour tous fromens plus anciens,parce qu'autrement, des gens mal intentionnés pourroient, en faifant des amas de ces vieux fromens, mettre la Compagnie dans le cas de faire paffer inutilement beaucoup d'argent à' l'étranger, & ne vuider, chez elle, leurs greniers, que quand ils la verroient amplement approvisionnée.

La difpofition que je propoferai à cet égard, au furplus, ne fera point une nouveauté. Elle exiftoit dans les anciennes Loix. On la trouve dans le Réglement donné par Charles IX, en 1567, & dans l'Ordonnance de Henri III, du mois de Novembre 1577.

Je crois en avoir affez dit, pour juftifier les trois avantages que j'ai expofé devoir résulter de la première partie de mon Projet. Il eft tems de répondre aux objections qu'on m'a déja faites,ou que j'ai prévu qu'on pourroit me faire, fur les moyens que je préfente pour l'exécution, & que j'ai divifés en quatorze articles.

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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

ON m'accordera, fans peine, le premier & le

fecond de ces articles, puisqu'ils n'ont tous deux pour objet que l'exécution de la Déclaration de 1763, de l'Édit de 1764, de l'Arrêt & des LettresPatentes de 1774, qui font les Loix vivantes en cette partie.

Mais on objecera peut-être contre le troifième article que le bénéfice, réfultant de l'exportation,ne doit pas être concentré dans les mains d'une feule Compagnie; que c'eft un bien, auquel chacun a droit de participer; qu'en général, les privilèges exclufifs font odieux; que le Gouvernement en a souvent reconnu l'abus: & que dans le cas particulier, où il s'agit d'une denrée de première néceffité, commune à tous les hommes, il eft naturel, il eft jufte, d'autorifer la concurrence que je propose d'interdire.

A cela je réponds, que loin de vouloir attribuer le bénéfice de l'exportation à une feule Compagnie, je crois fuggérer un moyen fûr de le répartir sur tous & chacun des Sujets du Roi. Ce bénéfice s'y trouvera même diftribué, avant que d'être

fait ou reçu par la Compagnie, puifqu'elle aura commencé, , par donner au Cultivateur un bon prix de fon bled; par procurer au Propriétaire la véritable valeur de la location de fa terre ; & par livrer aux Peuples leur subsistance, à un prix modéré, dans un tems où, fans cette Compagnie, ils auroient pu la payer fort cher, & peut-être en manquer. Il n'en est donc pas, du Privilège dont il s'agit, comme des privilèges ordinaires, qui n'opérent que le bénéfice du Particulier qui les obtient. Celui-ci a pour objet le bien général, & l'opére incontestablement. Il écarte tous les dangers de l'exportation en l'autorifant: il met les Bleds à l'abri de tout monopole. Il fait bénéficier l'État de tout le produit de fon fuperflu; il eft le feul moyen d'alimenter les Peuples, fans augmenter leurs dépenfes dans les années ftériles; & il leur procure incontestablement cet ineftimable avantage. A quelle espèce d'hommes pourroit-il donc paroître odieux ? A ceux-là feuls qui auroient pour objet, d'abufer de la liberté, aux dépens de l'intérêt & de la vie des Citoyens.

Certes, quand la bonté du feu Roi nous accorda la liberté d'exporter nos Grains à l'Étranger, l'intention de ce bon Prince, fut de procurer à tous fes Sujets indiftin&tement, le bénéfice que cette liberté devoit produire ; il n'avoit point entendu

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concentrer ce bénéfice dans le petit nombre de ceux qui s'adonnent au commerce des Bleds, ni autorifer leur induftrie, à furvendre à fes Peuples la faculté de vivre. Il n'en eft pas moins vrai qu'il n'y a eu qu'un certain nombre de Négocians, & quelques gros Cultivateurs, fi l'on veut, qui aient profité de cette liberté. Encore, ont-ils trompé les vues du Monarque, au grand préjudice du furplus de fes Sujets, puifque, par l'accroiffement qu'ils ont donné au prix du Bled, ils ont néceffité le Boulanger de vendre le pain fi cher, que les pauvres n'ont pu le payer, & qu'ils en ont manqué.

Ici au contraire, tous les Sujets du Roi particicipent bien réellement au bénéfice; ils ne font, pour ainfi dire, que tranfporter l'exercice d'un droit, dont chacun ne fauroit jouir par lui-même, à une Compagnie chargée de les en faire jouir tous; c'eft-à-dire,de ne jamais les laiffer manquer de Bled; de le leur fournir, en tous tems, à un prix modéré; de ne jamais laiffer le Cultivateur surchargé de fa récolte, & de le débarraffer de tout fon fuperflu,

prix fixe & bon. La Compagnie avec laquelle on fera ce traité, fera donc moins une Compagnie favorifée d'un privilége perfonnel, qu'une Compagnie de confiance, prépofée pour exercer au nom de la Nation, le droit que la Nation lui aura retrocédé,

Au refte, plus la denrée eft intéreffante, plus il eft indispensable d'en conferver toujours, la quantité qu'exige notre consommation. Autrement, & faute de cette précaution,les grains feront diffipés & vendus à vos voisins, & vos Sujets periront de mifère ( 1 ).

L'on ne m'a fait, & je ne prévois aucune objection fenfée contre les difpofitions des articles 4 & 5; celles du quatrième font toutes à l'avantage du Public,& n'engagent que la Compagnie. Quant à celles du cinquième, elles annoncent un établiffement qui garantit le Citoyen des dangers de l'exportation; qui lui affure à perpétuité fa fubfiftance, contre tous les évènemens (& toujours à un prix invariable & modéré) qui la lui entretient fous fes yeux & fous fa main, toujours prête à lui être livrée quand il le voudra, un établissement en un mot, trop bienfaifant & trop defirable pour être critiqué.

Mais fur le fixième article, on m'a dit qu'il feroit trop extraordinaire de vendre les Bleds au poids; que l'ufage s'en introduiroit, d'autant plus difficilement, que les poids ne font pas uniformes dans toutes les parties du Royaume; que dans les unes, la livre n'eft que de douze onces, & dans d'autres que de quatorze,tandis qu'ailleurs,elle est de feize; & que cette manière d'acheter & de vendre le

(1) Hiftoire du Peuple de Dieu, Loc. cit.

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