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diminuera, & parce que le Gouvernement, qui pourra toujours payer tout comptant, fera la loi à l'Entrepreneur & au Fourniffeur, qui la lui font au contraire tant qu'il fe trouve forcé de leur demander de groffes avances & de longs crédits: je me fuis dit enfin , que quand le Prince vent augmenter ses revenus, il a toujours en mains, une force fuffifante pour établir des impôts qui, loin d'avoir, comme le droit dont il s'agit, le mérite d'une répartition égale, & prefque insensible, ont toujours le défavantage de l'arbitraire & de la furcharge pour les pauvres. Mais une raison plus forte encore, & qui n'eft pas de moi; c'est que l'évidence de l'intérêt du Souverain, & de l'intérêt général, commun à tous les ordres de la fociété, formera toujours une barrière infurmontable à toute augmentation au droit fur les grains ( 1 ).

Un autre effet de cet établissement, c'est que le prix de la main-d'œuvre, qui, naturellement, doit fuivre le prix du pain, & fe proportionner au montant des impofitions dont l'induftrie fe trouve chargée, se fixera de lui-même à un taux modéré, d'après lequel, les marchandifes de nos manufa&ures regagneront la concurrence dans les

(*) Lettre d'un Citoyen à un Magiftrat, page 21.

notre

Pays Étrangers, où le trop haut prix a pu la leur faire perdre ; & que dans ceux où elles la confervent encore, elles acquéreront certainement la préférence que par ce moyen, Commerce reprendra une nouvelle vie, & deviendra plus fleuriffant que jamais; que de-là, renaîtront la circulation, l'abondance, la population, &c. &c. En un mot, qu'en reportant ainfi fur les grains la plus forte partie des revenus de l'État, le premier intérêt du Monrrque, & de fon Gouvernement fera de protéger l'Agriculture, & d'encourager le Laboureur, à la porter toujours, au plus hau tdégré de production poffible.

En effet, plus la récolte des bleds fera abondante, plus le Prince fera riche; puisqu'outre le droit fur la confommation de fes Sujets, il aura encore à percevoir un pareil droit fur tous les bleds qui feront exportés. Je n'ai point tiré ce dernier en ligne de compte, parce que le produit n'en est pas annuel & qu'il ne feroit pas prudent d'affeoir sa spéculation, pour les revenus de l'État, fur un objet éventuel ; mais il eft incontestable qu'il aura lieu quelquefois, & il eft raisonnable d'efpérer que, lorfque la culture fera encouragée, & la reproduction ménagée, ce produit deviendra d'objet, & fuffifant, pour mettre le Roi à portée de se livrer aux mouvemens de fon

affection pour ses Peuples, en leur faisant fucceffivement éprouver de nouveaux foulagemens, par la fuppreffion de ceux des droits de fes Fermes qui leur font le plus onéreux.

J'ajoute que le produit des Fermes recevra de très-grands avantages de ce virement de parties, quoiqu'au premier coup d'œil, il puiffe y paroître étranger, parce qu'à mesure que l'aisance & la population renaîtront, la confommation augmentera, que, dans les Fermes, c'est la confommation qui fait le produit.

&

Si cependant, & malgré tous ces avantages, il étoit vrai que le préjugé que je combats, fût indeftru&tible, & qu'en conféquence, cette dernière partie de mon projet ne pût être admife, ce ne feroit pas une raison, fans doute, pour rejetter la première. Quand un bon arbre est soupçonné d'avoir de mauvaises branches, on coupe les branches fufpe&es, & on conferve l'arbre.

Mais, dans ce cas, il pourroit être à propos, comme je l'ai remarqué dans ma première Partie, de changer la fixation que j'ai cru pouvoir donner au prix du bled, d'après l'ensemble de mon projet. Le droit fur les grains n'ayant plus lieu, la fuppreffion des impofitions devient impoffible. Il feroit donc jufte alors,d'augmenter le prix du bled,dans les

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magafins de la Compagnie, en faveur du cultivateur & du propriétaire, proportionnément aux impofitions, dont ils continueroient à refter chargés.

Je viens d'expofer toutes mes vues. Je les crois auffi utiles, que mes intentions font droites; mais parce que, comme je l'ai dit en débutant, le cœur ne calcule pas toujours d'une manière auffi fûre que la raifon, je finis comme j'ai conimencé, en me citant moi-même au Tribunal de la Nation entière. Je lui demande, avec inftance, fes objections, fes critiques, fes lumières ; & je renonce à fa reconnoiffance, fi j'ai eu le malheur de ne lui offrir qu'un bien chimérique. On conçoit, au furplus, que je ne m'adresse ici, ni à ces efprits contrarians qui critiquent tout, pour le feul plaifir de critiquer, & fe donner un air d'intelligence, fur des objets audeffus de leur portée ; ni à ces caractères pufillanimes, tellement efclaves du préjugé, qu'ils aimeroient mieux voir le mal fubfifter éternellement, que de recourir à un remède, contre lequel ils fe font, une fois, laiffé prévenir; bien moins encore à ces hommes, dévorés de la foif de l'or, qui, ne calculant que pour eux-mêmes, comptent pour rien la mifère publique, quand elle est l'aliment de leur opulence. Je m'adreffe à tout citoyen plus éclairé que moi, & defintéieffé comme moi. Quand mon Giv

projet fera démontré faux ou inutile, je le rétrac terai comme une erreur qui, après tout, ne feroit que l'effet de mon zèle pour le bien public. Si, au contraire, il a le bonheur d'être jugé avantageux & praticable, comme je l'espère, ce fera au vœu de la Nation à décider le Gouvernement. La fé licité dont jouira ma Patrie, eft la première récome pense où j'afpire.

FIN

P. S. J'ai été confeillé, pour ne rien laiffer à defirer fur une matière auffi intéreffante, de rédiger moi-même, en forme de Loi, toutes les difpofitions par lesquelles je penfois que le Roi pourroit affurer l'exécution de mon plan, & de les mettre auffi fous les yeux de mes Leadeurs. J'ajouterai donc encore ici ces difpofitions, telles que je

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