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Procès du sieur Béranger.

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Le procès du sieur Béranger a été jugé à la police correctionnelle mercredi dernier. Jamais l'affluence des curieux n'avoit été aussi grande; toutes les avenues du tribunal étoient assiégées dès le petit jour. MM. Laffite, Sébastiani, Bérard, Ney et Andrieux, arrivés à neuf heures pour assister aux débats, n'ont trouvé de place' que sur la banquette occupée ordinairement par les prévenus non détenus. Les sieurs Béranger, auteur, Baudouin, éditeur, et Fain, imprimeur, sont seuls présens à l'audience; les libraires Lccluse, Truchy et Bréauté font défaut. Le sieur Béranger, interrogé sur son état, répond qu'il est chansonnier. M. l'avocat du Roi Champanhet, dans un éloquent réquisitoire, montre combien les nouvelles chansons de ce poète justifient les cinq chefs de prévention qui ressortent de l'arrêt de la cour royale, et cite surtout celles sur l'Ange gardien, comme outrageant la religion et la morale; du Sacre de Charles-le-Simple et des Infiniment petits, comme offensant la personne du Roi et excitant à la haine et au mépris de son gouvernement. M. de Champanhet s'étonne que cet homme ait pu encourir de nouveau la sévérité de la loi, après avoir paru, il y a sept ans, devant la cour royale pour un semblable délit, et subi une condamnation déjà indulgente.

M. Barthe prend ensuite la défense du sieur Béranger, et M. Berville celle du libraire Baudouin. Après la réplique de M. l'avocat du Roi et celle de M. Barthe, le tribunal se retire pendant trois quarts d'heure dans la chambre des délibérations. A six heures du soir, il prononce un jugement qui condamne Béranger à neuf mois de prison et 10,000 fr. d'amende; Baudouin, à six mois de prison et 500 fr. d'amende, et acquitte les autres prévenus. La destruction des exemplaires saisis est en outre ordonnée par le tribunál; mais ils ne se montent guère qu'à une vingtaine, tandis que vingt mille exemplaires ont été imprimés et envoyés de tous côtés.

Nous reviendrons sur cette affaire, qui a présenté plus d'un genre de scandale.

M. Jacques-Corentin Royou, avocat et homme de lettres, est mort à Paris le 30 novembre, à l'âge d'environ quatre-vingts ans. Il étoit né à Quimper, et étoit frère de Thomas-Marie Royou, si connu sous le nom d'abbé Royou, qui fut un des rédacteurs de l'Année littéraire et du Journal de Monsieur, et qui fit paroître, de 1790 à 1792, l'Ami du Roi, journal où il combattoit la révolution, et qui cut un grand succès. L'abbé Royou mourut le 21 juin 1792. Son frère, Jacques-Corentin, coopéra aussi à la rédaction de l'Ami du Roi, et travailla, en 1796, aux journaux dits le Véridique et l'Invariable. Proscrit pour cela au 18 fructidor, il fut déporté à l'île de Rhé, et ne re

couvra sa liberté qu'après la chute du Directoire, si on en croit la Biographie des vivans; mais c'est sans doute une erreur, car il se fit recevoir avocat en 1798. Ce ne fut guère pour lui qu'un titre, et les lettres l'occupèrent spécialement. On a de lui un Précis de l'Histoire ancienne d'après Rollin, 1802, 4 vol. in-8°, réimprimé en 1811; une Histoire du Bas-Empire, 1803, 4 vol. in-8°, réimprimée en 1814; une Histoire romaine jusqu'à Auguste, 1806, 4 vol. in-8°, et une Histoire des empereurs, 1808, aussi en 4 vol. Ces abrégés, qui forment une suite, auroient pu être utiles si l'auteur s'y fut montré judicieux et impartial; mais l'Ami du Roi ne se piquoit pas d'être religieux, et, dans son Histoire du Bas Empire surtout, son ton et ses principes sont en opposition entière avec ceux du sage Lebeau qu'il abrégeoit. (Voyez, dans les Mélanges de philosophie, tome IV, page 389, un jugement sur cette Histoire.) Nous avons, dans ce journal, examiné son Histoire de France, et il y a trois articles sur ce sujet, nos 536, 1380 et 1485. Ce dernier ouvrage est écrit avec beaucoup de négligence, et l'auteur, qui étoit royaliste et très-opposé à la révolution, s'y montre néanmoins peu favorable à la religion et.au clergé. M. Royou a travaillé aussi pour le théâtre, et a donné deux tragédies, Phocion en 1817, et la Mort de César plus récemment, et il étoit censeur dramatique. Veuf depuis assez long-temps, il demeuroit avec sa belle-fille, veuve aussi. C'étoit un homme d'esprit et d'un commerce sûr, et on assure qu'il ne négligeoit pas entièrement les pratiques de religion. Nous savons qu'on a appelé un prêtre dans ses derniers momens; mais il paroît que l'état du malade ne lui a pas per mis de se confesser. Ses obsèques ont eu lieu le 2 décembre à Saint-Sulpice.

Institutiones philosophicæ, auctore S. Bouvier (1).

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La première édition de cette philosophie parut il y a quatre ans, et fut annoncée dans ce journal, no 1062, tome XLI. L'auteur est un ecclésiastique aussi laborieux que zélé pour l'instruction de la jeunesse et qui occupe une des premières places dans l'administration d'un grand diocèse. On lui doit plusieurs traités de théologie, qui ont été successivement annoncés dans ce journal. Il a cru qu'un cours de philosophie n'étoit pas moins nécessaire, et qu'un livre élémentaire en ce genre seroit un service rendu aux maîtres et aux disciples. Il n'est aucun professeur, dit-il, qui n'ait remarqué dans la Philosophie de Lyon beaucoup de lacunes à remplir et aussi beaucoup de choses qu'on peut omettre, ou qui ont besoin de corrections. M. l'abbé Bouvier a entrepris de rédiger un cours de philosophie adapté aux besoins du moment; il a laissé à l'écart des questions vaines et abstraites agitées autrefois dans les écoles, il s'est abstenu presque toujours de traiter les

(1) 3 vol. in - 12, prix, 6 fr. et 9 fr. franc de port. Au Mans, chez Monoyer, et à Paris, au bureau de ce journal.

opinions controversées, et n'a exposé que les systèmes les plus connus sans en soutenir aucun. S'il a en quelques endroits un peu étendu le cours de philosophic, il l'a resserré dans d'autres, et s'est arrêté sur des questions qui se sont élevées dans ces derniers temps, et qui ont été jugées nécessaires. Comme tout le monde aujourd'hui veut raisonner sur la politique, l'auteur a cru devoir exposer les principes généraux sur une si importante matière.

Des trois volumes dont se compose l'ouvrage, le premier est consacré à la logique, le second à la métaphysique, et le troisième à la morale. Dans le premier, l'auteur traite des idées, du jugement, des propositions du raisonnement, de la certitude et de ses motifs, du sens intime, de l'évidence, de la relation des sens, du témoignage des hommes, etc. Il montre que le consentement des hommes est un motif infaillible de certitude, quand il présente les conditions requises; mais il n'attaque point pour cela les autres motifs de certitude, et il fait voir même qu'ils peuvent servir de règle à nos jugemens.

Ce premier volume est terminé par nne dissertation en français sur le fondement de la certitude. M. l'abbé Bouvier rapporte les principales opinions des philosophes sur ce point, il expose le système de M. de La Mennais, et présente ses réflexions sur ce système et sur celui de Descartes. Il ne croit point la méthode de Descartes aussi dangereuse qu'on l'a prétendu dans ces derniers temps. Quant à son opinion sur le système de M. de La Mennais, elle ne lui est nullement favorable. Rien n'est plus ridicule, dit-il, que de mettre un fou en scène pour combattre le système de Descartes; accuser les cartésiens d'être ennemis du sens commun, c'est leur dire une injure, ce n'est pas les combattre.

On trouve, dit-il encore, dans ce que l'on a écrit depuis huit ans sur cette fameuse question, bien d'autres équivoques qui embrouillent la matière, et empêchent que l'esprit ne soit satisfait. La véritable difficulté entre les défenseurs de M. de La Mennais et ses adversaires consiste donc en ce que, selon les uns, nous pouvons avoir une certitude complète dans l'ordre naturel, en nous appuyant sur un ou plusieurs des motifs qu'on a coutume d'alléguer, savoir, le sens intime, l'évidence, la relation des sens, etc., tandis que, selon les autres, nul jugement de l'individu n'est entièrement certain, s'il n'est confirmé par l'autorité du genre humain, ou la plus grande autorité. Voilà ce que, d'un côté, on appelle la doctrine catholique, et ce que, de l'autre, on s'obstine à regarder comme un pur système. Il m'est impossible d'y voir autre chose, et après avoir beaucoup lu, long-temps réfléchi, et consulté un grand nombre de personnes de vive voix et par écrit à Paris, à Milan, à Rome et ailleurs, je le regarde toujours comme inutile, faux, plein de contradictions et même dangereux.

L'auteur motive son sentiment sur ces quatre points, et finit par citer la défense du général des Jésuites d'enseigner sept propositions qui sont comme la base du nouveau système. La défense est très authentique, quoi qu'on en ait dit. Nousa vons donné ailleurs le texte de ces propositions.

Dans le second volume, M. Bouvier traite de l'existence de Dieu et de ses attributs, et réfute les principales erreurs qui se sont élevées sur cette matière. Il parle ensuite de l'ame humaine et de ses principales prérogatives. Le troisième volume embrasse ce qui regarde les actes humains en général et en particulier, et nos devoirs envers Dieu, envers les autres et envers nous-mêmes. Il finit par ce qui regarde la société politique. L'auteur combat le contrat social de Rousseau, montre que l'autorité vient de Diea, et pose des principes fixes sur les caractères de l'autorité, sur ses droits, sur le pouvoir de faire des lois, sur la peine de mort, et sur d'autres questions qu'on agite aujourd'hui, et sur lesquelles on ne s'entend guère. L'auteur s'appuie sur Bossuet, Grotius et Puffendorff, et sur les articles de la Charte qu'il explique et commente.

Tel est cet ouvrage, qui est clair, précis, méthodique, et tout-àfait digne de la réputation et du zèle de l'auteur. Il paroîtra tel à tous ceux qui ne seront pas intéressés à en contester les principes. M. l'évêque du Mans l'a adopté pour son petit séminaire.

Le même auteur a publié aussi la seconde édition de son Traité du mariage (1). Ce Traité comprend 9 chapitres, dont le sujet est la uature du mariage, les fiançailles, la publication des bans, les empêchemens, le consentement des parens, celui des contractans, la présence du curé et des témoins, la révalidation des mariages nuls et les propriétés du mariage. L'auteur traite les principales questions qui se rattachent à ces différens points. Il discute le droit des princes de mettre des empêchemens dirimans, celui des évêques pour accorder les dispenses, la question de l'indissolubilité du mariage, etc. Ce Traité a été également approuvé par M. l'évêque du Mans pour son grand séminaire.

Les Antiquités de l'église saxone, par le docteur Lingard, traduites de l'anglais par A. Cumberworth (2).

Histoire du Christianisme au Japon, par Charlevoix. Nouvelle édition (3).

Nous rendrons compte de ces deux ouvrages, dont le premier intéressera par l'étendue des recherches, et le second par une foule de traits édifians et dignes des premiers siècles de l'Eglise.

(1) Un vol. in-18, prix, 2 fr. 50 cent. et 3 fr. 50 c. franc de port A Paris, au bureau de ce journal.

(2) In-8°, prix, 7 fr. 50 e. et 9 fr. 50 c. franc de port. A Paris, chez Mile Carié de la Charie, rue de l'Ecole de médecine, et au bureau de ce journal.

(3) 2 vol. in-8°, prix, 10 fr. et 13 fr. franc de port. A Paris et à Lyon, chez Rusand, et au bureau de ce journal.

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MERCREDI 17 décembre 1828.

(N° 1498.)

Sur l'ouvrage de M. Salvador.

Quelques journaux ont annoncé avec de grands éloges l'ouvrage d'un juif, M. Salvador. Cet ouvrage a pour titre : Histoire des institutions de Moïse et du peuple hebreu; il est en 3 vol. in-8°, et contient des recherches sur la législation hébraïque, sur l'administration de la justice, sur la politique, etc. L'auteur a partagé son travail en deux parties, l'une sur la politique, l'autre sur la philosophie. Il commence par une introduction où il parle de la civilisation avant Moïse, de la sortie d'Egypte et du voyage dans le désert. La partie politique renferme onze livres, dont tels sont les titres Théorie de la loi, Fonctions legislatives, Richesses, Justice, Rapports étrangers, Force publique, Famille, Morale, Santé publique, Culte considéré comme sauvegarde de la loi nationale, Résumé de la legislation. La seconde partie, de la philosophie, a cinq livres, dont les titres sont: Theosophie, Tableau physique, Traditions allégoriques et historiques des premiers temps, ramenées au règne de la lọi, Prophéties politiques de Moise et du Messie, Conclusion. Le tout est terminé par des notes justificatives. Le seul énoncé des titres montre que M. Salvador ne s'est point occupé directement de la religion; les mots de théosophie, de culte, de traditions allégoriques, de temps allégoriques, feroient même soupçonner que l'auteur a des opinions assez larges sur les croyances des juifs et sur la révélation faite à Moïse. Il y a chez les juifs comme chez les chrétiens des esprits superbes qui secouent le joug des anciennes doctrines, et qui n'envisagent la religion que sous les rapports humains et politiques. Seroit-ce pour cela que l'ouvrage de M. Salvador auroit été tant loué dans quelques journaux? L'un, après avoir donné une analyse de l'Histoire des institutions, ajoute :

<< On peut juger de l'intétêt extrême qui s'attache à la lecture de l'ouvrage entier. Son principal but a été de faire voir les secours mutuels que se prêtent l'histoire, la philosophie et la législation, pour L

Tome LVIII. L'Ami de la Religion et du Roi, j

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