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<< l'unanimité pour montrer que cette auguste enceinte Nov. 1791. « ne renferme que de bons Français, amis de la liberté

<<< et ennemis des despotes'. >>

l'assemblée auprès du roi.

Lorsque les longs applaudissements que ces paroles Démarche de excitèrent dans l'assemblée et dans les tribunes eurent cessé de retentir, on décréta par acclamation que le vœu d'Isnard serait accueilli, et le président, M. de Vaublanc, fut chargé de le notifier le même jour à Louis XVI. «< Sire, dit-il au roi, à peine l'assemblée nationale << a-t-elle porté ses regards sur la situation du royaume, << qu'elle s'est aperçue que les troubles qui l'agitent en«< core ont leur source dans les préparatifs criminels << des Français émigrés. Leur audace est soutenue par << des princes allemands, qui méconnaissent les traités << signés entre eux et la France... C'est à vous de tenir « aux puissances étrangères le langage qui convient au << roi des Français... Dites-leur que, si des princes d'Al

lemagne continuent de favoriser des préparatifs diri«< gés contre les Français, nous porterons chez eux, non « pas le fer et la flamme, mais la liberté. C'est à eux à «< calculer quelles peuvent être les suites du réveil des

<<< nations.

<«< Depuis deux ans que les Français patriotes sont per« sécutés près des frontières, et que les rebelles y trou<< vent des secours, quel ambassadeur a parlé comme << il le devait en votre nom?... Aucun.

« Si les Français chassés de leur patrie par la révo<<< cation de l'édit de Nantes s'étaient rassemblés en ar<«mes sur les frontières, s'ils avaient été protégés par

1 Séance du 29 novembre.

Déc. 1791. « les princes d'Allemagne, sire, nous vous le deman<< dons, quelle eût été la conduite de Louis XIV? Eût-il « souffert ces rassemblements? eût-il souffert les se<«< cours donnés par des princes qui, sous le nom d'alliés, se conduisent en ennemis ? Ce qu'il eût fait pour << son autorité, que Votre Majesté le fasse pour le salut « de l'empire... Votre intérêt, votre dignité, la gran<< deur de la nation outragée, tout vous prescrit un lan<< gage différent de celui de la diplomatie. La nation at<< tend de vous des déclarations énergiques... Qu'elles << soient telles, que les hordes des émigrés soient à l'in«<stant dissipées... »

Discours

de Louis XVI

Louis XVI répondit qu'il prendrait en grande considération le message de l'assemblée nationale. « J'obser

verai, ajouta M. de Vaublanc en rendant compte de sa << démarche, qu'il m'a paru, quand nous sommes en« trés, que le roi s'était incliné le premier; je me suis «< ensuite incliné vers lui. » Remarque empreinte d'une fierté puérile, mais qui chatouillait agréablement les vanités révolutionnaires.

Peu de jours après', le roi se rendit lui-même à l'asà l'assemblée. semblée pour y faire connaître ses résolutions. Elles

étaient conformes aux réclamations de l'opinion publique. Louis XVI annonçait qu'il avait invité l'électeur de Trèves à faire cesser, avant le 15 janvier, les rassemblements et les dispositions hostiles des émigrés, sous menace, en cas de refus, d'être désormais considéré comme un ennemi de la France. Il ajoutait que des déclarations analogues allaient être faites aux au

1 Séance du 14 décembre.

tres princes voisins, et qu'elles seraient au besoin ap- Déc. 1791. puyées par les mesures militaires les plus propres à faire respecter la volonté de la France. Faisant ensuite appel au concours de l'assemblée nationale, le roi disait, avec une sorte d'effusion de cœur: « Il est temps <«<< de montrer aux nations étrangères que le peuple <«< français, ses représentants et son roi ne font qu'un. <«< (Applaudissements unanimes.) Pour moi, c'est vaine<<ment qu'on chercherait à environner de dégoûts <«< l'exercice de l'autorité qui m'est confiée. Je le dé«< clare devant la France entière, rien ne pourra lasser << ma persévérance ni ralentir mes efforts. Il ne tien<< dra pas à moi que la loi ne devienne l'appui des ci<< toyens et l'effroi des perturbateurs. Je conserverai «< fidèlement le dépôt de la constitution, et aucune con<< sidération ne pourra me déterminer à souffrir qu'il y << soit porté atteinte... Ceux qui observent la marche du «<< gouvernement avec un œil attentif, mais sans mal«<veillance, doivent reconnaître que jamais je ne m'é>> carte de la ligne constitutionnelle, et que je sens pro« fondément qu'il est beau d'être roi d'un peuple <<< libre. >>>

ressources

fin de 1791.

Ces paroles soulevèrent dans l'assemblée les accla- État des mations les plus vives, et le cri antique de la monar-militaires à la chie se fit encore entendre; mais la Gironde et le parti républicain, après ce premier moment d'émotion, ne devaient pas tarder à préparer, les uns, l'avilissement du trône à leur profit; les autres, sa ruine.

M. de Narbonne, chargé du portefeuille de la guerre, rendit compte à l'assemblée des mesures que le gouvernement avait prises pour assurer la défense du

Dec. 1791. royaume. Il annonça que trois armées alliées étaient organisées et dirigées sur la frontière, et que le roi en avait confié le commandement aux généraux Rochambeau, Luckner et la Fayette; réclamant, en faveur des deux premiers, le haut grade de maréchal de France, qu'il obtint du consentement de l'assemblée. Il se rendit ensuite sur la frontière, et inspecta par lui-même les régiments, les arsenaux et les places fortes. Malgré les vides laissés dans l'armée par l'exil volontaire des officiers et de la noblesse, et nonobstant le fâcheux résultat de l'insubordination et des révoltes successives des principaux corps, l'exemple des sous-officiers, l'empire des traditions et de la discipline, avaient conservé assez d'influence pour maintenir l'armée sur un pied encore respectable. D'après le rapport du comité militaire, les frontières étaient dans un bon état de défense sur toute la ligne qui s'étend de Dunkerque à Huningue; l'effectif des hommes de guerre s'élevait à cent trente mille soldats, tant de troupes de ligne que de garde nationale; les bouches à feu étaient au nombre de onze mille, sans compter celles de la marine; les magasins contenaient dix-huit millions de livres de poudre et deux cent cinquante mille fusils; l'artillerie comprenait trente-six mille hommes. La marine, si formidable il y avait à peine deux ans, avait été plus particulièrement affaiblie et désorganisée par l'émigration; elle se trouvait dans l'impossibilité de lutter avec avantage en pleine mer et d'assurer efficacement la garde des côtes.

Le 17 décembre, un décret autorisa l'émission de deux cents millions d'assignats. Le total, jusqu'à ce

jour, s'élevait à seize cents millions; mais l'assemblée Déc. 1791 avait promis à M. de Narbonne qu'elle ne marchanderait pas pour la liberté de la France.

Un décret dissout le

feuillants.

Vers la fin du mois, le club des feuillants, centre d'action et de conseil du parti constitutionnel, fut dis- club des sous par un décret de l'assemblée. Ainsi les opinions modérées ne trouvaient aucun abri contre les déclamations des jacobins et les menaces de la multitude. Cette mesure fut adoptée à la suite de quelques scènes de désordre suscitées, autour de la salle des feuillants, par leurs propres ennemis. En vain ils réclamèrent la protection de la loi : le maire Péthion, après avoir hésité entre la loi et le peuple, finit par sacrifier les feuillants à cette popularité dont il était esclave. Quelques passages extraits de l'Ami du Roi, feuille du temps, dont le titre indique suffisamment la couleur, permettront d'apprécier la portée de cet incident. En dépit de la familiarité moqueuse du style, ces détails ne seront pas entièrement indignes de l'histoire, puisqu'ils serviront à faire connaître l'état des partis.

jacobins et

des

feuillants.

« La meute des jacobins semble avoir quitté la piste Lutte des des aristocrates pour se jeter à la poursuite d'un autre gibier. Elle donne maintenant la chasse aux feuillants. On a remarqué que la haine des sectes rivales s'augmente en raison de l'efficacité et de la liaison qui devrait les réunir. Les partisans d'Abubeker et les sectateurs d'Ali, quoique tous musulmans et adorateurs de Mahomet, se détestent cependant beaucoup plus entre eux qu'ils ne haïssent les chrétiens. Les jacobins et les feuillants militent sous les mêmes étendards de la liberté; ils se disent tous également amis de la consti

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