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homme armé d'un roseau en guise de sceptre : Règne Sept. 1792. sur ce chaos, et commande à cette vaste anarchie. C'était donc, il faut bien le dire, une déception sans égale et sans exemple; et peu de jours devaient suffire pour en démontrer l'abus. Toute l'histoire de l'assemblée législative est résumée en ces lignes.

Cette assemblée, à son début, voulait sincèrement maintenir la constitution; elle en avait fait son évangile; mais ce code inapplicable périt entre ses mains, inhabiles à le garder : elle se passionnait pour la liberté, pourvu que le bienfait de la liberté ne fût jamais le partage de ses ennemis; elle invoquait le grand nom de la tolérance religieuse, et la nécessité du schisme dans lequel elle s'était engagée la rendit violente et persécutrice; elle ne voulait point de révolution républicaine, et elle n'épargna rien de ce qui pouvait abaisser ou amoindrir encore le pouvoir et la personne de Louis XVI, considérant comme révolte le simple exercice de la prérogative royale, quand il gènait ses décrets. Elle amnistia les crimes d'Avignon ; elle laissa faire les attentats du 20 juin; elle subit, malgré elle, ceux du 10 août : pour tout dire, elle existait pendant les massacres de septembre, et personne dans ses rangs n'osa retenir le fer des bourreaux.

séance

de la convention.

La convention nationale, qui lui succéda dans la Première journée du 21 septembre, se montra du moins douée de plus de franchise et de plus d'énergie; elle eut l'audace de ses passions, sans chercher à les dissimuler sous un masque d'hypocrisie; elle accepta la révolution et osa lui servir d'instrument, sans reculer devant la conséquence de ses propres idées.

RÉVOL. FRANC. ASS. LÉGISLAT.

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Sept. 1792.

La nouvelle assemblée après avoir vérifié les pouvoirs de ses membres, et constaté la présence d'un nombre de députés plus que suffisant pour pouvoir former une convention, rendit un décret par lequel elle se déclarait constituée : Péthion réunit la presque totalité des suffrages pour la présidence; Condorcet, Brissot, Rabaut Saint-Étienne, Lasource, Vergniaud et Camus, furent élus secrétaires.

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Manuel demanda la parole après avoir rappelé l'exemple du sénat de Rome, que Cinéas prit pour une assemblée de rois, il émit le vœu que le président de la convention fût logé dans le palais des Tuileries, entouré des attributs de la force et de la loi, et qu'à son entrée dans la salle tout le monde se tînt debout, en signe de respect. Cette étrange proposition, qui avait pour but d'introniser la bourgeoisie, fut énergiquement combattue par Chabot et Tallien : « Non, s'écria le premier, il n'y aura point de président de la France. Vous ne pouvez rechercher d'autre dignité que de vous mêler avec les sans-culottes, qui composent la majorité de la nation. C'est en vous assimilant à vos concitoyens que vous acquerrez la dignité nécessaire pour faire respecter vos décrets. » - « Ce n'est pas sans étonnement, dit à son tour Tallien, que j'entends discuter ici sur un cérémonial. Il ne peut pas être mis en question si, lors de ses fonctions, le président de la convention aura une représentation particulière. Hors de cette salle, il est simple citoyen. Si on veut lui parler, on ira le chercher au troisième, au cinquième : c'est là où loge la vertu. Je demande la question préalable sur la proposition du citoyen Manuel; elle est indigne Cette appellation commençait à être seule en usage.

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des représentants du peuple, et ne doit jamais être re- Sept. 1792. produite.» La proposition de Manuel fut unanime

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Les deux propositions suivantes furent ensuite suc¿cessivement mises aux voix et adoptées :

<«< La convention nationale déclare qu'il ne peut y <<< avoir de constitution que lorsqu'elle est adoptée par « le peuple.

<< La convention nationale déclare que la sûreté des << personnes et des propriétés est sous la sauvegarde <<<< de la nation.» Cette seconde motion avait été faite par Danton.

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Cependant on allait lever la séance, lorsque le député Collot-d'Herbois, exalté jacobin, dont le nom a déjà plusieurs fois figuré dans ce récit, réclama avec instance la parole.

« Il est, dit-il, une délibération que vous ne pouvez <«<< remettre à demain, que vous ne pouvez remettre « à ce soir, que vous ne pouvez différer un seul in«stant sans être infidèles au vou de la nation : c'est « l'abolition de la royauté. » Des applaudissements unanimes s'élevèrent; mais le député Quinette demanda l'ordre du jour, sous prétexte que la question ne pouvait être jugée que par le peuple lui-même. Grégoire monta alors à la tribune, et s'écria : « Certes, << personne de nous ne proposera de conserver en <«<< France la race funeste des rois; nous savons trop <<< bien que toutes les dynasties n'ont été que des races <«< dévorantes qui ne vivaient que de chair humaine. << Mais il faut pleinement rassurer les amis de la li«berté; il faut détruire ce talisman dont la force ma

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Sept. 1792. «gique serait propre à stupéfier encore bien des <«< hommes. Je demande donc que, par une loi solen<«<nelle, vous consacriez l'abolition de la royauté. » Et comme, malgré les acclamations de l'assemblée, Bazire insistait pour qu'on délibérât dans les formes accoutumées, Grégoire reprit avec une énergie sau

vage:

« Qu'est-il besoin de discuter, quand tout le monde << est d'accord? Les rois sont dans l'ordre moral ce que « les monstres sont dans l'ordre physique. Les cours « sont l'atelier des crimes et la tanière des tyrans. <«< L'histoire des rois est le martyrologe des nations. Je << demande que ma proposition soit mise aux voix... >>

La discussion ayant été fermée, il se fit un profond silence; et bientôt le président prononça, au nom de l'assemblée, la déclaration suivante :

<< LA CONVENTION NATIONALE DÉCRÈTE QUE LA ROYAUTÉ

EST ABOLIE EN FRANCE. >>

FIN DE L'HISTOIRE DE L'ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE.

PIÈCES COMPLÉMENTAIRES.

Nous donnons ici le texte de la constitution civile du clergé votée par l'assemblée constituante, et qui, sous l'assemblée législative, fut le point de départ des persécutions dirigées contre l'Église de France.

DÉCRET SUR LA CONSTITUTION Civile du CLERGÉ ET LA FIXATION
DE SON TRAITEMENT.

L'assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité ecclésiastique, a décrété et décrète ce qui suit, comme articles constitutionnels.

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Art. I. Chaque département formera un seul diocèse, et chaque diocèse aura la même étendue et les mêmes limites que le département. II. Les siéges des évêchés des quatre vingt-trois départements du royaume seront fixés, savoir :

Celui du département de la Seine-Inférieure, à Rouen; du Calvados, à Bayeux; de la Manche, à Coutances; de l'Orne, à Séez; de l'Eure, à Évreux; de l'Oise, à Beauvais ; de la Somme, à Amiens ; du Pas-de-Calais, à Saint-Omer; de la Marne, à Reims; de la Meuse, à Verdun; de la Meurthe, à Nancy; de la Moselle, à Metz; des Ardennes, à Sedan; de l'Aisne, à Soissons; du Nord, à Cambrai ; du Doubs, à Besançon; du Haut-Rhin, à Colmar; du Bas-Rhin, à Strasbourg; des Vosges, à Saint-Diez; de la Haute-Saône, à Vesoul; de la Haute-Marne, à Langres; de la Côte-d'Or, à Dijon; du Jura, à Saint-Claude; d'Ille-et-Vilaine, à Rennes; des Côtesdu-Nord, à Saint-Brieuc; du Finistère, à Quimper; du Morbihan, à Vannes; de la Loire-Inférieure, à Nantes; de Maine-et-Loire, à Angers; de la Sarthe, au Mans; de la Mayenne, à Laval; de Paris, à Paris; de Seine-et

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