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Sept. 1792. « de son brûlant civisme. A cette nouvelle, les clameurs <«< publiques, élevées de toutes parts, ont fait sentir à <«< l'assemblée nationale la nécessité urgente de s'unir « au peuple, et de rendre à la commune, par le rap<< port du décret de destitution, les pouvoirs dont il l'a<<< vait investie.

« Fière de jouir de la plénitude de la confiance na«<tionale, qu'elle s'efforcera toujours de mériter de « plus en plus; placée au foyer de toutes les conspira«tions, et déterminée de s'immoler pour le salut pu«blic, elle ne se glorifiera d'avoir pleinement rempli « ses devoirs que lorsqu'elle aura obtenu votre ap<< probation, objet de tous ses vœux, et dont elle ne « sera certaine qu'après que tous les départements au<«<ront sanctionné ses mesures pour sauver la chose pu<< blique.

« Professant les principes de la plus parfaite égalité, << n'ambitionnant d'autres priviléges que celui de se << présenter la première à la brèche, elle s'empressera <<< de se remettre au niveau de la commune la moins nom« breuse de l'État, dès l'instant que la patrie n'aura << plus rien à redouter des nuées de satellites féroces qui << s'avancent contre la capitale.

<< La commune de Paris se hâte d'informer ses frères << de tous les départements qu'une partie des conspira«teurs féroces détenus dans les prisons a été mise à << mort par le peuple; actes de justice qui lui ont paru <«< indispensables pour retenir par la terreur ces légions <«< de traîtres cachés dans ses murs, au moment où il <<< allait marcher à l'ennemi: et sans doute la nation <«< entière, après la longue suite de trahisons qui l'ont

«< conduite sur les bords de l'abîme, s'empressera d'a- Sept. 1792. dopter ce moyen si nécessaire de salut public, et tous « les Français s'écrieront, comme les Parisiens: Nous «< marchons à l'ennemi; mais nous ne laisserons pas « derrière nous des brigands pour égorger nos enfants et « nos femmes.

« Frères et amis, nous attendons qu'une partie d'en«<tre vous va voler à notre secours, et nous aider à re« pousser les légions innombrables de satellites des << despotes conjurés à la perte des Français. Nous allons << ensemble sauver la patrie, et nous vous devrons la << gloire de l'avoir retirée de l'abîme.

« Les administrateurs du comité de salut public et << les administrateurs adjoints réunis.

« Signé PIERRE DUPLAIN, PANIS, SERGENT, LENFANT, « JourDEUIL, MARAT, l'ami du peuple; DEFORGUES, << LECLERC, DUFORT, CALLY, constitués par la com«mune et séants à la mairie. »

Massacres

dans

quelques

Cette proclamation sanguinaire amena des excès et des assassinats sur divers points de la France. A Reims, on massacra huit prisonniers, tant prêtres que laïques; de France. à Meaux, une bande d'énergumènes, qu'on supposa venue de Paris, égorgea quatorze personnes, parmi lesquelles figuraient sept prêtres; à Lyon, les prisons furent menacées, mais la garde nationale prit les armes, et, par son intervention, le nombre des victimes, qui allait s'élever à deux cents, fut restreint à onze personnes, dont huit officiers et trois prêtres; à Orléans, trois individus furent massacrés; à Gisors, dans le département de l'Eure, le duc de la Rochefoucauld de la

Sept. 1792. Roche-Guyon, arrêté par l'ordre de la commune, sur la recommandation du philosophe Condorcet, fut tué d'un coup de pavé qui lui fut lancé par un brigand.

Affreux massacres commis

à Versailles.

La ville de Versailles eut le malheur d'être le théâtre d'un vaste massacre; ce fut là que périrent, dans la journée du 9 septembre, la plupart des prisonniers qui avaient été traduits devant la haute cour criminelle d'Orléans.

Dans les derniers jours d'août, une bande de Marseillais, commandée par le Polonais Lajowski, s'était mise en marche pour aller à Orléans soustraire ces prévenus à la justice, qu'on accusait d'être trop lente, et pour les conduire dans les prisons de Paris, où sans doute les attendait la mort. L'ordre de les transférer avait été donné par Danton, et il suffirait seul pour attester que les massacres de Paris furent avec soin préparés et prémédités. Le ministre Roland, qui sentait le danger de cette translation, en retardait l'exécution, et demandait que les prisonniers fussent dirigés sur Saumur : il fallut céder. Tout ce que put Roland en faveur des nouvelles victimes fut d'inviter la municipalité de Versailles à ne rien épargner pour assurer leur salut. Cependant les prisonniers étaient déjà partis d'Orléans, escortés d'environ quinze cents hommes que commandait Fournier l'Américain.

La municipalité de Versailles avait inutilement essayé de leur tracer un itinéraire qui les écartait de cette ville; elle mandait : « Depuis plusieurs jours, des hommes pervers cherchent, par des inspirations perfides, à égarer le civisme de cinq à six mille volontaires arrivés à Versailles, et à les porter à des exécutions sanglantes.>>

Vers deux heures après midi, les prisonniers et leur Sept. 1792. escorte entrèrent à Versailles, et traversèrent plusieurs rues au milieu des huées menaçantes de la foule; le danger devint plus sérieux lorsqu'ils furent arrivés près de l'Orangerie. Là, les imprécations du peuple redoublèrent et prirent un caractère sinistre. Le maire de Versailles fit de courageux efforts pour désarmer la rage des assassins. Bravant les piques de la multitude, il se précipita entre elle et les prisonniers, suppliant ses concitoyens de ne point se déshonorer par un lâche attentat commis contre des hommes d'autant plus sacrés à ses yeux, qu'ils appartenaient à la loi et à la justice. La foule ne répondit que par des cris de mort.

Alors le maire donna l'ordre de faire avancer les voitures; il se jeta de nouveau entre les assassins et leurs victimes, cherchant à faire à celles-ci un rempart de son corps. Mais le peuple lui disait : « Livrez-nous au moins << Brissac et de Lessart, nous vous laisserons amener « les autres; autrement ils périront tôt ou tard; nous << irons à la Ménagerie si nous les laissions aller, on les sauverait encore. » La multitude ferma ensuite la grille de l'Orangerie, de sorte que l'avant-garde se trouva séparée du reste de l'escorte. Le maire fit ouvrir la porte, et, malgré les clameurs des brigands,, se plaça entre les deux battants, cherchant encore, mais sans espoir, à contenir la fureur populaire.

En une demi-heure le massacre fut consommé, et le pavé de Versailles couvert de sang et de membres épars. Dans cette funèbre journée périrent le duc de Brissac, l'ancien ministre, M. de Lessart, le juge de paix Larivière, M. de Malvoisin, M. d'Ablancourt, trois offi

Sept. 1792, ciers du nom d'Adhémar, et enfin quarante de leurs compagnons cruellement égorgés. L'un d'eux, M. de Castellane, évêque de Mende, déjà frappé à mort, s'était relevé pour absoudre les mourants; un coup de sabre mutila sa main au moment où il prononçait les paroles saintes. Quelques heures après, les têtes des victimes, plantées sur les grilles du palais de Versailles, étaient exposées aux regards de la multitude. Le peuple, dans ses jours de délire et de tyrannie, jouit de ses vengeances comme les sultans de l'Asie; il décore ses promenades en étalant des têtes coupées. Cinq prisonniers échappèrent à cette boucherie; mais, en revanche, les brigands se ruèrent sur les prisons, et mirent à mort vingt-trois détenus accusés ou condamnés à la suite de crimes vulgaires.

Supplice

de Cazotte.

Vols et pil

lages. Vol

meuble.

Peu de jours après, l'infortuné Cazotte, que le dévouement de sa généreuse fille avait arraché aux assassins, fut envoyé à l'échafaud par des juges. Avant de recevoir le coup fatal, ce vénérable vieillard s'applaudit de mourir comme il avait vécu, fidèle à son Dieu et à son roi. Ajoutons que l'opinion publique, vivement émue, commençait à flétrir tant de crimes; mais aucun des partis qui se disputaient le pouvoir n'eut la force de les punir, et les factions se bornèrent à s'en renvoyer mutuellement la responsabilité et la honte.

Les hommes de proie se traînent à la suite des homdu garde mes de sang: après le massacre vint le vol. Des hordest de bandits, profitant de la stupeur qui régnait dans la capitale et de l'absence de toute police, eurent l'étrange audace de parcourir les quartiers les plus fréquentés et les halles, et d'enlever, en plein jour, aux hommes

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