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Oct. 1791. « tères, entendre la parole de Dieu et chanter les <«<louanges du Seigneur. Dans les persécutions dont l'Église fut affligée, forcés d'abandonner leurs basi<«< liques, on en vit se retirer dans les cavernes et jusque << dans les tombeaux; et ces temps d'épreuve furent << pour les vrais fidèles l'époque de la plus grande fer

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Le rapport faisait ensuite connaître que les instructions épiscopales avaient été suivies, et que dans tout le diocèse la résistance calme, patiente, mais tenace, du clergé orthodoxe avait contrarié ou paralysé l'installation du clergé constitutionnel et de son évêque apostat, le nommé Rodriguez. Il ajoutait que les municipalités, ne pouvant venir à bout de ces embarras, s'étaient généralement désorganisées, et le plus grand nombre d'entre elles pour ne pas concourir au déplacement des curés non assermentés; que les gardes nationales de cette portion du royaume étaient presque volontairement dissoutes, et que celles dont les cadres subsistaient encore ne pourraient être employées sans danger dans tous les mouvements qui auraient pour principe ou pour objet des actes concernant la religion, parce que le peuple verrait alors dans les gardes nationales, non les instruments impassibles de la loi, mais les agents d'un parti contraire.

<< Rien n'est plus commun, ajoutaient les auteurs du << rapport, que de voir, dans les paroisses de cinq à six « cents personnes, dix ou douze seulement aller à la «< messe du prêtre assermenté; la proportion est la << même dans tous les lieux du département. Les jours << de dimanche et de fête, on voit des villages et des

<< bourgs entiers dont les habitants désertent leurs Oct. 1791. « foyers pour aller à une et quelquefois deux lieues en<<< tendre la messe d'un prêtre non assermenté... Mal<< heureusement cette division religieuse a produit une << séparation politique entre les citoyens... Le très-petit << nombre des personnes qui vont dans l'église des prê<< tres assermentés s'appellent et sont appelés patrio« tes; ceux qui vont dans l'église des prêtres non as<< sermentés sont appelés et s'appellent aristocratés.

Ainsi, pour ces pauvres habitants des campagnes, <«< l'amour ou la haine de leur patrie consiste aujour«< d'hui, non point à obéir aux lois, à respecter les au<< torités légitimes, mais à aller ou à ne pas aller à la << messe du prêtre assermenté. »

Retenons ces aveux des persécuteurs, ils aideront aussi à comprendre la pensée et le but de ces croisades de paysans dont nous aurons bientôt à tracer le récit. Le département des Deux-Sèvres offrait d'ailleurs un pareil spectacle partout nous y verrons, aussi bien que dans la Vendée, le peuple accepter avec soumission le nouvel ordre de choses politiques, tant qu'on ne touchait ni à ses croyances ni à ses prêtres : « Il est un << autre point sur lequel tous les habitants des campa<< gnes se réunissaient : c'est la liberté des opinions re« ligieuses, qu'on leur avait, disaient-ils, accordée, et <«< dont ils désiraient jouir... Les campagnes voisines << nous envoyèrent de nombreuses députations de leurs << habitants pour nous réitérer la même prière. Nous ne <«<< sollicitons d'autre grâce, nous disaient-ils unanime«< ment, que d'avoir des prêtres en qui nous ayons con<< fiance. Plusieurs d'entre eux attachaient même un si

Oct. 1791. « grand prix à cette faveur, qu'ils nous assuraient qu'ils << payeraient volontiers, pour l'obtenir, le double de <«<leur imposition. »

Discussion.

- Opinion de

Les deux commissaires, quel que fût d'ailleurs leur engouement philosophique, n'avaient pu voir de près de semblables manifestations se produire sans en pressentir la gravité et la portée; ils terminèrent leur rapport par des conseils timidement exprimés en faveur d'un système de concessions ou d'attermoiements.

Tel ne fut point l'avis de Fauchet, évêque intrus du Fauchet. Calvados, lorsqu'il eut à parler sur ces conclusions, et à discuter en face de l'assemblée les mesures à prendre pour réduire le clergé fidèle à l'impuissance et à la terreur. Avec cette exagération que les hommes sérieusement convaincus abandonnent aux apostats, Fauchet tonna contre le fanatisme des prêtres réfractaires, dont pourtant le seul crime était de solliciter une part dans la liberté de conscience promise à tous; il n'eut aucune pudeur de les appeler « des restes de prêtres effrénés «<et affamés; » d'inviter l'assemblée à les priver de toute espèce de traitement ou de secours, afin de les contraindre << à embrasser une utile profession pour << vivre, à devenir des commerçants et des agricul<< teurs. » Il osa formuler l'espérance infâme «< que la <«<< faim chasserait bientôt ces loups dévorants d'une <«< bergerie où ils ne trouveraient plus de pâture. » Puis, ne reculant devant aucune expression basse ou ignoble, il tourna en ridicule les paysans fidèles qui boursillaient pour les réfractaires, cette vermine de la couronne, dont, sans doute, le roi lui-même ne tarderait pas à se débarrasser. En finissant, Fauchet de

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manda qu'après avoir décrété l'abolition des pensions Nov. 1791. payées aux prêtres non assermentés, l'assemblée prononçât la peine de cinq ans de gêne contre ceux d'entre eux qui exciteraient des troubles; et l'on sait que ce reproche vague d'excitation au trouble pouvait facilement être appliqué à tout curé ou religieux orthodoxe qui continuerait à célébrer en public les saints mystères et à conseiller aux fidèles d'obéir plutôt à Dieu qu'aux hommes.

Le discours de Fauchet, vivement applaudi par le côté gauche et les jacobins, parut au reste de l'assemblée empreint d'un caractère d'intolérance et de dureté dont tous les partis ne voulaient pas rendre la révolution complice. Le jeune Ducos, député de la Gironde, demanda qu'en vertu du principe de la liberté religieuse les communes fussent libres de choisir pour curés et vicaires des prêtres non assermentés, à la condition qu'elles seraient tenues de les payer et de supporter tous les frais du culte. Cette opinion rencontra quelque faveur dans l'assemblée : la discussion occupa plusieurs séances; mais, les doutes de la majorité n'ayant pu être suffisamment éclairés, la question fut renvoyée à l'examen du comité de législation, et portée de nouveau à la tribune dans la séance du 14 novembre.

d'Isnard.

Ce jour-là Isnard, qui cherchait à étonner, par la Discours véhémence de sa parole, ceux que la vulgarité de ses pensées aurait laissés froids et assoupis, eut le triste honneur de surexciter les passions haineuses. Il osa proposer à l'assemblée de prononcer contre les prêtres réfractaires la peine du bannissement, et, pour em

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Nov. 1791. prunter ses expressions odieuses, de renvoyer ces pestiférés dans les lazarets de Rome et de l'Italie. « Ne crai«< gnez pas, s'écria-t-il ensuite, d'augmenter la force « de l'armée des émigrants; car chacun sait qu'en gé«< néral le prêtre est aussi lâche qu'il est vindicatif... « Les foudres de Rome s'éteindront sous le bouclier de « la liberté... Le moyen que je propose est dicté par la << politique votre politique doit tendre à forcer la vic« toire à se décider, et vous ne pourrez y parvenir qu'en << provoquant contre tous les coupables la rigueur de la «<loi. Vous les ramènerez par la crainte ou vous les << soumettrez par le glaive... Lorsque ces moyens sont << employés par le corps entier de la nation, ils ne sont << pas coupables; ils sont un grand acte de justice, et « les législateurs qui ne les emploient pas sont eux<< mêmes coupables... Il faut couper la partie gangre<«< née pour sauver le reste du corps. Lorsqu'on veut << vous conduire à l'indulgence, on vous tend un grand « piége... »

«

Deux ans ne se seraient pas écoulés, et celui qui prononçait ces cruelles paroles allait subir à son tour la loi impitoyable qu'il invoquait contre des innocents; à son tour aussi il allait appartenir à une opinion vaincue, et il devait être proscrit contre les principes et le droit, au nom du salut de la révolution, arme indéfiniment meurtrière, ressource vague, mais terrible, à l'usage de tous les pouvoirs violents. Alors peut-être, en se sentant placé sous le coup des proscriptions, il apprendrait à en connaître l'iniquité, et il éprouverait le remords ce châtiment était aussi réservé à ses complices.

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