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<«< villes quelconques qui ne se seront pas opposés à << leur passage et n'auront pas arrêté leur marche, su<«< biront le même sort qui aura été infligé à la ville << de Paris; et la route qui aurait été suivie par les <«<< ravisseurs du roi et de la famille royale sera marquée << par une continuité d'exemples des châtiments dus à << tous les fauteurs ainsi qu'aux auteurs d'attentats irré<<< missibles.

<< Tous les habitants de la France en général doi<< vent se tenir pour avertis du danger qui les menace, <«<et auquel ils ne sauraient échapper s'ils ne s'op<< posent de toutes leurs forces et par tous les moyens <«< au passage du roi et de la famille royale, en quelque «< lieu que les factieux tenteraient de les emmener. »

Août 1792.

par ce

L'effet produit par ces menaces fut d'exaspérer la Effet produit révolution, et de rallier beaucoup de ceux qui abhor- manifeste. raient ses excès, sinon à la cause du jacobinisme, du moins à celle de l'indépendance du territoire et de la dignité du pays. La révolution, ainsi attaquée et bravée, comprit qu'elle n'avait à espérer de salut que dans la victoire ou dans la mort; et plus le danger qu'on lui proposait était inévitable, plus on la poussait à tout oser. Au reste, il n'est pas inutile à l'histoire de dire que la déclaration dont le duc de Brunswick acceptait la responsabilité n'émanait pas de ce prince. Le duc de Brunswick était un homme de mœurs douces, partisan modéré des idées nouvelles, et fort peu disposé par caractère à irriter un peuple qui redoutait jusqu'à l'ombre du déshonneur. La première rédaction de ce manifeste était l'œuvre de deux émigrés français, le marquis de Limon et M. de Calonne; elle avait en

Août 1792. suite été revue et modifiée, dans un sens fort adouci, par l'empereur et le roi de Prusse, auxquels on l'avait soumise; enfin, le conseiller intime Reufner y ayant mis la dernière main, le duc de Brunswick n'avait consenti à la signer qu'à son corps défendant.

Déclaration des princes du sang

émigrés.

De leur côté, les frères du roi et les autres princes du sang, campés à Trèves, crurent devoir, tant en leur nom personnel qu'au nom de la noblesse émigrée, adresser à la France et à l'Europe une déclaration solennelle; il y était dit :

« Les princes frères de sa majesté Très-Chrétienne, « les princes de son sang, unis à eux, la valeureuse <«< noblesse qui marche à leur suite, et l'élite de la na<< tion qui est venue se ranger sous leurs drapeaux, ne « peuvent se joindre à des armées étrangères contre << leur patrie, sans lui rendre compte, et à l'Europe, de << leurs motifs, sans manifester leurs sentiments, sans << faire connaître l'intention qui les guide.

Lorsque nous prîmes la résolution de sortir du <«< royaume, ce fut moins pour mettre nos jours en sû« reté que pour sauver ceux du roi, en rendant in« fructueuse la scélératesse qui les menaçait, et pour <«< solliciter en sa faveur des secours que sa position ne <«< lui permettait pas de réclamer lui-même.

<«<Lorsque aujourd'hui nous nous disposons à y ren<<< trer, c'est avec la satisfaction d'avoir rempli ces deux grandes vues, et d'être à la veille de jouir de leur <<< succès.

<< Notre expatriation est devenue la sauvegarde de « sa majesté. Notre retour annonce sa prochaine libé<<< ration et celle de ses peuples.

« L'une, effet de la violence, en a prévenu les der- Août 1792. << niers excès;

« L'autre, protégée par les plus grandes forces, fait pâlir à leur approche la faction criminelle à qui la << Providence a inspiré de les provoquer. »

Ici les princes retraçaient les événements qui depuis trois ans s'étaient accomplis en France, les attentats commis au nom de la liberté, les violences exercées contre la personne et la famille du roi, les excès impunis du crime et de l'anarchie se reproduisant chaque jour, les persécutions tyranniques dirigées contre la religion et ses ministres, l'athéisme et l'immoralité marchant la tête haute. Ils continuaient en ces termes :

« Les progrès de cette frénésie ont averti les sou<< verains qu'il était temps de réunir leurs forces pour << détruire la contagion dans son foyer, ramener par << la force ceux qui n'entendent plus la voix de la rai<«<son, et frapper d'une terreur salutaire ceux qu'un << délire inconcevable rend insensibles aux calamités << qu'ils éprouvent.

<< Qui pourrait n'être pas touché de voir ce beau << royaume naguère si florissant, et à qui la nature a

prodigué tant de moyens de l'être; ce royaume si <«< riche en population, si fertile en productions, et «< qu'on a vu si abondant en numéraire, si opulent par << les ressources de son commerce, par l'industrie de << ses habitants, par les avantages de ses colonies; ce << royaume pourvu de tant d'établissements utiles, et « dont l'heureux séjour était généralement recherché, <«< ne présenter aujourd'hui que l'aspect d'une terre <«< barbare livrée au brigandage, couverte de ruines

ensanglantées, et abandonnée par ses principaux habitants; qu'un empire désorganisé, déchiré par des << dissensions intestines, dépouillé de toutes ses ri« chesses, menacé de tous les genres de disette, énervé « par trois ans de désordre, et prêt à se dissoudre par « l'anarchie; qu'une nation sans mœurs, sans police, « sans gouvernement, aussi méconnaissable dans son a caractère moral que dans son état politique, et n'ayant « plus ni circulation d'argent, ni revenu public, ni « crédit, ni commerce, ni justice, ni aucuns ressorts « de la force publique? Le crime a tout moissonné. »

Après avoir exposé ce sombre tableau de la révolution française, vue d'un seul côté, les princes entraient dans le détail des calamités publiques, puis ils s'écriaient :

« Acheter la liberté au prix de tant de pertes, de << tant de malheurs, ce serait sans doute la payer bien <«< chèrement; mais quelle liberté !... peut-il donc y en << avoir sans autorité protectrice? Et le peuple, à qui << l'on exalte avec emphase sa liberté, et même sa sou« veraineté, fut-il en aucun temps moins libre, moins << maître de ses actions? Les individus furent-ils jamais << moins sûrs de conserver leur fortune, leur vie, leur << honneur? Vit-on, sous les Néron mêmes, autant de « délations, autant de recherches inquisitoriales, au<< tant d'entraves oppressives, autant de violations

d'asiles, autant de massacres de citoyens? Trente <«< mille assassinats qui ont signalé le règne des tyrans « démagogues, sont-ce là les caractères du règne de la « liberté?

«< 0 Français trop crédules! ô patrie trop malheu

<< reuse! Quand nous voulons abolir le principe des Août 1792. <«< fléaux qui vous accablent; quand nous marchons <«< contre la faction criminelle qui les a produits; quand «< nous unissons nos vœux aux forces des puissances dont « nous avons imploré les secours contre vos tyranni«ques oppresseurs, pouvez-vous nous regarder comme << vos ennemis? Non, non; ne voyez en nous que des <«< compatriotes qui veulent être vos libérateurs. Les <«<< deux souverains avec l'appui desquels nous nous <<< avançons vers vous, ont déclaré, par l'organe du <«< héros généralissime, qu'ils ne se proposent d'autre <<< but que le bonheur de la France, etc.

<«< Ces généreuses, ces magnanimes déclarations, « que partagent également les trois Bourbons, nos au<< gustes cousins; le Nestor des souverains notre très<< honoré beau-père; l'héroïne du Nord, notre sublime

protectrice; et le jeune héritier de l'infortuné Gus<< tave, dont nos larmes baignent la tombe ensan<< glantée, assurent à ces illustres confédérés la palme « immortelle due aux défenseurs d'une cause qui est <<< tout à la fois celle des rois, celle du bon ordre, celle << de l'humanité; et en même temps elles vous assurent <«< aussi, ô Français! que les forces auxquelles nous nous << joignons sont pour vous plutôt que contre vous; << qu'elles ne sont redoutables qu'au crime, qu'elles << ne poursuivront que la rébellion opiniâtre... C'est « cette certitude qui nous justifie de faire flotter nos <«< étendards à côté de ceux des puissances étran<< gères...

<< Les Français expatriés ne se sont point armés << pour recouvrer, à la pointe de l'épée, les droits que

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