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traint d'employer ce nom donné par l'aristocratie aux Oct. 1791. révolutionnaires des faubourgs, et déjà par eux adopté comme un titre d'honneur1; les sans-culottes se trouvaient mal à l'aise dans l'enceinte des jacobins, alors peuplée de députés et de bourgeois; ils préféraient hanter le club des cordeliers, alliage grossier de tout ce que les factions avaient d'enfants perdus ou de sectaires exaltés. Tandis qu'aux jacobins on conservait encore au moins extérieurement les formes constitutionnelles et quelques habitudes policées, les cordeliers se signalaient par la brutalité de leurs allures et l'audace de leurs motions. Là, on maudissait à haute voix la modération de l'assemblée nationale et toutes les traditions monarchiques; on évoquait à grands cris le règne des masses et la domination des gens en tabliers de peau. Et cependant il y avait aux cordeliers moins de sincérité républicaine que chez les jacobins. C'était une cohue d'agitateurs, de mécontents et d'ambitieux plus ou moins hypocrites, dans le sein desquels s'étaient glissés, pour pousser au désordre, des émissaires cachés de l'Angleterre et de la Prusse, et avec eux les restes encore nombreux et disciplinés de la faction d'Orléans. Danton, ce Mirabeau de la borne, dominait les cordeliers par sa stature athlétique et sa parole vibrante; près de lui, un jeune homme qu'un besoin perpétuel d'agitations poussait à la révolte, et qui, né pour des affections douces, trompait sa propre nature en prêchant le crime par vanité, Camille Desmoulins était

1 L'expression de sans-culottes paraît avoir été employée pour la première fois par l'abbé Maury.

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Oct. 1791. le publiciste et le gazetier de ce club. En dehors d'eux, Marat, le Jean-Jacques Rousseau de la guillotine, continuait d'écrire son journal plein de pages atroces, d'appels sanguinaires, et parfois aussi (quand le monstre se retournait contre ses complices) étincelant de vérités cruelles. Enfin, l'infàme Hébert, le caractère le plus hideux qu'eût fait surgir la révolution, un misérable flétri par l'opinion et par son passé, un marchand de contre-marques suspecté de vol, rédigeait, avec une plume trempée dans la boue, ce pamphlet cynique appelé le Père Duchesne, qu'on aurait cru, à juste titre, payé pour déshonorer le peuple et transformer la liberté en Furie des halles.

Le club des feuillants.

Chaque nom de club rappelait une spoliation éprouvée par le clergé. Les chefs du parti constitutionnel se réunissaient dans un ancien couvent près de la terrasse septentrionale des Tuileries, et le peuple les désignait sous le nom de feuillants. Là, ils venaient se concerter, sous l'inspiration des Lameth, de Duport, de Barnave, et de leur ancien collègue à l'assemblée constituante, d'André, que les partis accusaient de s'être énormément enrichi par des spéculations commerciales, d'avoir trouvé le moyen de conduire à bon port ses affaires privées à la faveur du grand naufrage de la monarchie. Les séances du club des feuillants n'étaient point encore publiques, aussi faisait-on circuler à ce sujet mille rumeurs défavorables; de telle sorte que les intrigues de cette coterie passaient aux yeux du peuple pour la première source de toutes ses calamités et de ses dangers. Plus tard, le club ouvrit ses portes, espérant défier la calomnie en se montrant au grand jour; mais

séances de

législative.

il ne devait point être heureux dans cette tentative. Oct. 1791. L'assemblée nationale législative tint sa première Premières séance le 1er octobre 1791. Aux termes de la loi, elle l'assemblée commença par se diviser en bureaux, à l'effet de procéder à la vérification des pouvoirs. Ces opérations préliminaires durèrent jusqu'au 4 octobre, jour où l'assemblée se déclara définitivement constituée. Une manifestation qui parut à beaucoup de personnes un acte de fétichisme indigne des représentants de la France, et qui, jugée de nos jours, nous semble présenter l'empreinte d'un enthousiasme de commande, signala d'abord au pays et à l'Europe les dispositions de la nouvelle assemblée. Sous prétexte de prêter le serment exigé par la loi, on procéda en quelque sorte

de la

à l'adoration de la constitution elle-même. Les vieil- Adoration lards de l'assemblée, affectant un maintien religieux, constitution. entrèrent dans la salle. Venait ensuite l'archiviste Camus, qui, pontife de cette cérémonie, portait, pieusement appuyé contre sa poitrine, l'exemplaire officiel de l'acte constitutionnel. A leur arrivée, tous les députés se levèrent avec respect et se découvrirent, pendant que les plus jeunes membres de l'assemblée, recevant le livre saint des mains des vieillards, le plaçaient silencieusement sur la tribune, comme l'Évangile de la France libre. M. de Pastoret, qui présidait la séance, prêta serment le premier, et chaque député, appelé selon l'ordre alphabétique, répéta après lui la formule sacramentelle. On fit plus par respect pour l'acte constitutionnel, il fut décidé que l'assemblée ne se permettrait d'ouvrir aucune délibération tant que ce livre vénéré serait déposé dans la salle. En saine lo

Oct. 1791. le publiciste et le gazetier de ce club. En dehors d'eux, Marat, le Jean-Jacques Rousseau de la guillotine, continuait d'écrire son journal plein de pages atroces, d'appels sanguinaires, et parfois aussi (quand le monstre se retournait contre ses complices) étincelant de vérités cruelles. Enfin, l'infàme Hébert, le caractère le plus hideux qu'eût fait surgir la révolution, un misérable flétri par l'opinion et par son passé, un marchand de contre-marques suspecté de vol, rédigeait, avec une plume trempée dans la boue, ce pamphlet cynique appelé le Père Duchesne, qu'on aurait cru, à juste titre, payé pour déshonorer le peuple et transformer la liberté en Furie des halles.

Le club des feuillants.

Chaque nom de club rappelait une spoliation éprouvée par le clergé. Les chefs du parti constitutionnel se réunissaient dans un ancien couvent près de la terrasse septentrionale des Tuileries, et le peuple les désignait sous le nom de feuillants. Là, ils venaient se concerter, sous l'inspiration des Lameth, de Duport, de Barnave, et de leur ancien collègue à l'assemblée constituante, d'André, que les partis accusaient de s'être énormément enrichi par des spéculations commerciales, d'avoir trouvé le moyen de conduire à bon port ses affaires privées à la faveur du grand naufrage de la monarchie. Les séances du club des feuillants n'étaient point encore publiques, aussi faisait-on circuler à ce sujet mille rumeurs défavorables; de telle sorte que les intrigues de cette coterie passaient aux yeux du peuple pour la première source de toutes ses calamités et de ses dangers. Plus tard, le club ouvrit ses portes, espérant défier la calomnie en se montrant au grand jour; mais

er

séances de

législative.

de la

il ne devait point être heureux dans cette tentative. Oct. 1791. L'assemblée nationale législative tint sa première Premières séance le 1 octobre 1791. Aux termes de la loi, elle l'assemblée commença par se diviser en bureaux, à l'effet de procéder à la vérification des pouvoirs. Ces opérations préliminaires durèrent jusqu'au 4 octobre, jour où l'assemblée se déclara définitivement constituée. Une manifestation qui parut à beaucoup de personnes un acte de fétichisme indigne des représentants de la France, et qui, jugée de nos jours, nous semble présenter l'empreinte d'un enthousiasme de commande, signala d'abord au pays et à l'Europe les dispositions de la nouvelle assemblée. Sous prétexte de prêter le serment exigé par la loi, on procéda en quelque sorte à l'adoration de la constitution elle-même. Les vieil- Adoration lards de l'assemblée, affectant un maintien religieux, constitution. entrèrent dans la salle. Venait ensuite l'archiviste Camus, qui, pontife de cette cérémonie, portait, pieusement appuyé contre sa poitrine, l'exemplaire officiel de l'acte constitutionnel. A leur arrivée, tous les députés se levèrent avec respect et se découvrirent, pendant que les plus jeunes membres de l'assemblée, recevant le livre saint des mains des vieillards, le plaçaient silencieusement sur la tribune, comme l'Évangile de la France libre. M. de Pastoret, qui présidait la séance, prêta serment le premier, et chaque député, appelé selon l'ordre alphabétique, répéta après lui la formule sacramentelle. On fit plus par respect pour l'acte constitutionnel, il fut décidé que l'assemblée ne se permettrait d'ouvrir aucune délibération tant que ce livre vénéré serait déposé dans la salle. En saine lo

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