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«< la note du 11 mars 1792, de réduire, de part et Avril 1792. « d'autre, à l'état de paix, les troupes sur les fron<«< tières, il a continué et augmenté des préparatifs << hostiles;

« Qu'il a formellement attenté à la souveraineté de <«<< la nation française, en déclarant vouloir soutenir les prétentions des princes allemands possessionnés en <«< France, auxquels la nation française n'a cessé d'of<< frir des indemnités; ·

« Qu'il a cherché à diviser les citoyens français, et à << les armer les uns contre les autres, en offrant <«< aux mécontents un appui dans le concert des puis<<< sances, etc. :

« L'assemblée nationale déclare que la nation française, fidèle aux principes consacrés par sa consti« tution, de n'entreprendre aucune guerre dans la vue « de faire des conquêtes, et de n'employer jamais ses

forces contre la liberté d'aucun peuple, ne prend les << armes que pour la défense de sa liberté et de son << indépendance; que la guerre qu'elle est obligée de << soutenir n'est point une guerre de nation à nation, << mais la juste défense d'un peuple libre contre l'injuste agression d'un roi;

Que les Français ne confondront jamais leurs frè<«<res avec leurs véritables ennemis; qu'ils ne négli<< geront rien pour adoucir le fléau de la guerre, pour << ménager et conserver les propriétés, et pour faire << retomber sur ceux-là seuls qui se ligueront contre sa <<< liberté tous les malheurs inséparables de la guerre ;

« Qu'elle adopte d'avance tous les étrangers qui, ab<«<jurant la cause de ses ennemis, viendront se ranger

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RÉVOLUTION FRANÇAISE. ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE.

Avril 1792. «sous ses drapeaux et consacrer leurs efforts à la dé«fense de sa liberté... :

<< Délibérant sur la proposition formelle du roi, et << après avoir décrété l'urgence, décrète la guerre con<«< tre le roi de Hongrie et Bohême. »

Tel fut le mémorable décret qui devait commencer une guerre de vingt-trois ans, faire couler le sang humain par fleuves dans les deux hémisphères et changer la face du vieux monde européen. Les uns l'accueillirent par une profonde terreur, les autres par l'exaltation de l'espérance; et l'orgueil aussi bien que la crainte se représentèrent sous les plus vives couleurs les gloires ou les misères de l'avenir: mais, si loin que les imaginations osassent étendre la peur ou l'espoir, elles restèrent encore bien au-dessous des calamités et des grandeurs que Dieu réservait à notre patrie.

LIVRE SIXIÈME.

que

1792.

État de la Élisa-çaise en

société fran

1792. Disposition

royale.

Pendant le roi, entraîné par les événements, ne semblait attendre que d'eux une occasion de délivrance, la noble Marie-Antoinette et madame beth commençaient à ne plus trouver autour d'elles de la famille des amis assez hardis pour recevoir la confidence de leurs chagrins. La reine, plus forte que son malheur, gardait au dehors les apparences du calme et de la dignité; la sœur du roi continuait à se résigner sans murmure à la volonté de Dieu.

La reine consacrait sa journée presque entière à écrire; elle passait une partie de ses nuits à lire; elle entretenait une correspondance active avec l'empereur d'Allemagne, le comte de Provence et le comte d'Artois; et ses lettres démentaient, modifiaient ou atténuaient en secret les déclarations publiques imposées au roi et les notes transmises aux ambassadeurs par les ministres responsables. Tandis que dans son langage officiel l'infortuné Louis XVI parlait de sa liberté, de son ferme désir de maintenir et de défendre le régime révolutionnaire, la reine rétablissait la vérité de la situation, et ne laissait rien ignorer de la captivité du

dance

Corresponpolitique de

la reine.

1792.

comité autrichien.

Conseils

secrets de la

roi. Ces dépêches mystérieuses étaient tracées en chiffres, et confiées à des courriers de famille d'une discrétion à toute épreuve. Le secret de ces communications intimes ne fut point alors pénétré par les chefs de la révolution; mais ils avaient trop la conscience des douPrétendu leurs et des regrets de Marie-Antoinette pour ne pas la soupçonner de chercher à s'entendre avec les puissances dont l'intervention armée semblait seule devoir la sauver. Ils accusaient, en outre, un petit nombre de feuillants de tremper dans cette conjuration monarchique, et dé dicter les notes confidentielles qu'on adressait des Tuileries à M. de Noailles ou au prince de Kaunitz c'est ce concert de la reine et de ses affidés qu'ils dénonçaient hautement dans la presse et à la tribune des jacobins, sous le nom de comité autrichien.

reine.

:

Par malheur, la reine, soit faiblesse, soit calcul, écoutait les avis de deux comités principaux, inconnus l'un à l'autre, et agissant en sens contraire. D'un côté, elle se laissait diriger avec un certain abandon par les Lameth, Duport et Barnave, et, sous leur influence, elle se résignait à subir la constitution, sauf à en tirer le meilleur parti possible dans l'intérêt du pouvoir royal; mais la haine prononcée de ces meneurs constitutionnels contre la noblesse et le clergé ne lui mettait pas de se soumettre toujours à leur conseil; et d'ailleurs les feuillants avaient donné trop de gages à la révolution pour qu'elle osât espérer, de leur appui tardif, le rétablissement de la monarchie. Marie-Antoinette avait donc des heures de défiance et d'incertitude durant lesquelles elle se laissait guider par des amis exclusivement royalistes, et ceux-là faisaient dé

per

pendre le salut de la France de la coalition des rois de l'Europe. Livrée à ces influences opposées, mais toutes deux sincèrement dévouées à sa personne, la reine ignorait bien souvent d'où lui viendrait le secours.

Cette princesse infortunée évitait avec un soin extrême de paraître au dehors, exposée qu'elle était aux grossières invectives de la populace. Des hommes infâmes, apostés jusque sous ses fenêtres, lui adressaient des injures cyniques, et la traitaient à haute voix de Médicis et de Messaline, dénominations historiques dont ces misérables ne pouvaient pas comprendre le sens. Souvent aussi le peuple la désignait sous le nom grossier de madame Veto. Le roi était également appelé M. Veto, le gros Veto, et c'était le moindre des outrages qu'il avait à subir. Sur des avis, vrais ou faux, qu'on cherchait à les empoisonner, le roi et la reine se virent réduits à prendre les précautions les plus minutieuses, bornant leur nourriture à certains mets fort simples, faisant apporter en secret leur vin et leur pain, et cachant sous la table ces aliments, pour en dérober la vue aux gens de service'. Dans les rares occasions où le roi et la reine se rendaient au spectacle, leur présence dans la salle donnait lieu à des manifestations fort contradictoires. En général, le public des loges, public d'élite et spécialement convoqué pour offrir aux princes des marques de sympathie, laissait éclater ses applaudissements, et saisissait avec bonheur les allusions monarchiques et consolantes offertes par les pièces représentées; mais les jacobins, furieux de ces

1 Mémoires de madame Campan.

RÉVOL. FRANC.

-ASS. LÉGISLAT.

10

1792.

dirigés contre la reine et sou

époux.

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