INTRODUCTION DE L'ÉDITEUR. Dans l'Histoire de la Vie et des Ouvrages de Bordas-DEMOULIN, j'ai essayé d'embrasser l'ensemble de ses doctrines si originales et si profondes. J'ai prouvé qu'en saisissant l'intime harmonie du christianisme et de la Révolution française, il avait résolu le double problème, religieux et social, qui pèse sur la pensée de notre siècle, et qu'il n'avait pu le résoudre qu'en renouvelant, en ressuscitant la philosophie, morte en Europe depuis Leibnitz. J'ai montré enfin la grandeur unique de sa mission, attestée non moins par sa vie de sainteté et de sacrifice que par les monuments de son génie. Ici ma tâche est différente. Je me propose seulement de noter ce que ces deux volumes d'OEuvres posthumes ajoutent de neuf ou d'important aux grandes a vues du métaphysicien et du réformateur religieux. J'expliquerai brièvement la nature de cette publica tion, l'ordre et la disposition des matières qui la composent, afin de mettre le lecteur en état de s'y reconnaître et d'en tirer le meilleur profit. Une fin inattendue arrêta Bordas au milieu de ses travaux. Il n'eut le temps ni de mettre en ordre ce qu'il laissait,,ni de marquer ce qu'il eût jugé prêt pour l'impression. Il me légua ce soin sur son lit de mort. Parmi les manuscrits dont sa confiance me rendait le possesseur et l'arbitre, quelques-uns étaient achevés; les autres, et c'était le plus grand nombre, consistaient en ébauches, en fragments, quelquefois en pensées détachées. J'ai pris pour règle de publier tout ce qui n'était pas absolument informe, sans me permettre d'y apporter aucun changement. Le puissant intérêt qui s'attache aux idées de Bordas, la force de pensée qui éclate dans tout ce qui est sorti de sa plume, enfin l'attention que je lui connaissais de ne garder aucun écrit, aucun document, aucune note qu'il n'eût dessein d'employer un jour, tout me faisait un devoir de ne priver le public d'aucune des pièces par lui réservées. Peut-être Bordas, qui soignait tant son style, pourrait se plaindre, comme écrivain, d'un procédé qui l'expose à paraître parfois négligé ou incorrect; mais, par compensation, je ne sais s'il n'y a pas, dans le premier jet d'une pensée puissante, quelque chose de plus naïvement, de plus fortement vrai, qui frappe et saisit davantage. Il fallait établir quelque ordre parmi tant de morceaux divers. Je les ai distribués en trois parties, sous les titres de PHILOSOPHIE, CHRISTIANISME SOCIAL et CHRISTIANISME RELIGIEUX. Ces divisions répondent aux principaux objets dont s'est occupé l'éminent penseur'. La première partie comprend tout ce qui concerne plus spécialement les matières philosophiques. Les morceaux placés en tête sont les matériaux, restés imparfaits et désunis, d'un important ouvrage auquel l'auteur avait longtemps songé, comme je l'ai su par 1. Quand parfois un titre manque, j'ai cru devoir y suppléer; mais tout titre qui n'appartient pas à l'auteur est précédé d'un astérisque. De même, quand j'ai ajouté quelque note, elle est suivie de la désignation ÉD. signifiant éditeur. Enfin, lorsque dans. un morceau il se rencontrait des parties composées de simples notes, mais que l'enchaînement des idées ne permettait pas de supprimer, je les ai fait imprimer en caractères plus petits que le reste. ses entretiens. Il se proposait d'y concentrer en une centaine de pages les principes de sa philosophie, avec les principales applications historiques, théologiques et politiques. C'eût été un résumé inappréciable de toute une vie de méditation. D'après une note annexée à un des chapitres, le livre eût été ainsi composé : Chapitre I. Philosopher, rappeler la pensée à soi. Chapitre II. Examen des systèmes. Chapitre III. Le christianisme social et le christianisme religieux examinés selon le système philosophique vrai et les trois faux. Chapitre IV. L'amour de Dieu examiné selon les systèmes. Chapitre V. La grâce examinée selon les systèmes. Chapitre VI. Du naturel et du surnaturel dans les choses humaines. La métaphysique eût occupé les deux premiers chapitres; la science sociale, la théologie et la philosophie de l'histoire eussent rempli les autres. L'ouvrage devait porter porter le titre : QU'EST-CE QUE PHILOSOPHER? J'ai trouvé, sur la seconde moitié d'une page isolée et sans autre indication, quelques lignes où j'ai |