Page images
PDF
EPUB

spirituelle. « Voici l'alliance que je ferai avec la maison d'Israël après ces jours-là, dit le Seigneur : je mettrai mes lois dans leur esprit, et je les écrirai dans leur cœur ; et je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple; et chacun n'enseignera point son prochain, ni chacun d'eux son frère, disant: Connais Dieu; parce que tous me connaîtront, du plus petit jusqu'au plus grand 1. » C'est-àdire que, les rappelant en eux-mêmes, ils voient ces lois dans leur raison et dans la raison divine: dans leur raison, comme en faisant partie; dans la raison divine, comme en faisant aussi partie.

Voilà comment le changement du sacerdoce entraîne celui de la loi, le sacerdoce d'ailleurs n'étant que le moyen de faire observer la loi.

Mais cette loi de raison, ou plutôt qui est la raison, qui établit les devoirs de l'homme envers Dieu et envers soi, ou la vie privée, entraîne à son tour le changement de la loi sociale. Il est impossible que l'homme, qui s'appartient à l'égard de Dieu et de soi-même, qui est libre dans son culte et ses mœurs, qui ne relève que de sa raison et de la raison divine, soit gouverné par une loi civile qui ferait de lui la propriété de l'État. Dans l'État, il serait renversé, c'est-à-dire soumis à une autorité absolue, comme au temps où il avait perdu l'usage de la raison; et, dans l'Église, il serait relevé.

1. Hébr., VIII, 40 et 14; x, 16. — Jérémie, xxxI, 31-34.

Qui ne voit qu'il s'élèverait en lui un tourment incroyable, jusqu'à ce que la raison étant étouffée, il tombât dans les sens et subît le régime des sens, ou que sa raison ayant acquis assez de force, il brisât cet absolu pouvoir? Le changement de l'institution religieuse entraîne celui de l'institution sociale.

Aussi, pour combattre l'institution sociale qui s'est établie en France par la Révolution, n'a-t-on cessé de nier le renouvellement de l'institution religieuse, ou de soutenir que Jésus-Christ ne déplaça point les fondements de celle-ci. Tout ce qui a été écrit sous l'empire des préjugés du vieux régime revient à ce point. On travaille à christianiser le judaïsme et le paganisme, afin de judaïser et de paganiser le christianisme. Chez les gentils, le sacerdoce et la loi de mensonge qu'ils s'étaient donnés reposaient sur le même fondement que ceux que les Juifs avaient reçus de Dieu.

Il fallait l'intervention divine pour abolir le sacerdoce et la loi juive et païenne, parce qu'une telle révolution passait les forces de l'homme. S'il l'eût fait, il se serait renouvelé lui-même. Il fallait, dis-je, l'intervention divine pour changer l'institution religieuse, sacerdoce et loi, mais non pour changer l'institution sociale, parce qu'elle coule de l'autre. Il suffisait que l'esprit humain fût ramené intérieurement à Dieu dans l'ordre religieux et qu'il fût dégagé de l'ordre social par l'anéantissement de celui-ci, pour qu'ensuite il se

constituât un nouvel ordre social semblable à luimême.

La première révolution fut l'avénement religieux du Messie; la seconde forme son avénement social.

Cet avénement social se prouve lui-même. L'homme n'est-il pas maître de soi dans plusieurs peuples, et n'aspire-t-il pas à l'être partout où le christianisme a pénétré? Ne se rend-il pas aussi maître de la nature ? Comme à la voix de Dieu, les étoiles ne répondent-elles pas Me voici; les comètes vagabondes ne reconnaissent-elles pas ses lois?...

Vous dites que la philosophie du XVIII° siècle a fait la Révolution française; mais qui a fait cette philosophie? Descartes, la Réforme? Mais qui a fait Descartes et la Réforme; je ne veux pas dire le déchirement de l'Église, mais cet esprit d'indépendance contre la théocratie? Qui a fait le tiers-état? Les communes? Mais qui a fait les communes? D'événement en événement, de cause en cause, on est conduit à un événement primitif, cause de tous les autres, et qui rompt le cours des choses humaines, qui leur donne un autre fondement : cause invisible, dégagement total de l'esprit humain, retour à Dieu d'où cette force incroyable, pareille à ces tempêtes qui semblent arracher l'océan de ses abîmes et le lancer jusqu'aux astres. Arraché à ses habitudes, ses préjugés, ses idées, ses besoins antiques, l'esprit humain s'agite, se précipite de toutes parts.

C'est là, s'écrie-t-on, qu'est le mal. Est-il done mal de vouloir s'appartenir, de vivre par la raison?... Voulez-vous condamner cette révolution? Vous êtes conduit à condamner la révolution évangélique, à condamner Jésus-Christ. On ne l'oserait, mais on dénature son œuvre. On trouve l'incarnation, la présence réelle, tous les sacrements au sein de l'idolâtrie; les mystères du paganisme deviennent ceux du christianisme; on ruine le sacerdoce de Jésus-Christ et l'alliance nouvelle. Ce n'est plus une alliance intérieure, un rapprochement au dedans de l'âme avec Dieu; c'est toujours une alliance extérieure; Jésus-Christ ne diffère de Moïse qu'en ce qu'il promet les biens de l'autre vie. Délire sans nom! Abomination inconcevable!...

Les Juifs qui méconnurent Jésus-Christ dans son avénement religieux le reconnaîtront dans son avénement social. Cet avénement dissoudra leur institution sociale, si étroitement unie ou plutôt fondue avec leur institution religieuse, et à laquelle Jésus-Christ ne toucha point, et qui empêche les Juifs de voir le Messie, dont le règne paraissait être si différent de cette institution. C'est cette institution qui, soutenant toujours l'alliance extérieure, sensuelle, maintient le voile sur le cœur des Juifs1, voile que la civilisation actuelle seule déchire. La terre d'Israël que Dieu leur promit, c'est

1. II Cor., III, 4-16.

la terre entière, travaillée et fécondée par l'industrie. Les Juifs dussent-ils revenir dans la Judée, ce ne serait qu'une circonstance, qu'une chose accessoire.

Examiner le millénarisme, dont saint Papias, évêque d'Hiéropolis, en Phrygie, est l'auteur. Il croyait qu'après la résurrection des corps Jésus-Christ règnerait corporellement mille ans sur la terre avec les saints. Il florissait l'an 109...

PENSÉES DIVERSES SUR LE MÊME SUJET.

Le mouvement des choses humaines dépend du mélange du naturel et du surnaturel, et qui peut le saisir tient la loi de la marche du monde.

Comment nier l'influence de la nature, lorsqu'on voit les gentils, par la philosophie, plus propres à recevoir l'Évangile que les Juifs, qui sont rejetés en corps de nation, et les gentils appelés ?

Tandis que le siècle ne veut rien expliquer que par les causes naturelles, le clergé ne veut rien expliquer que par les causes surnaturelles.

*

SUR LA LOI DE DÉVELOPPEMENT DES FORCES MORALES DANS L'HISTOIRE DU MONde.

Les forces majeures ne périssent pas plus dans les choses humaines que dans la nature; elles se déplacent.

« PreviousContinue »