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nées plus immédiatement à l'Église qu'à Pierre, et qu'elles ont été confiées à cet apôtre, en tant qu'il représentait l'Église1. »

Il serait aussi facile que superflu de multiplier encore les citations.

1. Hist. ecclésiast. des xve et xvIe siècles, Dissert. VIII, no 53.

*

CHAPITRE II

LES DIVERS SENS DU DON DES CLEFS A L'ÉGLISE.

Maintenant, que signifie ce don fait à l'Église, soit dans la personne de Pierre, soit dans la personne de tous les apôtres, don qui est l'objet d'un enseignement si constant et si manifeste? Legros y trouve sept sens.

« 1. Bellarmin1, M. Duval, le P. Pétau2, M. Charlas et les autres qui ont principalement en vue d'appuyer les prétentions de la cour de Rome, soutiennent que quand les Pères enseignent que les clefs ont été données à l'Église, ils ne veulent pas dire que l'Église même possède le pouvoir de lier et de délier, mais seulement que c'est pour le bien et l'utilité spirituelle de tous les fidèles que ce pouvoir a été donné à Pierre, in commodum totius Ecclesiæ.

« 2. Cajetan 4 ajoute à cette explication cette remarque, qui fait un second sens, que l'Église subsistant jusqu'à la fin des siècles, le pouvoir des clefs a été accordé à saint Pierre pour tous les âges et pour toute la

1. De Rom. pontif., Lib. 1, cap. XII.

2. De Eccles. hierarch., lib. III, c. xiv, no 4.

3. De libertatibus Eccles. Gallic., lib. IX, c. 1, no 5. 4. De Instit. et auct. Rom. pontif.

durée de l'Église; que, par cette raison, la puissance des clefs a été donnée au prince des apôtres, non comme un privilége particulier à sa personne, mais comme une autorité attachée à sa principauté et qui passe à ses successeurs; que c'est en ce sens qu'on dit que les clefs ont été données à l'unité et non à un seul. Si le pouvoir des clefs n'avait été accordé qu'à lui et pour lui, il eût été éteint avec lui; mais on peut dire qu'il a été donné à l'Église, puisqu'il a été donné pour tous les âges de l'Église.

« 3. Le P. Pétau1 voyant que les paroles de l'Évangile et de saint Augustin sont trop expresses et trop étendues pour se borner à ces deux sens, en ajoute un troisième, qui est que les clefs ont été accordées à saint Pierre pour tous les pasteurs de l'Église, et que c'est en vertu de ce pouvoir qu'ils ont tous l'autorité de lier et de délier; ce qui fait qu'on peut dire que c'est à eux tous et même à toute l'Église que les clefs ont été données. Sentiment dont je vais démêler l'ambiguïté.

« 4. L'Église de France est persuadée que les clefs ont été données à l'Église en ce sens que tous les évêques ont reçu immédiatement de Jésus-Christ leur juridiction; qu'ils possèdent par indivis avec le pape, sans préjudice de sa primauté, le même épiscopat et la même autorité épiscopale, et qu'enfin le corps des pas

1. De Eccles. hierarch., lib. III, c. xvi. nos 9 et 12.

teurs a une plénitude de pouvoir supérieure à l'autorité du pape même. D'où il s'ensuit que c'est à ce corps plutôt qu'à saint Pierre que les clefs ont été données.

«< 5. Les théologiens de Paris considèrent de plus dans les clefs de l'Église le fond et la propriété du pouvoir, l'autorité principale et radicale, pour ainsi dire, ou le pouvoir pris en lui-même, et le droit d'exercer ce pouvoir en un mot, ils distinguent les clefs d'avec l'usage, l'exercice et le ministère des clefs. Le pouvoir des clefs, disent-ils, pris en lui-même et quant à la propriété appartient à l'Église et réside dans tout le corps de l'Église, claves non homo unus, sed unitas accepit Ecclesiæ. C'est pour cela que ces clefs ne sont jamais appelées les clefs du pape ou des évêques, mais uniformément et constamment les clefs de l'Église. Mais il n'appartient qu'aux pasteurs de l'Église d'exercer ce pouvoir. Ce sont eux qui représentaient l'Église quand Jésus-Christ lui a accordé les clefs; c'est à eux aussi à la représenter dans l'usage des clefs. Ils n'agissent qu'au nom de l'Église et comme ministres de l'Église ; mais il n'y a qu'eux qui aient droit de le faire. Ainsi la propriété des clefs appartient à l'Église, le ministère aux pasteurs.

« C'est ce que le P. Alexandre, célèbre dominicain, parlant au nom de l'École de Paris, explique en ces termes : « Les scolastiques, après le Maître des sentences

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<< et saint Thomas appellent toujours les clefs données par « Jésus-Christ, les clefs de l'Église et jamais les clefs de « Pierre, parce qu'elles ont été données plus immédia«< tement à l'Église qu'à Pierre, et qu'elles ont été con« fiées à cet apôtre en tant qu'il représentait l'Église. « D'où vient que le pouvoir de lier et de délier réside « dans l'Église comme dans le sujet prochain, pour parler avec les docteurs de Paris, et qu'il ne réside << dans Pierre et dans ses successeurs que comme dans le

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sujet éloigné; de sorte cependant que la puissance de « l'ordre ne peut être exercée que par eux et par les << ministres qu'ils ont consacrés 1. »

« 6. M. Nicole 2 prétend que quand saint Augustin a dit que les clefs avaient été données à l'Église, il n'a fait attention qu'à l'efficace des prières par lesquelles elle obtient la conversion de toutes les âmes que la grâce vivifie.

<< 7. Enfin on peut ajouter que la rémission des péchés ne s'obtenant que dans l'Église et n'y ayant que les enfants de l'Église à qui le ciel soit ouvert, on peut fort bien en conclure que les clefs du royaume du ciel n'ont été données qu'à l'Église, et nous verrons en effet c'est une des raisons que saint Augustin a eues de le dire.

que

« Voilà, ce me semble, à quoi se réduisent toutes les

1. Hist. ecclés. des xvo et xvre siècles, Dissert. viii, no 53. 2. Unité de l'Église, liv. III, ch. xiv.

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