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clamer l'assistance du pouvoir, et de l'obligation de celui-ci à leur prêter main-forte. Au lieu de ne recourir à lui qu'après coup, et afin de prévenir l'attentat plutôt que de le punir, l'Eglise commit sa discipline à la garde de la loi, aussitôt que le pouvoir fut occupé par les chrétiens; avant, elle se serait follement livrée à ses ennemis nés. Constantin, ses successeurs, les princes barbares, lorsqu'ils eurent embrassé le christianisme, se trouvèrent ainsi les conservateurs des règles ecclésiastiques. Ils durent naturellement concourir à établir ce qu'ils étaient chargés de défendre. Les laïques participant de moins en moins au gouvernement de l'Eglise, il les y représentèrent. Les conciles devenant de plus en plus rares, cessant même, ils finirent par représenter toute l'Église et agir à sa place, mais avec

son assentiment.

Déclaration de 1682. Droit du pouvoir de l'imposer, et pour se défendre, et pour défendre l'Église.

En 89, où la réforme générale ne pouvait plus être différée, les laïques, les prêtres et les évêques furent appelés à l'opérer. Les prélats, excepté cinq ou six, la moitié des prêtres, une partie des laïques s'y étant aveuglément refusés, les autres l'exécutèrent. Le pouvoir ajouta de lui-même au concordat de 1801 les articles organiques. Il le fit au nom de l'Église, comme tout ce qu'il avait fait depuis le premier empereur

chrétien; seulement il ne pouvait plus, comme avant la Révolution, maintenir ou introduire des règles contraires aux droits naturels de l'homme, par exemple, le célibat des prêtres qui ont renoncé à leur ministère et les vœux monastiques.

Ce droit de faire les canons et de les conserver, le pouvoir l'emprunte de l'Église; l'Église est parfaitement et toujours maîtresse de le reprendre et de se régir elle-même, comme avant Constantin. Je dis l'Église avec tous ses pouvoirs. Que le laïcisme et la prêtrise se déploient de nouveau, que les conciles renaissent.

RÉSISTANCE DES LAÏQUES AUX ENTREPRISES DU CLERGÉ1.

Puisque le prêtre n'est point l'arbitre de la foi, que les laïques la déclarent avec lui, ils ont le droit de repousser tout ce qu'il voudrait leur imposer contre la doctrine et la vraie discipline de l'Eglise; et si les remontrances ne suffisent pas, ils peuvent invoquer la puissance civile, qui, étant établie contre l'oppression, ne saurait leur refuser son appui. Là se fondent la voie des recours au prince, nommés plus tard appels comme d'abus, et le titre de protecteurs des canons, que les souverains ont pris depuis Constantin.

L'antiquité chrétienne vit des prêtres dominateurs, et point de système de domination. L'intervention continuelle du peuple le rendait impossible, et l'esprit de l'Église n'était pas encore perverti. C'est dans le moyen âge que la domination systématique paraît et se développe. Le clergé se constitue maître du fidèle et du citoyen, suprême juge dans l'Église et dans l'État.

1. Dans le manuscrit, cet article porte en tête : Chapitre II. On lit en marge les deux notes suivantes : « Pouvoir, donné à l'unité; servant à relever la nature, non à la remplacer deux principes sur lesquels roule le gouvernement ecclésiastique. Église, pouvant déchoir jusqu'au point au-dessous duquel elle s'anéantirait : principe de sa destinée. » Peut-être ce morceau et le suivant étaientils destinés par l'auteur à entrer dans sa Défense des pouvoirs constitutifs de l'Église. (Voir la IIIe partie.) ÉD.

« Les tribunaux ecclésiastiques s'attribuent la connaissance de toutes les accusations touchant la foi, les mariages et les crimes de sacrilége, de simonie, de sortilége, de concubinage et d'usure. Tous les procès des clercs, des veuves et des orphelins, leur sont dévolus ; et sous le nom de clercs, on ne comprend pas seulement les ministres les plus subalternes de l'Église, mais même tous ceux qui, ayant été admis à la cléricature, se mariaient dans la suite et remplissaient les emplois les plus profanes. Les évêques mettent les pèlerins sous leur sauvegarde, et les croisés ont bientôt le même avantage. A l'occasion du sacrement de mariage, le juge ecclésiastique prend connaissance des conventions matrimoniales, de la dot de la femme, de son douaire, de l'adultère et de l'état des enfants. Il décide que toutes les contestations nées au sujet des testaments lui appartiennent, parce que les dernières volontés d'une personne qui a déjà subi le jugement de Dieu ne peuvent raisonnablement être jugées que par l'Église. » Avec quelque docilité que, dans ces temps d'ignorance, «on se contente des plus mauvaises raisons, il paraît incommode aux ecclésiastiques d'avoir à chercher un nouvel argument toutes les fois qu'ils veulent attirer à eux la connaissance d'une nouvelle affaire. Ils imaginent donc un principe général qui doit les rendre les maîtres de tout. L'Église, disent-ils, en vertu du pouvoir des clefs que Dieu lui a donné, doit prendre connaissance de tout ce

qui est péché, afin de savoir si elle doit remettre ou retenir, lier ou délier. Or, en toute contestation juridique, une des parties soutient nécessairement une cause injuste, et cette injustice est un péché : l'Église, concluent-ils, a donc droit de connaître de tous les procès, et de les juger; et ce droit, elle le tient de Dieu même, et les hommes ne peuvent y attenter sans impiété 1. » Leurs prétentions sur toutes choses, leur despotisme et leur cupidité, ils les imposent comme une émanation du pouvoir surnaturel dont ils sont investis.

Il est vrai que dans la première époque, et en particulier sous les empereurs païens, le clergé traitait aussi les affaires temporelles. Les chrétiens n'avaient guère d'autres relations avec le gouvernant que celles des tributs et du service militaire. Quant au reste, ils s'en rendaient indépendants autant qu'ils le pouvaient. Leurs biens, ou réellement en commun, ou envisagés comme tels, étaient à la disposition des évêques, qui en dirigeaient l'usage, qui administraient la justice, qui remplissaient les fonctions du magistrat civil. Mais, outre qu'ils agissaient avec un désintéressement absolu, avec une équité si manifeste que les païens venaient quelquefois les trouver pour terminer leurs différends, c'était le peuple qui, librement, les chargeait de ce soin. Sans lui, d'ailleurs, ils ne faisaient rien d'important. Si

1. Mably, Observations sur l'hist. de France, liv. III,

ch. Iv.

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