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comprendre quand un changement de système se trouve nécessaire et à l'exécuter résolûment.

Depuis soixante ans, la société païenne a disparu de la France. La domination de Napoléon l'a abattue ou ébranlée dans l'Europe, et supprimé le gouvernement temporel des papes. A quoi aboutissent les tentatives de restauration? Parmi nous, à la ruine de deux monarchies, à l'exil de deux dynasties, et au mépris pour le catholicisme; il n'a plus paru qu'un système usé de théocratie, allant périr de caducité, et ne valant pas la peine qu'on l'attaque. Dans l'Espagne et le Portugal, les insurrections succèdent aux insurrections, les constitutions aux constitutions. L'Italie frémit, s'agite, de temps en temps éclate. L'Allemagne a l'air de supporter plus facilement l'ancien régime; contemplez-la maintenant, ainsi que l'Italie partout le paganisme social purge la terre de sa présence comme le paganisme religieux. Le triomphe total, définitif, universel de l'Evangile se déclare partout solennellement.

Que Pie IX renonce donc promptement à un pouvoir, fléau de l'Église, du saint-siége et de l'Italie; à un pouvoir, qui, au reste, n'est plus qu'un débris dans ses mains, et un débris qui lui échappe. Loin de le regretter, il devrait plutôt s'écrier avec saint Paul : « Qui me délivrera de cette existence, de ce corps de mort? » Quis me liberabit a corpore mortis hujus? Affranchie du maniement des affaires terrestres, la papauté ne

s'occupera que de l'objet pour lequel elle fut instituée, qui est de présider à la conduite spirituelle de l'Église.

États;

Mais en cessant d'être prince, le pape perd les ressources qu'il trouvait dans les revenus de ses et si le gouvernement laïque qui le remplace est obligé de lui faire un traitement comme évêque de l'Église particulière de Rome, il ne l'est point de le lui faire seul, comme au chef de l'Église universelle; il faut que les autres gouvernements y contribuent; que la somme étant fixée par le concours de tous, d'après les besoins reconnus du saint-siége, chacun fournisse proportionnellement au nombre de ses citoyens catholiques. Ces besoins diminueront beaucoup avec la disparition de la cour romaine, et avec le retour à la discipline normale. Néanmoins chargé de veiller à l'exécution des canons, et par lui-même incapable de voir ce qui se passe dans les diverses églises du monde, surtout lorsque la civilisation moderne aura converti le genre humain entier, le pape sera toujours forcé d'entretenir des nonces, et plus multipliés dans l'avenir que dans le passé. Les dépenses, quoique fort réduites, seront encore considérables. L'obligation pour les peuples orthodoxes d'y subvenir est si évidente, que le Mexique, en 1826, où il songeait à recouvrer sa liberté ecclésiastique, offrait 500,000 francs. D'ailleurs si le gouvernement romain le faisait seul, le pape tomberait sous

sa dépendance, ce que les autres ne sauraient admettre. Il est probable que le successeur de saint Pierre cessera également d'être attaché à une église particulière. En tant qu'évêque de cette église, c'est à elle qu'il appartient de le nommer; en tant que chef de l'Église universelle, celle-ci a le même droit. Comment s'entendre perpétuellement? Dans l'antiquité, Rome étant la capitale du monde politique, on se prêtait à l'idée qu'elle le fût du monde religieux et que son évêque eût la prééminence dans l'Église, comme son empereur l'avait dans l'empire. La division de l'empire amena le schisme d'Orient. Afin de maintenir l'unité en Occident, on imagina le collége des cardinaux, recruté dans tous les pays catholiques. Mais aussi pendant le moyen âge, le pape, envahissant les droits des églises et ceux des rois, affectait la souveraineté complète. L'ultramontanisme a péri. La difficulté de concilier le droit de l'Église à élire son chef, et celui de l'église de Rome à élire son évêque, s'ils demeurent unis dans la même personne, éclate maintenant. L'unique moyen de la lever nous paraît être la séparation. Le pape ne dépendant plus que de l'Église universelle, à sa mort, chaque église enverrait un évêque, un prêtre et un laïque pour choisir le nouveau 1. Par des raisons que je ne développerai pas

1. Dans les Pouvoirs constitutifs, p. 557, l'auteur paraît indiquer le suffrage universel direct. ÉÐ.

ici, je pense que le saint-siége sera transféré à Jéru– salem. Pie IX semble réservé pour ces changements imminents. Qu'il rende aux églises leur liberté, au culte sa pureté, et il surpasse tous ses prédécesseurs; son nom est plus grand et plus glorieux que ceux des Léon et des Grégoire.

RAPPORTS

DES POUVOIRS CONSTITUTIFS DE L'ÉGLISE

AVEC L'ÉTAT

PREMIERE PARTIE.

Otez du prêtre la prêtrise, de l'évêque la prêtrise avec l'épiscopat, il reste le chrétien, le laïque, auquel ils sont égaux par cette partie d'eux-mêmes. Ce qui fait le laïque, c'est la croyance aux dogmes, d'où résultent le culte et la morale. Ainsi considérée dans ce qui est commun à tous ses membres, c'est avec la doctrine que l'Église touche à l'État. Si la doctrine contredit la loi, l'État repoussera l'Église, parce que l'Église tendra à détruire l'État, qui, sans doute, a le droit de se conserver. L'opposition entre la doctrine et la loi peut être le vice de l'une ou de l'autre. Jusqu'à la Révolution française, elle fut le vice de la loi, qui ne cessa pas d'être païenne, ou de s'interposer entre Dieu et l'homme, c'est-à-dire de dominer celui-ci. Depuis la Révolution française, où la loi devenue chrétienne reconnaît que l'homme relève intérieurement,

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