Page images
PDF
EPUB

clavage malgré les efforts du Congrès pour l'abolir, et s'il tente de les y contraindre, le menacer de rompre l'Union. Le gouvernement d'une société libre, qui est impuissant à élever une partie de la population au rang d'hommes, offre-t-il une véritable souveraineté ? Tôt ou tard l'Union se dissoudra, ou le Congrès acquerra l'omnipotence sans laquelle il n'y a point de cité durable.

Aux États-Unis on dit et on fait ce qui plaît, mais à ses risques et périls. Des combats de paroles, les sectes passent aux combats des mains. Le sang coule ; on dévaste les habitations, on les brûle. Est-ce là ce que le clergé ambitionne parmi nous ?

S'il était prouvé qu'il n'existe pas d'autre moyen de le corriger, pourquoi la République s'opposerait-elle à ce qu'il fît une expérience? Il ouvrirait tant qu'il voudrait de maisons d'enseignement; il dresserait monastères sur monastères; mais il serait loisible aux citoyens à qui l'envie en prendrait, d'aller les démolir, de pourchasser les professeurs, les élèves, les moines, les religieuses. Il n'y a point de milieu entre la sauvegarde du gouvernement et l'obéissance aux lois. On répudie l'une, en refusant l'autre. Comme il est peu probable que tous les ecclésiastiques résolussent de se procurer cette fantaisie, on les consulterait individuellement, et on ne retirerait la protection publique et leur traitement, car le traitement devrait tomber par ce mé

pris de la loi, on ne les retirerait qu'à ceux qui auraient déclaré vouloir courir l'aventure.

Est-il besoin de dire que la cité révolutionnaire, que la République qui la régit, ne proscrivent que les associations destructives des droits de l'homme, et qu'elles appellent comme leur élément, leur vie, les associations libres? Anticipant l'avenir, les oratoriens en présentèrent au XVIIe siècle un glorieux exemple. « L'amour immense de Bérulle pour l'Église, dit Bossuet, lui inspira de former une compagnie à laquelle il n'a point voulu donner d'autre esprit que l'esprit même de l'Église, ni d'autres règles que ses canons, ni d'autres supérieurs que ses évêques, ni d'autre bien que sa charité, ni d'autres vœux solennels que ceux du baptême et du sacerdoce. Là, une sainte liberté fait un saint engagement on obéit sans dépendre, on gouverne sans commander; toute l'autorité est dans la douceur, et le respect s'entretient sans le secours de la crainte. >>

Avec quelle joie nous saluerions l'apparition d'un nouveau Bérulle! Que de services des congrégations libérales d'hommes et de femmes, remplies du véritable esprit de l'Évangile, pourraient maintenant rendre! Loin de les exclure de l'éducation, nous en solliciterions pour elles la part la plus large dans tous les degrés, et nous ne craignons pas de proclamer qu'elles y porteraient un zèle, un désintéressement, difficiles à obtenir des professeurs, des instituteurs ordinaires, lesquels

trop souvent se montrent surtout préoccupés de leurs intérêts particuliers.

Quand le triomphe du christianisme social en France, et prochainement en Europe, y provoque celui du christianisme religieux, qu'il est humiliant, qu'il est déplorable pour l'Église gallicane, de n'avoir pas un seul prélat révolutionnaire, c'est-à-dire chrétien, qui, au lieu de combattre ce mouvement sublime, s'efforce de le seconder! Adopter franchement les principes de la liberté, licencier les couvents, abolir le monachisme, mettre au creuset le culte pétri de superstitions, célébrer la liturgie en langue française, afin que le peuple, en priant Dieu, comprenne ce qu'il dit; régénérer les études des séminaires, rendre aux prêtres et aux laïques leur part dans le gouvernement ecclésiastique, aux métropolitains l'institution canonique des évêques, aux évêques le droit d'accorder les dispenses; tenir périodiquement des conciles voilà ce qu'il faudrait commencer, non pas demain, mais aujourd'hui; voilà ce qui attirerait au catholicisme l'admiration et l'enthousiasme des nations; voilà ce qui les disposerait rapidement au règne qu'il doit un jour déployer sur elles.

:

Hâtons-nous d'écarter la pensée de ces merveilles comme un songe trompeur; l'aveuglement du sacerdoce juif passera au sacerdoce chrétien, et si l'Église a des promesses d'immortalité, qui manquaient à la synagogue, rien ne l'assure qu'elle ne périra point, pour un

temps, dans l'étendue de l'empire romain où elle se développa et où elle a été pervertie par son mélange avec la société païenne, à laquelle, entre autres vices, elle a emprunté la rage de la domination. C'est animés de cette rage que les patriarches de Constantinople ont rompu l'unité; c'est animés de cette rage que les papes et une partie du clergé se sont opposés aux réformes, et ont suscité le protestantisme, qui a déchiré l'Église, suscité l'incrédulité du XVIIIe siècle, qui a dépeuplé la partie restée orthodoxe; c'est animés de cette rage qu'ils se sont efforcés de détruire la régénération opérée par l'Assemblée constituante, et de replanter les anciens abus. Est-il permis d'espérer que la même rage ne les possède pas, tant qu'il y aura des catholiques en Europe?

RESTAURATION DE LA PAPAUTÉ 1.

Il paraît que la papauté sortira de ses ruines. Depuis mille ans elle est broyée et transformée en souveraineté temporelle. Maintenant cette souveraineté se brise, et la papauté va sans doute renaître à la vie chrétienne à laquelle elle est morte. La théocratie, sincère ou hypocrite, l'ignorance ou le charlatanisme religieux, les sa

1. Ce morceau, de la même époque que les précédents, n'est qu'ébauché. Le défaut de publicité aura détourné l'auteur d'y mettre la dernière main.

ED.

cristains ou les baladins de sacristie se lamentent; mais la religion se réjouit. Elle y voit l'aurore de sa délivrance, l'événement si impatiemment attendu qui la dépaganise dans son chef comme dans ses membres, la rend à elle-même, lui permet de retrouver ses anciennes conquêtes qu'elle a presque entièrement perdues, et de conquérir toutes les nations, qui toutes lui sont promises.

Les ministres de l'Église, quels qu'ils soient, les plus grands comme les plus petits, placés au sommet de la hiérarchie, comme au plus bas degré, n'ont aucun droit dans l'État. Pour leur en attribuer, il faut que le pouvoir social émane du sacerdoce, ou le sacerdoce du pouvoir social.

Si le sacerdoce découle du pouvoir social, les pontifes sont des fonctionnaires civils, et il est clair qu'ils. ont des droits dans l'État comme tous les autres fonctionnaires; mais le sacerdoce cesse d'être une institution surnaturelle, il est anéanti.

Si le pouvoir social découle du sacerdoce, non-seulement le sacerdoce a des droits dans l'État, mais il les a tous, et nul n'en peut posséder qu'il ne les emprunte de lui. Ici l'humanité est dégradée.

Le pouvoir social ne peut venir du sacerdoce, qui lui-même vient surnaturellement de Dieu, que parce que l'homme ne s'élève point naturellement ou par sa raison à Dieu, source de tout pouvoir, pour y puiser

« PreviousContinue »