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doit d'avoir intérieurement retrouvé Dieu, et avec Dieu, la force intellectuelle et morale de les réclamer et de les obtenir. Quant à la théocratie du moyen âge, elle servit à détruire le monde païen, qui l'avait imposée à l'Église. Dans ce sens, elle contribue à la révolution, mais ce n'est que comme instrument. L'auteur dit que le droit naturel, éternel, gît dans la conscience. Qu'il veuille bien expliquer pourquoi il y demeura toujours enfoui avant l'Evangile ; pourquoi encore il y demeure toujours enfoui hors de l'Évangile; pourquoi, dans tous les temps et dans tous les pays, les législateurs infidèles ont pris pour fondement de l'institution sociale, que l'homme appartient à l'État, que de l'État émane tout ce dont il jouit, et qu'il n'a rien par sa nature. Qu'importe que le droit soit dans la conscience, si l'esprit humain par lui-même se trouve incapable de le faire paraître et de l'introduire dans la vie du citoyen? M. Michelet veut que l'on considère la révolution comme résultant de nos traditions nationales. Elle serait donc particulière, exclusive à la France, et non pas la restauration de tous les peuples ou du genre humain. Il est étonnant qu'un écrivain qui semble la porter brûlante dans ses entrailles, n'en sente pas mieux la puissance et l'immensité. Eh quoi! la dériver du génie d'un peuple, quel qu'il fût, ne serait-ce donc pas la dégrader? M. de Lamartine, M. Louis Blanc, la rapportent à sa cause véritable. Mais s'intéressent-ils assez aux réformes

ecclésiastiques pour la retracer? Nous voudrions attirer leur attention, et celle de M. Michelet, s'il est possible, sur cet important sujet.

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L'histoire de l'Église, durant la révolution, peut se diviser en deux époques : l'une depuis la convocation des états-généraux jusqu'au serment, l'autre depuis le serment jusqu'au concordat. Dans la première, le bon clergé travaille à la régénération; le mauvais, à l'arrêter; dans la seconde, le bon, à l'affermir, à la faire fructifier; le mauvais, à la stériliser et à la détruire.

Il est rare qu'un grand événement arrive sans être précédé d'autres pareils, mais moins considérables. Ainsi les réformes de Ferdinand IV, roi de Naples, ou plutôt de Tannucci, son ministre, de Joseph II, empereur d'Autriche, et de Léopold, duc de Toscane, commencées quelques années auparavant, préludèrent à celles de l'Assemblée constituante. Ces trois princes voulurent restituer aux évêques leurs droits, que la cour de Rome avait envahis, au gouvernement les siens, envahis, soit par cette cour, soit en général par le clergé; ils voulurent purger leurs États des moines inutiles, peste de la religion et de la société, et assujettir les autres à la règle.

Joseph et Léopold songèrent de plus à corriger l'Église dans toutes ses parties. «Il est indispensable, écrivait le premier au cardinal Herzan, son envoyé à Rome, que j'écarte du domaine de la religion certaines choses qui n'auraient jamais dû en faire partie. Comme je déteste la superstition et les Sadducéens, je veux en affranchir mon peuple. A cet effet, je chasserai les moines, je supprimerai leurs couvents, et je les soumettrai aux évêques de leurs diccèses. Ils me dénonceront à Rome, j'en suis sûr, comme ayant attenté au droit divin; ils s'écrieront que la gloire d'Israël est déchue. On me reprochera d'avoir enlevé des tribunes au peuple, et d'avoir voulu mettre une ligne de démarcation entre les idées du dogme et de la philosophie; mais on s'irritera encore bien davantage de ce que j'aurai entrepris une réforme sans l'autorisation préalable du serviteur des serviteurs de Dieu... Jamais un serviteur de l'autel ne voudra souffrir que le souverain le mette à la place qui lui appartient, et qu'il ne lui laisse que l'Évangile en partage. En effet, n'est-ce pas un sacrilége d'empêcher que les enfants de Lévi ne fassent le monopole de l'esprit humain?........ Du respect pour les fondateurs des ordres, on a passé jusqu'à l'adoration, au point que nous avons vu reparaître le temps où les Israélites allaient processionnellement à Béthel pour adorer les veaux dorés. Ces faux principes se sont répandus dans le vulgaire, qui ne connaît plus Dieu, et espère tout de

ses saints. L'influence des évêques, que je rétablirai, a surtout pour but de détruire cette erreur du peuple. A l'avenir, c'est l'Évangile seul qui sera prêché, et par des hommes du monde, et non par les moines qui ne débitent que les rêveries des gens exaltés... J'aurai soin que le nouvel édifice que je veux élever soit durable. Les séminaires généraux seront des pépinières de sages ecclésiastiques; les curés qui en sortiront apporteront un esprit éclairé dans le monde, et le communiqueront au peuple par une sage instruction. C'est ainsi qu'après des siècles d'erreur il y aura de vrais chrétiens qui, lorsque mon plan sera accompli, connaîtront enfin leurs devoirs envers Dieu, la patrie et leur prochain. Nos neveux nous béniront de les avoir affranchis de la tyrannie de Rome, et d'avoir ramené les prêtres à leur devoir, en soumettant leur avenir à Dieu, mais leur présent à la patrie. >> Dans une lettre au président de la commission pour les établissements religieux: « Les soins persévérants, dit-il, que j'ai pris, depuis mon avénement au trône, pour répandre les vrais principes de la foi, rétablir la pureté et la dignité de la religion, et corriger les mœurs, font preuve de mon zèle pour notre culte. Animé de ces sentiments, j'ai créé en peu d'années plusieurs évêchés et grands chapitres; d'autres ont été dotés; les cures et les chapellenies ont été augmentées dans toutes les provinces. J'ai fait construire ou réparer un grand nombre d'églises et de presby

tères, et j'ai établi des séminaires généraux et spéciaux; enfin, pour réformer petit à petit les ordres mendiants, qui, tout en dégradant la religion et avilissant les membres de l'ordre même, étaient très à charge aux campagnes, je leur ai, dans divers endroits, assigné des revenus suffisants à leurs besoins. » Il supprima tous les couvents de femmes et beaucoup de moines, principalement ceux qui ne se livraient point à l'enseignement, au soin des malades ou à la prédication, et de 63,000 il en réduisit le nombre à 27,000.

Joseph détruisait lui-même les abus, Léopold désirait employer les conciles. Suivant lui, chaque évêque devait en tenir au moins un tous les deux ans. Il préparait un concile national, afin que tout le clergé agît de concert, que les décisions et les règlements fussent uniformes dans la Toscane. Il n'y eut de célébré que le synode de Pistoie, lequel, à la vérité, fut admirable. Il renfermait avec l'évêque 234 membres, dont 171 pasteurs, 14 chapelains curés, 14 chanoines, 22 prêtres séculiers, 13 prêtres réguliers. Il passa solennellement en revue, il épura avec sévérité les divers points du dogme et de la discipline.

Outre l'esprit philosophique du xvm siècle, une sainte contrebande suscita ce mouvement restaurateur. Deux ecclésiastiques français, parcourant l'Allemagne et l'Italie pour une entreprise littéraire, y avaient répandu pour trois millions de nos meilleurs livres sur la théo

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