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* PENSÉES DÉTACHÉES.

La terre, travaillée par l'industrie, les cieux, l'univers, ce grand vassal de l'homme, ne rentrent-ils pas sous son empire? Les créatures révoltées contre lui lorsqu'il se révolta contre Dieu, ne reviennent-elles pas à l'obéissance, à mesure que lui-même Ꭹ revient à l'égard de Dieu, c'est-à-dire que le retour intérieur se resserre?

Platon, en appelant le corps la prison de l'âme, dit vrai, si on l'entend du corps corrompu. Il dit vrai encore, quand il déclare, dans le Timée, que Dieu n'a pu faire le corps, autrement il serait immortel: la mortalité, qui est la suite de la corruption, est l'ouvrage de l'homme. Cependant, est-il certain qu'il ne puisse rien former de périssable? Et les animaux, et le monde matériel? Ou leur mortalité serait-elle un effet de celle du corps humain?

Les pompes de la chair ont été foudroyées dans l'étable où Jésus-Christ naquit, et les plaisirs, sur la croix où il mourut.

Boulanger rapporte l'origine des anciennes sociétés et des anciens cultes à la terreur causée par le déluge.

Ces sociétés et ces cultes primitifs étaient fondés sur la raison, l'homme ne reconnaissant que Dieu au-dessus de lui; mais de cette théocratie naturelle sortit la théocratie despotique qui nous est connue par l'histoire. « Le genre humain, dit-il, ne fut juste que sur les débris du monde. » (Encycl., p. 552.)

Saint Thomas incline tantôt vers les idées en nous et en Dieu, et quelquefois, comme Aristote, vers les idées seulement en nous.

A l'égard de la révolution opérée dans l'école sensualiste, telle que l'avait laissée Condillac, outre Cabanis, principal auteur de cette révolution, voyez Lamarck, Philosophie zoologique, viro ch. de la 11° partie, et particulièrement les pages 371-5, 384, 392, 491, où il distingue, contre Condillac et M. de Tracy, la sensation de l'opération de l'intelligence, l'activité de l'intelligence, et réduit à sa valeur la nécessité des mots pour penser.

Liste trouvée dans les papiers de l'auteur, et écrite de sa main.

Roger Bacon, emprisonné.

Bernard de Palissy, mourant de faim.
Colomb, emprisonné.

Képler, dans la misère.

Bruno, brûlé.

Campanella, à la question, emprisonné.

Ramus, égorgé.

Galilée, torturé (dit M. Libri).

Borelli, couchant dehors à Rome, et mort à l'hô

pital 1.

1. A cette liste on peut maintenant ajouter : Bordas, dans la misère, et mort à l'hôpital.

ÉD.

CORRESPONDANCE PHILOSOPHIQUE

...

A MONSIEUR HUET'.

Paris, le 6 janvier 1836.

Les renseignements que vous demandez sur l'anthropologie ne peuvent être présentés que d'une manière très-incomplète dans une lettre; on est contraint de s'en tenir à des aperçus généraux, qui tirent leur importance des développements... Ce terme barbare, emprunté aux Allemands, signifie science de l'homme; et comme il semble exprimer plutôt la science physiologique que la science métaphysique, c'est une preuve que l'on demande dans votre cours, avec la connaissance de l'âme, celle du corps. L'une et l'autre se trouve dans la Connaissance de Dieu et de soi-même, de Bossuet, dont je vous ai déjà parlé. Ce traité est, à mon sens, ce que nous avons de mieux. Nulle part on ne trouve plus nettement exposés les grands principes généralement admis en bonne philosophie. Seulement il ne

1. Alors professeur de philosophie à l'Université de Gand. ÉD.

faudrait pas, comme l'auteur, se soumettre à l'opinion de Descartes et enseigner que la matière est passive, et que c'est l'âme et non le corps qui en nous éprouve la sensation. C'est une erreur grave: le corps sent, l'âme ne fait que percevoir la sensation. Peut-être encore serait-il bon d'intervertir l'ordre adopté par Bossuet, et de mettre l'étude de l'organisme avant celle de la pensée. Cette marche est sans doute moins philosophique; car la philosophie devant donner les principes de toute connaissance, il est naturel qu'elle commence par l'étude de la pensée, source de tout savoir. Mais pour un auditoire qu'il s'agit d'initier à la philosophie, l'étude de l'organisme peut éclairer l'étude de la pensée et aider à comprendre la part que les sens prennent à son exercice. D'ailleurs, cette étude, plus accessible, est susceptible de considérations pleines d'intérêt. Là, vous pourriez parler de la place que l'homme occupe dans l'échelle animale, et vous livrer à quelques considérations sur les grands rapports de la zoologie; là, vous pourriez parler de la place que l'homme occupe sur la terre, et indiquer les principaux faits de la géologie et en présenter d'attrayantes vues; là, vous pourriez parler encore de la place que l'homme occupe dans l'univers d'une manière générale, et jeter un coup d'œil sur le spectacle des mouvements célestes, sur la cosmologie; là, enfin, vous pourriez parler de sa position dans la société, et signaler la diversité des races

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