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- Pénétrée de pareils sentimens, dit-elle encore, une "Sœur ne trouvera jamais rien de dur et de difficile; et plus elle aura à souffrir dans l'exercice de son état, plus elle se trouvera heureuse, d'avoir occasion d'imiter notre Seigneur Jésus-Christ, et de rendre en quelque façon service à son Dieu, en la personne des pe" tites filles, et autres personnes de son sexe, et d'exé"cuter au moins en quelque petite chose, les promesses

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qu'elle lui a faites au temps de sa profession. C'est " principalement alors qu'elle pourra se flatter, que son amour pour son divin époux n'est pas unamour servile "et intéressé; mais un amour pur et d'une véritable épouse,

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qui reste toujours amante; et qui lui fera supporter " avec soumission, et même désirer ardemment pour " l'amour de lui et pour avoir avec lui quelques traits " de ressemblance, de manquer de toutes choses, d'être " méprisée de tout le monde, de souffrir toute sorte de

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tourmens, et de donner même sa vie, s'il étoit néces"saire, pour l'amour et la cause de Dieu, et pour le " salut du prochain." C'est jusqu'ici la Sœur Bourgeois qui parle.

Mais de peur que ses Sœurs ne vinssent à se ralentir dans des sentimens si nobles et si généreux, qu'elle tachoit de leur inspirer, elle avoit soin de leur en renouveller souvent la mémoire.

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Il me semble, leur disoit-elle un jour, que nous sommes toutes obligées de renouveller les promesses que nous avons faites à Dieu, lorsque nous l'avons pris " pour notre partage, et que nous nous sommes engagées à son service, et à celui de la très Ste. Vierge. Il en doit être de nous, comme d'un enfant, ou d'un domes. tique fidèle, qui, pour plaire à ses parents ou à ses maîtres, étudie avec soin leurs inclinations, et cherche soigneusement à les prévenir, et à leur plaire. Or " nous savons que de tels enfants, ou de tels domestiques, sont toujours les bien aimés de ceux à qui ils s'efforcent ainsi de plaire: de même nous devons nous appliquer à connoître, et à suivre les intentions de " Jésus et de Marie; qui pendant tout le temps qu'ils " ont été sur la terre, semblent avoir recherché, comme

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avec une espèce de passion, les mépris, les humilia

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tions, les peines et les souffrances. Si done nows " voulons leur plaire, il faut que nous entrions " dans de pareils sentimens, qui nous sont clairement suggérés par tous les engagemens et toutes les pratiques de notre sainte vocation. Car il me semble que dans notre petitesse, nous ne laissons pas de pren"dre en main les intérêts de la maison de Dieu, dans

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l'éducation des personnes de notre sexe: pourvu que " dans l'état de dégagement de toutes choses, où nous "devons être, nous suivions les inclinations de notre

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Seigneur, et de la très Ste. Vierge, par l'éloignement " des entretiens avec le monde, par le détachement de notre propre volonté, par une obéissance prompte et aveugle, et par la pratique de toutes les vertus, cù " je souhaite que notre bon Dieu nous fasse la grace d'arriver."

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Par tout ce discours, emprumpté d'elle-même, il est aisé de voir que le zèle de la Sœur Bourgeois pour les Missions, ne se bornoit pas si absolument à l'instruction des jeunes filles et des écolières, qu'il ne renfermât encore des vues de sanctification et de salut pour les filles externes et de tout âge; c'est pour cela qu'elle vouloit, que dans toutes les Missions, on établît des Congrégations d'externes, et des lieux de retraite, pour les personnes d'un âge mûr, qui voudroient venir y faire de temps en temps les exercices spirituels des retraites; soit pour se reconcilier avec Dieu, soit pour y trouver le chemin de la vertu, et s'y affermir dans le bien; pratique qui lui tenoit extrêmement à cœur, et qu'elle a souvent recommandée dans ses écrits avec de grandes instances.

PARAGRAPHE TROISIEME.

Sur ses Vertus Morales et Chrétiennes.

Il y a des vertus Morales, purement naturelles, qui ne servent qu'à régler la nature et à former ce qu'on appelle communément dans le monde, une personne de société, un honnête homme; vertus stériles, qui renferment et cachent ordinairement bien des défauts, et qui sont toujours au moins parfaitement inutiles pour le

salut, si elles ne sont inspirées par un mouvement de la grâce, et animées par des intentions chrétiennes et des vues de foi: mais avec ce secours surnaturel et ces bonnes dispositions du cœur, elles deviennent des vertus chrétiennes; et ce sont celles-ci, qui jointes avec les théologales pour tous les chrétiens, et avec les vertus Religieuses, pour les personnes consacrées à Dieu, forment les Saints dans tous les états du Christianisme.

Nous pourrions ici en parcourir un grand nombre, et nous verrions que la Sœur Bourgeois les a toutes possédées dans un dégré très éminent. Bornons-nous à celles qui sont les plus rares et les plus difficiles dans la pratique, et il nous sera aisé de juger parlà ce qu'il en devoit être, ▸ et ce qu'il en étoit en effet à son égard, dans tout ce qui pouvoit avoir quelque rapport à la gloire de Dieu, et à la pratique du bien.

C'est donc de son esprit de pénitence, ou de son amour pour la croix et la mortification, et de son humilité, ses vertus favorites, dont il nous reste présentement à trai

ter.

lere. Vertu Morale: son esprit de Pénitence. Les saints et les maîtres de la vie spirituelle nous apprennent que Dieu ne refuse jamais rien à une âme véri tablement pénitente et mortifiée. Convaincue de cette maxime, la Sœur Bourgeois se livra, comme sans réserve, à tous les exercices d'une vie austère et pénitente; non que cette rigueur lui fût nécessaire pour expier ses propres péchés, puisque nous avons remarqué qu'on avoit droit de supposer qu'elle n'en commit jamais aucun, qui fût capable de lui faire perdre la grace et l'amour de son Dieu: mais comme elle avoit extrêmement à cœur le succès des grandes entreprises qu'elle se proposoit pour sa gloire, elle ne négligeait rien pour obtenir de la divine bonté, les secours qui lui étoient nécessaires.

Elle avoit sans doute puisé ce goût décidé de croix et de souffrances, dans de fréquentes considérations sur la vie et la passion du Sauveur, qui en l'embrasant d'amour pour son divin maître, lui inspiroit le désir de l'imiter dans sa vie agissante et souffrante, et de devenir semblable en tout à l'homme de douleur. Aussi avonsnous vu ailleurs, que dès sa plus tendre jeunesse, elle avoit un attrait particulier et de préférence pour les états les plus austères, du Mont-Carmel et de Ste. Claire; elle en conserva en effet les inclinations pendant toute sa vie. Que si dans la suite elle fut obligée de céder par obéissance quelque chose du projet qu'elle avoit conçu d'établir dans sa communauté toute la rigueur de cet'esprit, elle n'en rabattit jamais rien, ou aumoins, que bien peu de chose, en ce qui la regardoit elle-même.

Nous n'entreprendrons pas ici le détail de ses pratiques; nous en avons déjà dit quelque chose : mais nous ne pouvons nous dispenser de remarquer ici, que toute sa vie n'a été qu'une fidèle expression des sentimens qu'elle nous a laissés par écrit sur cette vertu; qu'elle a même enchéri, par ses actions, audessus de ses paroles, et qu'elle en a exécuté, en ce point, beaucoup plus que nous ne pourrions nous en imaginer. Mais laissons à part toutes ces cruautés, par lesquelles elle se martirisoit continuellement. Elles pourroient, à la vérité, servir à notre admiration; ses duretés à l'egard d'elle-même, ont été trop grandes pour servir beaucoup à notre imitation. Bornons-nous donc à considérer en elle les peines inséparables de la vie pauvre et laborieuse qu'elle avoit embrassée, pour nous aider à supporter et à sanctifier les nôtres, qui seront toujours beaucoup audessous de ce qu'elle a pratiqué.

Passer une partie de sa vie dans des voyages durs et difficiles, dans une extrême pauvreté, et manquant de tout, que n'eut-elle pas à souffrir? Exposer sans cesse et sans aucune précaution, son corps à toutes les incommodités du temps et des saisons; se refuser constamment à soimême les secours les plus nécessaires du boire et du manger; succomber souvent sous la lassitude, et se priver d'un sommeil nécessaire, et de tout autre repos; se réduire en tout à la condition des personnes les plus pauvres, et se passer de mille petits secours, que les plus indigens même jugent souvent indispensables; se bornant absolument en toutes choses à la pure nécessité, et n'usant jamais, qu'avec une extrême réserve, et toujours très pauwement, des choses les plus indispensables; les dépouillant avec soin, lorsqu'elle étoit obligée de s'en servir, de tout ce qu'elles pouvoient avoir de flatteur et d'agréable; tenant continuellement son corps dans quelque posture humble et gênante; telles étoient, et plus sévères encore, ses pratiques journalières, disons-mieux, continu elles, fondées, disoit-elle, sur cette maxime de St. François d'Assise, qui étoit aussi la sienne: qu'il est difficile de satisfaire aux nécessités corporelles, sans obéir aux inclinatións sensuelles. Voilà pour le corps.

Quand à la mortification de ses sens, elle ne fut ni moins constante, ni moins universelle. Modestie dans ses regards, retenue dans ses paroles, réprimant continuellement les mouvemens d'une curiosité indiscrête, les saillies d'un esprit dissipé, les épanchemens d'un coeur, volage, les désirs et les inclinations d'une nature sensuelle et corrompue: en un mot, fidèle à se recueillir et à s'entretenir continuellement en la présence de son Dieu, dont elle tiroit grace pour bien faire ses actions et pour réussir dans ses projets; de sorte qu'ayant accompli dans sa personne, l'avis que Dieu avoit donné autrefois à Abraham, le père des croyans, de marcher en sa présence et qu'il seroit parfait, on peut espérer qu'elle en aura reçu une récompense semblable à celle de ce saint patriarche, par une protection spéciale et constante sur toute sa postérité spirituelle, et sur toute sa maison.

Seconde Vertu Morale; son humilité. Il est surprenant qu'au milieu de tant de merveilles, et de tant de pratiques héroïques des plus sublimes vertus, la Sœur Bourgeois ait pu se soutenir dans les bas sentimens d'ellemême, et l'humilité profonde dont elle faisoit profession L'on peut cependant assurer que ce ne fut pas la moindre de ses prérogatives: mais qu'aucontraire, elle fut en quelque façon par préférence la chère vertu de son cœur.

Son humilité se faisoit principalement remarquer dans la grande estime qu'elle faisoit des états pauvres, simples et abjects, qu'elle a toujours désirés et recherchés, non seulement pour elle-même; mais encore pour toute sa communauté. Quant aux pratiques extérieures de cette vertu, on l'a vue, pendant tout le cours de sa vie, exercée Y

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