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Philippe-le-Bel fuivit cet exemple, en portant néanmoins ce revenu à 12,000 liv. Philippe de Valois & Jean ne le fixèrent point; Charles V, par fon Ordonnance de 1375, rappela la fixation à 12,000 liv. pour fes enfans nés & à naître. Ces fixations ont occafionné des demandes & réclamations en fupplément, d'après les résultats des évaluations affez ordinairement arbitraires, & toujours' fort au-deffous de la véritable valeur des fonds donnés en apanage; ce qui les fait porter beaucoup au-deffus de leur fixation, & dès-lors dans le cas d'être réduits.

Il existe plufieurs exemples de ces réductions d'apanages. On voit que Charles V, de l'avis des Grands du Royaume,' réduifit celui de Philippe d'Orléans, fon oncle; que Louis, Duc d'Orléans, frère de Charles VI, profitant de l'état de foibleffe du Roi, avoit fait augmenter fon apanage à différentes reprises; mais qu'à fon décès, arrivé en 1407, Charles VI réunit à la Couronne ce qu'il s'étoit' fait donner par fupplément & accroiffement.

Les Etats de Tours, de 1468, repréfentèrent à Louis XI, qu'il ne pouvoit donner la Normandie à son frère, & qu'il fuffifoit de l'apanager de 12,000 liv. à titre de duché, & d'une penfion annuelle de 48,000 liv. obfervant en outre que ce qui feroit fait, ne devoit tirer à conféquence.

Mais depuis, & par le dernier état, le revenu des apanages a été fixé à 200,000 liv. outre une fomme importante qui fe paye annuellement au Tréfor royal, qui paroît avoir été déterminée à 3,500,000 pour le Prince apanagé, réductible à 1,800,000 liv. pour fon fils, & à 1,500,000 pour le petit-fils. (1)

La fixation du revenu des apanages en terre donne lieu à des évaluations qui exigent des opérations auffi longues que difpendieufes.

On met toujours en déduction, des charges idéales,

(1) Ces fommes fixées pour les derniers apanages, font destinées payer les gages & émolumens des Officiers des maisons apanagées, & les intérêts des finances par eux verfées au Tréfor-Royal.

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& jufqu'aux plus légères réparations; on attenue ainfi le revenu qu'on réduit prefqu'à rien de là une foule de demandes & de réclamations en fupplément d'apanage & en indemnité, toujours accueillies favorablement au préjudice du Roi & de l'Etat.

L'Apanage de M. d'Orléans fur-tout, ceux des deux frères du Roi, en fourniffent des exemples bien fenfibles.

Nous commencerons par celui de M. d'Orleans, comme le plus ancien.

Par édit de 1661, l'apanage de Monfieur frère de Louis XIV, fut d'abord compofé des Duchés d'Orléans, de Valois, de Chartres & de la Seigneurie de Montargis, avec le produit des aides de ces Duchés & Seigneuries, qui avoient été déja donnés en Supplément d'apanage à Gafton, par lettres-patentes du mois d'Août 1650, & qui n'auroient jamais dû entrer dans la compofition d'aucun apanage, ces droits payés par le peuple n'étant de leur nature ni aliénables, ni ceffibles, ni dans le cas de pouvoir être, fous aucun prétexte, détournés de leur deftination d'emploi à l'acquit des charges de l'état.

On partit de l'évaluation faite, dès 1626, lors de la formation de l'apanage de Gafton, pour faire celle du revenu de ces Domaines, & il en réfulta qu'il ne se portoit qu'à 85,640 liv. 16 f. & celui des aides à 60,384 liv. 14 f. en forte que fuivant ces évaluations non contredites, il reftoit encore à fournir 53,974 liv. 9 f. pour parfaire les 200,000 liv. à quoi devoit fe monter le revenu annuel de l'apanage, toutes charges déduites.

Ce fut pour former ce fupplément que par une déclaration du 24 Avril 1672, le Roi Louis XIV donna, à ce titre, à Monfieur, le duché de Nemours, les Comtés de Dourdan & Romorantin, les Marquifats de Coucy & de Follembray, dont les revenus fe trouvèrent monter, d'après l'évaluation, à environ $5,000 liv.

On donna enfuite en 1692 à M. le Duc d'Orléans le Palais Royal, par augmentation d'apanage, & depuis par Lettres-Patentes du 28 Janvier 1751 on y a réuni les domaines de Laon, Crepy & Noyon, tenus à titre d'engagemens, que le Prince avoit été autorisé à retirer par arrêt du 26 juin 1750, en rembourfant les finances des engagiftes on y ajouta enfin la totalité du Comté de Soiffons, dont la moitié engagée avoit été retirée par feu M. le Duc d'Orléans, & l'autre moitié par lui acquife des directeurs des créanciers unis du Prince de Carignan; le Confeil de M. d'Orléans , par un mémoire fourni au Comité des Domaines fur fon apanage, obferve à cet égard que par Arrêt du 12 Août 1749, le Roi permit à M. d'Orléans de rentrer dans l'engagement de la moitié du Comté de Soiffons, en rembonrfant les finances qui furent liquidées par autre arrêt du 30 Décembre fuivant, à 15,711 liv.

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Que par A&te du 26 Janvier 1750, il acquit des créanciers de Carignan la partie patrimoniale du même Comté moyennant 284,289 liv.

Que par un autre Arrêt du Confeil du 21 Avril précédent, M. d'Orléans fut fubrogé à l'engagement des Domaines de Laon, Crepy & Noyon, en rembourfant les finances qui furent liquidées à 52,000 liv.; qu'enfin par les Lettres du 28 Janvier 1751, le Roi a accepté l'abandon offert par M. d'Orléans, de la moitié patrimoniale du Comté de Soiffons, pour demeurer unie & incorporée au domaine de la Couronne & faire partie de fon apanage, ainfi que l'autre moitié dudit Comté & les Domaines de Laon, Crepy & Noyon, dont il avoit effectué le rachat & payé les finances.

Mais en voulant préfenter cet abandon, comme un facrifice fait par M. d'Orléans, on a oublié d'ob- ! ferver que par un Arrêt du Confeil du 12 Janvier 1751, antérieur de quelques jours aux Lettres - Patentes de réunion & d'abandon, le Roi avoit accordé à M.

d'Orléans la permiffion de couper & de vendre 798 arpens de futaie, de la forêt de Villers-Cotterets, pour être le prix de la vente employé à le rembourfer du montant de celui de l'acquifition par lui faite de la moitié patrimoniale du Comté de Soiffons, & des finances d'engagement, de l'autre moitié du Comté, ainfi que des domaines de Laon, Crépy, & Noyon. Ces 798 arpens de futaie avoient été eftimés très-modérément à 554,350 liv. 10 f. par procès-verbal du 10 Novembre 1750 (1). Le prix de la vente a dû être au deffus de cette estimation: M. d'Orléans a donc retiré de cette vente bien audelà de la fomme de 352,000 liv. à laquelle fe font montés & les finances des engagemens & le prix de l'acquifition de la moitié patrimoniale du Comté de Soiffons, acquis des créanciers de Carignan.

Il en refulte donc que M. d'Orléans, loin d'avoir fait le plus léger facrifice, non-feulement a affez confidérablement augmenté le fonds & les revenus de fon apanage, aux frais du tréfor public & de l'État; mais encore qu'il a retiré, & bien au delà, de quoi payer le prix de l'acquifition de la moitié patrimoniale du Comté de Soiffons, & le montant de la finance des engagemens, tant de l'autre moitié dudit Comté, que des domaines de Laon, Crépy & Noyon.

Par le mémoire fourni par le Confeil de M. d'Orléans fur les différens domaines qui compofent fon

:

ont

(1) Il réfulte de l'état des ventes des bois de la forêt de Villers-Cotterets, fourni par le Confeil de M. d'Orléans, que les coupes annuelles de 150 arpens de futaie produit, année commune, 420,000 livres, ce qui porte chaque arpent à 2,800 livres dès-lors la vente des 798 arpens a dû produire la fomme de 2,232,400 livres, & conféquemment 1,688,049 liv. 10 f. au-delà de l'eftimation portée feulement à $44,350 liv. 10 f ; mais comme les bois ont augmenté de valeur depuis 1751, on peut réduire le produit de cette vente extraordinaire, à 1,500,000 liv.

apanage, on parle beaucoup de dépenfes faites & de fommes confidérables employées, tantôt à réunir des domaines engagés, tantôt à faire des canaux ou conftructions utiles, foit à faire des plantations, foit en général à améliorer les biens; mais on ne dit pas que toutes ces fommes dépensées, ont toujours été fournies par l'État; qu'elles ont été & bien au-delà remboursées par des ventes extraordinaires de futaies, fucceffivement ac+ cordées aux Princes de la maifon d'Orléans, par différens Arrêts du Confeil; en forte que malgré une des claufes expreffes des Lettres-Patentes de formation & de conftitution des apanages, portant que le Roi n'accorde 1a jouiffance des Bois de haute-futaie aux Princes apanagés que pour en ufer en bons Pères de famille, & à la charge de n'en faire couper que pour l'entretien & les réparations des édifices & Châteaux de l'apanage, on trouve le moyen de rendre cette claufe abfolument illufoire, foit en intervertiffant l'ordre des coupes, foit en changeant les aménagemens, foit en confondant fucceffivement les furaies dans les coupes & ventes ordinaires des taillis, foit enfin en obtenant par des arrêts du Confeil des permiffions de vendre par extraordinaire de ces futaies, dont partie du prix, toujours beaucoup plus que fuffifant pour faire face aux objets d'emploi propofés pour fervir de motifs à la grace demandée au Roi, eft employée à ces améliorations & augmentations, & l'autre partie tourne au profit particulier du Prince apanagé, qui profite doublement au détriment de l'Etat, foit par l'augmentation de revenu de fon apanage qu'il fe procure, foit par l'excédant de prix dont il profite.

C'eft ainfi que l'incendie de l'Opéra & de quelques parties du Palais Royal fervit de motif à feu M. d'Orléans, pour obtenir une coupe extraordinaire de futaie dans la forêt de Villers-Cotterets.

En 1766 feu M. le Duc d'Orléans, fur le fondement que les domaines de la Fère, Marle, Ham & St.-Gobin,

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