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Je m'arrête ici pour répondre au sophisme qui m'attend. On pourra dire que l'Assemblée a délégué au Roi le Ministère public, que l'accusation en a toujours fait partie, et a été exercée par des Officiers appelés GENS DU Ror, ou SES PROCUREURS; qu'ainsi la question n'est plus entière.

Je réponds, 19. que quand l'Assemblée a décidé que le Peuple éliroit les Juges, elle n'entendit alors décider que cela, et non la latitude des fonctions et de l'autorité qui seroient confiées aux Juges : elle s'en est occupée depuis. De même quand elle a décidé que le Roi nommeroit le Ministère public, elle n'a pas entendu décider quelle seroit la latitude des fonctions et de l'autorité du Ministère public. Tous les détails d'une Constitution ne se font pas à la fois ; il faut donc réduire .. strictement chaque Décret partiel à son objet spécial, et ne pas supposer décidé ou préjugé ce qui n'a été ni éclairci, ni médité, ni même soumis au débat. Or, je demande si, en accordant au Roi la nomination du Ministère public, on a discuté ce qu'il convenoit que ce Ministère fût dans la Constitution actuelle, ce qu'il doit être, étant établi ministériel & à vie, auprès des Juges électifs & temporaires ; si enfin on a entendu que cette importante partie des Pouvoirs publics échapperoit seule à la révision et à la reconstitution dont Forganisation générale a subi la loi. Disons done. que le Ministère public a été délégué, mais qu'il

n'a pas encore été constitué, et que sa déléğation au Roi ne fait que rendre l'intérêt de sa contitution plus pressant.

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Je réponds, 2 que si la fonction d'accuser a fait, dans ces derniers temps, partie du Ministère public, et a été exercée par les Gens du Roi, cette écorce ne doit pas nous dérober la substance de notre objet, et qu'il est facile de reconnoître l'illusion de cette fausse apparence. Les Rois ont établi le Ministère public que nous avons connu ; ce sont eux qui ont déterminé ses fonctions, et qui en ont qualifié les Officiers à leur gré, puisqu'ils les créoient par leurs Edits, et les instipar leurs Provisions, Les Rois alors, seuls représentans de la Nation exerçoient tous les droits et tous les pouvoirs nationaux confusément avec ceux délégués à la Royauté; mais ils étoient peu soigneux de rechercher la source et de conserver la distinction de ces pouvoirs. Voilà pour quoi, dans la précédente constitution du Ministère public, comme dans tant d'autres établissemens de l'ancien régime, il se trouve un mélange de fonctions vraiment nationales avec celles qui dérivent du Pouvoir exécutif. D'un autre côté, tout étant réputé procéder du Roi, ces Officiers qu'il créoit, et qu'il instituoit, étoient appelés Offciers du Roi. La Chancellerie donnoit l'épithète de Royal à tout ce qui étoit obligé de prendre son attache; et les Juges eux-mêmes étoient qua

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lifiés Officiers Royaux, Juges Royaux. Maintenant que le jour de la séparation des Pouvoirs est arrivé ,vous remontez aux principes pour départir les fonctions suivant leur nature, et pour le plus grand bien public; parce que ni la confusion qui en a été faite, ni les styles de la Chancellerie, ni les qualifications qui en sont résultées par habitude, n'ont pas pu changer l'essence invariable des choses.

Je recueille ici les résultats qui me paroissent dès-à-présent constans. 1°. Vous avez délégué au Roi le Ministère public, mais sous la réserve nécessaire de l'approprier à la Constitution. 2°. Vous l'avez délégué comme Agence du Pouvoir exécutif, il ne doit donc rester composé dans le partage contitutionnel des fonctions, que de celles qui appartiennent exclusivement au Pouvoir exécutif. 3°. De ce que l'accusation a fait partie de l'ancien Ministère, public, la conséquence n'est pas nécessairement qu'elle doive devenir, dans notre organisation nouvelle, une attribution du Pouvoir exécutif.

J'entre maintenant sans obstacle au fond de la discussion; j'examine ce que l'accusation publiqué est par sa nature, et je n'hésite pas à prononcer qu'elle est une fonction populaire.

C'est le Corps social qui est principalement blessé par l'impunité des crimes ; c'est lui que leur poursuite et leur punition intéresse; c'est

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pour sa sûreté, plus que pour la satisfaction des individus lésés, que les peines afflictives sont inétablies car que fait aux malheureuses victimes de l'assassinat ou du vol, le supplice de l'assassin ou du voleur insolvable ? C'est par cette raison c'est encore parce que les plus grands crimes sont ceux qui atttaquent l'existence du Corps politique, que la Nation doit se charger d'office du châtiment des coupables. C'est enfin par ce pressant intérêt que tous les Peuples, qui n'ont pas connu la sublime institution d'un Accusateur public, ont rangé l'accusation criminelle au nombre des actions populaires. L'accusation publique, sauvegarde de la liberté contre l'abus des Magistratures, et contre les complots des factieux, étoit chez les anciens Peuples libres, un droit de chaque Citoyen. Voyez les Loix Grecques, Romaines, et ce qu'a dit un Républicain, à la fois Magistrat, Orateur, Publiciste et Philosophe, Cicéron : Accusatores multos esse in civitate utile est:

Cependant, l'accusation populaire a de grands inconvéniens. Quand tout le monde est chargé de veiller il arrive un moment où personne ne veille; et quand chacun peut accuser, l'esprit de parti, les préventions vulgaires, les préjugés et les ressentimens individuels, peuvent trop aisément troubler la tranquillité publique, sous le prétexte de l'assurer. Conservons donc le sage établissement d'un Officier public chargé d'accu

ser. Mais si l'accusation, publique ; au-lieu de rester une action populaire, devient la commission d'un Officier, peut-il rester douteux que cet Officier est l'homme du Peuple, préposé pour l'intérêt de la Nation à l'exercice de ses droits? Il doit donc être un des fonctionnaires élus et nommés par le Peuple; car sa fonction est uno de celles que le Peuple a spécialement intérêt de ne confier qu'à des hommes dont il soit sûr, et qu'aucun intérêt différent du sien ne puisse écar ter de l'exacte observation de leur devoir.

Je sais qu'on pourra dire que le pouvoir exécutif est dans sa source le pouvoir de la Nation, que c'est elle qui la délégué pour son avantage, qu'elle ne doit pas se défier de sa propre institution, et que le Roi peut aussi bien exercer l'accusation publique à l'avantage du Peuple, que les autres fonctions de la Royauté.

Je reponds qu'il est vrai que tous les pouvoirs publics sont ceux de la Nation , que tous lu sont avantageux dans l'esprit et dans l'objet de leur institution, et que cependant il existe par la nature même des choses, une distinction très-essentielle à maintenir entre les attributions que la Nation peut utilement faire au Pouvoir exécutif, et celles qu'elle a spécialement intérêt de se réserver pour les exercer plus directement par ses délégués électifs. Si le premier principa est que le Peuple ne doit confier que les fone Organisation Judiciaire.

A.

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