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donner à ce travail confidérable tous les développemens qu'il auroit peut-être exigé, je tâcherai au moins d'y apporter affez de méthode pour que des réfultats adoptés après des difcuffions approfondies, auxquelles ont été appelés des Officiers-généraux & particuliers, diftingués par leurs talens & défignés par l'opinion, ne perdent pas auprès de vous, Meffieurs, la faveur dont ils font dignes par la manière dont ils vous feront préfentés.

Vous n'avez point oublié, Meffieurs, que le Miniftre de la Guerre vous a propofé de porter à 151 mille le nombre de Soldats en activité, néceffaires pour la défense du Royaume.

Voici le Mémoire explicatif dont il a appuyé cette propofition.

MÉMOIRE

Remis au Comité Militaire par le Miniftre de la Guerre.

«

MESSIEURS,

Du 25 Juillet 1790.

«Par votre Décret du 22 de ce mois, vous avez arrêté qu'il vous feroit rendu compte des motifs qui ont déterminé à vous propofer l'entretien d'une Armée de 150 mille hommes. Dans un délai auffi court, je ne puis qu'indiquer rapidement tous les objets qu'il faut confidérer pour fe former un réfultar de la force néceffaire à la fûreté d'un Empire.

» C'eft de la nature, de fon Gouvernement, de fa pofition géographique, de fon étendue, de fa population, de fes alliances, 'des ennemis qu'il peut avoir, des forces qu'ils peuvent employer, que fe compofe le fyftème de la défenfe d'un Etat.

» Telles font les importantes confiderations d'après Jefquelles vous avez à fixer quelle Armée peut être néceffaire à la. France pour la guerre. Il s'agira d'examiner enfuite jufqu'à quel point cette Armée peut, fans inconvénient, être réduite à la paix.

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» Sans doute il appartenoit, aux Repréfentans de la Nation Françoife de confacrer les premiers ce grand principe de juftice, que la force militaire n'eft créée que la confervation de l'Etat & non pour fon pour diffement; mais ce fyftême jufte & modéré n'en néceffite pas moins de grandes Armées: s'il faut ne pas vouloir la guerre, il faut pouvoir la repouffer avec vigueur; il faut fur-tout, autant qu'il eft poffible, chercher à en porter le théâtre chez nos ennemis.

» Défions-nous, Meffieurs, de cette politique timide & trompeufe, qui diroit qu'il fuffit de bien garnir nos frontières; nous avons befoin au contraire d'Armées fortes & manoeuvrières qui, agiffant avantageufement au dehors, éloignent de notre pays les maux de tout genre qu'entraîne la guerre avec elle. Nous devons chercher à faire vivre nos Troupes aux dépens des Etats qui nous l'auront déclarée: alors nous obtiendrons à-lafois repos pour le peuple & foulagement pour le Tréfor public.

» Si vous considérez la force des Armées qui peuvent nous être oppofées, vous verrez que l'état de paix du Roi de Hongrie eft de 230 mille hommes, & que la confcription établie dans fes Etats peut les porter facile

ment au-delà de 300 mille.

» L'état de paix du Roi de Pruffe eft de 200 mille

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hommes, & une confcription d'un genre plus rigoureux encore peut les porter également à près de 300 mille.

» Le contingent de l'Empire eft de 30 mille hommes, & doit, felon les circonftances, pouvoir fe porter au triple de cette force."

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» C'est contre une, ou plufieurs de ces forces auxquelles peuvent fe joindre des Puiflances du Nord, que nous devons fonger à nous défendre.

ss Mais il faut ajouter à la lifte de nos befoins "la confervation de nos Colonies dans les deux Indes, & la garnifon de nos vaiffeaux. Les Puiffances maritimes nous obligent à de grands efforts, non-feulement pour garantir ces importantes poffeffions, mais pour la pro tection que nous devons à notre Commerce. C'est done à une guerre de terre & de mer tout-à-la-fois qu'il faut que, nous fongions à faire face; & je penfe, Meffieurs, que vous en concluerez que, dans une telle pofition, ce n'eft pas trop d'avoir un Etat Militaire conf titué fur le pied de 250 mille hommes ; c'eft-à-dire, fur un pied plus foible que celui de chacune des Puiffances avec lefquelles nous pourrions avoir la guerre, quoique nous foyons prefque toujours affurés d'avoir à la faire & fur terre & fur mer.

» Auffi, Meffieurs, eft-ce à l'heureuse position géographique de la France, au nombre & à la liaifon de fes fortereffes, à la nature de fes alliances, que nous devons de n'avoir pas befoin de plus nombreuses Armées pour défendre d'aufli vaftes poffeffions, une auffi grande étendue de côtes & de frontières.

» Je vais indiquer maintenant l'emploi des 250 mille hommes que je crois néceffaires à la défense de l'Etat. On ne peut pas couvrir nos frontières depuis Bafle jufqu'à la Meufe avec une armée moindre de 80 mille hommes; on ne peut pas en avoir moins de 60 mille pour pénétrer dans les Pays-Bas & s'y maintenir; la frontière des Alpes demande 30 à 40 mille homines,

parce que la nature du Pays donne aux ennemis que nous pourrions avoir dans cette partie plus de facilité qu'à la France pour furprendre le palage des montagnes; la garnifon de nos vaiffeaux exige au moins 18 mille homines, celle de nos Colonies en demande à-peu-près

autant.

» En récapitulant ces différentes forces vous trouverez 216 mille combattams, & cependant il n'en eft pas encore un feul employé à la garde des places & de nos

côtes.

» J'ajouterai donc, Meffieurs, au nombre ci-deffus, de 216 mille combattans, une réserve d'environ 34 mille hommes, formant à-peu-près le fixième de l'Armée, tant pour réparer fes pertes que pour la garde de nos fortereffes.

» L'hiftoire des guerres paffées devient ici un témoin précieux & irrécufable de la néceffité de cette force militaire. Confultez-la, vous nous verrez fous les règnes précédens avoir conftamment en armes un bien plus grand nombre de Troupes.

» En bornant donc à 250 mille hommes les Armées Françoifes, je n'ai point fait la fuppofition de la réunion de toutes les Puiffances contre la France, je n'ai fait que prévoir des évènemens ordinaires, & dans l'ordre de la vraisemblance, & j'ai cru qu'il falloit abandonner aux efforts du patriotifme le foin de furmonter les obftacles extraordinaires.

» Maintenant, Meffieurs, s'il vous eft prouvé qu'une 'Armée de 250 mille hommes eft absolument indispenfable pour faire face aux befoins de la guerre, je vais indiquer jufqu'à quel point cette Armée peut être réduite pendant la paix.

» Les 250 mille hommes me paroiffent devoir être compofés de

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"Il eft reconnu que l'inftruction des Troupes à cheval & celle de l'Artillerie demandent une longue éducation & une conftante habitude. On ne peut pas indifféremment diminuer la force de ces Corps; on ne peut pas fe flatter de trouver, au moment d'entrer en campagne, beaucoup d'hommes formés pour ces deux fervices; il faut donc en réduire le nombre avec mefure, & je ne penfe pas qu'il puiffe l'être au-delà du quart pour ces deux armes.

"

Quant à l'Infanterie, lorfqu'elle eft bien conftituée, lorfque le nombre des Officiers & des Sous-Officiers reftant le même, la diminution ne porte que fur les Soldars; lorfqu'il exifte dans chaque Compagnie un fonds fuffifant d'hommes bien inftruits, cette arme peut être réduite dans une proportion double de celle de la Cavalerie.

» D'après ces principes, Meffieurs, une armée de 250 mille hommes pourra fupporter une réduction de

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