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GAZETTE NATIONALE OU

No 361.

LE MONITEUR UNIVERSEL.

Mardi 27 DÉCEMBRE 1791.

POLITIQUE.

DANEMARK.

De Copenhague, le 10 décembre.

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Mercredi passé, M. le comte de Saint-Priest et l'envoyé de Pologne, comte Potocky, sont partis pour Stockholm.

Il y a un comte de Golz qui doit se rendre ici, pour remplir la place de M. le comte d'Arisma, ministre jusqu'ici de Sa Majesté prussienne en cette résidence. Mais on pense que son arrivée n'aura lieu qu'au printemps prochain. M. Schade de Berlin, qui doit faire la statue de Frédéric II, se trouve ici présentement. Il a fait le voyage de Pétersbourg, de Stockholm et de cette ville, pour voir les statues équestres renommées qui sont dans ces différentes capitales.

ALLEMAGNE.

Extrait d'une lettre de Hambourg, le 13 décembre. On parle beaucoup ici du traité d'alliance et de garantie mutuelle que l'empereur et le roi de Prusse viennent de passer entr'eux. Il n'y a encore que les préliminaires qui aient été signés à Vienne, le jour même que le conclusum de la diète y a été ratifié. Quel moment ces princes ont choisi pour un acte pareil! Cela nous occupe beaucoup aussi. Est-ce le maintien de la constitution germanique qui ait fait prendre une mesure si éclatante? Ce traité auraitil une influence immédiate sur les affaires de France? Le positif, à cet égard, est impraticable; mais rien n'est plus facile que d'en tirer des conjectures. On croit assez généralement dans le Nord que l'empereur sollicité de tous les côtés pour se déclarer contre la constitution française, préfère au plan que diverses cours lui proposent, des tempéraments qui conviennent mieux aux circonstances, et s'accordent davantage avec son propre caractère. Il en a écrit, dit-on, à l'impératrice de Russie et au roi de Prusse. On lui fait dire « qu'il n'est peut-être point nécessaire de se résourdre à une attaque formelle, quand les choses peuvent encore s'arranger par d'autres moyens. » Le ministère de France lambine extrêmement. On redoute au dehors l'effervescence des Français. Il faudrait en profiter du moins pour obtenir des ennemis de la France des explications telles qu'ils s'en trouveraient fort embarrassés pour leur manifeste futur. Quand la diète de Ratisbonne aura nommé le traité de Westphalie, elle aura tout dit. La nation française y répondra facilement, et il lui restera encore beaucoup à dire ; mais je crains que la nation ne se trouve engagée dans une guerre de plume, quand le temps de se battre sera pour elle moins favorable. Il faut être roi par la grace de Dieu et de son épée pour guerroyer en diplomatic. Une nation libre parle peu à ses ennemis, délibère promptement et marche à la gloire. Elle veut qu'on la respecte, ou que l'on périsse; qu'on l'honore, ou qu'on l'extermine. Si le ministre au département des affaires étrangères de France n'a pas ces principes, qu'il renonce au plus beau poste qu'un homme ait occupé depuis bien des siècles, et qu'il aille intriguer ou paperasser ailleurs. Ce n'est point un courtisan, ni un commis qu'il faut à la France pour traiter avec Londres, Vienne, Berlin et Constantinople, c'est un homme à conceptions neuves, d'un esprit élevé, d'une ame grande, et qui, sachant par cœur la constitution, y voie le présent et l'avenir. Je crois que l'on travaille aujourd'hui la France en politique, comme on la travaillait autrefois en finances. Il y a bail, prete-nom, fermiers et sous-fermiers, avarice, intrigue et la ruine au bout, etc. Offenbourg, le 10 décembre. - Le magistrat de la ville impériale d'Offenbourg se plaint de ce que, dans le rapport du comité diplomatique du 22 novembre dernier, cette ville est citée comme une de celles où les Français transfuges se permettaient de faire des recrues. Il est certain que des tentatives ont été faites à cet égard; mais le magistrat, dès qu'il en fut instruit, ne tarda pas un instant de faire les défenses les plus rigoureuses pour empêcher que de pareils enrôlements ne puissent avoir lieu ni dans la ville, ui dans son territoire.

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Eagle, Eustace-Street, 9 novembre 1791. • A l'assemblée de la société des Irlandais unis de Dublin, sous la présidence de l'honorable Simon Butler, ont été pris les arrêtés suivants :

» Quand nous réfléchissons combien de fois les bourgeois et les francs tenanciers de Dublin ont été convoqués pour exposer humblement leurs griefs au parlement; combien de fois ils ont sollicité l'exécution des bonnes lois et l'abrogation des mauvaises; combien de fois, depuis un grand nombre d'années, ils ont constamment réclamé, par des pétitions, contre l'acte de police, aussi inconstitutionnel que funeste; combien de fois enfin toutes leurs demandes n'ont trouvé que des oreilles fermées et un mépris insultant; quand nous nous rappelons amèrement tous ces faits, y a-t-il ici un seul honnête homme qui ose soutenir que la chambre des communes ait la moindre considération pour le peuple, ou qui ose regarder ses membres comme les représentants légitimes de la nation irlandaise? Non, sans doute, et le fait est que le plus grand nombre de ceux qui composent cette chambre se regardent comme les représentants de leur propre argent, ou les valets gagés du gouvernement anglais, dont le ministre n'est placé chez nous que pour leur distribuer les sommes destinées à les corrompre aux dépens de la liberté, du commerce et des améliorations de l'Irlande. Les choses étant ainsi, il en résulte que ce ministre est non-seulement le représentant des vues hostiles du cabinet de Londres contre ce pays, mais encore par le fait, le seul représentant du peuple d'Irlande. Il ne faut, pour prouver cette assertion, que demander si jamais on peut ouvrir un seul avis en faveur de cette nation opprimée sans le consentement du vice-roi?.... Et si, grâce à sa funeste influence, les mesures les plus contraires à notre bien ne peuvent pas se réaliser ? » Dans cet état de servitude abjecte, il ne nous reste d'espoir que dans une sincère et cordiale union de tout le peuple pour obtenir une réforme complète et radicale du parlement; une union de tout le peuple, parce qu'il est évident qu'un parti tout seul n'a jamais pu obtenir un seul soulagement pour ce pays; et que la politique de nos gouvernants a toujours été de tenir les différentes sectes en opposition, machiavélisme que notre propre folie n'a que trop bien secondé.

» En conséquence, afin d'arriver à ce but de la plus grande importance, d'écarter ces distinctions ruineuses et absurdes, et d'amener une coalition complète du peuple, on a formé un club composé de personnes de toutes croyances religieuses, qui ont pris le nom de société des Irlandais unis de Dublin, et ont adopté pour déclaration celle d'une société pareille établie à Belfast, dont voici la teneur :

« A la grande époque des réformes où nous sommes arrivés, lorsque les gouvernements injustes s'écroulent dans toutes les parties de l'Europe, que l'intolérance et la persécution sont forcées d'abjurer l'empire tyrannique qu'elles s'étaient, arrogé sur les consciences; quand les droits de l'homme sont démontrés en théorie, et que cette théorie est réalisée par la pratique; au moment où l'antiquité gothique ne peut plus défendre ses formes absurdes et oppressives contre le sens commun et les intérêts du genre humain; quand on reconnaît que tout gouvernement vient du peuple, et n'est obligatoire, qu'autant qu'il protège ses droits et accroît sa prospérité, nous croyons de notre devoir, en qualité d'Irlandais, de nous mettre en avant, et d'établir ce que nous regardons comme des griefs insupportables, en indiquant en même temps la manière dont nous croyons qu'on peut y remédier efficacement.

» Nous n'avons point de gouvernement national, nous 87

sommes régis par des Anglais et esclaves d'Anglais, dont le but est l'intérêt d'un autre pays; qui emploient la corruption pour nous gouverner, et dont la faiblesse de l'Irlande fait la force : ces hommes possèdent toute l'autorité, jouissent du droit de nommer à toutes les places du pays, et ce sont entre leurs mains corruptrices autant de moyens de séduire et de subjuguer le caractère et la probité de nos représentants à la législature. Un tel pouvoir extrinsèque, agissant avec une force uniforme dans une direction trop souvent contraire à nos intérêts évidents, ne peut trouver de barrière que dans l'unanimité, la fermeté et l'esprit public de la nation; qualités qu'on peut déployer très-légalement, très-constitutionnellement et d'une manière trèsefficace, par cette grande mesure vraiment essentielle à la liberté et à la prospérité de l'Irlande, une représentation égale de tout le peuple en parlement.

»Nous n'articulons pas ici comme griefs le refus de bills relatifs aux places, aux pensions, à la responsabilité, la vente des pairies dans une chambre, la corruption de notoriété publique dans l'autre; nous ne parlons pas non plus du trafic infame des voix des bourgs qui ont droit de nommer; non que nous ne soyons révoltés de ces abus, mais parce que nous ne les r gardons que comme des symptômes de cette maladie mortelle qui corrode les parties nobles de notre constitution, et ne laisse au peuple Irlandais, dans son propre gouvernement, qu'une ombre d'existence.

» Animés tous du même esprit, nous nous sommes accordés à former une association qui s'appellera la Société des Irlandais unis, et nous contractons envers la patrie l'engagement solennel de nous soutenir réciproquement, et de nous efforcer, par tous les moyens légitimes, de réaliser les résolutions suivantes :

» 4o Résolu qu'on reconnaît à l'Angleterre une influence dans le gouvernement de ce pays assez prépondérante pour exiger une union cordiale de tout le peuple d'Irlande, afin de maintenir la balance essentielle à la conservation de nos libertés et à l'extension de notre commerce.

» 2o Que le seul mode constitutionnel de s'opposer à cette influence, consiste dans une réforme complète et radicale de la représentation du peuple en parlement.

3° Que toute réforme qui n'embrasserait pas tous les Irlandais, de quelque secte religieuse qu'ils soient, est impraticable, insuflisante et injuste.

» Convaincus, comme nous le sommes, que les divisions intestines parmi les Irlandais ont trop souvent offert l'encouragement et l'impunité à des administrations audacieuses et perverses, dans l'exécution de plans qu'elles n'auraient point osé suivre, sans ces funestes discordes, nous soumettons à la nation nos résolutions comme la base de notre foi politique.

Nous avons remonté à ce que nous regardons comme la racine du mal; nous avons établi ce que nous croyons en être le remède. Avec un parlement ainsi réformé, tout est facile, sans ce parlement on ne peut rien faire. Nous appelons donc, et nous exhortons de tout notre pouvoir nos concitoyens à suivre notre exemple, et à former dans toutes les parties du royaume des sociétés semblables, pour répandre la connaissance de nos véritables intérêts constitutionnels, abolir la superstition et l'hypocrisie dans la religion et la politique, et enfin pour faire jouir également de tous les droits de l'homme, les Irlandais de toutes sectes et de toutes dénominations.

» Quand le peuple sera ainsi rassemblé, il sentira ses forces, et s'assurera de ce pouvoir que la théorie a déjà admis comme lui appartenant, pouvoir auquel il perdra pour jamais toute prétention, si, éveillé par les provocations que nous lui faisons aujourd'hui, il ne songe pas à le revendiquer.

»Ordonné que la présente déclaration sera imprimée pour l'usage des membres. » JAMES-NAPPER-TANDY, secrétaire.

BULLETIN

DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE. PREMIÈRE LEGISLATURE.

Présidence de M. Lemontey.

SÉANCE DU DIMANCHE 25 DÉCEMBRE, 5 HEURES DU SOIR. M. SERANNE: Une omission faite dans le bureau des

procès-verbaux arrête l'exécution des deux lois sur un objet de la dernière importance.

Il s'agit des passeports nationaux qui doivent être délivrés à nos navires de commerce, dans la forme constitutionnelle.

L'Assemblée constituante, par son décret du 22 avril dernier sur l'organisation de la marine, a supprimé la charge de grand-amiral. Voici les dispositions de l'article VI de ce décret.

«La charge de l'amiral de France est supprimée; et néanmoins les passeports, congés et autres expéditions qui sont actuellement signés par M. Penthièvre, et qui seront signés en sa qualité d'amiral jusqu'au jour de la sanction, vaudront jusqu'au premier janvier 1792. »

Par un autre décret du 9 août dernier, relatif à la police de la navigation et des ports de commerce, Ï'Assemblée a déterminé la nouvelle forme des congés qui doivent être délivrés à l'avenir aux enseignes, pilotes, maîtres ou patrons français, en substitution de ceux qui sont encore délivrés au nom de l'amiral. L'article II du titre II de ce décret est conçu en ces termes :

« Les congés seront faits à l'avenir dans la forme suivante. D

Or, quelle est cette forme et où est cette forme? La voici mais elle n'a été ni transcrite, ni annexée à cette loi, et c'est là l'omission qui a empêché le ministre de la marine d'en préparer jusqu'ici l'exé

cution.

Votre comité de la marine s'est assuré de la vérité de ce fait. M. Coppens et moi, nommés commissaires pour cela, nous avons reconnus que cette formule n'avait pas même été jointe aux minutes originales qui sont la matrice des procès-verbaux et des décrets. M. Camus, archiviste, nous en a délivré le certiticat que voilà.

Vous voyez qu'il est indispensable de réparer au plus tôt cette omission. Mais cette mesure ne suffit pas; pour prévenir tous les inconvénients qu'elle pourrait occasionner, il faut encore proroger le délai prescrit pour la substitution de nouveaux papiers de mer aux anciens; car il est d'une impossibilité physique d'opérer ce changement d'ici au 1er de janvier. Mais la chose serait-elle possible sous ce rapport, elle serait impraticable, par la raison qu'on ne peut faire délivrer les nouveaux congés aux bâtiments nationaux, sans en avoir donné communication à toutes les puissances maritimes. Or, vous concevez qu'il faut un délai suffisant pour remplir ce préala ble, sans le quel nos bâtiments de commerce seraient exposés aux plus grandes difficultés, surtout de la part des régences barbaresques.

Je pense que ce délai doit être de six mois. Voici en conséquence le décret que j'ai l'honneur de vous

proposer:

« L'Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu d'une omission faite au décret du 9 août dernier, concernant la police de la navigation et des ports de commerce, auquel on a oublié d'annexer la nouvelle forme des congés désignés par l'article II du titre II de ce décret ;

» Considérant que cette omission a empêché le pouvoir exécutif de préparer jusqu'ici l'exécution et l'application de l'article VI du titre.... du décret du 22 avril dernier, qui, en supprimant la charge d'amiral de France, a fixé l'époque du premier janvier prochain pour la substitution des nouveaux congés à ceux qui sont encore délivrés au nom et avec la signature de M. Penthièvre;

» Considérant qu'il est à la fois et très-instant et d'une nécessitée absolue de proroger ce délai, et de réparer l'omission commise, afin de prévenir les retards et les accidents qui pourraient s'ensuivre au préjudice de la navigation marchande, décrète qu'il y a urgence.

» L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de la marine sur l'omission commise relativement à la nou

velle forme des congés, adoptée par l'Assemblée constituante, le 9 août dernier, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit.

» Art. 1er. La nouvelle forme des congés, adoptée et désignée par l'article 11 du titre II du décret du 9 août dernier, sera annexée au présent décret.

II. Le délai prescrit par l'article VI du titre.... du décret du 22 avril dernier, qui devait prendre fin au 1er de janvier 4792, est prorogé jusqu'au premier de juillet de la même année. En conséquence, les dispositions dudit article continueront d'avoir lieu jusqu'à cette époque.

» III. Les nouveaux congés seront alors substitués aux anciens, et dans l'intervalle, le pouvoir exécutif en donnera la communication officielle à toutes les puissances maritimes.

» IV. Le présent décret sera porté dans le jour à la sanction du roi. »

M. Taillefer fait au nom du comité des pétitions, un rapport sur les diverses pétitions adressées au comité. Elles contiennent les expressions réitérées et énergiques d'amour pour la liberté, d'obéissance à la loi et de zèle pour le maintien de la constitu tion.-L'Assemblée applaudit. Ordonne la mention honorable des adresses, et l'insertion du rapport au procès-verbal.

Une députation des volontaires du second bataillon du département de la Charente est admise à la barre. Ces volontaires viennent jurer de vivre li bres ou mourir, d'obéir à la loi et à leurs chefs, pour assurer la victoire aux armes de la nation française.» Mais, disent-ils, si, par impossible, les Français, ne peuvent résister à leurs ennemis, ils mourront sur le champ de bataille, et la postérité dira: ils vécurent et moururent libres, ils n'ont pas été vaincus.

Cette adresse est fréquemment interrompue par d'unanimes applaudissements.- L'Assemblée en ordonne la mention honorable au procès-verbal, et accorde à la députation les honneurs de la séance.

Un citoyen de Châlons-sur-Saône est admis à la barre, et fait lecture de deux adresses destinées à féliciter l'Assemblée sur ses décrets relatifs aux rebelles émigrés et aux prêtres séditieux; et à demander au roi de retirer son velo.

M. Delâtre fils et sa mère sont introduits à la barre. M. DELATRE fils obtient la parole. Je viens réclamer de vous le rapport du décret d'accusation rendu contre mon père. Vous avez voulu mettre le coupable sous le glaive de la loi, et le glaive de la loi s'égarerait sur une tête innocente, si je ne venais ici l'appeler sur la mienne. Si la lettre écrite par mon père est un crime, le criminel est celui qui l'arracha à la faiblesse paternelle. C'est moi qui ai pressé mon père; j'ai persisté dans un projet qu'il combattait; sa tendresse a cédé à mon obstination, et sa lettre fatale remise par lui dans mes mains, arrachée de mes mains par un crime, est devenue le corps du délit, et la preuve sur laquelle votre décret a été rendu, et mon père privé de sa liberté. Mais cette preuve peut-elle exister encore, a-t-elle pu exister un seul instant, puisqu'elle est une violation de la constitution. J'avais négligemment renfermé dans ma malle la lettre qu'on vous a lue. Ma malle a été ouverte par la municipalité de Thionville, et ces mêmes officiers du peuple, à qui vous avez donné l'exemple vertueux du respect pour le secret des lettres, ont brisé le cachet de la mienne, ont violé ma propriété. J'avais alors renoncé à mon voyage, et cette lettre qui ne pouvait être présentée comme un crime, que d'après l'usage qui en aurait été fail, cette lettre ne devait jamais me servir. Rappelez-vous d'ailleurs qu'elle ne renfermait point de complot. Une seule pensée y était contenue; elle n'avait été exprimée par mon père que pour obtenir quelque protection à mon inexpérience. La déclaration des droits est le titre sacré dont je m'appuie en sollicitant votre justice. La libre communication des pensées est assurée à tous les hommes, la liberté des opinions est établie, toutes les propriétés sont maintenues la lettre de mon père est ma propriété ; je la réclame; je demande qu'elle me soit remise pourla brû

ler à vos yeux. Sauvez une famille entière, qui voit sous le coup d'une accusation terrible un de ses membres les plus précieux, à qui l'on ne peut faire d'autres reproches que d'avoir trop aimé son fils. Soyez justes, et que mon père soit libre; soyez compatissants, et que ma mère ne succombe pas sous la douleur qui l'a frappée; enfin, Messieurs, soyez cléments en faveur d'un fils infortuné qui vous demande de rendre la vie à ceux qui la lui ont donnée.

M. LE PRÉSIDENT à M. Delâtre : L'Assemblée nationale en rendant justice aux devoirs que vous remplissez, en applaudissant aux mouvements de votre piété filiale, ne peut oublier que des devoirs de même nature, mais plus sacrés encore, lui sont prescrits envers la patrie. Elle est la mère commune; les législateurs lui doivent aussi une piété filiale bien plus étendue, et à laquelle ils seront fidèles. Ils examineront votre pétition avec la sévérité de la justice; mais avec l'intérêt qu'inspirent et votre infortune et les sentiments que vous venez d'exprimer. ( On applaudit.) On demande l'ordre du jour.

M. MASUYER: Je demande la parole. M. le président vous devez me l'accorder.

L'Assemblée consultée, passe à l'ordre du jour. M. Mazuyer insiste, et l'Assemblée, après quelques moments d'agitation, décrète qu'il ne sera pas entendu.

Des députés d'un des bataillons de Paris, celui des Filles Saint-Thomas, introduits à la barre, expriment leur attachement à la constitution, en même temps que leur satisfaction pour les applaudissements donnés

par l'Assemblée à la nomination de M. Lafayette. D'autres députés, porteurs d'une pétition signée individuellement par un grand nombre de citoyens de Paris, de la section des Lombards, sont introduits.

M. J. B. LOUVET, oraleur de la députation: Jamais nous n'avons mieux senti qu'en ce jour combien est grand et précieux le droit que la constitution assure à tout individu, de venir, en cette enceinte auguste, soumettre aux représantants du peuple, même sur des objets d'intérêt public, ses inquiétudes, ses vœux et ses espérances.

Des hommes qui se disent Français méditent la perte de la France. Ils la tourmentent au-dedans, ils la menacent au dehors, et bientôt, peut-être, la vengence nationale ira, par vos ordres, de l'autre côté du Rhin, déployer le drapeau rouge. (On applaudit.) La constitution, maintenant l'objet de vos travaux difficiles et de vos sollicitudes religieuses, la constitution a l'assentiment, les hommages, les serments de la nation tout entière. La nation est la France, et n'est qu'en France. Daignez, Messieurs, daignez le signifier à ces croisés d'outre-Rhin. Qu'avant tout ils soient bien avertis que vous n'entendrez jamais combattre, ni traiter avec eux, de puissance à puissance. (On applaudit.) Qu'une poignée de rebelles ne se prétendent point la minorité du peuple; elle n'en est que l'écume impure. (Les applaudissements redoublent.) Un enfant monstre qui lève sur sa mère des mains parricides, est-il encore de la famille? Non, celui-là n'a plus de patrie qui s'arme contre elle. Séparez, séparez de nous ces vagabonds, jadis nobles. Puisqu'ils veulent des distinctions, les barbares! donnez-leur en qui soient impérissables. Donnez-les leur, telle qu'ils les ont méritées; mais leurs chefs, leurs chefs surtout ont comblé la mesure du crime. Ils voulurent, aidés d'une armée étrangère, étouffer la liberté dans son berceau. Paris fit un mouvement, et soudain les satellites de la tyrannie reculèrent du centre de l'empire à ses extrémités. Saisis d'épouvante, les modernes Catilina, qui n'avaient de l'ancien que sa rage, s'enfuirent. Nous, trop magnanimes, prêts à tout pardonner, nous les rappelions; ils coururent l'Europe pour nous y susciter des en

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