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corps législatif, concernant l'établissement, la prorogation et la perception des contributions publiques, porteront le nom et l'intitulé de lois. Ils seront promulgués et exécutés sans être sujets à la sanction, si ce n'est pour les dispositions qui établiraient des peines autres que des amendes et contraintes pécuniaires. Ces décrets ne pourront être rendus qu'après l'observation des formalités prescrites par les articles IV, V, VI, VII, VIII et IX de la section II du présent chapitre, et le corps législatif ne pourra y insérer aucune disposition étrangère à leur objet. »

Ainsi la volonté de la loi constitutionnelle est évidente; les actes du corps législatif relatifs aux contributions, ne sont pas sujets à la sanction, mais ils sont soumis à la sage formalité des trois lectures, et un décret d'urgence ne peut les en affranchir. Je prie donc l'Assemblée nationale de lever au plus tôt la difficulté qui regarde l'exécution de ce décret. Je l'avertis que j'ai donné les ordres pour en assurer l'exécution du moment que je l'aurai ordonné, de manière que je suis certain que ce retard n'a apporté aucun préjudice à ce qu'exigeait le bien public." Signé, LOUIS; plus bas, DUPORT.

L'Assemblée renvoie la lettre du roi au comité de législation.

Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre du ministre de la justice, qui demande des interprétations sur la loi relative à l'élection des présidents des tribunaux criminels, tant pour fixer l'époque de ces élections, que pour déterminer la forme des remplacements.

L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de législation.

On fait lecture de plusieurs autres pièces; 1o d'une lettre du ministre de la marine, relative aux pensions dont la conservation est réclamée par les officiers des classes supprimées depuis le 1er d'avril.

20 Une lettre de l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire, qui envoie à l'Assemblée les états de la valeur des domaines nationaux vendus et à vendre dans soixante-deux départements. Ces états, joints à ceux déjà envoyés par soixante dix-sept districts, montent à la somme d'un milliard 400 millions.

30 D'une lettre, par laquelle le garde du sceau envoie la note des décrets sanctionnés, et annonce que, sur le décret relatif aux troubles excités sous prétexte de religion, le roi examinera.

4o Une lettre du ministre de l'intérieur, ainsi conçue:

M. le président, samedi soir un courrier extraordinaire m'a apporté des procès-verbaux en date du 16 de ce mois, relativement à des rassemblements qui se forment à Lille et à Douai. Le directoire du département du Nord m'a fait part des inquiétudes qu'excite ce rassemblement d'étrangers, qui se disent patriotes brabançous, sur la sûreté de la citadelle. J'ai transmis au directoire les ordres du roi. J'ai reçu deux autres procès-verbaux des 17 et 18; tous annoncent les progrès de cette émigration et l'accroissement des inquiétudes. Dans des circonstances si extraordinaires, on n'a aucun indice certain sur les motifs de cette émigration et les intentions des émigrants. C'est à l'Assemblée nationale seule à savoir concilier, avec la sûreté de l'Etat, les règles de l'hospitalité, du droit des gens, et ce que nous prescrit notre position à l'égard de l'empereur.

Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une copie de ces procès-verbaux, envoyée à l'Assemblée nationale.

Procès-verbal du 16. M. le vice-président a dit que le procureur-général avait reçu une lettre par laquelle M. Béthune-Charost, demandait à conférer avec le directoire sur les moyens de dissiper les inquiétudes qu'occasionnait l'arrivée de plusieurs patriotes brabançons. Il est convenu de ces rassemblements, et a dit qu'il priait le directoire de ne voir en eux que des gens qui fuient l'oppression ; qu'il en connaissait beaucoup, et qu'il donnait même des secours à quelques-uns; qu'ils n'étaient pas armés, qu'il répondait de leur conduite; qu'il était possible que les Impériaux envoyassent parmi eux des gens qui les excitassent à des sottises pour les faire chasser du pays; qu'ils n'étaient pas à craindre, puisqu'ils étaient patriotes; qu'à la vérité il y avait parmi les patriotes brabançons deux partis, mais que tous, si la constitution était renversée, serait à la merci des vengeances de leurs oppresseurs.

M. le président a répondu à M. Béthune, que le directoire prendrait ses éclaircissements en considération.

Le directoire a de suite mandé deux commissaires de la municipalité et le procureur-syndic, lequel a dit qu'il était arrivé à Douai quarante personnes, mais qu'il paraissait qu'elles étaient toutes sans armes et assez tranquilles; qu'au surplus le corps municipal allait se partager cette nuit pour faire des patrouilles, et surveiller l'exécution des règlements de police. Le procureur-syndic du district de Lille, a dit que ces étrangers ayant été suspectés d'enrôlement, il les avait surveillés, mais qu'il n'avait vu en eux que des gens qui fuyaient la proscription; que plusieurs avaient été pendus en effigie dans leur pays; que les rapports d'après lesquels on cherchait à inquiéter les esprits contre leur réunion, étaient si contradictoires, si disparates, qu'ils ne donnaient rien à craindre; que cependant M. Gouvier, ci-devant capitaine dans l'armée des Brabançons, était suspecté; mais qu'il a déclaré qu'ayant été pendu en effigie dans son pays, il n'a fui que la proscription; qu'il a donné quelques secours d'argent à un petit nombre d'émigrants, mais que c'était pour l'acquit de différentes dettes dont il a les quittances.

Du 17. Des commissaires du district et de la municipalité ont annoncé que les rassemblements étaient déjà de deux cent soixante-cinq hommes, et que plusieurs ont dit qu'ils seraient à quatre cents aujourd'hui, et que successivement leur nombre augmenterait jusqu'à quatre mille en moins d'une quinzaine; qu'ils ont promis d'être soumis aux lois de police, mais qu'ils ont dit avoir des chefs qu'ils ne connaissaient pas; qu'ils recevaient dix patards par jour de M. Gouvier, qui leur avait même payé un mois d'avance.

Du 17, 5 heures de relevée. Deux cfficiers municipaux ont annoncé que M. Béthune avait demandé au directoire de district une maison religieuse pour y loger des étrangers. Sur ce, le directoire a arrêté que les officiers municipaux de chaque commune feraient le recensement des étrangers; que tous se présenteront aux municipalités qui verront leurs passeports, et détermineront s'ils peuvent rester sur le territoire de la commune; que dans les lieux où il existe déjà un certain nombre d'émigrants, les officiers municipaux les garderont sous leur surveillance.

Du 18. Les commissaires municipaux ont été invités à se rendre au directoire pour y donner de nouveaux éclaircissements. Ils ont annoncé que jusqu'à ce jour vingt ou trente émigrants seulement sont venus faire leur déclaration; que cependant quatre ou cinq cents sont déjà arrivés; qu'ils ont des chefs qui leur distribuent de l'argent; que ceux qui ont été in

terrogés par la police n'ont pas donné de réponse satisfaisante. Le directoire a arrêté qu'il serait fait une publication pour enjoindre à tous ceux qui n'auraient point de certificat ou de passeport de sortir de la ville, sous peine d'y être contraints par la garde nationale; qu'il sera défendu aux aubergistes de loger ceux qui n'auront pas de permission de la municipalité.

M.*** : Une lettre de Londres, datée du 13 de ce mois, m'annonce que dans une maison de commerce, un émigrant de Lille (le marquis de Croï) a annoncé que deux cent quarante-cinq des premiers négociants de Lille s'étaient engagés, par leur signature, à protéger l'armée des émigrants. Des lettres particulières m'annoncent en effet qu'il existe un complot à Lille.

M. BLANCHON: Une lettre du 15 m'annonce que non-seulement les étrangers brabançons recrutent à Lille, mais qu'on y recrute pour eux. Vingt hommes ont été engagés, on les a conduits par Douai à Givet, de-là à Luxembourg. On leur a fait croire qu'ils étaient destinés à faire une révolution dans le Brabant; on leur disait même qu'on leur ferait porter l'habit de garde national de France avec les couleurs de Van-der-Noot. Mon correspondant me marque que rien ne paraît indiquer une révolution dans le Brabant, et il désigne M. Béthune comme chef de ces enrôlements; il ajoute què dimanche les enrôleurs se sont montrés sur la place, et ont fait leur métier à découvert.

M. EMMERY: Je demande que la conduite du directoire soit approuvée, et qu'il soit annoncé aux émigrants que la crise actuelle exige qu'ils soient éloignés à vingt lieues des frontières.

M. DUHEM: J'ai reçu quinze ou seize lettres particulières sur le même objet, tontes certifient l'existence de ces enrôlements. Je demande que tous les membres qui ont des renseignements à donner, soient invités à les porter au comité diplomatique et de surveillance, pour vous en être fait un rapport demain.

M. COUTHON L'Assemblée a rendu deux décrets qui devaient déjouer à la fois tous les complots des ennemis intérieurs et extérieurs; leur exécution a été paralysée par un veto, et il en résulte tant d'inconvénients, l'audace des émigrés s'accroît à un tel point, qu'ils font des eurôlements jusque dans les villes de l'intérieur. J'ai reçu de mon département des lettres officielles qui m'annoncent que deux enrôleurs ont été pris, el l'instruction vous parvien dra par le prochain courrier. Je demande que les trois comités militaire, diplomatique et de surveillance se réunissent ce soir, pour prendre connaissance des renseignements qui leur seront donnés et pour vous en faire un rapport demain. Si le temps était venu, et il en sera temps bientôt, je demanderais que tous les princes français, que le cardinal de Rohan, que MM. Broglie, Bouillé, Calonne fussent mis en état d'accusation. (On applaudit.)

L'Assemblée ordonne le renvoi proposé par M. Cou

thon.

La séance est levée à quatre heures.

MÉLANGES.

De Paris.

Le roi a rappelé M. Vergennes, ministre plénipotentiaire près de l'électeur de Trèves; M. Moutezan, ministre plénipotentiaire à la cour de Munich; et M. Berenger, ministre près la diète de Ratisbonne.

M. Talleyrand, ambassadeur à Naples, M. Dosmond, ministre plénipotentiaire en Russie, et M. O-Kelly, ministre plénipotentiaire près l'électeur de Mayence, ont donné leur démission.

M. Lahouze, ministre plénipotentiaire en Danemarck

se trouve dans un état de mauvaise santé, qui ne lui permet plus de continuer ses fonctions.

Le roi a nommé M. Choiseul-Gouffier à l'ambassade d'Angleterre qui était vacante.

M. Barthélemi, ministre plénipotentiaire à Londres, a été nommé ambassadeur de France en Suisse. Un courrier lui a été expédié pour lui porter l'ordre de se rendre surle-champ à sa destination.

M. Hiefinger, secrétaire de l'ambassade à Constantinople, se rendra à Londres, comme chargé d'affaires par interim.

M. Demoustier, ministre plénipotentiaire près le roi de Prusse, a été nommé à l'ambassade de Constantinople.

M. Ségur, ambassadeur à Rome, est chargé, par le roi, de se rendre à la cour Berlin, pour y suivre et traiter les affaires de France.

M. l'abbé Louis est nommé ministre plénipotentiaire en Danemarck.

M. Bigot-Sainte-Croix, ministre plénipotentiaire près l'électeur de Trèves.

M. Dassigny, ministre plénipotentiaire près l'électeur palatin.

M. Montciel, président du département du Jura, est nommé ministre plénipotentiaire près l'électeur de Mayence. M. Marbois est nommé ministre à Ratisbonne. M. Mackau, ministre plénipotentiaire à Florence. Et M. Maisonneuve, ministre plénipotentiaire près le duc de Wirtemberg.

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Si quelques détails pris sur les lieux par un homme qui a beaucoup causé avec MM. les émigrés, peuvent commencer à détromper le public sur les bruits que tant de feuilles cherchent à accrediter, ma lettre aura du moins un titre pour vous intéresser.

J'arrive de Pologne où les gens sensés rient presque autant de nos frayeurs, et de nos mesures défensives, que des menaces des émigrés. J'ai passé à Vienne où beaucoup de ces Messieurs se sont arrêtés; ils sont fort mécontents de l'empereur, et s'en expliquent dans des termes qui ne laissent aucun doute sur la sincérité de leur mauvaise humeur. Si, contre toutes les apparences, ce prince est disposé à faire quelque chose en leur faveur, il est au moins certain qu'il le leur cache bien.

Je n'ai point vu d'émigrés à Munich, et j'ai appris qu'il n'y en avait presque plus à Mayence : ceux qui étaient à Stutgard se sont retirés, et d'après les renseignements que j'ai pu me procurer, je présume que le nombre des émigrés répandus chez le prince de Bade, l'évêque de Spire, les électeurs, etc., monte à peine à quatre mille hommes. La modicité de leurs forces n'est pas ce qu'il y a de pis pour eux ; ils se haïssent presque autant que si leurs intérêts n'étaient pas les mêmes. MM. de Provence et d'Artois ne voient pas M. de Condé, chacun cherche à lier sa partie pour son compte. Les femmes font-là comme elles faisaient autrefois chez nous; ce sont elles qui dispensent les grâces et assignent les grades militaires.

Tout le monde est mécontent. Non-seulement tous veulent commander, mais tous veulent être capitaines; de façon que lorsqu'ils auront trouvé des compagnies, il faudra encore trouver des officiers subalternes, car personne ne veut l'être.

Les princes paient les officiers d'infanterie sur le pied de 45 liv., et ceux de cavalerie sur celui de 70 liv. par mois; mais comme ces différentes sommes pourraient diminuer sensiblement leurs finances; ils ont imaginé une monnaie qui s'épuise beaucoup moins vite; au lieu d'argent, ils donnent des bons pour les sommes convenues; il est vrai que les porteurs de ces bons peuvent se faire rembourser, s'ils le désirent; mais c'est l'onguent à la mode; on les garde précieusement. On rougirait de s'en faire payer, et plusieur m'en ont montré qu'ils prétendent conserver dans les archives de leurs maisons pour y figurer avec leurs parchemins. Tout cela, cependant, ne les rend pas fort gais. La feue petite noblesse se plaint beaucoup de M. d'Artois, qui la reçoit avec une hauteur qui la désole, M. de

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Condé la traite beaucoup mieux. La vie qu'ils mènent est fort triste. Les princes passent le temps avec leurs maîtresses; le maréchal de Broglie se lève, déjeûne, dine et dort; son refrain est qu'il ne sait pas faire la guerre sans canons et sans magasins. On joue un jeu effroyable, et l'on se ruine en attendant le moment de se battre. Beaucoup de ces Messieurs sont persuadés que sous quinze jours (c'est le terme qu'on est dans l'usage de leur fixer) ils entreront en France. À la vérité ils ne savent pas encore comment. Beaucoup se réjouissent de servir dans la cavalerie; d'autres avouent qu'ils ne se soucient pas de se mettre dans le rang lorsque les escadrons seront formés des chevaux de remonte qu'ils attendent ils craignent le petit inconvénient qu'ils prévoient à manœuvrer avec des chevaux qui n'ont pas encore entendu un coup de tambour, et qui n'ont jamais eu une selle sur le dos.

Plusieurs attendent de Francfort l'artillerie qui doit foudroyer la France et ne parlent que de carnage. Telles sont les dispositions et les vues de ceux qui, trop pleins de leur objet, ne sont arrêtés ni par l'horreur de leur complot, ni par le dénuement absolu où ils sont de tous les moyens d'attaque; mais il faut en convenir, le nombre de ces forcenés est très-petit. Ceux de leurs camarades qui voient avec plus de sang-froid la tournure des choses, sont dans un abattement qui tient du désespoir. Plusieurs, chez le prince de Bade, m'ont demandé si le service russe était supportable: ma réponse ne les a pas découragés, et ils se proposent d'y passer. On leur a, m'ont-ils dit, offert des retraites dans le cas où leurs projets ne réussiraient pas ; plusieurs conviennent que, suivant toute apparence, cette noblesse émigrée à l'instigation des princes, finirait par être sacrifiée par eux du moment où elle leur deviendra inutile. D'ailleurs, rien de plus triste que leur position dans les pays où ils se trouvent. Les habitants les craignent presque autant qu'ils les méprisent. Le prince de Bade, qui est celui qui les accueille le mieux, est traité d'aristocrate par les autres princes d'Allemagne ; et cette dénomination, que nous croyons être une recommandation dans ces pays-là, est au contraire un titre pour y être mal vu. Obligé, pour être instruit de tout ce qui se passait, de paraître de leur sentiment, j'en fus beaucoup plus mal traité dans une auberge où je m'étais arrêté.

De tout ce qui se passe, de tout ce qui se dit chez les émigrés, on peut conclure avec certitude que les émigrés eux-mêmes ne croient pas à une entrée en France; que les bruits fréquents qu'ils répandent des secours prochains de l'impératrice, ne sont imaginés qu'afin de retenir leurs gentilshommes très-disposés à se débander; en un mot, que leur intention bien déterminée est de nous lasser, de nous inquiéter, et d'attendre du temps, de leurs intrigues et da discrédit de notre papier, quelque mouvement populaire qui leur soit favorable. Il n'est pas douteux qu'en marchant à eux on ne ruinât absolument leurs projets. Il serait même très-difficile de calculer les suites que pourrait avoir l'entrée des troupes françaises chez les fauteurs de nos insurgents. Mais ce qu'il y a de très-probable, c'est que dans un an ils seraient plus embarrassés que nous, si pendant que leurs troupes seraient occupées à nous combattre, quelques hommes courageux entreprenaient de féconder le germe de la liberté qui commence à se manifester chez eux, et de rappeler les hommes à leur dignité primitive.

Quelque puissante que paraisse l'impératrice de Russie, un fait dont j'ai été le témoin oculaire, pourra donner une idée des dangers auxquels cette princesse s'exposerait si elle songeait vraiment à exécuter le projet gigantesque qu'on lui suppose, d'envoyer des troupes chez nous. Ceux qui n'ont vu les Russes qu'à Pétersbourg, n'ont vu que des esclaves humbles et rampants, ils ne connaissent pas les Russes. La ville de Moscow renferme une noblesse bien plus nombreuse, et avec laquelle l'impératrice elle-même observe les plus grands ménagements. Cette noblesse, composée en partie des mécontents qui se sont retirés de la cour, n'attendant rien d'elle, forte de ses nombreuses possessions, a manifesté en diverses occasions des sentiments très-républicains, et pourrait seule renverser la forme du gouvernement, si, déjà fatiguée des guerres continuelles que l'impératrice lui a fait soutenir, elle voyait encore recommencer des préparatifs hostiles contre un peuple dont

elle n'a pas à se plaindre: voici le fait dont je veux parler.

Lors de la catastrophe désastreuse du prince de Nassau sur la Baltique, il fallut songer à lui envoyer sur-le-champ des recrues pour remplacer les prisonniers qu'on lui avait faits. Sa Majesté ayant envoyé jusqu'aux frotteurs de son palais, et le danger étant très-pressant, elle rendit un ukase par lequel elle déclarait libres tous les paysans qui, s'échappant de chez leurs maîtres, se rendraient au château des Sept-Tours à Pétersbourg. Cette invitation eut un tel effet, qu'en peu de jours on en vit arriver un très-grand nombre; mais ces malheureux trouvant une occasion favorable de quitter leurs maîtres, ne le firent qu'après les avoir volés et même avoir commis différents désordres. Ou vint avertir l'impératrice des murmures de la noblesse : cette princesse en fut tellement effrayée, qu'elle donna sur-le-champ l'ordre de rendre les fugitifs à leurs maîtres respectifs. Ceux-ci n'ayant point voulu s'exposer aux châtiments qu'ils avaient encourus, et se voyant entourés par un régiment des gardes qui ne leur laissait aucune issue pour échapper, aimèrent mieux périr que d'être rendus à leurs maitres. Les uns s'égorgèrent eux-mêmes, d'autres se faisaient assommer par leurs camarades et se rendaient réciproquement ce triste et funeste service.

Que l'on pèse bien cette circonstance, et l'on verra jusqu'à quel point les émigrés peuvent compter sur les secours de cette princesse qui, épuisée de toutes les manières par la dernière guerre, aura sans doute assez d'occupation si elle songe à cicatriser les plaies que son ambition a faites à ses sujets. DELATOUCHE.

Je suis, etc.

LIVRES NOUVEAUX.

Dictionnaire de la constitution et du gouvernement français, contenant la dénomination de tous les nouveaux officiers publics, les formes de leur élection ou nomination, leurs fonctions, leur traitement, leur costume, etc.; les nouvelles institutions civiles, politiques, militaires, ecclésiastiques, judiciaires et financières; les lois de chacune des branches de l'administration de l'Etat; les droits et les devoirs des citoyens ; la définition des nouveaux termes les plus usités, quelques-uns de ceux qui ne doivent plus être employés, etc. Prix. 5 liv. pour Paris, et 6 liv. franc de port, par la poste. A Paris, chez Guillaume junior, imprimeur, rue de Savoie, no 47, près le quai des Augustins. Cet in-8° de 628 pages, sans compter la préface et la table alphabétique des articles est une espèce de concordance des décrets de l'Assemblée nationale; le titre seul indique son utilité. Nous féliciterons le public de ce que l'idée d'un ouvrage si nécessaire est tombée dans une bonne tête.

Il arrive souvent qu'un homme incapable d'exécuter un livre l'entreprend néanmoins dans l'espérance que le hasard heureux qui lui en a fait concevoir, nous ne dirons pas le plan, mais seulement le titre, le servira de même dans l'exécution. Le public alors fait une double perte, celle* d'un ouvrage intéressant qui n'existera peut-être jamais, parce qu'aux yeux de ceux qui s'y connaissent peu, le livre est déjà fait, et ce qui est plus fâcheux encore, celle du temps qu'on sacrifie à lire un mauvais ouvrage où l'on ne puise que des idées fausses, au lieu des instructions précises que l'on y cherchait. Celui que nous annonçons, nous a paru exempt de ce défaut. On y trouvera de l'exactitude, de la philosophie et des principes sages relativement au nouvel ordre des choses. On pourra s'en convaincre par quelques citations prises au hasard, seule manière de faire connaître un livre, que son ordre alphabétique soustrait à l'analyse.

PATRIOTISME, amour de la patrie.

Trop long-temps le patriotisme ne fut qu'un attachement aveugle au pays où l'on était né, un sentiment exclusif auquel chaque peuple immolait tout ce qui n'était pas lui; de là, ces haines qui divisèrent les nations, ces guerres par lesquelles elles se détruisirent les unes les autres.... C'est le patriotisme qui naguère disait à un Français, en lui montrant un Anglais, à un Anglais en lui montrant un Français voilà ton ennemi ; l'intérêt de ta patrie te commande de le hair. C'est au nom du patriotisme que

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