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No 281.

GAZETTE NATIONALE OU LE MONITEUR UNIVERSEL.

Samedi 8 OCTOBRE 1791.

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De Vienne, le 17 septembre. Les généraux de Horwath et Bruklach ont été nommés par l'empereur pour remettre les Turcs dans la possession de la Walachie; le général Meszaros a la même commission pour la remise de la Moldavie. Dès que cette opération sera finie, on procédera sur-le-champ à celle de la fixation des limites respectives désignées par la dernière convention.

Plus de cent familles allemandes qui, depuis que Belgrade et Semendria ont été occupées par nos troupes, s'y étaient établies, veulent rester dans ces villes, et vivre sous le gouvernement turc. La perte de ces familles est amplement réparée par mille quatre cent quarante familles qui quittent la Servie pour venir s'établir dans la Sumie et le comitat de Zompar.

Une division des dragons de Cobourg est dans les PaysBas depuis longtemps; le reste de ce régiment, qui est en Bohême, a ordre d'y marcher aussi.

Il paraît que la réduction de l'armée, dont on parle tant, n'a, au moins pour le moment, d'autre objet que celui de réduire les régiments sur le pied de paix, et de licencier tout ce qui reste encore de volontaires. Cette opération déchargera le trésor de l'entretien d'environ cinquante mille hommes, qui seront employés plus utilement dans les campagnes et les ateliers de métiers.

De Francfort, le 26 septembre. Selon des lettres du Milanais, la monasticité y est menacée de sa destruction; le projet est, dit-on, de défendre aux moines de recevoir désormais des novices, de circonscrire le nombre de leurs maisons, de leur assigner un certain revenu honnête, et d'incorporer leurs biens aux domaines. Il parait que partout on songe sérieusement à proscrire un genre de vie devenu nuisible à la société par le trop grand nombre d'individus qui l'embrassaient, par la multiplicité des ordres qui formaient autant de corps dans un Etat, et par les abus et les désordres de toutes les espèces qui s'y sont introduits. Un zèle mal entendu. pour la religion a pu égarer, dans l'enfance du christianisme, quelques individus; leur petit nombre ne portait point de préjudice à la société; mais dès que les bornes étaient franchies, comme elles le sont aujourd'hui, il lui importe d'y mettre ordre : les défrichements des terres, que d'utiles cénobites ont faits, ne sont pas un motif légitime pour la conservation des couvents; ils défrichaient plutôt pour la société que pour eux, parce qu'ils ne pouvaient pas avoir de propriétés, dont le véritable caractère réside dans la transmissibilité, et ils ne pouvaient point donner ce caractère à leurs défrichements; d'ailfears, ce but étant rempli, et un grand nombre de moines usufruitiers ayant joui sans travail quelconque du revenu

2 Série.-Tome I.

Troisième année de la Liberté.

de ces terres pendant des siècles, on ne fait point d'injustice en les ôtant aux usufruitiers actuels, en les dédommageant, pendant leur vie, par une pension honnête et suffisante à leurs besoins; et encore moins est-ce une injustice de ne pas les conserver à des usufruitiers futurs et inconnus; car c'est une absurdité que de prétendre qu'une maison peut hériter, prendre une succession, etc.

On mande de Berlin qu'incessamment les troupes qui étaient restées sur le pied de guerre seront remises sur celui de paix ; on ajoute que l'on n'y croit pas encore à la réduction de l'armée dont on avait parlé; du moins, jusqu'à ce moment, on n'a encore rien fait qui pût lé donner à penser.

De Saint-Hippolyte, le 18 septembre.- Un mariage tel qu'il y en a très-peu d'exemples a été célébré ici avec toute la joie militaire. Le caporal d'une compagnie était une femme; elle servait depuis cinq ans. Les nouvelles de sa famille lui apprirent qu'elle avait hérité d'un bien assez considérable. Le caporal a fait connaître son sexe, et a proposé sa main à son lieutenant, qui l'a acceptée. De Hambourg, le 20 septembre. Le roi de Suède, écrit-on de Stockholm, vient de former un camp près de Westeros.

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On dit qu'un corps de seize mille Suédois s'embarquera incessamment à Carlscrond; cette nouvelle a été recommandée avec soin à tous les gazetiers.

ANGLETERRE.

Londres.-On parle de décorer la cathédrale avant d'y mettre les monuments que l'on se propose d'y placer; conformément à ce projet, il sera présenté, dans les premières séances du parlement, un bill qui autorisera les entrepreneurs désignés à dorer et orner d'une manière convenable le dôme majestueux de Saint-Paul.

Le roi a demandé au gouvernement, qui y a consenti, de laisser à la duchesse douairière de Cumberland, pendant soixante et un ans, la jouissance du palais qu'habitait ce prince. Le prince Edouard, à son retour du Canada reprendra ce titre, éteint par la mort du frère de S. M.Il circule une liste nombreuse de nouvelles pairies qui fortifieront le parti de la cour dans les Chambres hautes des parlements d'Angleterre et d'Irlande.

On mande de la capitale de cette île que les récoltes, en tout genre, ont été très-abondantes. Le gouvernement s'attache aussi à faire prospérer les beaux-arts. Sir John Jackson, ci-devant précepteur du prince de Galles, est à la tête d'une compagnie de savants nommés pour examiner l'état de l'Irlande et les améliorations dont ce royaume est susceptible. Dublin, où ils se trouvent actuellement, vient d'être embelli d'une colonnade du plus beau style, qui doit unir le grand portique au palais du parlement.

L'Ecosse compte cette année au nombre de ses plus fertiles. Le pays de Galles présente toujours à l'admiration du reste de l'Europe des vieillards plus que centenaires jouissant de la meilleure santé; il vient de s'en éteindre quelques-uns de cent quinze jusqu'à cent vingtcinq ans.

Une lettre d'Edimbourg annonce les progrès de l'esprit de réforme en Ecosse; l'on commence à y réaliser un plan pour mieux régler l'administration des bourgs de ce pays; mais on ne s'en tiendra pas là. Le lord Swinton, un des membres du collége de justice, n'a pas fait difculté de déclarer que la réforme de la procédure de cette cour lui paraissait indispensable. Ne serait-il pas avantageux pour l'Ecosse de substituer le code des lois anglaises au code particulier dont on y fait usage? C'est ce qui sera probablement discuté et décidé conformément à la raison, qui veut de l'unité dans les différentes parties de l'empire. Les préjugés locaux murmureront pendant quelque temps de cet adoption; mais ils finiront par céder au véritable intérêt de la Grande-Bretagne, et même de l'Ecosse, qui doit gagner à cet arrangement.

Les trois derniers fils du roi, qui termineront incessamment leurs études à l'université de Gættingue, re

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viendront en Angleterre au printemps prochain. — Lea princes Ernest et Adolphe, curieux d'assister au mariage du due d'York, leur frere, sont actuellement à la cour de Berlin.

PORTUGAL.

De Lisbonne, le 15 août. — La réforme des ordres religieux, tentée vainement sous le rezne préexdent par le marquis de Pombal, et dont le gouvernement actuel s'est dėja occupé, parait enfin devoir s'opérer. Notre our reent, it y a quelque temps, une bulle du jaje, qui nomme pour reformateur le confesseur de S. M., évique titulaire d'Algarve; et ce prélat a tenu des conferences à ce sujet avec les principaux membres du clergé, on soolate se néralement que cette entreprise ait un heureux sueous, pour détruire une foule d'abus tres-prejudicables pour le pays, et pour opérer une diminution qui donnerà un nouveau lustre à la religion en rendant a l'Etat un grand nombre de sujets utiles. Cette reforme est d'autant plus urgente que, malaré le decret publie du fen roi Joseph ler, le nombre des moines s'est accru de presque la moitié pendant l'année derniere.

ITALIE.

De Rome, le 14 septembre. — Mesdames de France continuent à visiter les chefs-d'œuvre que renferme ette capitale. M. le cardinal de Bernis leur fat ass lument sa

cour.

Le peuple a fait éclater sa joie à la convalescence du pape. S. S. a envoyé, selon l'usage, remercier les cardinaux, ambassadeurs et ministres qui, pendant sa maladie, avaient marqué leur intérêt, selon Fusase.

La duchesse de Toscane, incommodee depuis quelque temps, doit dans peu retourner à Naples. S. M. stelenne doit venir au devant de sa fille. On dit que S. M. pourrait venir même jusqu'à Rome, et que dans cette seconde entrevue on achèverait de terminer les differends qui subsistent depuis si longtemps entre les deux cours.

PAYS-BAS.

De Bruxelles, le 2 octobre. — Toutes les troupes autrichiennes dans les Pays-Bas se concentrent dans le Brabant; elles y deviennent necessaires. Il n'est pas probable que Leopold exécute le projet de les reduire, dans nos provinces, à trente-six mille hommes. Les circonstances en exigent davantage. Mais, en tenant parmi nous ce nombre de soldats, on a adopté une tactique de voyages pour empêcher les habitudes et les liaisons trop intimes du soldat avec l'habitant. On le fait souvent changer de lieu. Les troupes passent continuellement d'une ville dans une autre les nhlans viennent d'arriver à Mons; ils ont séjourné auparavant dans le pays de Luxembourg, près de Longwy, cantonnement trop voisin de la France pour le soldat qui garde les Brabançons. Les émigrés qui sont à Ath sont dans une forte détresse.

De Liége. On s'attend toujours ici au départ des troupes autrichiennes et munstériennes, La garde du princeeveque, étant de douze cents hommes, parait devoir sutire pour maintenir l'exécution_telle qu'elle a été opérée. Il est temps pour le pays de Liège qu'on le soulage entin des frais enormes qui l'accablent.

AVIS.

On trouve toujours chez M. Moreau, à la pepinière de la Rochette, près Melun, toutes sortes d'arbres d'alignement, arbres et arbustes a fleurs et etrangers, arbres verts éleves en pots, plaut de charmille, bois de Judee, troëne et autres, des pommiers à cidre, et des arbres fruitiers de toutes espèces, hauteurs et grosseurs; il y en a de gout dresses et en plein rapport pour jouir promptement.

LIVRES NOUVEAUX.

Supplément au Traité de la chasse au fusil. Paris, de Pimprimerie de M. P.-F. Didot le jeune, 1791; brochure de 100 pages in 86; et se vend chez M. Théophile Barrois le jeune, qual des Augustins, n° 18.

L'ouvrage dont on annonce le supplement, vol. in-8°

de 600 pag, avec neuf planches en taille-douce, imprimé en 1758, se trouve chez le même libraire.

BULLETIN DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LEGISLATIVE.

PREMIERE LÉGISLATURE.)

Présidence de M. Pastoret.

SÉANCE DU VENDREDI 7 OCTOBRE.

M. ***: La motion que je vais faire regarde la* berté de cette Assemblee. J'ai vu ce matin dar salle, avant l'ouverture de la séance, une n' satellites, d'otliciers..... (Il s'élève de violer

mures.,

M. GIRARDIN: Je demande qu'on rappe celui qui se permet de traiter de satellites is qui se dévouent avec tant de générosité à la ca la liberté et des lois. (On applaudit dans toutes c parties de la salle.)

On demande que le premier opinant soit rappelé à l'ordre.

M. BAZIRE: Personne ne rend plus justice que nous au zèle de la garde nationale; je dois dire cependant que, ce matin, une foule d'hommes armés nous ont menacés de leurs baionnettes. Pour que pareille chose ne se renouvelle jamais, je demande que l'Assemblée décrète que l'entrée de cette assemblee sera interdite à toutes les personnes étrangères à la confection des lois.

Une voix s'éleve : On a donné un avertissement à ceux qui voudraient une nouvelle révolution. On demande l'ordre du jour.

M. Je suis loin de partager les inquiétudes que paraissent manifester les préopinants, et je demande que l'Assemblée decrète qu'elle tiendra ses seances sur le terrain de la Bastille. (On murmure.)

L'Assemblée decide, à une très-grande majorité, qu'elle passera à l'ordre du jour.

Quelques membres reclament contre la délibération.-M. Bazire demande que sa motion soit mise aux voix.

M. LE PRESIDENT : Il s'élève des doutes sur la décision que l'Assemblée vient de rendre, et quelques membres pretendent que l'ordre du jour n'est applicable qu'à la dernière motion. Que ceux qui sont de cet avis veuillent bien se lever.

L'Assemblée décide à la presque unanimité qu'elle a entendu passer à l'ordre du jour sur toutes les propositions faites.

Quelques membres murmurent. - Une voix s'éleve: Voilà le despotisme!

M. LACOMBE-SAINT-MICHEL : Il est temps que les huées disparaissent de cette Assemblée. Lorsqu'un de nous demande la parole, il parle au nom d'une partie de la France, et à ce titre nous devons l'écouter. Craignons, par une défaveur anticipée, d'intimider la modestie, et de nous priver ainsi de lumiè res précieuses. Nous sommes envoyés par le peuple pour nous occuper de lui, et non de nous. L'état des finances réclame une attention que depuis trois jours nous perdons dans la discussion d'une vaine étiquette. En vain dirait-on qu'elle intéressait la dignité de l'Assemblée. Notre dignité, messieurs, consiste à donner l'exemple de l'obéissance aux lois, et surtout à conserver un calme qui ne devrait jamais abandonner des législateurs. (On applaudit dans toutes les parties de la salle. )

L'opinion publique est clairement manifestée. Nos concitoyens sont las de révolutions; ils attendent la paix. (Les applaudissements recommencent.) Sacrilions la gloire individuelle à la gloire politique des

Français. Je conclus à ce que l'Assemblée se fa présenter sans délai le règlement de l'Assemblée c stituante, et le renvoie à un de ses bureaux po faire les changements convenables. (On applau On demande que ce règlement soit provisoire adopté.

L'Assemblée décide qu'elle adopte provisoir le règlement de l'ancienne Assemblée constitua M. GENSONNÉT, l'un des commissaires n par le roi dans le département de la Ven n'ai pu hier joindre M. Gallois, mon collègu onze heures du soir, et il nous a été impo terminer notre rapport. Je demande done semblée veuille bien en prononcer l'ajourn

L'Assemblée ajourne à la séance du lend rapport des commissaires dans le département Vendée.

-Conformément à la décision rendue dans la séance d'hier, le bataillon de Sainte-Opportune est admis à la barre.

L'orateur de la députation: Les citoyens composant le bataillon de Sainte-Opportune marchent sous un drapeau dont la légende est : La loi, vivre libre ou mourir pour elle. Créés avec la constitution, nous nous sommes engagés à la conserver; et quand M. Cérutti disait ici « qu'il serait toujours à sa suite, fallût-il marcher sur un fer ardent, >> il a exprimé les sentiments qui nous animent tous. C'est dans cette attitude que nous venons vous présenter nos armes. Rien n'égale la satisfaction que nous éprouvons de trouver cette circonstance pour vous assurer de notre zèle à maintenir la constitution. (On applaudit.)

M. LE PRÉSIDENT: A la voix de la patrie tous les Français devinrent soldats, et la liberté fut établie. Vous maintiendrez par votre vigilance ce que vous avez défendu avec courage. L'Assemblée vous invite à assister à sa séance.

L'Assemblée ordonne l'impression du discours du bataillon de Ste-Opportune et de la réponse du président.

M. LE PRÉSIDENT: Je viens de recevoir une lettre du roi, dont je vais vous donner lecture.

« Je vous prie, M. le président, de dire à l'Assemblée que je m'y rendrai à une heure, comme je l'ai annoncé à la députation. Dites-lui aussi que j'ai nommé M. Bertrand ministre de la marine, à la place de M. Thevenard. Signé LOUIS. »

La municipalité de Paris est admise à la barre. La salle retentit d'applaudissements.

M. Bailly porte ta parole: La ville de Paris vient vous offrir les respects et les hommages de ses nombreux habitants. Nous vous répondons que ce peuple défendra la constitution au péril de sa vie et au prix de son sang. Fidèle à la loi que la nation a dictée, au roi que la loi et les cœurs ont choisi, il se distinguera toujours et par sa soumission à vos décrets, et par sa confiance dans votre sagesse. L'avenir vous décernera des éloges et des honneurs mérités : nous vous parlerons de nos espérances. Vous vous êtes déclarés Assemblée législative, vous avez rempli un devoir, nous ne vous en louerons pas; mais nous vous remercierons du grand exemple donné à tout un peuple; nous vous remercierons de la solennité de la prestation de votre serment. Nous avons vu vos anciens, à l'imitation des temps antiques, porter le livre sacré, exposer la loi devant l'Assemblée inclinée dans un silence respectueux, et l'Assemblée jurer individuellement sur le livre même la fidélité qui lui est due. Qui refusera d'obéir, lorsque vous avez obéi! Par cette solennité vous avez institué la religion de la loi. Chez les peuples libres et dignes de l'être, la loi est une divinité, et l'obéissance est un culte. (On applaudit.)

J

raged

dans des précieux, des

son sein, elle les

des troubles et des gue..

y ont suscités et constamme triomphes et sa gloire lui ont co

yous, messieurs, une protection qu les pertes qu'elle a éprouvées, et qu'elle toujours par sa fidélité et son obéissance. 1s

plaudissements recommencent.)

M. LE PRÉSIDENT: L'Assemblée reçoit

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rêt l'expression de vos sentiments. La ville qu

première donna l'exemple d'un saint enthous pour la liberté en donne maintenant un de win amour pour la loi. Si le peuple est égaré par les te chants, vous le ramènerez à la vérité, vous le préserverez contre l'audace de ceux qui cherchent à lui inspirer de vaines terreurs, et contre l'hypocrisie de ses faux amis qui le caressent pour le tromper. Il vous a choisis pour ses appuis; vous le fûtes, vous le serez, et le bonheur de vos concitoyens sera votre récompense.

L'Assemblée nationale vous invite à assister à sa séance. (On applaudit. )

La municipalité traverse la salle au milieu des applaudissements réitérés de l'Assemblée et des tri

bunes.

L'Assemblée ordonne l'impression du discours de la municipalité et de la réponse de son président. - M. Palloy, admis à la barre, présente les bustes de Mirabeau et de Jean-Jacques Rousseau, sculptés en relief sur des pierres de la Bastille.

On demande que l'effigie de Mirabeau soit placée au bas de la tribune.

M. LACOMBE-SAINT-MICHEL: Je demande qu'elle soit placée en face de la tribune; lorsque l'orateur hésitera, il n'aura qu'à la regarder.

L'Assemblée décide que les effigies de Mirabeau et de Jean-Jacques Rousseau seront placées dans la salle des séances du corps législatif.

Le département de Paris est admis à la barre. L'Assemblée applaudit à plusieurs reprises. M. Larochefoucauld, président, obtient la parole. M. LAROCHEFOUCAULD: Représentants de la nation, le peuple français, en vous choisissant, a mis le sceau de son assentiment à la constitution que d'autres représentants lui avaient tracée par son ordre, et le serment solennel que vous avez fait de la maintenir va dissiper le triste espoir dont les ennemis de la chose publique cherchaient encore à se flatter, et les inquiétudes que les amis de la patrie pouvaient conserver encore. C'est à vous qu'il appartient de déterminer en effet la grande révolution qui vient de s'opérer. Les principes de la liberté sont

déclarés, mais son usage a besoin encore de quelques règles; vous apprendrez aux citoyens que si la liberté de chacun ne doit avoir de bornes que la liberté des autres, il est nécessaire que ces bornes soient marquées et respectées. On leur a dit que les opinions sont libres; vous leur apprendrez à pratiquer les uns envers les autres ce dogme si salutaire. C'est à vous de calmer les esprits, et surtout de les éclairer. Le temps n'est plus où les erreurs puissent subsister; grâces à l'art heureux de l'imprimerie, les lumières se propageaient déjà sous le despotisme avec quelque rapidité sous la constitution nouvelle, ne se répandront-elles pas chez tous les citoyens?

Vous organiserez l'instruction publique, ce premier besoin d'un peuple libre; vous mettrez tous les individus qui composent la grande famille à portée d'acquérir les connaissances nécessaires à tous: divisant l'enseignement en plusieurs branches, vous ouvrirez à chacun la route vers la profession qu'il voudra suivre, et, secondant les efforts du génie, vous lui fournirez les moyens de s'élever jusqu'aux plus hautes régions des arts et des sciences. Vous acquitterez aussi la dette de la société envers l'humanité souffrante, en organisant les secours publics qui devront chercher le pauvre dans sa chaumière, pour y soulager ses infirmités, ou le placer dans des hospices sains pour y recevoir en commun les soins dus à son enfance, à sa vieillesse, à ses maladies. Vous chercherez à bannir la mendicité, en inspirant l'amour et en faisant contracter l'habitude du travail; mais vous la bannirez plus sûrement encore en perfectionnant la répartition des contributions, en modifiant celles qui pèsent encore sur les transactions, sur le commerce et sur l'industrie, et surtout en établissant un bon système de lois civiles.

Vous ferez disparaître cette foule de coutumes qui, nées dans la barbarie, portent encore l'empreinte de leur origine, et même ce droit romain, l'admiration des temps d'ignorance, qui constitue chaque chef de famille despote arbitraire de ceux qui la composent: il faut à l'empire une seule loi, comme un seul poids et une seule mesure. Vous accomplirez ces grands devoirs que vos prédécesseurs vous ont légués; mais votre vigilance en aura d'autres encore. C'est à vous qu'il appartient d'établir cet équilibre si nécessaire entre les dépenses et les recettes, et de fonder le crédit public sur la certitude d'une correspondance parfaite entre les besoins et les ressources de l'État.

Instruits par la pratique des fonctions administratives et judiciaires auxquelles le suffrage du peuple avait appelé un grand nombre de vous, vous aurez connu les inconvénients des lois faites, la nécessité des lois à faire, et vous raccorderez les diverses parties de la machine politique sans en altérer les bases.

Mais votre dette la plus importante peut-être, c'est de justifier vos prédécesseurs dans la résolution hardie qu'ils ont fait prendre à la nation de confier à un corps unique le soin de faire des lois. Francklin est le premier qui l'ait proposé, et les habitants de la Pensylvanie avaient écouté sa voix; mais, depuis, les sentiments de quelques inconvénients, et plus que tout peut-être, l'influence si puissante des habitudes anciennes, les ont fait retourner vers la complication du gouvernement britannique. L'Assemblée nationale constituante s'est saisie de cette grande idée; elle a vu encore dans son adoption l'avantage inappréciable de cimenter les principes de l'égalité qu'elle voulait établir et qu'elle a établis, et le pouvoir de faire des lois n'a reçu de limites que celles de la sanction royale modifiée. Vous prouverez à la France, à l'Europe, à l'univers entier, par la sagesse de vos délibérations, que, dans le monde moral comme dans le monde

physique, les moyens simples sont toujours ceux qui produisent le plus sûrement et le mieux l'effet désiré.

Placés près de ce sanctuaire, éclairés par vos discussions qu'ils seront avides de suivre, les administrateurs du département de Paris exécuteront avec zèle, sous les ordres d'un roi dont la nation voit l'autorité constitutionnelle avec confiance, les lois par lesquelles vous assurerez l'ordre public et le bonheur général.

M. LE PRÉSIDENT: L'exécution des lois vous sera confiée; il est temps qu'elles reprennent leur activité, et que la liberté soit digne d'elles. J'aime à être auprès de l'Assemblée l'organe de votre zèle, comme celui de sa confiance en vous.

L'Assemblée ordonne l'impression du discours du département et de la réponse de son président.

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M. le président fait lecture des décrets rendus par l'Assemblée nationale constituante sur le cérémonial qui doit être observé lorsque le roi se rend à l'Assemblée.

M. *** : Un des articles porte que le président de l'Assemblée ne pourra répondre au roi sans y être autorisé par un décret. Je demande l'exécution de cette loi.

M. *** : Je demande, moi, que l'Assemblée rende un décret pour autoriser M. le président à répondre

au roi.

l'Assemque M. ***: Je demande, au contraire, blée réponde au roi par une Adresse méditée, et lui envoie un message.

On demande la priorité pour le message.

M. LE PRÉSIDENT : Je mets aux voix la priorité. L'Assemblée refuse, à une très-grande majorité, la priorité à la proposition faite d'envoyer un message au roi, et décide que M. le président sera autorisé à lui répondre.

On demande que M. le président soit tenu de communiquer préalablement sa réponse à l'Assemblée. La question préalable est réclamée sur cette proposition. La question préalable est adoptée à une très-grande majorité.

M. LE PRÉSIDENT: Je vais quitter un instant le fauteuil pour préparer ma réponse au roi; je prie M. Ducastel, vice-président, de prendre ma place. M. Ducastel prend le fauteuil.

M. le président fait lecture de la liste des membres composant la députation qui doit aller au devant du roi.

M. COUTHON Nous sommes envoyés ici pour amener le calme; et nous ne pourrons jamais y parvenir si nous ne prenons des mesures vigoureuses contre les prêtres réfractaires. (On entend quelques des curés applaudissements. ) Il y a dans la campagne qui restent dans leurs paroisses, quoiqu'ils soient remplacés, et ils font du mal par leur seule présence. (On murmure. ) Cela est très-sérieux; il y a des endroits où les prêtres constitutionnels ont été poursuivis à coups de bâton pendant le jour, et à coups de fusil pendant la nuit. Les prêtres réfractaires continuent leurs fonctions. Ils disent la messe, confessent, font l'eau bénite dans leurs maisons. (On rit.) Il est impossible d'acquérir de preuves contre eux; ils n'ont pour témoins que leurs partisans. Je vais vous citer un fait dont je suis certain. Un prêtre constitutionnel est entré dans l'endroit où un prêtre réfractaire disait la messe; le réfractaire s'est déshabillé au milieu de la messe, et s'est enfui en criant : << Cette église est polluée ! » J'insiste pour que nous méditions sérieusement sur les mesures qu'exigent les circonstances.

M. JOURNAI: Le tableau que vient de faire le préopinant est exagéré. (On murmure.) Je ne suis

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