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tion à la loi que dérivent essentiellement les difficultés qui occupent actuellement l'Assemblée nationale. En effet, il lui a paru démontré que les arrêtés du département sur la fixation des journées de travail n'ont pas été notifiés aux assemblées primaires de Nantes, et que les dix-huit citoyens chargés par la municipalité de les ouvrir n'ont déposé sur leurs bureaux que l'arrêté de cette municipalité qui fixe les trois journées à 39 sous.

Il reste à vous présenter les réflexions du bureau sur la troisième question. Les députés de la commune de Nantes ont distribué bier aux membres du sixième bureau un mémoire imprimé, dans lequel ils ont prétendu que les électeurs avaient excédé leurs pouvoirs en bornant la représentation de la commune de Nantes; ils ont qualifié de réduction la limitation du nombre des électeurs de cette ville; ils ont cité la disposition des décrets des 28 mai et 22 décembre 1789, et ils ont cru avoir établi les motifs de leurs réclamations contre l'opération de l'assemblée électorale. Le bureau en a jugé autrement. Attaché aux principes constitutionnels, il a considéré que la ville de Nantes n'avait pu élire qu'un électeur par cent citoyens actifs; que, pour déterminer d'une manière fixe, invariable et arithmétiquement démontrée, le nombre qu'elle avait le droit d'élire, elle avait dû justifier légalement la quotité de ses citoyens actifs; qu'un état des chefs de famille mâles n'avait pu prouver cette quotité, et qu'aucun motif de considération ne devait détourner l'Assemblée nationale des principes et des règles qui doivent maintenir dans toute leur pureté les lois de la représentation nationale.

élecIl n'a donc point considéré l'arrêté du corps toral du département de la Loire-Inférieure comme une réduction; il a pensé au contraire que les électeurs, qui n'avaient pu connaître la population de Nantes que par la liste déposée le 6 novembre 1790, n'avaient pas dû recevoir dans leur sein un nombre d'électeurs excédant la proportion de cette population, que cette sévérité de principes ne pouvait être improuvée, et que la municipalité de Nantes avait à s'imputer la lenteur qu'elle avait apportée à la formation de la liste de ses citoyens actifs. Le bureau est donc d'avis que les électeurs du département de la Loire-Inférieure, en restreignant la ville de Nantes à une représentation justifiée, et en s'opposant à l'admission d'un nombre établi sur deux calculs présumés, n'ont point fait un acte de législation ou d'administration. Il a pensé au contraire que cette assemblée avait jugé que trente-quatre des électeurs de la ville de Nantes n'avaient aucun titre valable pour se présenter, et qu'ils ne devaient point être admis. Le bureau a méme regardé comme une reconnaissance précise du droit de cette assemblée la conduite des électeurs de Nantes, qui ont consenti à la limitation de leur nombre, et qui n'ont peut-être cessé de prendre part aux opérations de l'assemblée que parce que, agitée au dehors par des intérêts dont il serait inutile de pénétrer les motifs, ils n'ont pu suivre la première impression qu'ils avaient reçue. Le bureau à été plus loin; il s'est demandé si, en supposant que le système de la municipalité de Nantes fut fondé, qu'on pût regarder l'opération de l'assemblée électorale comme un acte de législation ou d'administration, cet acte pourrait entacher de nullité les élections; et, après avoir examiné cette question, il l'a trouvée décidée de manière à faire rejeter la réclamation de la ville de Nantes. Le bureau n'a donc plus hésité de vous proposer le décret suivant :

a

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du sixième bureau sur la réclamation de la commune de Nantes, décrète qu'elle reconnaît la va

lidité des nominations faites par le corps électoral de la Loire-Inférieure. »

M. Ducastel parle contre l'avis du sixième bureau. Après quelques débats, le décret présenté par M. Dorisy est adopté.

La séance est levée à quatre heures.

VARIÉTÉS.

Extrait d'une lettre de Hambourg, du 23 septembre.

l'on

<< Mardi 20 de ce mois, de grand matin, l'on vit passer ici un courrier qui se rendait en toute diligence à Stockholm; il y portait l'importante nouvelle que le roi de France avait accepté, sans condition ni réserve, la nouvelle constitution » qui lui avait été présentée par l'Assemblée nationale, et qu'il avait promis en même temps, non-seulement de la maintenir au dedans, mais encore de la défendre contre les attaques du dehors. Quelle que soit l'idée que se fasse du plus ou du moins de liberté de cette acceptation, il est impossible néanmoins que la nouvelle n'en fasse une forte impression en Suède, s'il est vrai qu'on y ait pensé sérieusement à intervenir de si loin à main armée dans les affaires domestiques de la France. Tel a été du moins, depuis quelques jours, le bruit public dans tout le Nord, auquel on ajoute que les deux cours impériales de Vienne et de Pétersbourg ne sont pas moins prêtes que celle de Berlin à entrer dans la confédération; que l'impératrice en a même fait faire la déclaration à la cour de Copenhague, en lui proposant de prendre également part à la réunion de tant de souverains pour venger ce qu'on appelle leur cause commune. Il est certain que les princes français émigrés de leur patrie ne cessent de faire des démarches près des principales puissances; et comme M. de Bombelles s'est rendu récemment de leur part à Pétersbourg, l'on a vu M. d'Escars, particulièrement attaché à M. d'Artois, arriver de Pilnitz à Berlin, se rendre de là à Stralsund, et s'y embarquer à bord d'un yacht de poste pour Ystadt, afin de passer de là à Stockholm. Heureusement que les conjectures formées par certaine classe de politiques, en haine de la révolution française, sont contre-balancées par d'autres peutla connaissance surtout par être également graves, qu'on a que, dans un siècle tel que le nôtre, l'opinion publique est assez respectée pour que la cause des nations ne soit pas oubliée pendant qu'on parle de celle des souverains. L'empereur lui-même a donné trop de preuves de sa conviction que les souverains sont faits pour les peuples, et non les peuples pour les souverains, pour qu'on puisse lui attribuer des desseins qui s'écarteraient d'un principe aussi sacré. Encore récemment il a été publié à Vienne, avec l'approbation publique de la censure, un ouvrage qui traite de l'obligation du régent et des états d'un pays de soulager le fardeau du peuple, ainsi que du devoir des sujets de ne point passer les bornes de l'obéissance due au gouvernement. L'auteur insiste beaucoup sur la vérité incontestable que sans subordination le peuple ne saurait être heureux; mais en même temps il s'exprime librement et avec zèle sur l'injustice des priviléges et exemptions accordés à certaines classes de citoyens ; il n'épargne ni le clergé qui, dans l'oisiveté et la mollesse, se nourrit du suc des peuples, ni la noblesse qui, par sa morgue et son orgueil, insulte à l'humanité même. Il cite pour exemple la coutume qui ne permet de choisir que des nobles pour présidents des dicastères, et il fait des vocux pour qu'aujourd'hui, qu'on con

naît mieux les principes fondamentaux de toute société civile qu'on ne les connaissait lors de la naissance de l'état actuel des choses, des institutions fondées sur une base plus juste succèdent enfin à celles qui ne sont que des restes de la barbarie féodale. Quoi qu'il en soit, il s'écoulera encore bien du temps avant que la confédération dont il est tant parlé se montre par des effets; et parmi les princes de l'empire qui n'y prendront point de part, l'on nomme l'électeur de Saxe, qui n'a assisté, dit-on, à aucune des conférences à Pilnitz où il a été question des affaires de France et des moyens d'y effectuer une contre-révolution. »

ÉVÉNEMENT.

Hier matin, dans la section des Quatre-Nations, un garde du commerce a voulu mettre à exécution un jugement de contrainte par corps rendu par le tribunal consulaire contre un citoyen. Un garde national, parent de et celui-ci, s'est opposé avec violence à cette arrestation, a mis les armes à la main. Le garde du commerce a demandé protection et main-forte à la garde, qui a arrêté le débiteur et son compagnon, et les a conduits au tribunal du sixième arrondissement, qui tenait sa séance. Une foule de peuple, parmi laquelle se trouvaient des parents et amis de ceux arrêtés, les avait suivis jusque dans l'auditoire, en injuriant la garde nationale. Ils ont troublé les juges dans leurs fonctions par des huées et des menaces. Un des juges, M. Mute!, a imposé à cette multitude, en disant qu'il était temps que la loi reprit son empire et que force et respect demeurassent à la justice. Alors il a ordonné à la garde d'arrêter tous ces séditieux réfractaires. Cet acte de fermeté de la part de ce magistrat les a déconcertés, et ils se sont enfuis. Après avoir entendu le rapport du garde du commerce et de la garde nationale, les juges ont fait conduire à la prison de la Force le débiteur et le garde national qui avait manqué aussi ouvertement à son serment, en tournant contre la loi les armes qui ne lui sont confiées que pour sa défense. Le tribunal a chargé l'accusateur public de rendre plainte contre cette rébellion. C'est par des actes de rigueur de ce genre qu'on pourra enfin convaincre le peuple de la nécessité d'obeir à la loi et de respecter les agents chargés de la faire exécuter. (Tiré du Journal de Perlet.)

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AVIS.

La Société des Amis de la Constitution, séant au Pontdu-Château, département du Puy-de-Dôme, prévient les autres Sociétés du royaume qu'elle ne recevra aucunes lettres ni aucuns paquets qui ne soient affranchis, à l'exception de ceux qui lui seront adressés par la Société des Jacobins de Paris et celle de Clermont.

ARTS. MUSIQUE.

IXe cahier du Journal de Guitare, contenant un air della Bella pescatrice, de Cimarosa, et l'ouverture della Cosa rara, de Martini, pour guitare et violon.

IXe numéro du Journal de Violon, contenant un écho à quatre violons et deux violoncelles, par J. Haydn. Prix: 3 liv. 12 s. le numéro séparé.

IX recueil des Délassements de Polymnie ou les Petits Concerts de Paris, contenant quatre airs, avec accompagnement de flûte obligée et basse ou clavecin, par J. Garnier, de l'Académie royale de Musique.

Le prix de l'abonnement, pour chacun de ces trois onvrages, à 12 cahiers par an, est de 18 liv. chaque cahier séparé, ordinairement 2 liv. 8 s.

On souscrit à Paris, chez M. Porro seul, rue Tiquetonne, n° 10, et chez tous les directeurs des postes.

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No 280.

GAZETTE NATIONALE OU LE MONITEUR UNIVERSEL.

Vendredi 7 Octobre 1791.

POLITIQUE.

POLOGNE.

De Varsovie, le 27 septembre. Après l'expiration des trois mois de vacance que la diète avait pris, elle a recommencé avant-hier ses séances. Les représentants des villes y ont été installés au milieu d'un concours immense de monde, attiré par l'intérêt autant que par la nouveauté de ce spectacle. La parole a été portée par M. Wibieki, député de la ville de Posen, homme trèsrecommandable par les ouvrages qu'il a publiés en faveur des paysans et des villes, et par la part très-active qu'il a eue à la révolution. Son discours, dans lequel il a fait un éloge brillant et motivé de l'ordre actuel des choses, a obtenu les plus vifs applaudissements. Après une réponse touchante du chancelier, les représentants des villes ont été admis à baiser la main du roi, et les nonces y ont été à leur suite, dans la vue de prouver ainsi de plus en plus l'union et la fraternité de la noblesse avec ses nouveaux associés. Les députés des villes ont ensuite pris place après les nonces des provinces qu'ils représentent, et sans aucune distinction.

La diète s'est ensuite ajournée au lundi 19 de ce mois. M. Wibieki a offert au roi, au nom des villes, douze canons de fonte, et a prié aussi Sa Majesté d'agréer qu'il lui fût érigé une statue en mémoire de la révolution.

Les états ont accepté les douze canons; mais le roi n'a voulu consentir à ce qu'il fût dressé un monument qu'autant qu'il serait consacré à perpétuer le souvenir des opérations de la diète actuelle.

ALLEMAGNE.

De Munich, le 29 septembre.-Le baron de Bentinek a été nommé par l'électeur président de la chambre des finances de Dusseldorf. On lui a donné le comte de Goldstein pour vice-président.

PRUSSE.

Extrait d'une lettre de Berlin, le 20 septembre. Ce qu'il y a de plus remarquable à vous manderà l'égard de la Prusse, c'est la publication définitive du nouveau code civil. MM. Kleni et Suarez, sous la direction du grand chancelier Carmer, en sont les principaux auteurs et s'y sont acquis le plus grand honneur. Le nouveau code se fait remarquer par son esprit philosophique (qui malheureusement n'a dû fléchir que trop souvent encore devant des préjugés surannés), ainsi que par la clarté, l'ordre et la précision. Les peines y sont extremement plus douces et plus modérées.

Le mariage à main gauche (institution extrêmement aristocratique, mais salutaire et sage là où l'aristocratie fait encore une des bases du corps politique), le mariage à main gauche n'est permis qu'aux gentilshommes, aux conseillers royaux et à ceux qui jouissent du même rang qu'eux; mais il faut qu'ils attestent sur leur honneur l'insuffisance de leur fortune pour le mariage à main droite. La femme à main gauche ne porte pas le nom de son mari, ni même celui d'épouse; mais elle se nomme femme de maison, de ménage. Les enfants qui naissent de ce mariage n'ont point de tache de naissance, mais le père n'est pas obligé de les élever comme il conviendrait à sa qualité et à son rang s'ils étaient nés d'un mariage à main droite; ils n'ont de prétentions sur la partie congrue de la succession de leur père qu'au cas qu'il n'y ait pas de parents ou d'enfants d'un mariage à main droite. Toute fille séduite, à laquelle on ne prouve pas qu'elle est une prostituée, sera juridiquement mariée à son séducteur, en qualité de femme à main droite quand elle est du même rang que lui, et à main gauche en cas de différence de rang. Il suffit cependant que le mari déclare qu'il ne veut pas vivre avec elle en mariage pour que le divorce ait lieu. Cette déclaration, jointe à l'acte juridique de mariage, est ensuite remise entre les mains de la plaignante, qui, en vertu de cet acte, acquérant les droits d'une femme divorcée, est sauvée de la honte, est ras2e Série. Tome I.

Troisième année de la Liberté.

surée sur son honneur. On a 'cru trouver dans cette institution (et, il me semble, avec raison) le moyen le plus efficace contre l'infanticide.

Le mariage d'un noble avec une personne de l'ordre des paysans était non valide jusqu'à présent; désormais il aura lieu, mais sur la condition que trois membres de la famille du mari y conseutent, ou que le roi supplée à ce consentement.

Une partie de la succession des célibataires au dessus de l'âge de quarante ans tombera dans la caisse des pauvres. Les seules obligations des banquiers, des négociants, des fabricants, des propriétaires ou de leurs fermiers, auront la force des lettres de change (wechselfachigkeit); les engagements pour dettes de tous les autres dont la loi ne fait pas mention n'auront la force de lettres de change (wechselfachigkeit) que quand elle aura été demandée et consentie du magistrat de la ville ou du canton. Le juge ou le magistrat qui la donnera trop légèrement, et sans des raisons suffisantes, sera responsable, quand elle tournera au dommage de celui qui l'aura sollicitée.

La peine de ceux qui incendient sera modifiée selon que le crime aura été commis de jour ou de nuit; distinction très-importante, puisqu'au premier cas on ne peut pas supposer le projet de faire mourir quelqu'un.

Celui qui sauve la vie à un homme, à son propre péril, recevra du magistrat du lieu une lettre de remerciment avec une gratification.

Les injures verbales contre les membres de la famille royale ne seront punies que d'un certain temps d'emprisonnement dans une forteresse.

Le code porte l'article suivant : « La souveraineté consiste dans le pouvoir de conduire les actions des sujets au bien général de la chose publique; mais ce pouvoir n'appartient pas au roi comme un droit, mais bien comme un devoir. »

Vous connaissez l'entrevue de Pilnitz. Les uns prétendent qu'on y a pris des mesures contre la France, d'autres savent le contraire. Je ne sais ni l'un ni l'autre, mais je fais des vœux pour le succès de la révolution, et je lui souhaite tout ce qui peut lui faire du bien ; je souhaite par-dessus tout que les Français ne se laissent pas intimider par des bruits; faiblesse qui peut leur faire un tort infini dans l'Europe.

Dans peu de jours on célébrera ici les noces de la princesse Frédérique avec le duc d'York, et de la princesse Wilhelmine avec le fils aîné du stathouder. Pendant les fètes on donnera au théâtre de la Nation l'opéra de Tarare, traduit du français.

ESPAGNE.

De Madrid, le 22 septembre.-Le vaisseau de guerre le St-Ermenegilde, de cent douze canons, qui était à Cadix, a mis à la voile de ce port, le 16 de ce mois, pour se rendre au Férol, où il va désarmer.

Le cutter espagnol la Résolution, avec cinq tartanes de la même nation, est parti le 15 pour aller porter des provisions à Ceuta.

Le brigantin marchand français la Marie-Anne-Thérèse, capitaine Coquit, est parti le 16 de Cadix avec cent trente-quatre Français, qui n'ont pas voulu prêter serment.

Quatre-vingt-un Français ont été de même embarqués à Malaga dans le courant du mois de septembre, et il y en a eu aussi un certain nombre dans les autres ports. Il en est parti environ douze cents de Madrid ou des environs, sans compter ceux qui, de l'intérieur du royaume, se sont rendus en droiture dans leur patrie, et ceux qui, ayant obtenu une prolongation, ne comptent retourner chez eux qu'après son expiration.

La cour d'Espagne vient de conclure un traité de paix et de commerce avec la régence de Tunis. La ratification en a été faite le 19 juillet.

HOLLANDE.

Extrait d'une lettre de la Haye, du 27 septembre.

-Le prince stathouder vient de visiter les provinces de Frise et de Groningue. L'inquiétude du gouvernement, relativement aux intentions de ces provinces pour la paye des troupes étrangères au service de la république depuis 1787, paraît avoir donné lieu à la tournée que le prince y a faite. Le peuple, et surtout la classe la plus indigente du peuple, y font craindre de prochains témoignages de mécontentement. Les prétextes ne manqueraient point. Le commerce, qui a reçu plusieurs échecs de la part de la politique des cours, n'est pas florissant. On n'a pas oublié que la banque publique n'a pu se refuser dernièrement aux besoins particuliers de notre cabinet; et le dernier mémoire que la Compagnie des Indes orientales a fait remettre aux états généraux, en développant les causes de l'état de détresse où se trouve cette Compagnie, a démontré qu'il lui était impossible de venir au secours du gouvernement. La crise de 1748, renouvelée par les secousses de 1787, a dérangé en effet beaucoup de rapports et d'habitudes dans le commerce de la république. Et à cette heure encore les négociants ont à souffrir des lois sévères du ministère espagnol envers les étrangers. Quant au militaire national, il a déjà murmuré de se voir incorporer une grande quantité d'étrangers, et surtout des Prussiens. Peut-être l'humeur de quelques officiers hollandais exagère-t-elle cet inconvénient pour les libertés du pays; mais à leur humeur se joint le mécontentement du soldat, qui souffre avec impatience qu'on ait introduit dans l'armée hollandaise la rigueur de la discipline prussienne, et qui, retenu sous les drapeaux sans pouvoir obtenir les semestres ordinaires, et ne sentant pas que cette mesure est sage dans les circonstances critiques où l'Europe se trouve, semble toujours prêt à en murmurer; cependant la présence du stathouder n'a pas été inutile dans les provinces qu'il a parcourues, quoique, surtout en Frise, il n'ait pas toujours eu à se louer des témoignages du respect public.

La paye pour l'entretien des troupes étrangères était continuée; la Frise et Groningue ne s'y refuseront en aucunes manières, etc.

AMÉRIQUE.

Traduction d'une lettre espagnole écrite par un particulier de la Havane à un négociant de Bordeaux,` en date du 2 juillet.

Vous n'apprendrez pas sans intérêt la nouvelle des désastres auxquels cette colonie est en proie. Ils ont été causés par les torrents de pluie que nous avons essuyés depuis le 21 juin 1791, à la pointe du jour, jusqu'au 22 à dix heures et demie du matin. Les moulins à tabac du roi, situés à une lieue de cette ville, et construits avec la plus grande solidité, ont été emportés, ainsi que le village au milieu duquel ils étaient batis, et la plus grande partie des habitants, que l'on fait monter à deux cent cinquante-sept personnes de tout âge. Au milieu des débris, on a découvert et sauvé une femme exposée avec son enfant dans un bateau attaché à une fenêtre. L'eau, et l'on croit aussi le tremblement de terre, ont fait ouvrir plusieurs abimes, de plus de quarante-cinq pieds de profondeur; dans une de ces excavations on a découvert Je lit d'une rivière très-abondante, qui coulait sur un fond de belles pierres noires. Dans cet abat d'eau, à une lieue et demie des moulins du roi, l'habitation du comte Barreto (qui est mort le même jour) a été engloutie. On a trouvé le terrain coupé par crevasses, dont quelquesunes de soixante pieds de profondeur; une fumée trèsépaisse qui sortait de l'excavation principale a fait présumer qu'il s'était ouvert un volcan dans cet endroit. A quatre lieues d'ici, les semences, les bestiaux, une infinité de familles ont été emportés par les torrents. Le nombre des malheureux qui ont péri dans cet épouvantable désastre ne peut pas se calculer; ce qu'il y a de sûr, c'est que plusieurs charrettes étaient employées à transporter les cadavres dans un village voisin, où on les enterrait. La terre a tellement été déchaussée par le frottement des eaux, qu'il n'est resté en plusieurs endroits que la pierre vive. Dans beaucoup d'autres habitations, les bœufs, les nègres ont été noyés, et toutes les cannes à sucre qui couvraient la terre coupées et entraînées par les torrents. Dans un village à quatorze lieues de la favane, il n'est pas resté un seul animal en vie; tous les ponts ont été enlevés, et quantité d'hommes ont péri. On présume que dans ce cruel événement il a péri trois

mille hommes, au moins huit mille animaux, vaches, bœufs et mulets, et trois à quatre mille chevaux.

De mémoire d'homme on ne se rappelle pas un déluge semblable, encore moins une crue d'eau aussi extraordinaire, puisqu'aux moulins du roi l'eau s'est élevée à soixante-six pieds. Dans la nouvelle rivière souterraine on a découvert une mine de très-bon cuivre, une terre de beau bleu et des pierres de couleurs rares.

FRANCE.

De Paris.

MUNICIPALITÉ.

Arrêté sur les jeux.

Le corps municipal, délibérant sur le rapport fait par M. le maire et les administrateurs au département de police, tant des désordres et scandales occasionnés par les maisons de jeu, que de l'inefficacité et de l'insuffisance des moyens que la loi leur donne pour les réprimer; vivement alarmé du bruit que les administrateurs au département de police assurent s'être répandu depuis quelque temps, sans qu'il leur ait été possible d'en acquérir la preuve, que des personnes qui, par état, devraient être les plus empressées à dénoncer ces maisons infames, ces gouffres de perversité, pour en faciliter la destruction, reçoivent de ceux qui les tiennent des som mes considérables pour les proteger; ne pouvant se persuader que ce bruit ait quelque fondement, mais voulant répondre tant à la scrupuleuse sollicitude et à la délicatesse des administrateurs au département de police que remplir son devoir en ne négligeant aucun moyen pour approfondir de pareilles imputations; considerant en outre que de bons citoyens qui, malgré leur indignation contre de pareils désordres, n'ont pas assez de courage ni de zèle pour oser faire leur déclaration sur l'existence de ces repaires où toutes les fortunes s'engloutissent, enchainent, par leur silence et leur funeste indifférence, la loi qui les anéantirait;

Après avoir entendu le premier substitut-adjoint du procureur de la commune, charge les administrateurs au département de police, le procureur de la commune, ses substituts-adjoints, et les commissaires de police des sections, de prendre à cet égard toutes les informations et renseignements qu'ils pourront se procurer, de dénoncer et faire poursuivre les coupables, dans le cas où ils en découvriraient; exhorte, au nom du bien public et de la loi, tous les amis des mœurs et de l'ordre, à faire avec zèle et courage, soit aux administrateurs de police, soit aux commissaires de police, leurs déclarations dé toutes les maisons de jeu qui existent ou pourront existr. Ordonne que le présent arrété sera imurimé, affiché, et envoyé à tous les commissaires de police et comités des sections.

Signé BAILLY, maire; DEJOLY, secrétaire-greffier. Nomination des députés du département de Corse, MM. Leonetti, Pietri, Pozzo-di-Borgo, membre du directoire du département.

Département de la Moselle.

Thionville.

Quoique l'électeur de Trèves ait reçu avec beaucoup d'égards et des témoignages d'intérêt les Francais expatriés, il parait décidé à garder la neutralité, si l'Allemagne déclare la guerre à la France. Il a fait signifier à Monsieur qu'il ne sera point permis aux émigrants de se procurer, dans son électorat, ni armes, ni munitions; qu'ils ne pourront s'arrêter dans ses états que comme des étrangers jouissant d'un asile en pays neutre. Il a déclaré qu'il leur est défendu de s'y former en corps, et de faire aucun préparatif d'hostilités contre la France; enfin que, dans le cas où ils se proposeraient d'attaquer le royaume, il ne souffrirait pas que ce fût du côté de l'électorat, ni de ses frontières.

Toutes les nouvelles que l'on reçoit de Coblentz annoncent que l'armée des princes continue à s'organiser dans la Flandre autrichienne, même depuis que le roi a accepté la constitution. Les princes, conformément au principe établi dans leur lettre au roi, persistent à soutenir que cette acceptation est nulle; ce monarque, disent-ils, n'étant qu'usufruitier de sa couronne, et ne pouvant porter atteinte aux droits de ses successeurs.

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Deux tribunes particulières ont été préparées, dans le sein de l'Assemblée législative, pour les membres de l'Assemblée constituante. Il s'élève à ce sujet plusieurs questions que nous mettons à l'ordre du jour, faute de mieux.

La première est celle-ci : Qui a donné cet ordre? Est-ce la nouvelle Assemblée ? Où est le décret? Estce l'ancienne? Où est le droit? Est-ce une des vingt mille et tant de décisions secrètes du comité de constitution? Qui l'a signée ?

Cette nouveauté est-elle de l'ordonnance de M. Guillotin? Le comité de salubrité prétend qu'elle n'est nullement propre à purifier l'atmosphère.

Qui a donc donné cet ordre ? Ce n'est pas le pouvoir législatif, encore moins le pouvoir exécutif. Ne serait-ce pas le pouvoir intrigant?

On a tant de peine à se résigner au néant! Ces décrets sont si sauvages! De grands et petits personnages ne peuvent plus être ni ministres ni représentants en titre. Eh bien! il faut redevenir l'un et l'autre incognito. On s'arrange pour avoir un tabouret dans le conseil intime, et une banquette dans le corps législatif. On garde la voix consultative in utroque. On se flatte ainsi de gouverner l'un et de dominer l'autre. Du haut de la nouvelle tribune, comme d'un observatoire, on donnera les signaux au parti qu'on a déjà su se faire dans l'Assemblée, c'est-à-dire au parti ministériel. On commandera les manœuvres savantes de la tactique délibérative. On soufflera à celui-ci un amendement, à celui-là un sophisme; à l'un la question préalable, à l'autre quelques adverbes endécasyllabiques. Là, on tentera les forts; ici, on séduira les simples; plus loin, on effraiera les faibles. Insensiblement on se formera une influence mitoyenne qui peut, avec le temps, devenir d'un très-bon produit.

Et d'ailleurs, n'est-il pas telle circonstance où un corps de membres de l'ancienne Assemblée pour

Mais supposons que la tribune dont il s'agit soit une invention de la vanité plus encore qu'une tentative de l'intrigue: dans tous les cas, elle ne peut subsister. C'est un privilége, et il est exclusif. Si on la conservait, il faudrait l'agrandir dans deux ans.

Bientôt les ex-législateurs envahiraient tous les gradins de la législature. Ceux-ci se croient, à la vérité, sûrs d'y rentrer bientôt, et ils trouvent commode de n'avoir qu'une balustrade à franchir. Mais tous les bons principes répugnent à cette prérogative; et il est probable que les constitués rappelleront bientôt les constituants à l'ordre et à l'égalité.

Sa mission finie, un représentant n'est plus qu'un citoyen; il rentre dans la foule. Tout est perdu s'il prétend conserver l'ombre même du caractère dont il fut revêtu, s'il s'obstine à rester sous les regards du peuple.

Plus nous devons aux créateurs de la constitution, plus il est dangereux qu'ils continuent de se présen

ter en masse à nos souvenirs reconnaissants. C'est créer une distinction, une illustration, une sorte de noblesse, puisqu'après tout, la noblesse n'était qu'un Souvenir.

Au surplus, il nous vient une idée. Une tribune exclusive et honoraire blesse la raison et la loi. Qu'on en change l'objet, et l'on pourrait faire d'un ridicule abus une institution vraiment morale. Nous proposons que ces places privilégiées soient réservées comme une retraite d'honneur pour les vieillards qui auront dignement exercé les magistratures populaires. Ces émérites de la patrie formeront pour les législatures une galerie imposante et vénérable.

Quant à nos ex-constituants, on pourrait par faveur accorder les honneurs de la vétérance à celui d'entre eux qui renoncerait pour toujours à toute espèce de places.

L'exception est sans conséquence; car, tout blessés qu'ils sont, la plupart de ces messieurs ne pensent guère à demander les invalides.

BULLETIN DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
LEGISLATIVE.

(PREMIÈRE LÉGISLATURE.)
Présidence de M. Pastoret.

SÉANCE DU JEUDI 6 OCTObre.

Un de MM. les secrétaires fait lecture du procèsverbal de la séance de la veille.

M. VOSGIEN: Ce n'est point contre le décret rendu hier, à l'occasion du cérémonial qui doit être observé lorsque le roi paraîtra dans l'Assemblée, que je demande la parole, c'est pour relever l'erreur qui l'a fait

rait reprendre une consistance assez brillante ? Sup-regarder comme un acte de police intérieure.
posez la législature en démêlé avec le roi sur le sens
d'un article constitutionnel, par exemple. Eh bien!
les fondateurs de la constitution sont là. Qui mieux
que ces messieurs peut éclaircir la difficulté ! Ce
rendez-vous, où ils se retrouvent tous les jours,
forme une espèce de comité permanent. Ils se con-
certent; ils se coalisent. Ils sont toujours en vue. Ils
ont choyé la popularité. Ils se font de temps en temps
prôner dans quelques feuilles. Qu'arrive-t-il ? Les
voilà qui viennent tout à coup au secours du veto
royal par quelque belle déclaration interprétative.
Que fait-on ? ils pourraient protester au besoin; le roi
agirait, et voilà ce qu'on appelle un contre-poids
politique, une puissance intermédiaire, un équilibre
censorial très-ingénieusement préparé; le tout pour
le maintien de l'ordre et le rétablissement de la
paix.

Le roi des Français devait venir demain proposer des objets d'utilité générale à l'attention de l'Assemblée; c'était en même temps un acte de zèle et un nouvel acquiescement à la constitution, et par conséquent cela était utile à recueillir. Le fanatisme de la liberté devient une dégradation du caractère de représentant de la nation.

C'est peut-être pousser bien loin les soupçons.

;

On s'est trompé lorsqu'on a considéré le décret rendu hier comme un acte de police. La police de l'Assemblée ne se rapporte qu'au service mécanique mais les relations entre le corps législatif et le roi tiennent à des actes législatifs, qui doivent être soumis à la sanction du roi; et cela est si vrai, que la constitution a fait de cet article un chapitre particulier.

Qu'est-il résulté du décret d'hier? Une perte considérable dans les actions, une nouvelle espérance des ennemis du bien public. Qui doute que l'adhésion du roi ne soit un des plus fermes appuis de la constitution,

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