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Assemblée dans l'ile de Saint-Domingue (septembre 1791).

DÉPARTEMENT DE LA MEUSE.

Verdun, le 31 octobre. Cette ville étant une des plus importantes de la frontière, nous avions vu avec le plus grand intérêt le prince de Hesse-Rhinfeld nommé commandant de la place: mais à peine àt-il passé ici quelques jours qu'un ordre supérieur l'a fait partir pour Nancy avec le même grade qu'il avait ici. Il emporte les regrets des patriotes dont il s'était concilié l'estime par son activité à suivre les travaux des fortifications et ses connaissances militaires.

Le nombre des émigrants diminue. Un grand nombre de ceux qui s'étaient expatriés retournent dans leurs foyers. Le Journal de Troyes s'exprimait ainsi, il y a quelque temps: « Nombre de ci-devant seigneurs, amis de la paix et de l'ordre qui doit régner sous l'empire de la loi, se sont empressés de rentrer dans leur pays. Notre poste a suffi à peine pendant plusieurs jours au passage des émigrés retournant à Paris ou dans leurs maisons de campagne. Suivant une lettre de Perpignan du 12 du mois dernier, ceux qui s'étaient transportés en Espagne reviennent en foule dans leurs provinces.

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LIVRES NOUVEAUX.

La constitution civile du clergé, développée par les débats et par l'analyse tant des rapports des comités, que de plusieurs ouvrages intéressants. Par M. Godefroy de Montour; à Paris, chez MM. Bossange et compagnie, libraires et commissionnaires, rue des Noyers.

BULLETIN

DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE. PREMIÈRE LÉGISLATURE.

Présidence de M. Vergniaud.

Copie d'une lettre adressée par M. Camus, garde des archives de France, à M. le Président de l'Assemblée nationale, du 7 novembre 1791.

M. LE PRÉSIDent.

« Je vois par les extraits du discours que M. Clavière a prononcé, le 5 de ce mois, sur les finances, à l'Assemblée nationale, qu'il a cité comme capable d'exciter quelque surprise, la liquidation portée dans un décret du 29 septembre, d'une dette qui remonte à près de quatre-vingts ans, et dont le capital liquidé a été de 400,000 liv., reste d'une somme beaucoup plus considérable, et de 1,100,000 1. d'intérêt, et qui avait été, assure-t-on, rejetée précédemment par tous les ministres.

J'étais, M. le Président, membre du comité central de liquidation, au nom duquel M. Batz a fait le rapport qui a préparé le décret du 29 septembre, d'après le rapport du directeur général de la liquidation, qui avait été fait au comité le 26 du même mois. Une expédition du rapport du directeur général de la liquidation, signée de lui, doit exister au bureau du comité central; toutes les pièces citées dans le rapport doivent avoir été conservées chez M. Saint-Léon.

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⚫ Il suffit, M. le Président, qu'il s'élève le nuage le plus léger sur une des opérations du comité central de liquidation, pour désirer que les choses soient parfaitement éclaircies, tout citoyen a droit de demander qu'on lui justifie de la régularité des opérations de ses représentants, à plus forte raison ceux qui ont concouru à ces opérations, sontils fondés à désirer qu'à l'instant où elles deviennent suspectes, elles soient rigoureusement examinées.

>> Permettez donc, M. le Président, que je m'adresse à vous pour supplier l'Assemblée nationale d'ordonner, à son comité de liquidation, de représenter le rapport fait par le directeur général de la liquidation, de la créance réclamée par madame Bonac, héritière de M. Guichon,

trésorier général des fortifications (qui est la créance dont il s'agit), et toutes les pièces énoncées au rapport, pour les examiner et en rendre compte très-incessamment à l'Assemblée nationale.

» S'il n'y a rien eu d'irrégulier dans cette liquidation, il faut que les soupçons qui seraient alors mal fondés soient entièrement éloignés. Dans le cas contraire, ce n'est pas assez qu'il y ait des soupçons, il faut que le délit qui existerait alors soit connu, et que la peine et le blâme mérités tombent sur ses auteurs. J'appelle cette juste vengeance sur moi-même, si je l'ai méritée.

» L'examen authentique que je demande me paraît de la plus étroite justice; s'il n'était pas de droit rigoureux, je le demanderais comme une grâce, et je solliciterais vivement cette grâce, comme on doit solliciter dans un gouvernement représentatif, tout ce qui tend, soit à faire punir les fautes des représentants de la nation quand elles sont réelles, soit à constater leur exactitude lorsqu'ils ont été trop légèrement inculpés. » CAMUS.

SÉANCE DU JEUDI 10 NOVEMBRE.

Après la lecture du procès-verbal, un membre a lu une lettre de M. Amelot, qui présente l'état de la caisse de l'extraordinaire au 31 octobre dernier.

M. EMMERY, au nom du comité de commerce: J'ai fait part au comité de commerce d'un malheur dont je suis informé par la municipalité de Dunkerque. On a assassiné le courrier de la malle, on a volé toutes les lettres de change et les assignats. Il est douloureux que ce soit à un tel crime qu'on doive la sollicitude de l'Assemblée sur les moyens de protéger la sûreté des personnes et des fortunes. Votre comité de commerce, frappé de la nécessité d'accélérer l'organisation de la gendarmerie nationale, vous propose de décréter que le ministre de la guerre s'occupera de suite de l'organisation de la gendarmerie nationale, de manière qu'au plus tard, au 1er janvier 1792, elle soit en activité dans tous les départements. A cette époque, le ministre vous présentera le tableau de ceux qui seront en retard pour cette opération. Tel est le projet de décret que je vous prie de renvoyer au comité militaire pour vous faire son rapport sous huit jours.

Ne perdez pas de vue que la gendarmerie nationale une fois établie, les brigandages seront réprimés, le commerce protégé et les prêtres assermentés maintenus dans les droits que la loi leur assure.

M. LACROIX Avant de renvoyer au comité militare la proposition qui vous est faite, je demande que vous obligiez le ministre de la guerre à procéder à la formation de la gendarmerie nationale dans les départements qui lui ont déjà fait passer leur travail sur cet objet.

M. ***: Je crois que pour fixer l'opinion de l'Assemblée nationale et de la nation, il faut assujétir le ministre de la guerre à mettre tous les huit jours sous vos yeux le tableau progressif de la formation de la gendarmerie nationale.

M. ***: Je propose un moyen pour accélérer cette formation, c'est que le ministre envoye à tous les départements des brevets en blanc, qu'ils n'auront qu'à remplir des noms de ceux qui seront choisis.

Après quelques débats, le renvoi au comité militaire est décrété.

M. Emmery fait lecture d'une adresse du bataillon des gardes nationales soldées du département du Nord, dans laquelle elles instruisent l'Assemblée que voulant partager les dangers des troupes de ligne qu'on doit embarquer pour Saint-Domingue, elles ont prié M. Rochambeau, leur général, d'appuyer leur demande auprès du pouvoir exécutif.

M. Emmery demande que cette adresse soit renvoyée au comité militaire, et qu'il soit fait mention

honorable au procès-verbal de l'offre patriotique des gardes nationales du département du Nord.

Cette proposition est adoptée.

M. ***: Un extrait des registres de la municipalité de Sainte-Menehould constate les plaintes que font les volontaires nationaux du département de Seineet-Marne qui marchent sur les frontières, contre la mauvaise volonté et l'indifférence odieuse de l'agent du pouvoir exécutif chargé du département de la guerre. Je demande que vous preniez en considération les plaintes de citoyens qui ont sans doute des droits à votre prompte sollicitude. La négligence apportée par les agents du pouvoir exécutif ralentira l'ardeur des défenseurs de la patrie. Il faut des armes aux gardes nationales qui vont sur les frontières, et celles-ci n'en ont pas. L'Assemblée doit prendre les mesures nécessaires pour qu'il soit pourvu à cet armement, et rendre le ministre de la guerre responsable des retards.

M. AUDREIN: Il est impossible de ne pas reconnaître le système de mauvaise volonté, pour ne pas dire plus, adopté par le ministre de la guerre: ainsi je demande qu'on notifie au roi le mécontentement absolu de la nation contre ce ministre. (Les tribunes applaudissent. )

M. LACROIX: Je demande le renvoi au comité militaire, et je propose que le comité de législation soit chargé de vous faire, sous huit jours, un rapport sur les moyens d'assurer l'exercice de la responsabilité des ministres.

M. LECOZ, évêque : Il me semble que le ministre vous a déjà donné des renseignements sur les bataillons de gardes nationales volontaires dont il s'agit. Le système des dénonciations que nous écoutons sans cesse, tend à bouleverser l'empire, en arrêtant l'action des pouvoirs. (Il s'élève des murmures.)

Nous avons été envoyés ici pour assurer le bonheur du peuple; il n'est point de bonheur pour un empire sans la tranquillité publique, et elle ne se rétablira jamais si l'on jette sans cesses des défiances contre les agents des pouvoirs. (Les murmures aug. mentent.) On se trompe beaucoup quand on croit donner des preuves de son patriotisme en aboyant contre un ministre.... (Une partie de l'Assemblée demande avec instance que l'orateur soit rappelé à l'ordre.)

M. LE PRÉSIDENT: Vous venez de vous servir, Monsieur, d'expressions qui ont déplu à plusieurs de vos collègues, je vous rappelle à l'ordre.

M. LACROIX: Sans doute l'orateur devait être rappelé à l'ordre, mais M.le président aurait dû consulter l'Assemblée.

M. LE PRÉSIDENT: Le réglement accorde au président le droit de rappeler à l'ordre quand il le juge convenable. S'il le fait à tort, tout membre peut provoquer à cet égard une décision de l'Assemblée. Ainsi, Monsieur, j'ai usé de mon droit, et j'en use encore en vous rappelant au règlement. (On applaudit.)

:

M. VAUBLANC La surveillance des agents du pouvoir exécutif est un de vos premiers devoirs; mais de quelle manière doit-elle être exercée? Voilà une question vraiment neuve, et sur laquelle la loi n'a point encore prononcé. Ce n'est pas en vous traînant sur les détails ministériels que vous parviendrez au but que vous devez vous proposer sans cesse. Il résulte de ce que vous accueillez toutes les dénonciations, quelque vagues qu'elles puissent être, que les dénonciateurs ne cherchent pas même à vous donner des preuves. Nous sommes dans une situation critique, la surveillance doit être très-active; mais vous n'en devez pas moins être très-circonspects

sur l'admission de ees accusations. Si dans toute l'étendue du royaume les citoyens savaient que pour être écouté de vous, il faut qu'une dénonciation soit appuyée de preuves, alors vous ne vous trouveriez pas si souvent exposés à compromettre la majesté du pouvoir législatif, et la dignité du pouvoir exécutif. (On applaudit.) Je suis donc le premier à me joindre à M. Lacroix, pour que le mode de l'exercice de la responsabilité vous soit présenté. (On applaudit à plusieurs reprises.)

M. ***: Je demande à prouver, la constitution à la main, qu'on ne doit pas traiter la question de la responsabilité. Il y a un article qui porte que lorsqu'il y aura lieu à accusation contre un ministre, vous le déclarerez par un décret, et que l'accusateur public sera chargé de le poursuivre. L'idée qui vous a été présentée par M. Vaublanc, n'est point celle de M. Lacroix. Je demande par amendement à la proposition de ce dernier, que le comité de législation examine sur l'article de la constitution, s'il est un moyen de le mettre à exécution.

Après quelques débats, la proposition de M. Lacroix est décrétée à une très-grande majorité.

Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une adresse du troisième bataillon de la garde nationale du département de Seine-et-Oise, relative à la nomination de ses officiers.

Sur la proposition de M. Goujon, l'Assemblée renvoie au pouvoir exécutif, et passe à l'ordre du jour.

M. ALBITTE, au nom du comité militaire : Voilà la dixième fois que le rapport de votre comité sur le remplacement des officiers est présenté à votre discussion. On a attaqué son projet de décret comme inconstitutionnel. Je répondrai en peu de mots à ce reproche. On a dit que l'article qui porte que les officiers municipaux seront présents, attaque la constitution, puisque la constitution leur défend de s'immiscer dans l'exercice des fonctions du pouvoir exécutif; mais ce reproche n'est pas fondé, puisque toutes les fois que le corps législatif donnera des ordres aux municipalités, elles ne s'immisceront plus dans des fonctions étrangères, mais rempliront absolument leurs devoirs en exéculant ces ordres. On vous a dit que le remplacement annuel devant, au terme de la constitution, se faire par l'Assemblée nationale, d'après la proposition du roi, le projet du comité attentait à son initiative; mais c'est soutenir un système dangereux; le roi n'a l'initiative que dans le cas de la guerre; il n'est pas question d'un armement, il est question de pourvoir à l'exécution d'une loi. Je soutiens donc que le projet du comité militaire ne porte point atteinte à la constitution; je demande qu'il soit discuté article par article et que les membres du comité aient la parole pour défendre les articles qui seront attaqués.

M. ***: Je ne crois pas que vous puissiez sur-lechamp mettre au voix la discussion, article par article, du projet du comité. M. Jaucourt a présenté un projet de décret. Je demande que l'Assemblée soit consultée pour savoir auquel des deux elle accordera la priorité.

M. CARNOT: La discussion du projet du comité a duré déjà plus de quarante heures. Toutes les objections qui ont été faites sont absolument sans fondedement. Plusieurs articles ont passé au comité à une petite majorité, d'autres à l'unanimité, et quand M. Jaucourt a proposé de présenter un autre projet, on n'a pas été peu étonné de voir qu'il a copié presque mot pour mot celui du comité. Je demande que ce projet soit discuté article par article.

M. JAUCOURT: Il me semble que la liberté d'opi❤ uion doit être telle que chaque membre puisse non

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Des députés de Bordeaux sont admis à la barre, L'ORATEUR DE la députation Les citoyens de Bordeaux nous ont députés vers vous pour vous conjurer de prendre dans la plus sérieuse considération les désastres arrivés à Saint-Domingue. Vous entretenir des malheurs de cette Colonie, c'est vous peindre l'état de douleur et de deuil de toutes les villes maritimes. Le même coup peut retentir sur nos autres possessions de l'Europe: il peut frapper de mort la principale branche de l'industrie nationale, et tarir la source la plus féconde du crédit public.

Après une longue et pénible stagnation, les opérations du commerce reprenaient enfin leur activité; quarante-neuf vaisseaux étaient en armement à Bordeaux, le plus grand nombre destiné pour la Colonie de Saint-Domingue, et la plupart pour l'infortunée partie du Nord. A la première nouvelle des ravages qui l'affligent, le découragement a succédé aux espérances, la consternation s'est répandue dans nos

murs.

Eh! quels Français entendraient froidement le récit des malheurs de leurs frères ! Les liens du sang, ceux de l'amitié, plus forts que ceux de l'intérêt, nous commandent de voler à leurs secours, et nous rendront faciles et chers tous les sacrifices.

Mais en s'occupant de soulager les maux des colons, n'est-il pas permis de jeter quelques regards autour de nous? Les citoyens de Bordeaux, leurs administrateurs, seraient en proie à de nouvelles craintes, si les travaux du port déjà ralentis, continuaient à être suspendus. Ces travaux si actifs, si variés, assuraient la subsistance d'un grand nombre d'ouvriers de tout genre, et l'on ne peut se dissimuler que la tranquillité publique serait compromise, si cette classe intéressante de nos concitoyens était privée de cette unique ressource dans la plus rigoureuse saison, d'une année que l'état de nos récoltes pouvait déjà faire regarder comme calamiteuse. Le calme qui a si heureusement régné dans notre département et dans ceux qui nous environnent, est dû peut-être aux exemples de bon ordre et de respect pour les lois, qui ont distingué la ville de Bordeaux dans les temps les plus difficiles. Elle aspire aujourd'hui à donner une nouvelle preuve de son dévouement; et c'est au moment même où un revers accablant menace sa prospérité, qu'elle vient vous offrir ce qu'elle peut encore pour concourir à apaiser les troubles des Colonies, et à porter un secours indispensable à ceux de nos frères qui auront survécu à ces désastres, et dont les propriétés laissent encore quelques espérances.

Nous regardons comme un soulagement à nos maux personnels de nous occuper des leurs et de

ceux de la patrie. Ce sera dans nos malheurs l'unique satisfaction que nos cœurs puissent goûter, que de voir accepter l'offre que nous faisons ici de nos vaisseaux, et des derniers moyens qui nous restent. Heureux si cet acte d'abandon peut présenter à l'Assemblée nationale un nouveau garant de notre amour pour la patrie, et à nos frères d'Amérique un témoignage consolant de notre attachement pour

eux.

M. LE PRÉSIDENT, à la dépulation. Les citoyens de Bordeaux ont signalé leur patriotisme dans des temps prospères; il était digne d'eux de le signaler aussi dans des temps d'adversité. Frappés dans votre commerce par le terrible événement qui désole la plus florissante de nos Colonies et menace d'engloutir vos fortunes, vous semblez ne lutter contre l'orage que pour pouvoir offrir à la patrie les tristes débris que vous sauverez, et faciliter par une offre aussi généreuse les moyens de secourir des frères que vous croyez plus malheureux que vous. Si les belles actions sont la vraie richesse des bons citoyens, Bordeaux, dans son infortune, n'aura pas perdu de sa gloire. L'Assemblée nationale s'occupe avec la plus vive sollicitude du destin des Colonies; elle s'occupera avec le même intérêt de prévenir la réaction funeste que les troubles qui les affligent pourraient produire dans nos villes maritimes, et sur tout le commerce du royaume.

Quant à vous, Messieurs, qui ne vous occupant que des malheurs d'un autre hémisphère paraissez oublier ceux qui vous sont personnels, comptez que l'Assemblée nationale emploiera tous les moyens qui sont en son pouvoir pour vous aider à réparer vos pertes.

M. Ducos: Avant que l'on passe à l'ordre du jour, je demande que l'Assemblée prenne en considération, non pas la demande, mais l'offre des citoyens de Bordeaux, et qu'elle charge le pouvoir exécutif de la prendre lui-même en considération.

L'Assemblée renvoie la proposition des négociants de Bordeaux à ses comités colonial et de marine, et reprend la discussion sur le mode des remplacements.

M. MERLIN: Il est important que nous circonscrivions les choix du ministre dans des limites telles que ce ne soit pas d'inutiles certificats, mais des preuves publiques de patriotisme, qui ouvrent aux citoyens les places du commandement de l'armée. Je propose donc le projet de décret suivant.

Art. 1o. Il est sursis jusqu'au 1er janvier à l'examen ordonné par le décret de l'Assemblée nationale constituante, sur le remplacement des officiers de l'armée.

» II. La moitié des places appartiendra aux sous-officiers de l'armée.

» III. Le ministre ne pourra choisir pour remplir l'autre moitié de ces places, que les fils des citoyens actifs qui servent dans les bataillons qui sont aux frontières, et ceux de la garde nationale du royaume, qui rapporteront un certificat de civisme.

» IV. Au surplus, les décrets de l'Assemblée nationale constituante sortiront leur effet. »

En adoptant ce projet vous ferez cesser les incertitudes et le vacarme, et vous aurez concilié tous les intérêts, etc.

M. *** : Je demande que les choix du ministre ne puissent tomber que sur ceux qui ont été élus aux places d'officiers dans les bataillons volontaires.

M. ***: Je demande que les sujets qui seront ainsi nommés, soient néanmoins tenus de subir un examen lorsque les concours seront ouverts, afin que cet examen fixe entr'eux le rang d'ancienneté. Il est important que la certitude d'un examen aussi prochain écarte du nombre des postulants ceux qui n'auraient aucune espèce d'instruction.

M. ***: Je demande la question préalable contre cette proposition injuste et impolitique qui tendrait à priver de leur état un grand nombre peut-être des sujets admis.

M. ***: Je demande si les ci-devant nobles, lorsqu'ils étaient admis à l'âge de quinze ou seize ans dans les régiments d'infanterie, étaient mieux instruits que des citoyens qui servent depuis trois ans dans les gardes nationales. (On applaudit.)

Plusieurs voir : Ils ne savaient pas lire.

M. GOHIER: Tous les citoyens sont admissibles aux places et emplois sans autre distinction que celle des vertus et des talents. Pourquoi prétend-on vous faire décréter dans l'article III actuellement soumis à votre délibération, que l'on ne pourra obtenir de sous-lieutenance après l'âge de trente ans. Je soutiens que s'il faut tracer une ligne de démarcation entre l'âge viril et celui de la caducité, on ne peut établir avant cet âge aucune démarcation arbitraire, et que tous les citoyens en état de servir doivent être admissibles.

M. DUBAYET : Les projets de décret qui vous sont présentés, prennent en considération les braves gardes nationales qui ont défendu la révolution. Je demande que vous preniez aussi en très grande considération les braves procureurs des communes, les maires qui n'ont pas touché un sou depuis la révolution, et qui ont signalé partout leur intelligence e leur patriotisme. Je demande qu'il leur soit accordé un certain nombre des emplois vacants dans l'armée.

M. CARNOT, le jeune : On avait proposé le licenciement de l'armée, parce qu'elle était composée d'une classe privilégiée et anti-patriotique. Aujourd'hui que ces officiers se licencient eux-mêmes, nous devons profiter de cette circonstance unique pour les remplacer par des officiers patriotes. Or, je soutiens que le décret du 1er août, que M. Jaucourt vous propose de confirmer, ne remplit pas cet objet : il en résulterait que les choix du ministre auraient toute la latitude que leur donneraient des attestations d'attachement à la constitution, délivrées par les directoires de districts. Or, l'expérience nous prouve que cette formalité ne suffit pas, et que les remplacements faits jusqu'à présent ont déjà mis dans l'armée une grande masse d'officiers anti-patriotes. (II s'élève des applaudissements. ) Je demande donc que les places qui sont au choix du roi, soient données aux gardes nationaux qui font le service des frontières.

M. GIRARDIN: Je suis véritablement surpris que l'on propose de donner une récompense exclusive à des citoyens qui ont déjà obtenu la plus belle de toutes, je veux dire le bonheur de servir leur patrie, et les autres gardes nationales n'auraient-elles pas à vous reprocher d'avoir déjà oublié les services qu'elles ont rendus à la révolution.

M. ***: La loi du 1er août porte que l'on sera admissible aux sous-lieutenances depuis l'âge de seize ans jusqu'à trente. Je crois qu'à l'âge de seize ans un jeune homme fait déjà l'espérance de la patrie, mais qu'il n'a pas encore l'énergie nécessaire pour la défendre, qu'on n'a pas à cet age des principes formés. Il importe de ne pas confier les places de l'armée à des jeunes gens qui peuvent être séduits ou égarés. L'Assemblée ferme la discussion et décrète les deux premiers articles du projet de M. Jaucourt, ainsi qu'ils suivent :

L'Assemblée nationale délibérant sur la proposition du roi, énoncée dans la lettre du ministre de la guerre, en date du 16 de ce mois, concernant le remplacement des emplois vacants dans l'armée; considérant qu'il est indispen

sable d'effectuer promptement ce remplacement, décrète qu'il y a urgence.

L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire, décrète ce qui suit :

a Art. 1er. L'exécution du décret du 28 septembre dernier, qui fixe le mode d'admission par la voie de l'examen aux emplois de sous-lieutenant dans l'armée, demeure suspendue jusqu'au 1er février prochain, époque à laquelle le remplacement devra être fait.

» Sont exceptés de la présente disposition, les remplacements à faire dans les corps de l'artillerie et du génie.

» II. Le décret du 1er août dernier, concernant le remplacement des emplois vacants dans l'armée, continuera d'être exécuté jusqu'à l'époque du 1er février prochain. »

La discussion se reporte sur l'article III relatif aux conditions à exiger des candidats pour les places au choix du roi.

L'Assemblée écarte par la question préalable les différents amendements proposés dans la discussion précédente, à l'exception de celui de M. Merlin.

M. DUBAYET: Je combats cet amendement, il serait injuste de ne donner les sous-lieutenances qu'aux gardes nationaux qui sont inscrits sur les rôles des gardes nationales volontaires. Toutes les gardes nationales sans exception méritent les mêmes récompenses, elles assurent le maintien de la constitution. Dans le département de la Vendée, par exemple, elles font le service le plus pénible, journellement elles combattent pour la défense des lois.

M. ***: L'on sait que sur la liste du ministre il n'y a presque d'inscrits pour candidats que des aristocrates. Si vous le forcez de choisir parmi les volontaires qui se sont dévoués à la défense des frontières, vous aurez des hommes sûrs. Ces citoyens rassemblés depuis plusieurs mois connaissent déjà les exercices militaires, et sont plus en état que tous autres de remplir des places dans l'armée de ligne.

M. LEOPOLD: Je crois que les gardes nationaux de Varennes et ceux de Nancy, qui ont reçu des coups de fusil, et ne sont pas allés sur les frontières, mérìtent bien autant que les autres. Je crois que ceux de Paris qui ont fait, pour ainsi dire, la révolution par leur courageuse activité, ont bien droit à partager les récompenses que le décret du 1er août destine aux gardes nationales.

M. ***: Dans le département des Basses-Pyrénées les troubles ont retardé la formation des bataillons des volontaires; cependant étant au directoire pendant le mois de juin dernier, j'ai vu des nuées de gardes nationaux venir se proposer pour faire tous les services qu'on exigerait d'eux. On les a envoyés par bandes sur les frontières où ils ont fait le service le plus pénible. Est-ce leur faute, si les troubles ont retardé l'inscription des volontaires.

M. ***: Pour terminer cette discussion, je demande qu'on mette aux voix l'amendement que je propose de donner la moitié des places qui est au choix du roi à des sujets pris parmi toutes les gardes nationales du royaume sans distinction. (Une grande partie de l'Assemblée applaudit, et demande à aller aux voix sur cet amendement.)

M. le Président consulte l'Assemblée et prononce que l'amendement est adopté.

De nombreuses réclamations s'élèvent dans une partie de l'Assemblée contre le prononcé de ce décret.

Plusieurs membres prétendent que la délibération n'a pas été entendue, ou qu'il y a du doute dans son résultat.

M. LE PRÉSIDENT: Après avoir annoncé que la discussion était fermée, j'ai mis l'amendement aux voix. (Il s'élève des réclamations.) Quant à moi, je déclare que le décret m'a paru être porté par une grande majorité. Si l'Assemblée veut une seconde épreuve, je vais remettre l'amendement aux voix. ( Un violent murmure s'élève dans une partie de l'Assemblée.

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