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sance que vous lui devez, une gratification de 6,000 livres.

La proposition de M. Regnault est adoptée.

M. GOUPILLEAU: Je demande que le décret rendu hier sur la proposition du ministre de la guerre, qui augmente de vingt le nombre des officiers généraux, soit rapporté. Nous ne sommes point en état de guerre. Les officiers généraux sont en nombre suffisant pour le moment. Cette proposition n'a presque point été discutée, et il est à croire que ces places ont été créées plutôt pour des individus que pour la chose publique. (On applaudit.)

M. DELLEY D'AGIER: Je ne conçois point comment on demande le rapport du décret. Vous avez ordonné un établissement de quatre-vingt-dix-sept mille hommes de gardes nationales; il est impossible que vous n'augmentiez pas le nombre de vos officiers généraux; car, pour que ces troupes puissent être de quelque utilité, il est nécessaire que des officiers qui sachent leur métier soient à leur tête.

M. LOUIS NOAILLES: Il me semble que l'Assemblée nationale a fait dans sa séance d'hier comme les ministres de l'ancien régime. Lorsqu'ils voyaient leur crédit s'échapper, et qu'ils étaient près de perdre leur place, ils faisaient une promotion pour s'assurer des créatures. Il vous a été demandé hier, sur la proposition du ministre de la guerre, de prier le roi de nommer vingt nouveaux officiers généraux. Le décret qui a été rendu sur cet objet a été adopté contre les règlements de cette Assemblée. En effet, vous aviez sagement arrêté qu'aucune délibération ne serait prise sur la proposition d'aucun ministre. Cependant, à peine la demande de M. Duportail a-t-elle été entendue que l'on a décidé qu'il y aurait vingt officiers généraux de plus dans l'armée. Ce ne sont pas des officiers généraux dont nous avons besoin, mais bien des soldats; ce n'est pas du luxe qu'il nous faut, mais de la discipline. On nous a dit que l'armée était augmentée de cent mille auxiliaires; mais cette augmentation avait été arrêtée lors du départ du roi, et c'était pour subvenir au besoin que cette mesure exigeait que vous aviez arrêté qu'il y aurait vingt généraux ajoutés au nombre de quatre-vingt-seize que vous avez fixé pour l'organisation de notre armée. Depuis cette époque, messieurs, vous n'avez ordonné la levée d'aucun bataillon de gardes nationales, d'aucun régiment ou d'aucun corps. La demande qu'on vous a faite n'a donc pour objet que de favoriser quelques individus; et rien n'étant plus contraire à l'intérêt public et aux principes que vous avez constamment suivis, je demande et j'insiste sur le rapport du dé

cret.

M. FRÉTEAU: Il est essentiel que l'Assemblée sache que le roi a pris, depuis plusieurs jours, des mesures infiniment propres à rétablir l'ordre avec les puissances étrangères, et les réduire au rôle qui leur convient dans cette affaire, c'est-à-dire de spectateurs tranquilles de l'ordre qui va se rétablir en France, et du règne de la liberté, des lois et de la prospérité de cet empire. Le ministre des affaires étrangères a informé le comité diplomatique, dès le 20 de ce mois, par écrit, que le roi s'était empressé de faire notifier aux principales cours de l'Europe l'acceptation solennelle qu'il a faite de l'acte constitutionnel, et qu'il s'était expliqué vis-à-vis d'elles de la manière la plus ferme sur sa résolution de le faire exécuter. Le ministre annonçait que cette lettre devait ôter aux étrangers le plus léger prétexte de s'immiscer dans nos affaires; et vous devez savoir, messieurs, que, l'année dernière, il fut annoncé à l'Assemblée qu'il devait se former dans le Brabant un rassemblement de quarante-cinq mille Autrichiens; que l'empereur avait chargé M. Mercy d'annoncer combien cette mesure était éloignée de toute vue hostile, et en même

| temps de représenter au ministre de France que jamais le conseil de Vienne n'avait abandonné cette maxime de première équité et de droit public: «< de ne pas se mêler dans les différends domestiques qui pouvaient agiter les puissances ses alliées. >> Ce sont les propres paroles de la dépêche de M. Mercy. Lorsque le roi, dans sa lettre, emploie des expressions capables d'imposer même à ceux qui ont des vues hostiles, peut-on douter qu'il ne maintienne dans les dispositions pacifiques ceux qui, l'année dernière, invoquaient eux-mêmes les principes du droit public et d'équité naturelle? Sur ce point, je demande donc, ou que l'on rejette la proposition d'augmenter l'état militaire, ou que l'Assemblée ne s'y porte qu'en statuant l'époque très-prochaine où on le supprimera.

L'Assemblée ordonne le rapport du décret à la première législature.

M. CAMUS: Je vous présente le tableau général des gratifications accordées aux employés près de l'Assemblée, montant à la totalité de 44,000 liv.; j'en dépose un exemplaire sur le bureau.

Je crois devoir rappeler à l'Assemblée le zèle et l'activité qu'ont mis MM. Vaquier et Fevrier dans les places qu'ils ont occupées. Je ne dois pas oublier les services qu'a rendus M. Paris dans les différents objets dont il a été chargé pour l'Assemblée nationale à Versailles. Je prie l'Assemblée nationale de témoigner sa satisfaction du désintéressement et de la distinction avec lesquels M. Paris s'est acquitté de ses fonctions; témoignage flatteur dont il est jaloux. Quant à la récompense que l'Assemblée nationale peut lui adjuger, le montant du règlement serait de 20,000 liv. Je demande qu'il lui soit donné 8,000 liv. L'Assemblée adopte ces différentes propositions. Le corps municipal de la ville de Paris est introduit à la barre.

M. BAILLY: Messieurs, la ville de Paris vient pour la dernière fois offrir ses hommages aux premiers représentants d'une nation puissante et libre. Vous avez été armés du plus grand pouvoir dont les hommes puissent être revêtus. Vous avez fait les destinées de tous les Français; mais aujourd'hui ce pouvoir expire: encore un jour, et vous ne serez plus. On vous regrettera sans intérêt, on vous louera sans flatterie; et ce n'est pas nous, ni nos neveux, ce sont les faits qui vous foueront. Que de jours mémorables vous laissez au souvenir des hommes! Quels jours que ceux où vous avez constitué la première représentation du peuple français, où vous avez juré d'avance la constitution qui était encore et dans l'avenir et dans votre génie; où votre autorité naissante, mais déjà forte, comme celle d'un grand peuple, a maintenu vos premiers décrets, ceux où la ville de Paris a appuyé votre sagesse de son courage, où un roi chéri a été rendu à une nation sensible, et ce jour à jamais célèbre où, vous dépouillant de vos titres et de vos biens, vous avez essayé sur vous-mêmes les sacrifices que l'intérêt public imposait à tous les Francais. C'est à travers les alternatives et des inquiétudes et de la joie, et des triomphes et des orages, que votre sagesse a dicté ses décrets, qu'elle a établi les droits du peuple, marqué les formes d'une représentation libre, proclamé la monarchie déjà consacrée par les siècles et de nouveau sanctionnée par le vœu général, et que cette sagesse, en renonçant solennellement aux conquêtes, nous a fait des amis de tous les peuples. Mais le plus beau de tous les moments, le plus cher à nos cœurs, est celui où une voix s'est fait entendre et a dit : « La constitution est achevée; » où une autre voix a ajouté: « Elle est acceptée par le roi. » Alors cette union du prince et de la nation a posé autour de nous les bases de la paix, du bonheur et de la pro spérité publique.

Législateurs de la France, nous vous annonçons

les bénédictions de la postérité, qui commence aujourd'hui pour vous. En rentrant dans la foule des citoyens, en disparaissant de devant nos yeux, vous allez, dans l'opinion des hommes, vous joindre et vous mêler aux législateurs des nations qui en ont fait le bonheur, et qui ont mérité la vénération des siècles. Nos regrets vous suivront comme notre admiration et nos respects. Vous avez honoré cette ville de votre présence; c'est dans son sein qu'ont été créées les destinées de l'empire. Quand nous parlerons de votre gloire, nous dirons : « Elle a été acquise ici; » quand nous parlerons du bien que vous avez fait, nous dirons: Ils ont été nos concitoyens; » nous oserons peut-être dire: « Ils ont été nos amis. » Et vous aussi, messieurs, vous vous souviendrez de la ville de Paris; vous direz que la première elle a adhéré à vos décrets, et que, malgré les troubles dont elle a été agitée, toujours l'appui de la constitution et du trône, elle sera toujours fidèle à la nation, à la loi et au roi.

M. LE PRÉSIDENT: L'Assemblée nationale a eu, messieurs, pour constant objet de ses travaux, le bonheur du peuple. Le seul prix qu'elle en puisse recevoir, et qui soit digne d'elle, est le témoignage de la satisfaction générale. Elle reçoit avec un vif intérêt l'expression des sentiments de la commune de Paris. L'Assemblée nationale ne peut pas oublier combien cette grande cité a été utile au succès de la révolution; elle ne doute pas que, secondant maintenant le zèle de ses administrateurs, elle va concourir avec la même ardeur et le même patriotisme au prompt établissement de l'ordre constitutionnel. Elle vous invite à assister à sa séance. (On applaudit.)

L'Assemblée ordonne l'impression et l'insertion au procès-verbal du discours de la municipalité et de la réponse de son président.

M. DANDRE: Le comité des rapports vous avait rendu compte des troubles qui s'étaient élevés à Arles et des mesures que le département avait prises, et, sur ce rapport, vous avez jugé qu'il était convenable de casser les arrêtés du département. Mais je dois vous annoncer qu'avant que le département eût connu votre décret, aussitôt que le corps électoral eut terminé ses séances, le département a révoqué lui-même les ordres donnés aux gardes nationales de marcher vers Arles, et toutes les gardes nationales sont tranquillement rentrées dans leurs foyers. (On applaudit.)

M. EMMERY: Vous avez décrété une amnistie générale. Il est bien dans l'intention de l'Assemblée d'absoudre ceux qui ont été pris dans des émeutes; je demande qu'il soit ajouté au procès-verbal un décret portant que ceux qui sont aux galères, et qui y ont été condamnés pour crime de sédition, émeute, attroupement, depuis le mois de mai 1788, seront tous élargis.

Cette proposition est adoptée.

Une députation du directoire du département de Paris est admise à la barre.

M. PASTORET, procureur-syndic Les enfants de la constitution viennent encore rendre hommage à ceux qui l'ont créée, et, quand la postérité va commencer pour vous, ils peuvent, sans flatterie comme sans crainte, vous en faire entendre le langage.

La liberté avait fui au delà des mers, ou s'était cachée dans les montagnes vous relevâtes parmi nous son trône abattu. Le despotisme avait effacé toutes les pages du livre de la nature; vous y rétablites cette Déclaration immortelle, le décalogue des hommes libres. La volonté de tous était sujette de la volonté d'un seul, qui lui-même, déléguant le pouvoir suprême à ses ministres, était moins le possesseur que l'électeur de la souveraineté ; vous créâtes une représentation politique qui, d'une extrémité de l'empire à l'autre, fait de la loi l'expression générale du vœu des Francais. On ne parlait jamais au peuple que

de ses devoirs; vous lui parlâtes aussi de ses droits. La protection était pour le riche, et l'impôt qui en est le prix n'était payé que par le pauvre; on le doublait même quelquefois pour lui, comme si la terre eût produit deux moissons: vous le vengeâtes de cette longue injustice, et vous brisâtes en même temps tous les anneaux de la chaîne féodale sous laquelle il vivait oppressé. L'orgueil avait séparé les hommes, vous cherchâtes à les réunir. L'égalité était tellement altérée qu'on regardait même comme un privilége la défense de la patrie tous les citoyens sont devenus soldats et ce qui fut le patrimoine du hasard deviendra celui du travail et du courage. Vous rendîtes plus vénérable le ministère des autels, tour à tour dégradé par l'indigence des pasteurs et la richesse des pontifes. Vous affranchîtes le commerce, l'agriculture, l'industrie, la pensée. Peu contents enfin d'avoir établi la plus belle constitution de l'univers, vous vous livrâtes à des travaux si immenses sur les lois que ceux qui aspiraient à la gloire de vous imiter un jour ont peutêtre dit quelquefois, dans l'élan jaloux d'une ambition honorable, ce qu'Alexandre disait de Philippe : Il ne me laissera rien à conquérir.

Cependant, messieurs, une grande carrière s'ouvre encore devant vos successeurs. Vous fondâtes la liberté, ils en seront les gardiens; ils veilleront sur ces finances publiques qui ne sont qu'une portion des propriétés particulières : leur épuisement concourut à båter la révolution; leur embarras pourrait, non la détruire, car rien ne détruit l'empire de la raison, il est éternel comme Dieu même, mais en retarder les effets, en troubler les jouissances; ils fondront l'ordre public, et achèveront de comprimer l'anarchie; car la liberté constitutionnelle n'est pas la liberté de quelques-uns, mais la liberté de tous; et ce n'est pas l'absence des lois, mais leur sagesse, qui constitue cette liberté. Si on leur suscite des orages, comme vous ils les vaincront toujours. Périsse l'homme sacrilége qui, se laissant égarer par la crainte ou avilir par la corruption, oserait trahir un instant la cause du peuple dont il sera le dépositaire! Des remparts de citoyens briseront les efforts des ennemis de la patrie; et si les soldats étrangers pénétraient dans nos villes, ils ne presseraient pas en vain la terre hospitalière de la liberté. Plus d'une nation commence à se réveiller de l'esclavage; partout on va sentir cette grande vérité révélée par la philosophie: que la force des tyrans est tout entière dans la patience des peuples. (On applaudit.)

M. LE PRÉSIDENT: L'importance du département dont vous portez le vœu, et l'avantage que vous donnent vos fonctions pour apprécier le résultat des travaux de l'Assemblée nationale, ajoutent un nouveau prix aux sentiments que vous venez d'exprimer.

Elle a voulu la prospérité publique; vous comblez ses vœux en lui apportant un témoignage de la satisfaction générale; elle a rempli le vœu de la nation française en lui donnant une constitution libre. C'est maintenant aux administrateurs dignes, comme vous, de la mission dont ils sont honorés, à joindre aux premiers bienfaits celui de l'exécution exacte du régime constitutionnel. L'Assemblée vous invite, messieurs, à assister à sa séance. (On applaudit.)

L'Assemblée ordonne l'impression et l'insertion au procès-verbal du discours du département et de la réponse du président.

Sur la proposition de M. Goupilleau l'Assemblée décide qu'elle ne se séparera qu'après avoir entendu la lecture du procès-verbal de sa séance.

M. le président fait lecture du décret renfermant les formes à observer lorsque le roi se rendra à l'Assemblée nationale.

M. BAILLY: Avant que l'Assemblée se sépare, au moment où elle donne des témoignages de satisfac

tion et des remerciments à ceux qui ont servi la patrie, aux troupes de ligne, aux gardes nationales du royaume, et particulièrement à la garde nationale de Paris, je prends la liberté de lui recommander les militaires qui ont bien servi la chose publique, M. Lasalle, M. Desaudrais, tous deux commandants de la garde nationale dans les jours les plus périlleux de la révolution. M. Lasalle a pensé être la victime de la fureur du peuple; M. Desaudrais a reçu un coup de sabre en voulant sauver la vie à un citoyen. Les électeurs de 89, à qui la patrie a tant d'obligations, nous ont chargés, M. Lafayette et moi, de solliciter pour ces deux militaires les récompenses qu'ils méritent. La ville de Paris ne peut s'en acquitter; les services qui lui ont été rendus ont été réellement rendus à la nation, et ne peuvent être dignement payés que par elle. M. Lafayette et moi nous supplions l'Assemblée de faire leur sort, et ce dernier décret sera encore un acte de bienfaisance et de justice. J'exhorte tous MM. les électeurs qui sont membres de cette Assemblée de joindre leur témoignage aux nôtres.

Plusieurs membres se lèvent pour appuyer la proposition de M. Bailly.

L'Assemblée décide qu'il sera fait mention au procès-verbal des services de MM. Lasalle et Desaudrais, et qu'il sera accordé une pension de 2,000 liv. au premier, et une de 1,000 liv. au second.

Sur la proposition de M. Lavie, l'Assemblée vote, au milieu de grands applaudissements, des remercîments à la municipalité de Paris, et à M. Bailly, son chef.

M. BUREAU-PUZY: Vous avez décrété que le roi aurait une garde, et vous avez posé les bases de l'organisation générale de cette garde dans la constitution même. Actuellement le roi propose l'organisation de sa garde. Le comité militaire, à qui cette proposition à été renvoyée, n'ayant trouvé rien qui ne fût conforme à vos principes constitutionnels, a rédigé, sous forme de décret, la proposition du roi, et c'est celle que je vais avoir l'honneur de vous sou

mettre.

« L'Assemblée nationale, délibérant sur la proposition du roi, après avoir entendu son comité militaire, décrète ce qui suit:

» Art. Ier. Conformément aux dispositions de l'acte constitutionnel, la garde du roi sera divisée en deux corps, l'un de douze cents hommes d'infanterie, l'autre de six cents hommes de cavalerie, ainsi qu'il sera plus amplement expliqué ci-après.

» II. Le grand état-major de la garde du roi sera composé d'un licutenant général, commandant en chef; de deux maréchaux de camp, commandants l'un d'infanterie, l'autre de cavalerie; et de deux adjudants colonels, l'un attaché à la garde à pied, l'autre à celle à cheval. »III. La garde à pied sera partagée en trois divisions de quatre cents hommes chacune.

» IV. L'état-major de chaque division de la garde à pied sera composé d'un colonel commandant de division, de deux lieutenants-colonels, et de deux adjudants-majors.

» V. Chaque division de la garde à pied sera de deux cents hommes chacune, commandée chacune par un capitaine, un lieutenant, un sous-lieutenant.

» VI. La garde à cheval sera composée de trois compagnies de deux cents hommes chacune.

» VII. L'état-major de chaque division sera composé d'un commandant, d'un chef de division, de deux lieutenants-colonels et d'un major.

» VIII. Chaque division de la garde à cheval sera de quatre compagnies de cinquante hommes, un capitaine, un lieutenant et un sous-lieutenant.

» IX. La garde d'hommes fournis par la garde nationale prendra la droite sur la garde à pied; le roi sera prié de régler invariablement les postes que la garde nationale devra occuper lorsqu'elle sera de service auprès de sa personne.

» Les trois officiers généraux, chefs de la garde du roi, seront toujours au choix de Sa Majesté. »>

Ce projet de décret est adopté.

M. CERNON: M. Baudouin s'était engagé à imprimer le procès-verbal in-8°, et à en remettre un exemplaire à chacun des membres de l'Assemblée nationale. Depuis il en a entrepris une édition in-4o, dont il a encore pris l'engagement de remettre un exemplaire à chacun des députés. Il a rempli avec soin et activité le premier engagement; il s'est déjà acquitté en partie du second. Il avait promis encore de compter de clerc à maître avec l'Assemblée pour tout autre travail; et c'est de cet objet que votre comité m'a principalement chargé de vous rendre compte.

Je vous rappellerai encore la confiance avec laquelle, l'exactiM. Baudouin a avancé ses propres fonds, tude avec laquelle il a rempli les engagements qu'il contractait pour vous, lorsqu'il imprimait tout ce dont vous ordonniez l'impression, sans avoir d'autre engagement de votre part que l'espérance qu'il fondait sur le compte que je viens vous présenter, lorsque les contrefaçons, lorsque les journaux qui le devançaient, anéantissaient souvent les bénéfices qu'il pouvait attendre. Jamais cependant M. Baudouin n'a fait de réclamations.

Le procès-verbal avait des souscripteurs que son volume et les journaux en ont dégoûtés peu à peu. M. Baudouin n'en a pas moins continué ses envois. Il avait deux mille sept cents abonnés ; ils ont été réduits à neuf cents: il pouvait réclamer; il ne l'a point fait.

Le second objet qui pouvait légitimer des réclamations de M. Baudouin était le travail sur les pensions, dont vous aviez décrété l'impression. Il fit cette impression en effet ; mais ces listes de pensions ont cessé de se vendre.

Aujourd'hui, les obligations que vous avez à remplir envers M. Baudouin peuvent s'étendre à tous les objets étrangers au procès-verbal, comme les nombreux projets de décrets, les rapports, les tableaux des finances, les Adresses, les opinions particulières, les affiches; enfin, tout ce qui concernait le service de l'Assemblée. Vos commissaires ont examiné le compte détaillé, article par article, que M. Baudouin leur a remis; ils l'ont vérifié. Il résulte que M. Baudouin est créancier de 336,000 liv., et ce résultat a été calculé à tant la feuille d'impression. Sans doute cette manière de calculer est la plus modérée de toutes, surtout lorsqu'on a été obligé de faire des impressions pendant la nuit, de faire des envois à domicile. Je répète que l'on ne comprend point dans le compte dont je vous entretiens le procès-verbal, que M. Baudouin a toujours fourni gra

tuitement.

M. Baudouin a aussi présenté son compte par dé penses et par recettes. Il en résulte qu'il a dépensé 1 million 174,000 liv.; il en ôte la recette, qui est de 1 million 69,000 liv. Il y a donc dans ses affaires un déficit de 105,000 liv. entre ses recettes et dépenses, qui, joint à la propriété qu'il avait antérieurement, et qu'il a versée tout entière dans ces affaires, forme précisément la somme que vous lui devez.

La troisième opération par laquelle M. Baudouin a voulu convaincre vos commissaires de la légitimité de sa créance est la remise de son bilan: il résulte de la comparaison de l'évaluation de son imprimerie avec l'état de ses dettes. Il est encore prouvé par là que M. Baudouin sera au pair dans ses affaires en remplissant les engagements qu'il a faits. Il est donc bien prouvé que vous devez à M. Baudouin 336,000 liv. Sur cette somme, il a reçu du comité des finances, à différentes reprises, 119,000 liv. ; il reste donc à lui payer 217,000 liv., et c'est la somme que votre comité vous propose de lui faire payer.

L'Assemblée décide qu'il sera payé à M. Baudouin une somme de 217,000 liv.

M. BARNAVE Je demande qu'il soit accordé à M. Baudouin une gratification de 30,000 liv. J'observe qu'il résulte parfaitement du rapport du comité qu'on met M. Baudouin à couvert des engagements qu'il a pris pour l'Assemblée nationale, mais qu'il n'y a aucune espèce de proportion entre le profit qui lui appartient et les travaux et les peines très-réelles qu'il a eus. L'entreprise de M. Baudouin paraissait devoir être extrêmement lucrative, extrêmement avantageuse dans son aperçu. Il est arrivé ensuite que, par les lenteurs nécessairement attachées à une entreprise aussi vaste, lenteurs que l'Assemblée même a souvent nécessitées dans son travail, tous les journaux ont pris les devants sur lui; tellement qu'il a constamment été chargé du travail forcé par l'Assemblée pour les distributions journalières, et que les produits qui résultent des ventes au dehors n'ont pas été pour lui, mais pour les journalistes qui le devançaient. En conséquence, il est de la justice de l'Assemblée de récompenser l'activité, le désintéressement très-marqué et très-noble que M. Baudouin a mis dans sa conduite envers elle. Je conclus donc à une gratification de 40,000 liv.

L'Assemblée adopte la proposition de M. Barnave. M. le président annonce que le roi a hier donné son acceptation au décret constitutionnel rendu sur les colonies le 24 de ce mois, et qu'il se propose de lui donner la plus prompte exécution, ainsi qu'à celui du 28 du même mois, qui étend les dispositions de l'amnistie à tous les honimes de guerre.

M. Wimpfen présente la suite du Code pénal militaire. Nous le rapporterons dans un prochain numéro (1).

M. DAUCHY: Le 17 juin 1789, l'Assemblée a aboli tous les impôts existants, et en a établi de nouveaux. Il reste cependant deux branches de perception sur lesquelles il n'a point été prononcé dans le décret du 17 juin 1789. Je crois qu'il faut que l'Assemblée nationale actuelle décrète que les perceptions sur les hypothèques, que la marque d'or et d'argent et les loteries continueront à avoir lieu.

L'Assemblée adopte cette proposition.

M. MONTESQUIOU: Conformément aux intentions de l'Assemblée, le comité des finances a nommé hier des commissaires pour se transporter aujourd'hui au trésor public et pour y vérifier l'état des caisses. Nous nous y sommes rendus ce matin. Nous avons dressé le procès-verbal que je remettrai sur le bureau, et je vais avoir l'honneur de vous lire l'état des fonds et de toutes les espèces qui sont dans les caisses, et que nous avons vus. La balance de la recette et de la dépense au trésor public y laisse aujourd'hui un fonds de caisse de 35 millions 190, 160 liv. Il y a en espèces, dans la caisse aux trois clefs, 12 millions 300,000 liv., et encore en espèces dans la caisse des recettes 4 millions 671,819 I., ce qui fait environ 17 millions en espèces. Il y a en assignats, qui ont été comptés devant nous, 8 millions 99,620 liv. ; le reste est en lettres de change et effets qui échoient dans les mois d'octobre, de novembre, jusqu'au mois de février. Voici le procès-verbal signé des commissaires de la trésorerie. L'état de la caisse de l'extraordinaire doit être actuellement vérifié; car des commissaires s'y sont transportés.

L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du procès-verbal.

M. MONTESQUIOU: Je n'ai qu'un mot à ajouter : c'est qu'indépendamment du fonds de caisse existant au trésor public, la caisse de l'extraordinaire n'a pas encore complété ce qui est décrété pour le mois der

(1) Voir le numéro suivant, page 15.

nier et ce qu'il faut pour le complément de ce moisci, de manière qu'il y a peut-être actuellement 100 millions au trésor public.

-On fait lecture d'une lettre du ministre des contributions publiques.

« M. le président, j'ai l'honneur de mettre sous les yeux de l'Assemblée le second état et la seconde carte indicative des directoires de département qui ont terminé la répartition de la contribution foncière et mobilière. Le nombre de ces directoires est aujourd'hui de quarante-sept, et la somme répartie, de 196 millions 342,000 liv. Ainsi il reste trente-six directoires de département, dont les états ne sont pas encore parvenus, et dont la portion s'élève à 103 millions 158,000 l.; ce qui ne forme plus que le tiers du total des contributions foncière et mobilière. Je dois d'ailleurs observer à l'Assemblée que, sur les trente-six départements qui paraissent en retard, quinze ont promis de la manière la plus formelle, par leur correspondance, que leurs opérations seraient terminées avant la fin de ce mois; et je suis dès lors convaincu que les premiers jours de la semaine prochaine m'apporteront la certitude du complément de leur travail. >> J'aurais désiré, messieurs, pouvoir présenter à l'Assemblée, avant sa séparation, un résultat plus près de son complément. Je me propose de mettre exactement, tous les huit jours, de semblables états de situation sous les yeux de la nouvelle Assemblée législative; et cette mesure, qui doit indiquer aux législateurs les points du royaume où le patriotisme est le plus vrai et le zèle pour la chose publique plus réel et plus soutenu, opérera infailliblement sur les corps administratifs l'effet que j'en ai espéré, et que vous en avez attendu vous-mêmes. »

M. CAMUS: Vos commissaires de la caisse de l'extraordinaire viennent d'en faire la vérification. Il résulte des procès-verbaux et des états qui ont été dressés, qui seront annexés au procès-verbal, qu'il a été fait en remboursements, savoir: remboursement à la caisse d'escompte, remboursements effectifs à différents particuliers pour les offices et autres objets, indépendamment des anticipations remboursées au trésor public, 1 milliard 491 millions. Il y a aujourd'hui, dans la caisse de M. Lecouteulx, 5 millions 663,000 liv. effectifs; dans la caisse à trois clefs, 5 millions 695,000 liv. effectifs; à la fabrication des Petits-Pères, 24 millions, dont la fabrication recommencera demain. Total, 35 millions 338,000 liv.

Je demande que l'Assemblée nationale veuille bien ordonner que le directeur de la liquidation continuera à régler, sur sa responsabilité, les indemnités dues pour les maîtrises et jurandes, et que lesdites indemnités soient payées sur les états signés de lui, qu'il remettra au commissaire du roi pour la caisse de l'extraordinaire. Le motif de cette demande est que ces objets ne sont susceptibles d'aucune difficulté.

Le comité de l'aliénation s'est occupé de la partie administrative. Il a renvoyé dans les bureaux du commissaire de l'extraordinaire tous ses papiers en ordre, ce qui a produit nécessairement une augmentation de dépense et de commis. En attendant que la législature prochaine détermine définitivement tout ce qui aura lieu pour ces objets, je demande que vous vouliez bien accorder 20,000 liv. par provision, à la charge par l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire d'en rendre compte.

L'Assemblée adopte les propositions de M. Camus. Sur la proposition de M. Fermont, l'Assemblée décide que deux chaloupes canonnières seront destinées à l'instruction des canonniers garde-côtes.

M. CAMUS: Il me paraît qu'on a cru, par ce que je viens de dire, qu'il n'y avait que 35 millions dans la caisse de l'extraordinaire. Ce n'est point cela du tout. J'ai rendu compte de ce qui était dans les caisses

de la gestion, dans la caisse à trois clefs; mais j'ai l'honneur d'observer à l'Assemblée que, sur les 600 millions de dernière émission d'assignats, il n'y en a que 253 millions d'émis, de sorte qu'il reste encore 347 millions a émettre. Voilà quel est l'état des choses: vous avez ordonné une fabrication de 600 millions; sur ces 600 millions, il y en a 253 qui sont dépensés; vous avez brûlé 284 millions, de sorte que vous n'êtes pas à beaucoup près au pair.

Des 347 millions qui vous restent, une partie seulement est actuellement à la caisse de l'extraordinaire, fabriquée ; une partie aux Petits-Pères, pour être fabriquée; et le surplus est en papier, à l'imprimerie, ou bien n'est pas encore fabriqué. Voilà quelle est la situation actuelle des finances. (On applaudit.)

M. ANSON: Vous venez d'entendre le compte du trésor public et de la caisse de l'extraordinaire. Je suis chargé, par le comité des finances, de dissiper les incertitudes qui ont pu rester encore dans quelques esprits sur ce qu'il y a deux jours, pour le bien de la paix, on a passé à l'ordre du jour sur l'explication demandée relativement au rapport présenté par M. Montesquiou, au nom du comité des finances. Le comité s'est rassemblé à cette occasion. J'ai reçu de lui mission et ordre d'annoncer à l'Assemblée, à toute la France, que cet exposé est avoué du comité des finances, rédigé avec le talent que l'on connaît à M. Montesquiou, et qu'il est la vérité.

à

Nous sommes entendus ici par une portion de nos successeurs je dois leur dire qu'il m'est revenu, moi, que l'on voulait leur insinuer qu'il y avait un secret des finances qui n'était pas connu. Il est de mon devoir de déclarer, et j'espère que l'on aura assez de confiance en moi pour être convaincu que je ne parle ainsi que parce que je suis convaincu moimême, de déclarer, dis-je, qu'il n'y a point de secret des finances, que nous n'en connaissons pas ; et nous annonçons que la législature prochaine commettrait une bien grande faute si, dans les premiers mois de ses travaux, persuadée faussement qu'il y a un secret, elle cherchait ce secret, qui est bien absurde à supposer.

C'est maintenant au nom du comité des finances que j'engage nos successeurs à vérifier avec la plus grande attention toutes les pièces déposées aux archives, ce qui est la véritable route pour découvrir la vérité; et puisque, malgré la publicité la plus grande, malgré qu'aucune dépense n'ait été faite sans décret, on a même révoqué en doute l'administration du comité des finances, nous concluons à ce que l'on examine ces pièces et l'exposé de M. Montesquiou avec la plus grande exactitude.

Nous finissons par demander que la publicité de la censure soit égale à la publicité de cette déclaration.

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déjà préparés, n'avaient plus besoin que d'être perfectionnés par les lumières de l'Assemblée, ou ceux dont la nécessité se serait fait sentir à des législateurs éclairés par l'expérience de près de trois années. Mais vous avez sûrement pensé qu'il importait de mettre le plus petit intervalle possible entre l'achèvement de la constitution et la fin des travaux du corps constituant, afin de marquer avec plus de précision, par le rapprochement, la différence qui existe entre les fonctions d'une assemblée constituante et les devoirs des législatures.

Après avoir accepté la constitution que vous avez donnée au royaume, j'emploierai tout ce que j'ai reçu par elle de forces et de moyens pour assurer aux lois le respect et l'obéissance qui leur sont dus.

J'ai notifié aux puissances étrangères mon acceptation de cette constitution (la salle retentit d'applaudissements et des cris de vive le roi !), et je m'occupe et m'occuperai constamment de toutes les mesures qui peuvent garantir au dehors la sûreté et la tranquillité du royaume. Je ne mettrai pas moins de vigilance et de fermeté à faire exécuter la constitution au dedans, et à empêcher qu'elle soit altérée. (Les applaudissements et les cris de vive le roi! recommencent. )

Pour vous, messieurs, qui, dans une longue et pénible carrière, avez montré un zèle infatigable dans vos travaux, il vous reste encore un devoir à remplir lorsque vous serez dispersés sur la surface de cet empire: c'est d'éclairer vos concitoyens sur le véritable esprit des lois que vous avez formées pour eux ( nouveaux cris, nouveaux applaudissements), d'y rappeler ceux qui les méconnaissent ( nouveaux cris, nouveaux applaudissements), d'épurer, de réunir toutes les opinions par l'exemple que vous donnerez de l'amour de l'ordre et de la soumission aux lois. (Nouveaux cris, nouveaux applaudissements. )

En retournant dans vos foyers, messieurs, vous serez les interprètes de mes sentiments auprès de vos concitoyens. Dites-leur bien à tous que leur roi sera toujours leur premier et leur plus fidèle ami (nouveaux cris, nouveaux applaudissements), qu'il a besoin d'être aimé d'eux (nouveaux cris, nouveaux applaudissements), qu'il ne peut être heureux qu'avec eux et par eux, et que l'espoir de contribuer à leur bonheur soutiendra mon courage, comme la satisfaction d'y avoir réussi sera ma plus douce récompense. (Les applaudissements et les cris de vive le roi! continuent pendant plusieurs minutes.)

M. LE PRÉSIDENT: Sire, l'Assemblée nationale, parvenue au terme de sa carrière, jouit en ce mo ment du premier fruit de ses travaux.

Convaincue que le gouvernement qui convient le mieux à la France est celui qui concilie les prérogatives respectables du trône avec les droits inalienables du peuple, elle a donné à l'Etat une constitution qui garantit également et la royauté et la liberté nationale.

Les destinées de la France sont attachées au prompt affermissement de cette constitution, et tous les moyens qui peuvent en assurer le succès se réunissent pour l'accélérer.

Bientôt, Sire, le vœu civique que Votre Majesté vient d'exprimer sera accompli; bientôt, rendus à nos foyers, nous allons donner l'exemple de l'obéissance aux lois après les avoir faites, et enseigner comment il ne peut y avoir de liberté que par le respect des autorités constituées.

Nos successeurs, chargés du dépôt redoutable du salut de l'empire, ne méconnaîtront ni l'objet de leur haute mission, ni ses limites constitutionnelles, ni les moyens de la bien remplir. Ils sont et ils se montreront toujours dignes de la confiance qui a remis en leurs mains le sort de la nation.

Et vous, Sire, déjà vous avez presque tout fait.

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