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par les Etats-Unis de l'Amérique à la municipalité de Paris.

Lettre du roi aux commandants des ports.
Paris, le 13 octobre 1791.

Je suis informé, Monsieur, que les émigrations se multiplient tous les jours dans le corps de la marine, et je ne puis différer plus longtemps de vous faire connaître combien j'en suis vivement affecté.

Comment se peut-il que des officiers d'un corps dont la gloire m'a toujours été si chère, et qui m'ont donné dans tous les temps les preuves les plus signalées de leur attachement, et de leur zèle pour le service de l'Etat, se soient laissé égarer au point de perdre de vue ce qu'ils doivent à la patrie, ce qu'ils doivent à mon affection, ce qu'ils doivent à eux-mêmes.

Ce parti extrême eût paru moins étonnant il y a quelques mois, quand l'anarchie semblait être à son comble, et qu'on n'en apercevait pas le terme; mais aujourd'hui que la majeure et la plus saine partie de la nation veut le retour de l'ordre et de la soumission aux lois, serait-il possible que de généreux et fidèles marins songeassent à se séparer de leur roi?

Dites bien à ces braves officiers que j'estime, que j'aime, et qui l'ont si bien mérité, que l'honneur et la patric les appellent. Assurez-les que leur retour, que je désire par-dessus tout, et auquel je reconnaitrai tous les bons Français, tous mes vrais amis, leur rendra pour jamais toute ma bienveillance.

On ne peut plus se dissimuler que l'exécution exacte et paisible de la constitution est aujourd'hui le moyen le plus sûr d'apprécier ses avantages, et de connaître ce qui peut manquer à sa perfection.

Quel est donc votre devoir à tous? De rester fidèlement à votre poste, de coopérer avec moi, avec franchise et loyauté, à assurer l'exécution des lois que la nation pense devoir faire son bonheur; de donner sans cesse de nouvelles preuves de votre amour pour la patrie, et de votre dévoùment à son service.

C'est ainsi que se sont illustrés vos pères, et que vous vous êtes distingués vous-mêmes. Voilà les exemples que Vous devez laisser à vos enfants, et les souvenirs ineffacables qui constitueront votre véritable gloire.

C'est votre roi qui vous demande de rester inviolablement attachés à des devoirs que vous avez toujours si bien remplis. Vous auriez regardé comme un crime de résister à ses ordres, vous ne vous refuserez pas à ses instances.

Je ne vous parlerai pas des dangers, des suites fàcheuses qu'une autre conduite pourrait avoir; je ne croirai jamais qu'aucun de vous puisse oublier qu'il est Français.

Je vous charge, monsieur, d'adresser de ma part un exemplaire de cette lettre à tous les officiers attachés à votre département, et particulièrement à ceux qui sont en conge.

Signé Louis.
Et plus bas, Debertrand.
Proclamation du roi concernant les émigrations,
14 octobre.

du

Le roi, instruit qu'un grand nombre de Français quittent leur patrie, et se retirent sur les terres étrangères, n'a pu voir, sans en être vivement affecté, une émigration aussi considérable; et quoique la loi permette à tous les Français la libre sortie du royaume, le roi, dont la tendresse paternelle veille sans cesse pour l'intérêt général et pour tous les intérêts particuliers, doit éclairer ceux qui s'éloignent de leur patrie sur leurs véritables devoirs, et sur les regrets qu'ils se préparent. S'il en était parmi eux qui fussent séduits par l'idée qu'ils donnent peut-être au roi une preuve de leur attachement, qu'ils soient détrompés, et qu'ils sachent que le roi regardera comme ses vrais, ses seuls amis, ceux qui se réuniront à lui pour maintenir et faire respecter les lois, pour rétablir l'ordre et la paix dans le royaume, et pour y fixer tous les genres de prospérités auxquels la nature semble l'avoir destiné.

Lorsque le roi a accepté la constitution, il a voulu faire cesser les discordes civiles, rétablir l'autorité des lois et assurer avec elles tous les droits de la liberté et de la propriété. Il devait se flatter que tous les Français

seconderaient ses desseins; cependant c'est à cette même époque que les émigrations ont semblé se multiplier. Une foule de citoyens abandonnent leur pays et leur roi, et vont porter chez les nations voisines des richesses que sollicitent les besoins de leurs concitoyens; ainsi, lorsque le roi cherche à rappeler la paix et le bonheur qui la suit, c'est alors que l'on croit devoir l'abandonner et lui refuser les secours qu'il a droit d'attendre de tous. Le roi n'ignore pas que plusieurs citoyens, des propriétaires surtout, n'ont quitté leur pays que parce qu'ils n'ont pas trouvé dans l'autorité des lois la protection qui leur était due; son cœur a gémi de ces désordres. Ne doit-on rien pardonner aux circonstances? Le roi lui-même n'a-t-il pas eu des chagrins? Et lorsqu'il les oublie pour ne s'occuper que du bonheur commun, n'a-t-il pas le droit d'attendre qu'on suive son exemple?

Comment l'empire des lois s'établirait-il, si tous les citoyens ne se réunissent pas auprès du chef de l'Etat? Comment un ordre stable et permanent peut-il s'établir et le calme renaitre, si par un rapprochement sincère chacun ne contribue pas à faire cesser l'inquiétude générale? Comment enfin l'intérêt commun prendra-t-il la place des intérêts particuliers, si, au lieu d'étouffer l'esprit de parti, chacun tient à sa propre opinion, et préfère de s'exiler à céder à l'opinion commune?

Quel sentiment vertueux, quel intérêt bien entendu peut donc motiver les émigrations? L'esprit de parti, qui à causé tous nos malheurs, n'est propre qu'à les prolonger.

Français qui avez abandonné votre patrie, revenez dans son sein. C'est là qu'est le poste d'honneur, parce qu'il n'y a de véritable honneur qu'à servir son pays, et à défendre les lois. Venez leur donner l'appui que tous les bons citoyens leur doivent; elles vous rendront à leur tour ce calme et ce bonheur que vous chercheriez en vain sur une terre étrangère. Revenez donc, et que le cœur du roi cesse d'être déchiré entre ses sentiments qui sont les mêmes pour tous, et les devoirs de la royauté, qui l'attachent principalement à ceux qui suivent la loi. Tous doivent le seconder lorsqu'il travaille pour le bonheur du peuple. Le roi demande cette réunion pour soutenir ses efforts, pour être sa consolation la plus chère; il la demande pour le bonheur de tous. Pensez aux chagrins qu'une conduite opposée préparerait à votre roi, mettez quelque prix à les lui épargner, ils seraient pour lui les plus pénibles de tous.

Fait à Paris, au conseil d'Etat, le 14 octobre 1791.

Signé LOUIS.

Et plus bas, par le roi, DELEssart. Pour copie conforme à l'original, écrit de la main du roi.

Signé DELESSART.

BULLETIN DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LEGISLATIVE.

(PREMIÈRE LÉGISLATURE.)

Présidence de M. Pastoret.

SÉANCE DU SAMEDI 15 OCTOBRE.

M.***: Je demande que l'on exclue de notre procèsverbal les expressions d'honorable membre (on applaudit), parce que cela supposerait que tous les membres de cette Assemblée ne sont pas honorables. (On rit et on murmure.) Or, comme nous sommes tous représentants de la nation, nous sommes tous honorables. Il ne faut donc pas que ce soit une qualification arbitrairement appliquée à un seul membre.

L'Assemblée décide que la qualification usagère d'honorable membre sera désormais exclue du procès-verbal.

Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre par laquelle M. Berthelmot remercie l'Assemblée du décret qui l'admet à la barre, et annonce que les renseignements qu'il a à donner sur les abus du gouvernement des îles de France et de Bourbon peuvent à peine être circonscrits dans des limites moindres que

celles d'un discours d'une heure et demie. (Il s'élève des murmures.)

M. NEUFCHATEAU L'on vient de m'apprendre que le roi a nommé MM. Lescalier et Boucher commissaires pour vérifier les abus qui sont l'objet des dénonciations de M. Berthelmot. Il n'y a donc pas d'inconvénient à ajourner l'examen de cette affaire. L'Assemblée renvoie la dénonciation de M. Berthelmot à son comité colonial.

rôlements; ils ont été conduits dans les prisons de Thionville, et de là à Metz. Nous ne doutons pas qu'on ne s'apprête à nous attaquer. On apporte si peu d'intelligence dans les mesures pour la défense des frontières, que nous sommes à découvert. Les prêtres réfractaires sont au comble de leurs espérances. Nous sommes fortement trahis, etc. »>

Suit le procès-verbal de la visite du bateau arrêté, qui constate qu'il y a été trouvé différents objets d'é

Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre quipage et de ballots, à l'adresse de M. Vergennes à du ministre de la guerre, ainsi conçue :

« L'Assemblée nationale constituante a décrété qu'il serait attaché un chirurgien major à chacun des bataillons des gardes nationaux volontaires, avec quatre soldes; il a été ajouté que ces chirurgiens seraient pris dans les hôpitaux militaires. A cet égard, le rapporteur s'est trompé sur le sens du mémoire que j'avais adressé au comité militaire; car j'avais demandé au contraire qu'ils fussent nommés par les directoires de département, parce qu'étant du même pays que les volontaires eux-mêmes, ils auraient plus facilement la confiance des bataillons, et parce qu'il y aurait de l'inconvénient à dégarnir les hôpitaux, et qu'on n'y trouverait pas même le nombre des sujets nécessaires.» (Plusieurs voix : Le renvoi au comité militaire.)

M. GOUVION: Ce qui intéresse la santé des défenseurs de l'empire ne doit pas souffrir le retard d'un renvoi au comité. J'ai fait récemment la revue de plusieurs bataillons de gardes nationales où il se trouvait beaucoup de malades. J'ai prié les directoires de département de nommer des chirurgiens majors, et je me suis toujours défendu de le faire moi-même, parce que, ne connaissant pas les sujets, je m'en serais laissé imposer par une fausse éloquence. Comme beaucoup de bataillons sont éloignés de soixante à soixante-quinze lieues des lieux de leur formation, je demande que le ministre de la guerre soit autorisé à accorder à chaque chirurgien la somme qui lui sera nécessaire pour faire sa route.

Plusieurs membres proposent différents amendements étouffés par des cris d'improbation.

L'Assemblée rend le décret suivant:

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L'Assemblée, sur la motion d'un de ses membres, ayant préalablement reconnu et décrété l'urgence du décrète que les directoires des déparcas, tements choisiront les chirurgiens majors qui restent à nommer pour les bataillons des gardes nationales qui vont aux frontières, saus que les directoires soient astreints à prendre ces chirurgiens majors dans les hôpitaux militaires. »>

Des citoyens de Paris, admis à la barre, demandent que les canonniers jusqu'ici soldés pour le service de Paris y soient conservés pour l'instruction des canonniers volontaires, et protestent qu'aucune loi, qu'aucun règlement, qu'aucune force n'arrachera ni les uns ni les autres de leurs canons.

L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de ce

nom.

M. *** Je demande que l'Assemblée improuve formellement les expressions de cette pétition. L'Assemblée passe à l'ordre du jour.

M. *** fait lecture d'une lettre de la municipalité de Sieppe, ainsi conçue :

« Nous venons de faire l'arrestation d'un bateau dans lequel il a été trouvé un grand nombre d'effets qui paraissent être tirés du garde-meuble du roi. Nous croyons devoir en mettre l'état sous les yeux des législateurs. Outre cette circonstance, la désertion continuelle des officiers nous donne beaucoup d'inquiétude; ils débauchent des soldats et enlèvent des chevaux. Nous avons arrêté deux officiers avec un soldat qui allaient à Luxembourg, chef-lieu des en

Coblentz, contenant six cents aunes de draps bleus pour des uniformes, et une pièce de drap rouge pour les revers, un uniforme de garde du corps et quatre uniformes d'officiers de dragons.

La lettre finit ainsi :

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M. ***: Je demande que l'on décide ce que la municipalité de Sieppe fera des objets arrêtés. On m'objecte que cette municipalité aurait dû communiquer l'avis du directoire du district de Thionville et celui du département. J'observe que c'est justement parce que c'est le district qui a ordonné de laisser passer le bateau, et que la municipalité a persisté à l'arrêter, soupçonnant qu'il contenait des effets enlevés au garde-meuble, qu'il faut que l'Assemblée prononce. │(Plusieurs voix : Le renvoi au comité.) Lorsque le cas est urgent et que l'Assemblée a la connaissance nécessaire pour prononcer, je ne vois pas la nécessité de renvoyer à un comité.

M. GOUPILLEAU: Ce n'est point seulement un objet de particuliers qui m'amène à la tribune, ce sont des considérations d'intérêt général que j'ai à vous présenter (il s'élève de longs murmures), et je ne descendrai pas de cette tribune que je n'aie fait entendre des vérités utiles à ma patrie.

(La demande de l'ordre du jour se reproduit avec plus de violence.-M. le président interpose tantôt les efforts inutiles de sa voix, tantôt le bruit de la sonnette. On demande le renvoi au comité. M. Goupilleau insiste de nouveau pour obtenir la parole.)

Après une longue agitation, l'Assemblée décide que M. Goupilleau sera entendu.

M. GOUPILLEAU: Ce serait bien mal entendre les intérêts de la patrie, ce serait étrangement s'aveugler sur ses dangers, que de recevoir avec indifférence les avis alarmants que vous recevez de toutes parts, et de négliger de prendre un parti dans des circonstances aussi urgentes.

Oui, il ne faut pas nous le dissimuler, la patrie est en danger, en proie à des divisions intestines; menacés au dehors, nous avons plus besoin que jamais d'user de prudence et d'agir avec fermeté. Quel est celui de nous qui ignore que les troubles intérieurs ne sont occasionnés que par le fanatisme des prêtres rebelles à la loi? Mais qui ignore aussi que ce fanatisme n'est fomenté que par la connivence établie entre ces prêtres et nos ci-devant privilégiés, qui abandonnent lâchement la France et réunissent leurs efforts contre une constitution qui assure cependant à leurs personnes et à leurs biens sûreté et protection?

N'espérez point de concorde, d'union entre les citoyens, tant que les mécontents conserveront l'espoir de ce qu'ils appellent contre-révolution; ils n'ont dans l'intérieur aucun moyen d'appuyer efficacement cet

esprit de révolte que d'égarer le peuple sur ses véritables intérêts; mais le plus puissant, n'en doutez pas, c'est l'assurance que leur ont donnée les émigrés de recevoir bientôt des secours des puissances étrangères. Détruisez cet espoir, et jusqu'à ce qu'il soit détruit, n'espérez jamais de repos.

Voulez-vous avoir la paix au dedans? Faites-vous respecter au dehors. Y parviendrez-vous en vous en rapportant complaisamment à des ministres qui ne vous disent jamais que la moitié de ce qu'ils savent? Y parviendrez-vous lorsque, voyant la nation insultée dans la personne de M. Duveyrier, vous ne la vengez pas? Y parviendrez-vous en voyant d'un œil indifférent les puissances étrangères ne point désarmer, accueillir nos émigrés, rebuter nos ambassadeurs, s'obstiner à ne reconnaître de souveraineté que dans le roi et non dans la nation, et en ne les sommant pas de s'expliquer positivement sur leurs intentions?

Ce que nous n'avons fait jusqu'à présent que par générosité, par confiance dans l'esprit éner

sont grandes et importantes, plus elles font sentir la nécessité que l'Assemblée s'organise de manière à s'occuper utilement de ces objets. Je demande donc, non pas que l'on écarte les motions qui ont été faites, mais qu'on les ajourne jusque après l'organisation des comités.

M.*** : Il n'y a pas lieu à ajourner, quand une

chose est très-connue. On vous a annoncé l'arrestation de meubles et effets. La question est de savoir s'il y a une loi qui permette de les retenir. Or l'Assemblée nationale constituante a décrété la libre circulation des choses et des personnes. On me dit que cette loi ne s'étend pas aux effets du gardemeuble. J'observe que M. Vergennes pourrait bien avoir des effets aux armes du roi, comme peuvent en avoir toutes les personnes qui ont servi dans la maison du roi; mais ce qui est certain, c'est l'émigration, et cet objet sollicite surtout votre attention. La sortie des hommes, des chevaux et des armes est considérable. Sans doute il n'est pas fâcheux que tout ce que l'on appelle la coalition aristocra

gique de la nation, nos ennemis le traitent de pusil-tique sorte du royaume; mais nous ne devons pas lanimité.

Ce n'est pas que je craigne leurs menaces, leurs forfanteries; la nation française, fière d'une constitution fondée sur la raison et la justice, saura bien la maintenir, et il n'est aucun de nous qui ne périsse plutôt que de revivre sous le joug de l'esclavage, après avoir goûté les délices de l'égalité et de la liberté.

Mais il est temps que cette nation généreuse se montre avec toute sa dignité, avec ce caractère imposant sans lequel nous ne parviendrons jamais à ramener le calme, l'ordre et l'obéissance aux lois. Il n'y a pas un moment à perdre; et je sollicite de votre amour pour la patrie un décret qui révoque sur-le-champ celui qui a favorisé la sortie hors du royaume de tant de numéraires, de tant d'effets, de tant d'hommes, et qui, tant qu'il subsistera, ne fera qu'entretenir l'espoir de nos ennemis, et fomenter les troubles qui nous divisent.

Je demande donc que sur-le-champ vous révoquiez le décret qui favorise l'émigration; que vous remettiez dans toute sa force celui qui y était contraire, et que les peines soient encore plus fortes contre les militaires qui abandonnent sans congé leurs drapeaux pour passer en pays étranger.

M. AUDREIN: La liberté publique est une loi primitive dont toutes les autres émanent, et le gouvernement doit sans doute la respecter; mais pardessus elle est la loi du salut públic: celle-ci doit seule en ce moment vous occuper. On vous a parlé de Coblentz, mais on ne vous a pas dit que le ministre d'Espagne en France alimentait tous les projets des ennemis de la constitution. Les rois de l'Europe savent qu'avant trois ans ils seront anéantis, s'ils n'anéantissent parmi nous la liberté; ils se coalisent contre elle. Je demande que l'Assemblée prenne des mesures générales, de grandes mesures, des mesures extraordinaires, pour faire respecter la liberté française. Le ministre des affaires étrangères vous dit Soyez tranquilles, les frontières sont en très-bon état. Les administrateurs vous écrivent : Les frontières sont en très-mauvais état; et ils sont sur les lieux...

M. Lacroix interrompt pour demander l'ordre du jour. Il s'élève de grands murmures.-M. Lacroix s'agite avec violence, et fait entendre au milieu des rumeurs et du bruit de la sonnette du président le renvoi de la demande au comité. Les huissiers se portent, ainsi que plusieurs membres, au lieu du désordre, et parviennent à calmer M. Lacroix.

M.*** Plus les considérations des préopinants

lui donner des armes contre nous. Je demande donc que, vu les machinations qu'ont entreprises contre nous les ennemis du bien public, le décret qui permet la sortie des chevaux et des armes soit révoqué, ce qui est d'autant plus nécessaire que le ministre vient vous dire tous les jours qu'il n'en trouve pas. Quoi! est-ce dans le moment où des hommes quittent traîtreusement leur patrie pour revenir enfoncer, s'ils le pouvaient, le poignard dans le sein de leurs concitoyens, qu'il serait permis de faiblir? Je demande que ces transfuges soient déclarés infâmes, indignes à jamais de porter les armes pour leur patrie, et de prendre le titre de citoyens français. L'Assemblée nationale constituante vous a donné l'exemple de précautions sages dans des moments critiques. Elle a envoyé des commissaires dans les départements. Je demande qu'il soit envoyé des commissaires pour vérifier l'état des frontières.

M. BAZIRE: C'est parce que la patrie peut éprouver quelque danger que je demande que l'Assemblée s'empresse de donner à la France une représentation, en terminant son organisation intérieure ; car, tant que nous n'aurons pas de comités pour recueillir des renseignements, comment voulez-vous que nous sauvions la patrie?

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Un grand nombre de membres affluent à la tribune, et demandent à la fois la parole. L'Assemblée est dans une grande agitation. M. le président envoie des huissiers pour faire asseoir les membres. Au milieu du tumulte plusieurs membres demandent à faire une motion d'ordre.

Toute la partie

M. Fauchet paraît à la tribune. droite demande qu'il soit entendu. L'Assemblée décide, à l'unanimité de la partie gauche, que la discussion est fermée.

Elle ajourne les différentes propositions faites jusque après l'organisation des comités, et décide que ce dernier travail sera fait sans désemparer.

M. NEUFCHATEAU: On demande à l'Assemblée un moment d'attention pour une nouvelle extrêmement tranquillisante et agréable; c'est une lettre de St-Domingue; elle contient le détail suivant : Extrait des registres de l'assemblée générale de la partie française de St-Domingue, séant à Léogane.

Séance du 9 août 1791, après midi.

L'assemblée constituée purement et simplement, après avoir, dans ses séances des 5 et 8 de ce mois, discuté ses bases constitutionnelles, a arrêté et

arrête, à la majorité de soixante-sept voix contre quarante-six, qu'elle se constitue légalement, en vertu des pouvoirs de ses commettants, assemblée générale de la partie française de St-Domingue.

L'assemblée ainsi constituée, ne voulant laisser aucun doute sur la pureté de ses intentions et de ses principes, jusqu'à ce qu'elle ait pu les manifester plus formellement en s'occupant de la constitution de Saint-Domingue, déclare que, Saint-Domingue étant portion de l'empire français, elle reconnaît qu'à l'Assemblée nationale seule appartient irrévocablement de prononcer sur les rapports politiques et commerciaux qui unissent Saint-Domingue à la France, d'après les plans qui seront présentés par l'assemblée générale; déclare en outre qu'elle met sous sa sauvegarde et sous celle de la loyauté des citoyens les créances tant des négociants de France que de cette île; qu'elle maintiendra l'observation des lois qui en assurent le payement dans toute leur vigueur, et qu'elle provoquera à cet effet toute l'influence de l'opinion et de la force publique;

Invite tous les citoyens, en se pénétrant du serment d'union qu'ils doivent prêter, à se prémunir contre toutes les impressions défavorables qu'on pourrait leur donner, et à n'ajouter foi qu'aux actes émanés de l'assemblée et authentiquement certifiés par elle.

Et sera le présent adressé à M. le lieutenant général au gouvernement, à toutes les assemblées provinciales, aux paroisses, aux municipalités, comités, et à tous les corps de justice et de police.

Signé au registre: P. DE GODASCH, président; PONS CYGNON, vice-président; MILLET, LUX, MIAILLES et PETIT DESCHAMPEAUX, secrétaires.

Collationné, signé MILLET, secrétaire.

Certifié véritable par P.-J. RABOTEAU, député à l'assemblée générale de la partie française.

Cette pièce est renvoyée au comité colonial.

L'Assemblée reprend le travail de l'organisation des comités, et décrète : 1° que le comité des décrets est conservé pour surveiller l'envoi des décrets, et pour tenir note de la date de leur présentation à la sanction et de leur sanctionnement; 2o que le comité central est supprimé; 3o que le comité des emplace ments est réuni au comité de division; 4o qu'il sera formé un comité pour l'inspection du secrétariat et de l'imprimerie.

M. VOISARD: L'exercice de la responsabilité est inséparable d'une surveillance continuelle. Pour faire répondre les ministres de l'inexécution des lois, il faut un comité qui vérifie si les lois sont exécutées; et j'observe que le défaut de moyens pour reconnaître la vérité de ce que dit le ministre produira toujours des méfiances qui n'ont aucun but utile, parce qu'elles entravent les opérations du ministre, sans lui faire subir le joug salutaire de la responsabilité. (Un grand nombre de voix: Au fait.) Je dis donc que les mêmes raisons qui ont déterminé l'Assemblée à créer un comité diplomatique pour l'extérieur me déterminent à demander un comité de surveillance pour l'intérieur.

M. ***: J'appuie la proposition du préopinant; je sais que les départements doivent correspondre directement avec le pouvoir exécutif; mais il est des circonstances fréquentes qui obligent les départements à s'adresser sans intermédiaire au corps législatif. Les administrations peuvent avoir à réclamer contre des décisions du pouvoir exécutif, ou contre sa négligence. Je demande donc qu'il y ait un comité de surveillance, ou de correspondance centrale.

M. *** Je demande que ce comité central soit réuni au comité des pétitions; qu'il soit chargé de

distribuer le travail aux comités, de leur demander compte de leurs retards, de les surveiller, de les aiguillonner, d'instruire l'Assemblée des affaires confiées à chaque comité, afin qu'ils ne soient plus des petits conseils de despotes.

L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Voisard.

★★★

:

M. *** Je propose à l'Assemblée de rendre un nouvel hommage à la constitution. Dans plusieurs lieux l'esprit public n'est pas encore au niveau de la révolution. Il est possible que la constitution soit enfreinte par plusieurs corps administratifs ou judiciaires, parce qu'on n'a pas tracé de démarcation entre le point où finit le pouvoir de la constitution et celui où commence l'arbitraire de l'administration; il est certain que déjà dans beaucoup de cas la constitution a été enfreinte. Je demande donc qu'il soit établi un comité de surveillance de la constitution. (On murmure.)

M. *** J'approuve beaucoup ce comité, mais je demande qu'il soit formé de toute l'Assemblée. (On applaudit.)

La proposition de l'anté-préopinant est rejetée par la question préalable.

M. *** Malgré les défauts et les dangers reconnus inhérents aux comités, le désir d'accélérer vos travaux, de donner à vos délibérations une démarche plus calme et plus imposante, vous a déterminés à leur donner cette forme de préparation; mais vous avez en même temps contracté l'obligation d'éloigner, autant que vous pourrez, par des règles générales et par des règles particulières à chacun d'eux, les abus qu'offraient les anciens comités je propose en conséquence que tous les comités que vous avez conservés ou créés soient assujettis aux principes généraux ci-après.

:

Premier principe. Nul ne pourra être membre à la fois de plusieurs comités. (On applaudit. — On demande à aller aux voix.)

Cet article est adopté.

Art. II. Chaque comité sera tenu, avant de présenter son travail à l'Assemblée, de le livrer à l'impression, et de le faire distribuer au moins huit jours d'avance.

On observe que l'objet de cet article est rempli par une loi constitutionnelle.

M. *** : En ce cas, mon article III devient article II; le voici :

Art. II. Les comités ne pourront recevoir directement, pour les prendre en considération, ni mémojres, ni adresses, ni pétitions; mais bien l'Assemblée nationale, qui les renverra, s'il y a lieu, aux comités. Cet article est adopté.

III. Les comités ne pourront en aucun cas ré pondre à des demandes ou questions, ni rendre des décisions, soit provisoires, soit définitives.

Cet article est adopté.

M. *** lit l'article IV de son projet, ainsi conçu : IV. Il sera fait un tableau divisé en autant de colonnes qu'il doit y avoir de comités, et chacun des membres de l'Assemblée aura la liberté d'inscrire son nom dans la colonne des travaux auxquels il se destine. (On applaudit.)

M. ***: Je demande que les bureaux commencent à nommer un nombre de candidats égal à celui de tous les membres de vos comités réunis, et que ce soit dans cette liste que, par un second scrutin, on nomme les membres de chaque comité; car, à coup sûr, il y en aura de tous les talents, et aucun de ces candidats ne verra son amour-propre déçu, puisque s'il échappe à un comité, il sera nommé dans un autre. M. ***: Comme chaque département a envoyé des députés pour leur patriotisme, pour leurs connais

sances générales plutôt que pour leurs connaissances ! particulières, je crois qu'à un petit nombre d'exceptions près, on peut dire que chacun est propre à chaque comité; je demande que l'on suive la liste alphabétique.

M. Ducos: On propose de préparer vos choix par des listes de candidats qui se désigneraient euxmêmes pour le genre d'ouvrage le plus conforme à leurs inclinations ou à l'exercice habituel de leurs méditations et des travaux de leur état ; j'oserai combattre cette méthode, non pas en elle-même, mais dans son application aux élections des membres de nos comités. Elle paraît avoir pour objet d'indiquer à l'Assemblée les sujets les plus dignes de sa confiance; si ce but est manqué, elle perd tous ses avantages, et garde ses nombreux inconvénients : or deux motifs très-considérables me font douter du succès attendu des listes proposées.

Je rappelle d'abord une observation aussi simple que juste, présentée à cette Assemblée; c'est qu'en jugeant les hommes d'après leur propre estimation, on aura rarement leur véritable mesure: tel se croit propre à tout, précisément parce qu'il est propre à très-peu de chose; tel autre, assis peut-être obscurément dans la foule de ceux qui nous écoutent, se défie de ses forces, parce qu'il sait envisager l'étendue de ses obligations, et doute du succès de ses efforts, parce qu'il sait évaluer les obstacles et calculer les résistances. La présomptueuse médiocrité ne s'embarrasse point dans ces tristes calculs; elle ne doute de rien, car elle ne voit rien le véritable talent est éloigné de ces empressements officieux; il attend à sa place qu'on sache le reconnaître et l'employer. Observez de plus qu'il ne suffit pas de se nommer pour se faire connaître que trouveriez-vous sur les premières listes qui seraient mises sous vos yeux ? des noms inconnus, sans désignation des qualités et des talents qui doivent seuls déterminer nos suffrages: or, c'est surtout pour les premiers choix que vos listes de candidats ont quelque apparence d'utilité; car bientôt les membres de cette Assemblée ne seront plus estimés sur parole, et ce ne sera plus par vos listes, mais par leurs travaux, qu'il faudra les juger. Vos listes sont donc superflues dans les deux cas; quant aux élections premières, elles n'apprendraient rien; quant aux élections subséquentes, nous n'avons pas besoin d'elles pour nous apprécier réciproque

ment.

Mais, a-t-on répliqué, les listes de candidats ne seront point exclusives, et l'on pourra prendre des sujets de son choix hors de ces tables d'admission. Cette explication fournit, je crois, un argument de plus contre leur utilité: car, si je trouve parmi ceux qui se sont fait connaître un nombre suffisant de sujets, sans doute je n'aurai point recours à la liste des candidats; si, au contraire, j'ai besoin d'un supplément de noms pour remplir mon scrutin, ce n'est point sur la liste proposée que j'irai les chercher; j'ai déjà exposé à l'Assemblée le principal motif de cet éloignement, je vais en présenter un nouveau que je crois digne de quelque considération.

Les listes de candidats engageront nécessairement à se désigner pour le genre d'occupations qui aura un rapport plus immédiat avec l'exercice habituel de sa profession. Tous les négociants s'inscriront pour le comité de commerce, tous les hommes de loi pour celui de législation, tous les officiers pour le comité militaire. Or, messieurs, voilà surtout l'abus que cette Assemblée doit soigneusement éviter, si elle veut répandre sur les lois qui sortiront de son sein un caractère de philosophie et de moralité. Ce serait une erreur très-grave de penser qu'il suffit d'exercer un état pour jeter de grandes lumières sur les questions qui le touchent de près.

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En général, l'homme exclusivement livré aux travaux d'une profession vit en quelque sorte emprisonné dans une étroite enceinte de vues routinières et de préjugés tenaces; il ne peut ni redresser son jugement, ni généraliser ses idées sur les objets relatifs aux habitudes de son état; son intérêt personnel est toujours là, qui vient se placer malgré lui-même et comme à son insu au devant de la vérité, qui est l'intérêt général. (On applaudit.) Voilà la source de l'erreur de ses jugements, presque toujours plus sains sur d'autres matières, parce qu'ils sont désintéressés. Je dirai donc aux législateurs: Vous voulez avoir un code de lois commerciales hérissé de prohibitions, de priviléges exclusifs, confiez-en uniquement la rédaction à des négociants; si vous voulez conserver dans le Code civil le labyrinthe des formalités et la ruineuse lenteur des procédures, ne chargez du travail sur le Code civil que des hommes qui peuvent tenir encore à ces abus, sinon par leurs intérêts, mais du moins par leurs longues habitudes.

Ce n'est pas que je veuille exclure des comités ceux qui peuvent porter tant d'instruction pratique, de renseignements locaux, sur les sujets ordinaires de leurs travaux. J'ai voulu dire seulement que la majorité en serait peut-être nuisible dans les comités, C'est contre cet inconvénient, que semblent entraîner avec elles les listes de candidats, que j'ai cherché à prémunir l'Assemblée.

Je demande donc qu'il n'y ait point de liste exclusive de candidats.

M. *** : Les observations du préopinant ne présentent aucune force de raisonnement; car enfin la liste des candidats est le seul moyen de prendre des renseignements sur le genre d'instruction de chacun, des membres. Elle ne nous oblige point à choisir une telle personne, ou une personne de telle profession; mais elle nous aide à nous connaître, et ne nous empêche pas de consulter sur les talents de chaque candidat les membres de sa députation. Je demande que chaque membre soit, non pas invité, mais tenu de s'inscrire sur la liste qui a été proposée.

Plusieurs membres présentent différents modes nouveaux, et principalement des listes particulières de bureaux, des listes réductives, des conférences de bureaux, etc.....

Toutes ces motions avortent au milieu du tumulte et des huées. Le petit nombre de celles qui sont appuyées expire par la question préalable.

L'article proposé par l'auteur du projet en discussion est décrété en ces termes :

Art. IV. Il sera fait un tableau divisé en autant de colonnes qu'il doit y avoir de comités; et chacun des membres de l'Assemblée sera tenu d'inscrire son nom, ses qualités, son département, son domicile, dans la colonne des travaux auxquels il se destine.

L'article suivant est adopté sans discussion.

V. Les membres de divers comités seront élus dans les bureaux à un scrutin de liste simple, et à la pluralité relative des suffrages.

M. *** Je demande maintenant qu'il soit fait l'appel de chaque comité admis, et qu'à chacun il soit décidé: 1o quel sera le nombre de ses membres; 20 s'il sera permanent, quelle sera sa durée temporaire; 3o quel sera le mode du renouvellement de ses membres.

Cette proposition est adoptée.

M. ***: Je demande que chaque membre ait le droit d'assister aux séances du comité pour lequel il se sera fait candidat, parce qu'il n'est pas inutile que les comités soient entourés de lumières, et qu'il est bon que ceux qui devront remplacer les membres renouvelés soient au fait des travaux.

M. VERGNIAUD: Je demande qu'il soit décidé en général que les comités soient publics pour tous les

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