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teur M. Orliaguet, professeur de mathématiques et de mécanique et membre de la Société d'agriculture, des arts et des sciences de la ville de Limoges.

L'auteur du second mémoire est M. Henry, docteur en médecine à Lesmont.

Quoique M. Orliaguet se soit principalement attaché à rechercher les moyens de préserver nos campagnes des terribles effets de la grêle, tandis que M. Henry a eu pour but d'établir une nouvelle théorie de ce météore, il m'a semblé qu'il y avait possibilité d'apprécier ces œuvres simultanément sans être astreint à consacrer d'abord un certain nombre de lignes à l'une et le surplus à l'autre.

On a, depuis bien des siècles, reconnu que la production et la chute de la grêle n'avaient lieu que pendant les orages.

Dans les prières qui, selon le rituel de Paris, sont dites lors de la bénédiction d'une cloche, se trouvent les passages suivants qui sont extraits d'une notice d'Arago (1), dont MM. Orliaguet et Henry, à bien juste titre, citent fréquemment les œuvres.

"Que chaque fois qu'elle sonnera, elle chasse au loin..... les coups de foudre, les dommages des tonnerres, les calamités des ouragans et tous les esprits des tempêtes.............. les fracas de la grėle, la tem"pête des tourbillons de vent et la furie des ouragans; que les ton« nerres désastreux perdent leur violence. »

La foudre étant ce qui caractérise les orages, on devait naturellement en conclure que l'agent physique qui produit la foudre devait aussi exercer son action dans la production de la grêle.

Chacun sait aujourd'hui que les effets de la foudre sont dûs à un agent de la nature connu sous le nom d'électricité, et, à mesure que la science fait des progrès, on entrevoit de plus en plus quel rôle immense cet agent joue dans le monde physique.

Les physiciens sont généralement convaincus que la production de la grêle est due à des actions électriques, mais, quant à la manière dont les faits se passent, l'obscurité est encore à peu près complète. Voici quelques citations qui le démontrent.

M. Fouillet dit (2):

(1) Annuaire du bureau des longitudes de 1838, page 543.
(2) Eléments de physique, 2 vol. page 730, 5 édition, 1847.

«La grêle est en même temps l'un des fléaux les plus redoutables « pour les propriétés agricoles et l'un des phénomènes les plus em"barrassants pour les météorologistes. »

M. Ch. d'Orbigny, dans le Dictionnaire universel d'histoire naturelle (3), s'exprime ainsi :

«De tous les météores aqueux, la grêle est le plus terrible et le moins connu. "

Enfin, dans un rapport fait par Arago en 1852, à l'Académie des sciences, on trouve cette phrase (1):

" Quoique l'on ne connaisse pas très bien la théorie de la grèle, il "est cependant démontré que l'électricité joue un rôle très impor« tant dans sa formation. >>

Une sorte de cliquetis se fait parfois entendre dans les nuages avant la chute de la grêle, et on a comparé ce bruit à celui produit par un sac de noix que l'on vide.

Cette circonstance rapprochée de ce que, dans un grand nombre de cas, un noyau de neige se trouve au centre des grêlons et que ces grêlons sont formés de couches de glace concentriques, avait fait proposer par le célèbre Volta une théorie de la grêle.

Guyton de Morveau, Volta et autres physiciens pensaient que la cause produisant subitement dans des nuages qui, généralement, ne sont pas situés à une grande hauteur, et pendant les plus fortes chaleurs, un refroidissement tel qu'il s'y formait de la neige ou de petits glaçons, ne devait être que l'évaporation.

Jusqu'à Volta, on admettait, sans trop s'être rendu compte, qu'une fois l'embryon de neige ou de glace formé, il se recouvrait de couches successives de glace en traversant dans sa chute d'autres nuages, et qu'ainsi toutes les particules d'eau avec lesquelles il se trouvait en contact, gelaient à sa surface.

Le temps qu'emploient les grêlons à venir des régions de l'atmosphère jusqu'à la terre a dû nécessairement paraître trop court pour que les grains de grêle prissent des proportions qui, parfois, sont considérables. Volta a donc émis l'idée que, le noyau de glace se

(1) vine vol., page 181, 1846,

(2) Mélanges, page 435.

formant dans un nuage constitué à un certain état électrique, si un nuage constitué à l'état de nom contraire se trouvait au-dessus du premier, le petit glaçon s'y portait, revenait ensuite à l'autre, et qu'alors, dans ce mouvement de va et vient, il se couvrait de nouvelles couches jusqu'à ce que son poids fût tel qu'il ne pût plus être tenu en suspension dans l'espace.

Dans l'Annuaire du bureau des Longitudes pour 1828, Arago a publié une notice sur la grêle, qui a été reproduite dans l'édition de ses œuvres complètes (1) et, dans cette notice, il reconnaît que, comme tout ce qui vient d'un grand homme, la théorie de Volta dénote le génie, mais qu'elle donne lieu à tant d'objections qui paraissent insolubles, qu'on ne peut plus l'admettre comme une vérité acquise à la science, et il ajoute (2).

« Je me trompe fort si toutes ces remarques ne démontrent pas « qu'une explication satisfaisante du phénomène de la grêle est encore « à trouver. »

La découverte du paratonnerre ayant mis en évidence que l'électri. cité peut être enlevée aux nuages, on s'est hâté de conclure, quand la théorie de Volta fut connue, qu'en déchargeant aussi les nuages où la grêle se serait formée de leur électricité, on en éviterait la production, et, par suite, les effets désastreux.

Cependant Volta lui-mème traitait d'enthousiastes irréfléchis ceux qui croient, ou, du moins, dit-il, veulent faire croire aux autres « qu'en multipliant ces appareils (les paratonnerres) dans les villes et « les campagnes, on parviendra, sinon à dissiper entièrement les orages, du moins à les affaiblir à tel point qu'ils ne produiront plus de fâcheux effets, et que la grêle, entre autres, ne pourra plus se «former. »

Arago, dans sa notice de 1828, partage cette manière de voir, et se montre complétement incrédule à l'égard de l'efficacité des paragrèles formés de perches que de tous côtés on élevait dans les champs à cette époque.

Plus tard l'opinion du savant astronome semble s'être modifiée au su

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jet des moyens préservatifs des malheurs qu'occasionnent les orages : il est disposé à croire que les hommes parviendront à s'en procurer, car, dans une de ses plus belles notices, publiée dans l'Annuaire de 1858, se trouve le passage suivant (1) :

Je voudrais qu'on employât des aérostats captifs pour cette belle « et grande expérience; je voudrais qu'on les fit monter beaucoup plus haut que les cerfs-volants de Romas. Si en dépassant d'une « centaine de mètres la courbe atmosphérique où s'arrêtent ordinai. «rement les extrémités des paratonnerres, de petites aigrettes de« viennent des langues de feu de trois à quatre mètres de long, que « n'arriverait-il pas lorsque tout le système, suivant les circonstances, « s'étant élevé trois, quatre, dix fois plus, irait presque affleurer la surface inférieure des nuées; lorsque aussi, et cette particularité a « de l'importance, la pointe métallique soutirante qui serait en com"munication avec la longue corde demi métallique faisant les fonc tions de conducteur, étant fixée vers la partie supérieure du ballon, « se présenterait aux nuages à peu près verticalement ou dans la • position d'un paratonnerre ordinaire. Il n'y a rien de trop hasardé que, par ce systême, on parviendrait à faire avorter les plus forts « orages. En tous cas, une expérience qui intéresse si directement la « science et la richesse agricole du royaume mérite d'être tentée. Si l'on se servait de ballons de dimensions médiocres, la dépense " serait certainement inférieure à celle de tant de décharges de a boites, de canons que s'imposent aujourd'hui, sans aucun fruit, les pays vignobles. »

On doit sans doute, en lisant ces lignes, regretter vivement que cette idée, mise en avant par Arago, de faire, d'une manière suivie, des expériences au moyen de ballons captifs, n'ait pas été accueillie, et que les gouvernements n'aient pas consacré quelques sommes à couvrir les frais de ces belles expériences.

Les ballons captifs eussent servi à savoir si enfin, en enlevant aux nuages leur électricité, on leur enleverait aussi la faculté de produire de la grêle et si, en effet, on eût obtenu ce résultat, quelle étendue de

(1) Annuaire du bureau des longitudes de 1658, Notice sur le Tonuerre, page 570.

pays un de ces appareils eût préservé; car il est évident que si l'action ne s'étendait sur les campagnes qu'à des surfaces étroites, l'emploi deviendrait presque impraticable. Mais, pour prononcer, il fallait des expériences.

Dans son mémoire, M. Orliaguet propose, au lieu de l'emploi de ballons captifs, d'établir des lignes défendues par des paragréles de 100 mètres d'élévation qui fonctionneraient comme une chaîne de monticules garnis d'arbres (1).

Il est sans doute évident que quel que soit le moyen d'avoir, à une hauteur considérable, des pointes métalliques, soit qu'on dresse des mats, soit qu'on se serve de ballons captifs communiquant à la terre par des conducteurs, le résultat serait le même; mais M. Orliaguet semble croire que l'emploi des énormes mâts qu'il propose serait simple, car il dit (2):

« Il est bien facile de construire des paragrêles de 100 à 130 mè"tres de hauteur sur les points les plus élevés de la surface de la << terre. »

Il est vrai qu'il dit ailleurs que la dépense serait considérable (5), et, en effet, on pourra en juger quand on saura que le grand mát d'un vaisseau de guerre, qui n'a que 75 mètres de hauteur au dessus de la quille, coûte 10,000 fr,

Ainsi, quand il n'y aurait que la question de dépense, si seulement plusieurs paragrèles formés de tels mâts devaient être élevés sur le territoire d'une commune pour la préserver, il faudrait renoncer à leur usage.

Les ballons captifs d'Arago seraient, il me semble, bien préféra bles, car, comme il le dit, étant d'un petit volume, la dépense pour les acquérir ne serait pas énorme. En outre, la région où ils arriveraient serait bien plus élevée que celle à laquelle on atteindrait au moyen de mâts; et si, une fois gonflés d'hydrogène, on parvenait à les garder ainsi gonflés pendant de longues années, ils seraient, en bien peu de temps, lancés dans l'espace quand un orage serait sur le point d'éclater.

(1) Page 32. (2) Page 25. (3) Page 32.

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