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12. Et d'auitant que nous avons veu et apris que la plus véhé"mente cause qui retient lesdicts habitans en discord et dissensions, " et qui plus les peult émouvoir et troubler, est la suspition de "défiance que prennent les catholicques que les ministres de ladicte "religion qui viennent résider en leurs villes y facent lenr ministère "et exercice de leur religion contre les prohibitions et deffenses du roy, nous avons ordonné par provision, jusqu'à ce que par le roy " ou messieurs de son conseil ou aultrement en ayt esté ordonné, " que pour le bien et repos des habitans de ladicte ville et pays de « l'une et de l'aultre religion, tous ministres feront leurs habitations "ès lieux et endroicts où leur ministère et exercice de leur religion "est permis suyvant l'édict, et non ailleurs. Et pourront toutesfoys "aller et venir librement en tous lieux et endroicts de ce royaume "comme les aultres subjects du roy, et pourveu qu'ils n'y facent " demeure plus de vingt-quatre heures, sinon en toute nécessité "d'estre, et seront tenus admettre les officiers du roy et eschevins "des lieux, et qu'ils n'y facent auscun ministère ou exercice de leur « dicte religion, sur la peine portée par ledict édict.

13. Il est expressément deffendu à tous prebstres, religieux et "religieuses ou aultres personnes ayans fait profession monachale de contracter mariage, sur peine d'ètre punis comme perturba"teurs du repos public, sauf à ceulx qui prétendent leur profession " avoir été forcée ou aultrement invalidée, de se retirer au roy pour "leur estre pourveu selon les voyes de droict et de justice accou"tumées en ce royaulme.

14. Il est aussi enjoinct aux officiers de faire exécuter, garder et ❝ observer les édicts faicts sur le faict de blasphêmes, tavernes, caba«rets et jeux publics, et de les faire publier de nouveau ès lieux et "endroicts accoutumés à faire faire crys publics.

15. Inhibitions et deffenses sont faictes à ceulx de ladicte religion "se promener ou porter irrévéremment ès églises des catholicques "ou devant icelles, mesme lorsque le divin service s'y fera, leur enjoi. "gnant en outre de éviter aux scandalles et esmotions qui se pour"roient en suyvre; qu'estans èsdites églises ils portent tel honneur "et révérence au divin service et sacremens que font les catholic"ques, si mieulx ils n'ayment vuider et sortir hors lesdictes églises, « le tout sur peine d'estre punis comme perturbateurs du repos

■ publicq. Deffenses aussy sont faictes, sur les mêmes peines, d'em"pescher directement ou indirectement que le divin service ne se ■ face ès églises dudict bailliage et de ne troubler ou empescher les ecclésiasticques en la paisible jouissance et perception de leurs droicts, rentes, revenus et chevance; enjoignons à toutes person❝nes, de quelque qualité qu'elles soient, d'apporter et mettre entre les mains des abbés, prieurs, curés ou chanoines des lieux tous "meubles subjects à restitution par l'édict, ensemble les livres, terriers, titres, papiers, renseignemens et documens quelconques qui * appartiennent auxdicts ecclésiasticques ou qui concernent leurs droicts, pour leur estre promptement rendus et restitués, et à tous * qui les ont ou détiennent en la place où ils sont, qu'ils ayent à les ⚫ révéler et dénoncer à justice; le tout sur peine du quadruple et autres ⚫ peines arbitraires. Et à cet effect est permis auxdicts ecclésiastic#ques procéder par monition et censures, affin de révélation, sans aulcung excepter.

16. Il est enjoinct aux gouverneurs, capitaines et aultres ayans charge de souldarts ou mortes-payes, de ne les laisser vaguer " et courir le plat pays, et de les livrer aux mains de la justice quand ils auront forfaict ou délinqué, pour leur estre faict et parfaict leur "procès par les officiers des lieux, ainsy que les aultres subjects ☐ du roy.

☐ 17. Il est deffendu à toute personne tant de l'une que de l'aultre #religion de ne porter aulcunes armes à feu, tant par les villes que par les champs, et de ne porter armes ostensibles ès villes et faulxbourgs dudit bailliage, excepté que ceux qui sont connus pour gouverneurs et gardes desdites villes et places et comme minis* tres de l'Estat pourront porter toutes armes indifféremment tant aux champs que en la ville. Pourront aussi les gentilshommes et "gens d'ordonnance du roy et leurs serviteurs porter par lesdites ❝ villes et faulxbourgs leurs espées et dagues seulement, le tout sur "peine d'estre punis comme perturbateurs du repos publicq, le tout " par provision et jusques à ce que par le roy aultrement en ayt esté ❝ ordonné.

18. Il est ordonné aux maires, eschevins ou toutes aultres personnes ayant l'administration et gouvernement de ladicte ville " d'admettre ou recepvoir indifféremment, et sans distinction pour

raison de la religion, les habitans de ladicte ville aux conseils, déli"bérations, assemblées, estats, charges et fonctions publicques et de

ne surcharger et fouler d'aulcunes charges ordinaires ou extraor"dinaires les ungs plus que les aultres pour raison de ladicte reli"gion, ains imposer chascun selon la proportion de son bien et faculté, et ne devront ceulx de ladicte prétendue religion estre "compris ès charges que la ville aura imposées pour les despenses "passées. Mais contribueront à toutes celles que les roy imposera et " à celles des villes depuis ledict édict comme les catholicques, suyvant le 35me article dudict édict.

19. Il est enjoinct à tous vagabonds, sans art, métier ou moyen de gaigner leurs vies, de vuyder ladicte ville dans les vingt-quatre heures du jour de la publication du présent article. Si aulcun vient de nouveau habiter en ladicte ville, il lui est enjoinct de prendre lettres de bourgeoisie des maire et eschevins d'icelle ville, ou se faire inscrire ès matricules des registres de l'hostel commung de de ladicte ville dedans huitaine à compter du jour qu'il y viendra « habiter; et pareillement sont les artisans et aultres tenans bou"tique en ladicte ville et faulxbourgs tenus de venir déclarer aux

dicts maire et eschevins le premier jour de chascun moys les noms de leurs apprentis et serviteurs et se rendre responsables de tous « leurs faicts, et faire ouvrer et travailler leurs dicts apprentis et serviteurs en leurs ouvroirs et boutiques et non ailleurs, le tout "sur peine d'amende arbitraire. "

Telle était cette charte des huguenots de la Champagne et de la Bourgogne. Et il faut reconnaître que, sauf peut-être les articles relatifs aux écoles, aux ministres et aux mariages, qui pouvaient paraître contraires au traité, elle réalisait d'une manière satisfaisante les promesses de l'édit de pacification. Les dix-huit mois qui suivirent furent en effet une période de calme absolu, du moins dans notre contrée. Pendant ce temps, la confiance que le roi avait paru rendre à l'amiral s'était accrue de manière à offrir toutes les apparences d'une franche affection. Ses projets de guerre exté

rieure semblaient de plus en plus goûtés par Charles IX qui en préparait l'exécution. La reine de Navarre était aussi rentrée en faveur, et le roi avait résolu de marier avec le jeune prince Henri sa sœur Marguerite. La reine mourut avant d'avoir vu cette union, qui fut célébrée le 18 août 1572. Cependant Catherine de Médicis, jalouse jusqu'à la fureur de l'ascendant qu'avait conquis sur le roi l'amiral qu'elle appelait ironiquement « le second roi de France, » se lia d'une nouvelle intimité avec les Guise et recourut aux dernières extrémités pour ressaisir le crédit sans limite qu'elle avait eu sur l'esprit de son fils. Les symptômes de cette réconciliation frappèrent l'esprit de beauconp de chefs protestants que l'on s'était efforcé d'attirer et de retenir à la cour pour les fêtes du mariage. Louis Blosset, l'ancien commandant de Vézelay, fut désabusé l'un des premiers. Il se résolut à partir, et, en allant prendre congé de l'amiral, il lui dit que, malgré les belles démonstrations dont ils étaient l'objet, il ne faisait pas bon pour eux dans ce pays; qu'il était, quant à lui, bien décidé à le quitter sur-le-champ et que, si l'amiral suivait son exemple, il ferait beaucoup mieux pour son parti et pour lui-même (1). Coligny ne le crut pas et resta. Quelques jours après, Maurevert, agent des Guise, lui tirait dans la rue un coup d'arquebuse qui lui fracassait le bras, et deux jours après éclatait l'infernal complot de la Saint-Barthélemy, combiné par la reine-mère, le duc d'Anjou et les Guise, et auquel Charles IX avait adhéré la veille, passant le dernier jour, avec la violence et la dissimulation qui était le fond de son caractère, de la confiance amicale qu'il avait montrée

(1) Mémoires de Lestoile, t. II, de l'éd. de Michaut et Poujoulat, p. 25.

aux huguenots à une ardente et sanguinaire fureur. Parmi les milliers de gentilshommes protestants qui périrent dans cette affreuse journée, se trouvaient le capitaine Armand de Piles, qui avait pris d'assaut et saccagé en 1567 nos bourgs de Pont-sur-Yonne et d'Irancy, et défendu avec tant d'énergie la ville de Saint-Jean-d'Angély après la bataille de Montcontour; « il était logé au Louvre et lança au balcon du <«<roi un cri foudroyant, le sommant de sa parole. Charles IX << se tut (1). » Marraffin de Guerchy, l'ancien gouverneur d'Auxerre et de La Charité, dont nous avons eu tant de fois l'occasion de citer le nom, y fut aussi assassiné. L'amiral l'avait récemment nommé lieutenant de sa compagnie de gens d'armes; le jour du coup d'arquebuse de Maurevert, Marraffin se trouvait à la droite de son illustre général, et dans cette nuit lamentable de la Saint-Barthélemy il était à l'hôtel de Coligny, où il avait obtenu la permission de passer la nuit; se voyant surpris par les meurtriers, sans avoir le temps de se reconnaître, il s'enveloppa le bras de son manteau, mit l'épée à la main et se défendit longtemps contre eux, sans en tuer pourtant aucun, parce qu'ils étaient tous cuirassés. Enfin il fut accablé par le nombre (2). Il avait acquis assez de renom de bravoure et d'habileté, pour que Voltaire ait cru devoir consacrer son nom dans la Henriade.

Et vous, brave Guerchy, vous, sage Lavardin,
Dignes de plus de vie et d'un autre destin!

Briquemaut, qui avait défendu La Charité avec Marraffin de Guerchy, et Vézelay avec Blosset, échappa le premier jour

(1) MICHELET, Guerres de Religion, p. 453.

(2) DE THOU, liv. LII. Notice de M. Ravin sur le bourg de Guerchy, Annuaire de l'Yonne de 1837.

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