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princesse de Condé, on demandait qu'elle justifiât régulièrement de ses droits. Mais les archives de cette terre ayant

mille de Condé, les restes du prince tué à Jarnac, qui, d'abord, avaient été déposés dans l'église collégiale de Saint-Georges de Vendôme, furent portés et inhumés dans cette résidence. La tradition avait seule conservé le souvenir de cette translation qu'aucune inscription tumulaire, aucun témoignage extérieur ne constataient, et dont rien ne peut préciser la date. Ils y ont été retrouvés en 1857, lors de la démolition d'une sacristie attenant à l'église dans laquelle ont été inhumés ses descendants, et où le génie du grand sculpteur Jacques Sarrazin a élevé un si admirable monument au prince Henri II, père du grand Condé. Ils étaient contenus dans une boîte de plomb, qui, au lieu de la forme d'un cercueil, offrait celle d'un corps d'homme. C'est ainsi qu'autrefois les reliques des saints qui consistaient dans un crâne ou dans les os d'un bras étaient enfermés dans un buste ou dans un bras de métal. Cette enveloppe de plomb présentait un dos d'une voussure, ou, pour être plus exact, d'une gibbosité très prononcée. Le corps y était complet, et il s'y trouvait aussi une boîte du même métal contenant les entrailles et le cœur; le tout mêlé de sachets de parfums encore très-odorants. La colonne vertébrale présentait de fortes déviations. Ainsi, il était constaté que ce prince d'un si grand cœur, d'un cœur de lion, dit La Noue, et que les mémoires contemporains représentent comme si séduisant dans sa figure et son humeur, « ce petit homme tant joli, » était fortement con. trefait. Ses restes furent replacés dans un petit caveau creusé sous la sacristie nouvelle et à la même place. Un procès-verbal que nous donnerons dans les Pièces justificatives constata la découverte et la réinhumation. On mit sur la face intérieure du mur de la sacristie une pierre portant l'écu du prince, surmonté d'une couronne, avec cette inscription, qui, selon Desormeaux (Hist. de lamaison de Bourbon, t. I, p. 74, se trouvait d'abord à Vendôme :

L'an Mccccc et LXVIII, dv mois de mars le x111o, auquel jôr fust la bataille de Jarnac, après laquelle dicle bataille fvst ivé, se estant rendv sur parole, très havt, très puissant, très magnanime seigneur Lovis de Bourbon Condé, premier prince de Condé, marqvis de

été brulées, elle ne pouvait produire ses titres, et il s'écoula plus de vingt-cinq ans avant qu'elle n'obtint satisfaction. Les protestants d'Entrains, au nombre de cinquante chefs de famille, se plaignaient des vengeances sanglantes et des excès en tout genre de la troupe que l'on avait envoyée en garnison dans leur ville. Le roi promettait de faire droit à ces divers griefs. Pour faire revenir à la cour les chefs du parti, il montrait de la facilité à leur accorder certaines concessions personnelles. Parmi ces faveurs il en était une qui désobligeait vivement le cardinal Nicolas de Pellevé, archevêque de Sens, et d'autres prélats de cour qui, dès le commencement de cette dernière guerre, avaient obtenu de se partager les bénéfices que possédait le cardinal Odet de Châtillon, mort depuis peu en Angleterre. Ils durent rendre ces riches abbayes à de nouveaux titulaires qui, si l'on en croit Cl. Haton, n'étaient que les prête-noms de l'amiral de Coligny el du maréchal de Montmorency, qui s'en appropriaient les revenus. Il parait pourtant que cette libéralité que faisait le roi à l'amiral de Coligny, du revenu des bénéfices de son frère, n'était que pour un an et à titre de dédommagement du saccagement du château de Châtillon-sur-Loing, qui avait été pillé et ruiné pendant la guerre. Mais tels étaient alors les abus du régime en commende, que les, familles puissantes, dont les membres avaient reçu des abbayes, s'en considéraient presque comme propriétaires, ou, qu'en tous cas, ces bénéfices n'étaient plus considérés que comme des domaines civils, dont le roi disposait selon le gré de sa poli

Conti, comle de Soissons, etc., elc., elc. Lequel prince estoit né le 1111* jór dv mois de mai de l'an de grâce #ccccc el xxx. Ici est déposé son corps. Dieu à son âme fasse merci.

tique, en dehors de toute considération religieuse, et pour distribuer ses largesses sans grever le trésor royal. Les simples gentilshommes du parti protestant, en retournant chez eux, avaient souvent trouvé leurs châteaux envahis, à la faveur de la guerre, par des possesseurs qui refusaient de les rendre. C'étaient partout des débats aussi multipliés qu'interminables. Ainsi Marraffin de Guerchy avait voulu rentrer dans son château d'Avigneau. Mais il n'avait plus trouvé sa femme qui était morte, et la fille que celle-ci avait eue d'un précédent mariage était devenue la conquête à main armée d'un gentilhomme catholique appelé de la Bussière, seigneur de la Bruyère, qui par contrainte et sans l'aveu de ses parents, l'avait forcée de l'épouser, pour s'emparer de la terre et du château. Le capitaine huguenot, tout redoutable qu'il était, fut forcé de transigér sur ses droits. L'acte que dressa à ce sujet un notaire d'Auxerre contient de curieux détails de mœurs. On le trouvera dans les Pièces justificatives dont nous ferons suivre cette Histoire.

CHAPITRE X.

1571. CHARTE DES PROTESTANTS DE BOURGOGNE ET DE CHAMPAGNE. - 1572. MASSACRE DE LA SAINT-BARTHÉLEMY. MORT DE MARRAFFIN DE GUERCHY. INCURSIONS ET BRIGANDAGES DES CONFRÉRIES. JACQUES CREUX ET LAPRIME DE CRAVANT. LES PIEDS NUS DE SENS. ABJURATIONS A SENS ET A AUXERRE. FUITE DE CEUX QUI REFUSENT D'ABJURER. - 1573

1874. SIÈGES DE LA ROCHELLE ET SANCERRE. TRAITÉ DE LA ROCHELLE. ALLIANCE DES PROTESTANTS AVEC LES POLITIQUES. MORT DE

CHARLES IX. 1575. NOUVELLE PRISE D'ARMES SOUS LE COMMANDEMENT DU DUC D'Alençon. LA NOBLESSE DEVENUE ODIEUSE AU PEUPLE

DES CAMPAGNES.

La situation des protestants n'était pas encore bien assurée, et, en février et mars 1574, il y eut des massacres à Rouen et à Orange. Le parti modéré, qui était principalement représenté par les fils du connétable de Montmorency, semblait reprendre faveur auprès du roi, et les princes lorrains perdaient visiblement de leur crédit. Charles IX paraissait écouter avec intérêt l'amiral de Coligny, qui lui proposait d'éteindre les dissensions en France, en tournant toutes les forces vives du pays, tant dans une guerre des Pays-Bas contre l'Espagne que dans des expéditions de découvertes et d'établissements au-delà des mers. Les symptômes de dispositions meilleures apparurent dans notre contrée par la mission qui fut donnée à deux maîtres des requêtes, Charles

Lamoignon et Nicolas Potier de Grandmesnil, d'y faire exécuter l'édit de pacification. Les territoires sur lesquels devait s'exercer leur commission comprenaient la Champagne, la Bourgogne, l'Auvergne et la haute et basse Marche du Bourbonnais.

Ils étaient au mois d'avril à Sens et, après avoir entendu, dans une enquête officielle, les maire et échevins de cette ville et quelques habitants appartenant tant à la religion catholique qu'au culte réformé, ils y publiaient, le 10 de ce mois, pour Sens et le ressort de son bailliage, une ordonnance en 19 articles, destinée à assurer à la fois la liberté de conscience, le maintien de l'ordre et la sûreté des personnes et des propriétés (1). Le surlendemain 12 avril une seconde ordonnance était par eux rendue, avec les mêmes formes et dans les mêmes termes, pour le bailliage de Tonnerre (2). Il est probable qu'il en fut édicté par eux de semblables pour les bailliages d'Auxerre et d'Avallon, quoiqu'elles n'aient point été conservées dans les archives de ces deux villes.

Le texte de ce document est assez intéressant pour mériter d'être transcrit littéralement.

"Sur lez requestes et remonstrances à nous faictes par les maire, "eschevins et habitans de la ville de. . . . ., tant de l'une que 14 de l'aultre religion, avons, pour le bien du repos publicq et affin "d'obvier aux troubles et dissensions qui se pourroient esmouvoir " entre eulx, et pour les tenir en paix soubz l'obéissance du roy en "l'observance de ses édictz, ordonné et ordonnons, soubz le bon "plaisir du roy et de messieurs de son conseil, ce qui s'ensuyt:

Premièrement uous avons faict expresses inhibitions et deffenses à toutes personnes de ne s'attaquer, injurier, ne provoquer par

(1) Archives de Sens. Notes manuscrites du docteur Crou.

(2) Archives de Tonnerre. Copic communiquée par M. Le Maistre.

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