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de maladie, être transférés à la Conciergerie, le 6 octobre, avec leurs compagnons; ils restèrent l'un et l'autre au Luxembourg.

Voici d'abord l'entrée de Sillery dans cette prison :

<< Du 17 août 1793, 2o de la République.

« Le citoyen Sillery, député, a été transféré des prisons de l'Abbaye en celle du Luxembourg pour y être tenu en arrestation, tel qu'il était à l'Abbaye, par ordre du Comité de sûreté générale, pour sûreté générale de police, et ordre de lui laisser voir toutes les personnes qui le demanderaient, n'étant point au secret. L'ordre du transférement, envoyé le 11 du présent, n'a pu être mis en exécution, attendu que le malade n'était point en état de soutenir le transférement.

« Signé : DELAVAQUERIE,

« Greffier concierge 1. »

Voici ensuite l'entrée et l'écrou de Lasource:

« Du 19 août 1793, 2o de la République.

<< Le citoyen Lasource, député à la Convention nationale, a été écroué en prison d'arrêt, en vertu d'un décret de la Convention nationale du 24 juin

1 Registre d'écrou du Luxembourg, du 26 juillet 1793 au 30 mai 1794, p. 3. (Archives de la Préfecture de police.)

1793, et transféré par ordre de l'administration de police, par le citoyen Deffaut, officier de paix.

« Signé : FROIDURE et JOBERT 1. »

Combien de temps Sillery et Lasource restèrentils au Luxembourg? Il n'est pas douteux que Sillery et Lasource restèrent au Luxembourg jusqu'au 10 brumaire,-31 octobre,-jour de leur exécution.

Premièrement, voici la preuve que Sillery ne fut pas transféré à la Conciergerie pendant le procès : c'est son écrou régulier sur le registre du Luxembourg, à la date du 7 octobre:

<« Le citoyen Sillery, prévenu de conspiration contre l'unité et l'indivisibilité de la République, a été écroué et recommandé provisoirement sur le présent registre, à la requête du citoyen accusateur public du tribunal révolutionnaire, lequel fait élection de domicile en son parquet, sis audit tribunal au Palais, en vertu d'un jugement dudit tribunal, en date du 4 du présent mois, dùment en forme, pour par ledit Sillery rester en cette maison, comme en maison de justice, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné par ledit tribunal. Le présent écrou fait, attendu l'état de maladie où se trouve ledit citoyen Sillery, qui ne lui permet pas d'être transféré

1 Registre d'écrou du Luxembourg, du 26 juillet 1793 au 30 mai 1794, p. 2. Archives de la Préfecture de police.)

à la Conciergerie, ainsi que le porte ledit jugement, et avons laissé ledit citoyen Sillery à la garde du citoyen Benoist, concierge de ladite maison, pour le représenter quand il en sera requis comme dépositaire judiciaire; et avons audit Sillery, en parlant à sa personne, trouvée dans une chambre de ladite maison donnant sur le jardin, où nous avons été introduit par ledit citoyen Benoist, laissé copie du décret d'accusation, dudit jugement et du présent.

« Fait par nous, huissier dudit tribunal révolutionnaire, soussigné, ce sept octobre 1793, l'an 2o de la République une et indivisible.

« Signé: HAPPIER '. »

Enfin le 10 brumaire, - 31 octobre, sur quel registre d'écrou voit-on l'huissier du tribunal révolutionnaire transcrire le procès-verbal d'exécution, pour servir au concierge de décharge de la personne des deux condamnés ? C'est encore sur le registre d'écrou du Luxembourg, non ailleurs, que l'écrou de Sillery et de Lasource est levé, ainsi que le constate la déclaration suivante, relative à Sillery, qui se trouve également et dans les mêmes termes en marge de l'écrou de Lasource.

« Du 10° jour du 2° mois de l'an second de la République une et indivisible.

Registre d'écrou du Luxembourg, du 26 juillet 1793 au 30 mai 1794, p. 3. (Archives de la Préfecture de police.ì

« Le nommé Bruslard, ci-devant Sillery, extrait le jour d'hier de cette maison d'arrêt en vertu d'un mandat signé Herman, président, a été conduit ce jourd'hui sur la place de la Révolution, en vertu d'un jugement rendu par le tribunal révolutionnaire, en date du jourd'hui, dûment signé, qui le condamne à la peine de mort, à la requête du citoyen accusateur public dudit tribunal, où il a subi ladite peine en notre présence. Fait par nous, huissier-audiencier dudit tribunal, soussigné, lesdits jour et an que dessus.

«Signé HAPPIER 1. »

Quant au mandat signé Herman, en date du 9 brumaire, qui extrait Sillery et Lasource, ce ne pouvait être que l'ordre donné à la suite de la condamnation pour extraire et non l'extraction ellemême; car on voit, par le procès-verbal d'exécution, que la décharge est donnée au concierge le 10 brumaire, jour de l'exécution, tandis qu'elle eût été évidemment donnée le 9, au moment même de l'extraction, si Lasource et Sillery avaient quitté la prison ce jour-là.

Ajoutons d'ailleurs que Lasource et Sillery, s'ils avaient quitté la prison du Luxembourg le 9 brumaire, n'auraient pu être conduits qu'à la Concier

Registre d'écrou du Luxembourg, du 26 juillet 1793 au 30 mai 1794, p. 3. Archives de la Prefecture de police.

gerie, où ils auraient été écroués: or, ni le registre des entrées provisoires, ni le registre d'écrou de la Conciergerie, ne portent, comme on peut aisément s'en convaincre, aucune trace de l'entrée de Sillery et de Lasource dans cette prison.

VII

Ainsi, on voit clairement, par l'examen des registres d'écrou des prisons, que la base sur laquelle repose la tradition du Dernier Banquet des Girondins s'écroule tout entière.

D'abord, l'invisible et le romanesque Bailleul, ordonnant un festin et y présidant du fond de son asile et de sa proscription, se réduit en réalité au malheureux Bailleul, écroué à la Conciergerie, accusé de conspiration, attendant l'appel de Fouquier-Tinville, sans relations au dehors, sans crédit, sans argent, car le geôlier était le dépositaire de toutes les valeurs des détenus.

Ensuite, Sillery et Lasource, deux des orateurs dont la légende raconte les prouesses durant le banquet, ne sont pas sortis de la prison du Luxembourg, et, en tout cas, ne sont pas entrés à la prison de la Conciergerie.

Des faits authentiques et irrécusables établissent

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