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tous; le régime départementaire a quelque chose de dur, de despotique; il s'adapte moins aux localités et aux circonstances; les municipalités sont particulièrement influencées par l'esprit de cité; les Départements sont influencés par l'esprit de la cour. Le propre des corps supérieurs est de dominer, et l'habitude de la domination corrompt insensiblement les hommes et les rend impérieux.

« Je ne parle pas de la décision du roi. Le Département lui avait rendu un bon office en me suspendant; le roi en rend un à son tour en venant à son appui. Le Département, dans toutes ses démarches, a toujours montré un accord si parfait avec les vues de la cour, que ce concert de volontés, dans la circonstance, n'a rien qui doive surprendre, et je ne puis que m'honorer de cette décision'. »

Pour un événement aussi décisif, les Girondins avaient bien composé les tribunes, qui étaient, depuis quatre ans, une partie considérable du pouvoir législatif; aussi, Petion, invité aux honneurs de la séance, fut-il accueilli avec enthousiasme. « Des acclamations réitérées de: Vive Petion! vive notre ami Petion! s'élèvent, dit le Moniteur, de toutes les tribunes. >>

Qu'allait faire l'Assemblée? En temps ordinaire,

1 Moniteur du 15 juillet 1792.

2 Ibid.

et avec des hommes sensés, Petion aurait rendu la tâche du Corps législatif fort difficile, car son discours était une attaque violente contre l'existence constitutionnelle des administrations de départements, et une diffamation audacieuse contre le Conseil général du département de Paris et contre le roi.. Admettre et sanctionner, par une décision favorable, les termes de cette diatribe scandaleuse, c'était déclarer avec son auteur, que les administrations de départements devaient être supprimées comme ennemies du peuple, et que l'administration de Paris et le roi s'étaient rendu un mutuel office, dans l'intérêt de leur vengeance privée; c'était dire enfin, comme Petion et avec lui, que la mesure sévère dont il venait d'être atteint était honorable pour lui.

Cependant, quelque téméraire et coupable que fût ce parti, parce qu'il souillait l'autorité royale, l'Assemblée, avec ses passions et sa complicité dans l'émeute, ne pouvait pas hésiter à le prendre. Muraire fut chargé, pour la forme, de faire un rapport au nom de la commission des Douze, à la séance du lendemain; et, en attendant ce rapport, l'Assemblée, lancée dans l'absurde, fulmina l'interdiction des fonctions décernées par le pouvoir exécutif, contre les citoyens portés aux administrations de départements. Roederer lui-même, qui ne s'y était pas attendu, fournit des armes aux factieux; et Brissot vint lire son rapport pour établir l'innocence de Petion.

Toutes ces précautions étaient du luxe; le parti de l'Assemblée était parfaitement pris.

D'ailleurs, le temps pressait; le lendemain était la fête de la Fédération, et Petion était indispensable à la cérémonie du Champ-de-Mars.

Après une discussion abrégée par les huées des tribunes, l'Assemblée leva, le 13 juillet, la suspension du maire et du procureur de la Commune de Paris'.

1 Moniteur du 17 juillet 1792.

LIVRE NEUVIÈME

ARRIVÉE DES FÉDÉRÉS.

Origine des Fédérés.-Le fédéralisme des Girondins.-Plans de Roland et de Barbaroux. Les Fédérés marseillais. - Ce qu'ils étaient.-Leur arrivée à Paris, leurs excès. Fournier l'Américain.-Hymnes révolutionnaires.- Le Ça ira.-Lettre inédite de Ladré, auteur du Ça ira. Le Veillons au salut de l'Empire, de Boy.-La Marseillaise.-Comment ce chant, fait à Strasbourg, arriva à Paris par Marseille. La Carmagnole. — Le Réveil du peuple.

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I

On sait quelle fut l'origine des Fédérés de 1792, qui devinrent l'instrument à l'aide duquel les Girondins détruisirent la monarchie.

Le 4 juin 1792, le ministre de la guerre Servan, l'ami intime et le confident de Roland, prit sur lui, sans avoir consulté ni le roi, ni ses collègues, de proposer à l'Assemblée législative de former sous Paris un camp d'à peu près 20,000 hommes, à l'aide d'environ cinq gardes nationaux équipés aux frais de chaque canton; et de les réunir pour fêter la Fédé

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