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VII

Cinq griefs ou cinq prétextes étaient mis en avant par les Montagnards pour égorger les vaincus du 31 mai 1793, indépendamment des conspirations banales, qui étaient comme la ritournelle obligée de tous les actes d'accusation à cette époque.

On reprochait aux Girondins d'avoir voté une force départementale pour opprimer la ville de Paris;-d'avoir dirigé et exagéré les opérations de la commission des Douze, chargée de poursuivre les conspirateurs;-d'avoir fait un crime à Pache, maire de Paris, de la fermeture des barrières, le 2 juin;— enfin d'avoir attaqué la municipalité insurrectionnelle du 31 mai, et de n'avoir pas aimé Marat. C'étaient là les crimes, et les plus grands, pour lesquels on montait à l'échafaud, sous le régime de la Terreur.

Eh bien ! la plupart des Girondins vont s'inscrire en faux contre ces accusations, et déclarer qu'ils ont repoussé la garde départementale, blâmé la commission des Douze, approuvé Pache, vanté la Commune insurrectionnelle et défendu Marat!

C'est vers la fin de septembre 1792, lorsqu'ils eurent vu que les fruits du crime du 10 août étaient

cueillis par d'autres; que la monarchie, dont ils n'avaient voulu qu'être les ministres, était abattue, et que les révolutionnaires de Paris, dont ils avaient cherché à se faire des auxiliaires, étaient devenus leurs maîtres, que les Girondins se virent clairement perdus, s'ils ne parvenaient pas à maîtriser les forces insurrectionnelles des faubourgs, les Jacobins et la Commune. Une garde de vingt-quatre mille hommes, fournie par les quatre-vingt-trois départements, leur parut être un moyen sûr de maintenir Paris. Lanjuinais la proposa le 3 octobre, et, le principe une fois voté, Buzot présenta le rapport sur son organisation cinq jours après '.

Comme on le pense bien, les révolutionnaires de Paris voyaient aussi clair que les Girondins dans cette question; les pétitions des clubs et des faubourgs y mirent bon ordre; et la garde départementale fut dissoute le 12 août 1793, avant d'avoir été complétement organisée 2.

Ce fut donc là le premier grief élevé contre les Girondins. Or, voici, sur la déposition de Pache, les réponses de trois des principaux accusés :

- Vergniaud: « Le témoin dit que la faction avait voté pour l'établissement de la force départementale, et il en a tiré la conséquence qu'elle voulait fédéraliser la république. Ceci s'adresse à tous les

1 Moniteur du 7 et du 9 octobre 1792.

2 Moniteur du 14 août 1793.

accusés. Les uns ont voté pour cette force, les autres contre, et j'étais de ce nombre. Ainsi ce fait ne peut m'être imputé1. »

Carra : « ... Quant à la force départementale, mon opinion était contraire à cette proposition; on peut s'en assurer en visitant les journaux. Ainsi ce que dit le témoin ne me regarde nullement. »

-- Fonfrède : « Quant à la déposition du témoin, je répondrai que je n'ai point été d'avis de la garde départementale. Au contraire, c'est moi qui ai voté pour que deux bataillons, qui venaient sur Paris, fussent tenus de retourner vers les côtes maritimes 3.»

Ainsi, au sujet de la mesure capitale imaginée par les Girondins pour résister à la tyrannie des clubs, de la Commune et des faubourgs de Paris, voilà trois d'entre eux, et des plus influents, qui la répudient et qui la blâment.

VIII

Les grands philosophes qui s'emparèrent, en 1789, du gouvernement de la France crurent faire merveille en substituant à l'action du pouvoir central et moteur une broussaille de comités et de commissions de tout genre. La commission extraordinaire des

↑ Bulum in Trinnal rena"arzunare parte n. 40 p. 162.

Douze était un effet de ce morcellement du pouvoir, et elle avait pour objet de surveiller et de poursuivre les conspirateurs. Avertie, à ne pouvoir pas s'y tromper, qu'Hébert, Dobsen et Varlet étaient à la tête d'une vaste conspiration organisée à l'Archevêché, qui se proposait de changer la Commune du 10 août, pourtant fort démocratique, et de décimer la Convention, la commission des Douze les fit arrêter et conduire à l'Abbaye, dans la nuit du 24 au 25 mai 1793. On sait qu'Hébert, Dobsen et Varlet furent délivrés et portés en triomphe à la Commune, dans la nuit du 27 au 28; et une émeute formidable, organisée par Danton, fit supprimer, le 31 mai, la commission des Douze, dont les opérations furent le deuxième grief élevé contre les Girondins, qui en formaient la majorité.

Sur la déposition de Pache, disant que la commission des Douze, créée sur la proposition de Guadet, contrairement à tous les principes, était l'œuvre de la faction girondine, voici les explications de Fonfrède, de Vigée et de Boileau :

Fonfrède : « Mon opinion sur les arrestations n'était pas conforme à celle de mes collègues, et la Convention nationale m'en a su gré dans le temps, puisqu'elle m'exempta du décret d'arrestation prononcé contre eux1. »

Bulletin du Tribunal révolutionnaire, 2e partie, n. 41, p. 103.

Vigée « Si l'établissement de la commission

des Douze est le résultat d'une intrigue, elle m'était absolument étrangère'. »

-Boileau: « Si l'établissement de la commission des Douze est la suite d'un complot, il paraît que les meneurs ne m'en ont nommé membre que pour inspirer de la confiance 2. >>

La fermeture des barrières de Paris était l'accompagnement obligé de toutes les grandes mesures révolutionnaires. On les ferma le 10 août, le 2 septembre et le 31 mai. C'était un moyen d'arrêter plus sûrement les gens dont on voulait la bourse ou la vie, et il est à noter que cette mesure fut toujours l'œuvre de la Commune. C'est spécialement contre les Girondins qu'elle fut prise, le 31 mai; et, à ce titre, Guadet et Gensonné la blåmèrent vivement, au sein du Comité de sûreté générale; mais on va voir que, sur ce point comme sur les autres, il n'y avait aucune sorte d'unité dans les idées de la Gironde.

- Gensonné: « J'ai appartenu au Comité de sûreté générale, et je m'y trouvai le jour où la Commune avait fait fermer les barrières de Paris. Je dis au maire, qui y vint: Cette mesure est contraire aux lois, et je vous conseille de faire ouvrir les barrières le plus tôt possible. Je fus présent à la sortie violente de Guadet; mais Pache ayant observé que ce n'était

1 Bulletin du Tribunal révolutionnaire, n. 41, p. 162. Ibid., n. 41, p. 164.

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