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me de ceux qui les gouvernoient fe fût toujours agrandie de même, le bon ufage de ce droit devoit fe trouver de jour en jour plus difficile. Les princes dont les fujets, & non les lumieres, alloient en fe multipliant, devoient trouver de jour en jour moins praticable, d'entrer avec bonté justice & raison, dans cette administration détaillée, qui defcendant jufques aux affaires domeftiques des peuples, devient la plus dure des dominations, lorfqu'elle n'eft pas la plus éclairée : les princes enfin, dans cet état des chofes, ne pouvoient plus, pour tout dire en un mot, ufer, en vérité, de ce droit, qu'en aveugles ou en barbares. Henri, fils & vicaire de l'empereur Frédéric II, s'en relâcha, l'an 1223, en faveur des bourgeois de Francfort.

Le gouvernement de Francfort eft arifto-démocratique ; il eft entre les mains d'un advoyer (Schultheifs) de 4 fyndics, & de 3 bancs de magiftrats. Le premier banc eft celui des échevins; le fecond celui des fénateurs; & le troifieme celui des confeillers que fe choififfent les corps de métiers de la ville. Les finances & la police font régies par celui-ci, & les affaires de plus grande importance, celles qui ont pour objets le foutien de l'Etat, fa correfpondance & fes droits, le font par les deux premiers, defquels on tire auffi chaque année les deux bourguemeftres. En fait de judicature, les causes civiles font portées au banc des échevins & aux fyndics; & les eccléfiaftiques, au confiftoire, compofé de deux échevins, de trois pafteurs, & de deux docteurs en droit. L'an 1743, un diplôme impérial donna pour toujours le caractere de confeillers de l'empereur, à l'advoyer, au doyen des fyndics, & aux fept plus anciens échevins de Francfort.

La religion luthérienne domine dans cette ville; tous fes magiftrats & les officiers municipaux la profeffent, & l'on y compte pour cet effet, fept églifes, plufieurs chapelles, & diverfes fondations pieufes, où s'entretiennent dans le célibat des filles de bonne naiffance & de mauvaise fortune. Les catholiques de leur côté y poffedent auffi un certain nombre d'églises, & entr'autres celle de S. Barthelemi, dont la chapelle eft proprement le lieu facré où fe fait l'élection des empereurs; ils y ont de plus des couvens de divers ordres, & toutes leurs paroiffes font du diocese de Mayence. Les réformés & les Juifs y font tolérés; une fynagogue n'y eft même pas refufée à ceux-ci, qui d'ailleurs habitent une rue féparée, & font ab folument dépendans de la magiftrature de la ville; mais le culte public eft interdit à ceux-là, pour n'y avoir pas exifté lors de la paix de Weftphalie, & c'eft à Bockenheim, bourg du pays de Hanau, à une lieue de Francfort, qu'ils vont y vaquer l'on dit au refte en commun proverbe, qu'à Francfort les luthériens gouvernent, les catholiques prient, & les réfor més s'enrichiffent.

Les établissemens publics de cette ville font nombreux & en bon ordre; ils confiftent en arsenaux, manege, féminaire, gymnafe, bibliothe

que, hôpitaux, & maifons de force, d'orphelins & de charité. Il y a auffi des établissemens particuliers très-confidérables, comme fabriques & manufactures de foies, de porcelaine & de tabac; & il s'y fait entr'autres un trafic immense de livres, fes deux foires annuelles lui donnant à cet égard & à plufieurs autres toute la réputation poffible.

Francfort tient fur pied neuf compagnies de foldats; deux, à titre de garnifon, & fept, à titre de contingent pour le cercle dont cette ville eft membre. Ce cercle, depuis la fin du fiecle dernier, y convoque fes affemblées ordinaires; & comme il a été dit à l'article CHAMBRE IMPÉRIALE, Francfort fut Francfort fut, en 1495, le lieu du premier fiege de ce tribu

nal fuprême.

Entr'autres favans & artiftes dont la naissance fait honneur à cette ville ; on nomme le théologien Schudt, & les peintres Jean Lingelbach, Abram Mignon & Marie-Sibille Mérian: l'on nomme auffi comme ayant été paffagérement citoyens de Francfort, deux des hommes de nos jours dont la poftérité parlera le plus, à cause du rang & des malheurs de l'un, & à cause du génie & des chagrins de l'autre ; le premier eft l'empereur Charles VII mort dans cette ville, l'an 1745, dépouillé de fes Etats; & le fecond M. de Voltaire, qui de la part du roi de Pruffe, y fut arrêté & fouillé l'an 1753, Long, 26. 6. 36. lat. 49. 53.

FRANCFORT SUR L'ODER, Ville d'Allemagne. CETTE ville eft dans le cercle de la haute Saxe, & dans le marquifat de Brandebourg, au diftrict de Lebus, dont elle eft le lieu principal, occupant d'ailleurs la feptieme place, dans l'ordre des villes de la province, appellée la Moyenne Marche. Elle eft habitée de luthériens & de réfor més, & renferme deux églifes & une école à l'ufage de ceux-là, & une églife & une école à l'ufage de ceux-ci : elle comprend de plus deux fauxbourgs, qui ont chacun auffi leur églife; & l'on voit encore dans fon voi finage les traces d'un fort, jadis élevé pour fa défense. C'eft aujourd'hui une ville ouverte, dont l'enceinte eft médiocre, la population pareille, & l'antiquité fort grande. Sur la foi de l'abbé Tritheme, annalifte du XV. fiecle, on la dit fondée par les Francs dans le milieu du fecond, & d'après d'autres chroniques plus fûres, on la croit rebâtie ou agrandie dans le XIIIe. par des princes de la maifon d'Anhalt, qui régnoient alors dans le pays. L'on fait auffi que depuis plus de 500 ans, l'on y tient des foires annuelles, connues fur-tout des Saxons, des Bohémiens, des Siléfiens, des Hongrois & des Polonois.

Cette ville a pour environs des côteaux fort rians, & dont quelquesuns même ne fe refusent pas à la vigne; & elle a pour avantage très

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prochain & très-considérable, le cours de l'Oder qui la baigne, & qui, navigable au-deffus comme au-deffous de fes murs, en facilite beaucoup le commerce auffi fut-elle autrefois comptée parmi les anféatiques, & déjà dans le XIII. fiecle elle jouiffoit de l'étape. Quelques-uns prétendent auffi qu'elle fut du nombre des impériales; mais cet honneur ne lui est pas mieux affuré, que celui d'avoir été affiégée, & de n'avoir pû être prise, en 1348, par quinze princes de l'empire, commandés, dit-on, par l'empereur Charles IV, en perfonne. Cet empereur ne fut jamais grand guerrier, & l'on n'ignore pas qu'à cette époque, il eut moins recours aux armes qu'aux largeffes, pour gagner à foi l'électeur de Brandebourg, dont véritablement il lui importoit d'avoir le fuffrage; l'influence de cet électeur ayant fur-tout contribué à donner à Charles le brave Gonthier de Schwartzebourg pour concurrent à l'Empire. Mais enfin, fameuse ou non dans les anciens temps, Francfort fur l'Oder a d'autres droits à l'attention des modernes. Sans parler des malheurs qu'au fiecle paffé elle eut à partager avec bien d'autres pendant la guerre de trente ans, & de ceux qu'elle peut avoir effuyés de la part des Ruffes, dans les derniers troubles de l'Allemagne, la bataille de Cunerfdorff s'étant prefque donnée fous fes murs, l'on peut dire que la réputation de cette ville éclate principalement dans l'univerfité dont elle eft fiege, & dans les favans hommes qu'elle a produits. Cette univerfité fondée, l'an 1506, par l'électeur Joachim I, eft à la fois bien riche & bien privilégiée, & par conféquent bien fervie. A l'honneur des mufes dont les faveurs, comme on fait, ne font pas toujours confondues ni avec l'opulence, ni avec les dignités, ni avec les quartiers de nobleffe, l'univerfité de Francfort a rang parmi les grands chapitres; elle a une jurifdiction étendue, & elle poffede de belles terres, & une bibliotheque nombreuse. Les évêques de Lébus qui prirent fin, l'an 1555, en avoient été nommés les chanceliers & confervateurs perpétuels; après eux les électeurs de Brandebourg n'en ont pas dédaigné les titres, & aujourd'hui c'est toujours le roi de Pruffe qui les porte. Son corps académique eft compofé d'un recteur, d'un directeur, & d'un certain nombre de profeffeurs répartis dans les quatre facultés; chacune de ces facultés a fon doyen; & l'univerfité forme de plus deux colleges, auxquels préfide le recteur, affifté d'un fyndic, d'un tréforier & de deux fecrétaires. Le premier de ces colleges s'appelle le concile; il eft compofé de profeffeurs or dinaires & non d'extraordinaires, & il traite les affaires générales. Le fecond s'appelle l'office académique; il n'eft compofé que du recteur & de fes officiers, & c'eft celui qui adminiftre la justice. A cette univerfité, le grand électeur Fréderic Guillaume joignit, en 1671, une académie équeftre, où l'on enfeigne les exercices convenables à la jeune nobleffe, & à l'ufage de laquelle fut confacré le palais des anciens évêques de Lébus. D'ailleurs il faut dire à la louange des princes du pays, que jamais rien ne fut négligé de leur part de tout ce qui pouvoit donner de l'encouragement

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& du relief à cette univerfité: plufieurs d'entr'eux y ont fait leurs études. & s'y font même revêtus du rectorat. L'électeur Joachim II, fous lequel la réformation s'établit en Brandebourg, se trouvant un jour à un acte blic de l'univerfité, voulut marcher à la gauche du recteur; & l'an 1706, le roi de Pruffe Fréderic I, affifta, avec la famille royale & une partie de fa cour, à la célébration du fecond jubilé de l'académie, où se trouverent les députés de plufieurs univerfités célébres, & nommément ceux d'Oxford & de Cambridge.

Parmi les favans qui ont honoré l'univerfité de Francfort de leurs travaux & de leurs foins, l'on peut nommer Sabinus, Brunnemann, Pelargus, Strik, les Bergius, les deux Cocceii, Maftricht, Heinneccius, Álbinus Hoffmann, Schimefius, Hermann, Jablonski, Noltenius, Dithmar, Baumgarten, & d'autres. L'on ajoutera même que le corps de fes profeffeurs, participant au bon génie qui, depuis long-temps femble prendre un effor particulier dans le Brandebourg, a eu la gloire de fournir à l'Etat des miniftres diftingués tels qu'un Rhetz, un Weinreich, & un grand chancelier Cocceii. Les cendres de Kleift, illuftre poëte, & brave officier Pruffien, bleffé à mort à la bataille de Cunersdorff, repofent dans ce fanctuaire des mufes dès le mois d'Août de l'an 1759; elles y furent placées avec honneur par les Ruffes, alors maîtres de la ville, & qui montrerent par-là qu'ils étoient bien dignes d'entrer en lice avec le roi de Pruffe.

Les réfugiés François forment une colonie dans Francfort; ils y ont à part leur église & leur juftice; & l'on y vit, en 1711, le fameux marquis de Langallerie, officier général, faire abjuration de la religion catholique romaine, entre les mains du pafteur & profeffeur Cauffe, ayeul de celui qui a occupé la place de recteur de l'univerfité, & qui par fes lumieres & par fes vertus en a été un des membres les plus refpe&tables. Long. 32. 35. lat. 52. 20.

FRANCHE-COMTÉ, Province de France.

CETTE

ETTE province, fituée entre le 22. degré 15 minutes, & le 24°. degré 39 minutes de longitude; & entre le 46°. degré 16 minutes, & le 48°. degré 4 minutes de latitude, eft bornée au Nord, par la Lorraine; au Sud, par la Breffe, le val Romey & le pays de Gex; à l'Eft, par la Suiffe & la principauté de Neufchâtel; à l'Oueft, par la Bourgogne; au NordEft, par le Sundtgaw & la principauté de Montbeliard, & au Nord-Ouest, par la Champagne & le Barrois. Elle a trente-neuf lieues de longueur & vingt-fix de largeur. Befançon en eft la capitale.

Elle a été nommée comté de Bourgogne, pour la diftinguer du duché de Tome XX.

B

ce nom, l'un & l'autre ayant été gouvernés ci-devant par les mêmes maîtres; & Franche-Comté à caufe des franchises dont elle jouiffoit. Les hyvers y font plus rigoureux & plus longs qu'on ne devroit l'attendre de la fituation naturelle de cette province : il y en a dans le royaume beaucoup d'autres plus feptentrionales où cependant le climat eft plus tempéré. Cela vient des neiges dont les montagnes y font couvertes jufqu'au mois d'Avril, & des vents mêlés de pluies froides, dont la fonte de ces neiges eft fuivie, & qui font caufe qu'on ne s'y apperçoit prefque pas du printemps. En été les chaleurs y font très-fortes & fouvent extrêmes; les automnes y font prefque toujours belles ; & l'on y paffe les hyvers beaucoup plus commodément qu'ailleurs, à caufe de la grande quantité de forêts de hétres, de chênes & de fapins dont le pays fe trouve rempli.

La Franche-Comté eft naturellement divifée en pays uni & en pays de montagnes. Le premier comprend les bailliages de Vefoul, de Dole, de Gray, de Lons-le-Saulnier & de Poligny. Cette partie abonde en bleds, en vins & en pâturages, auffi-bien qu'en chanvres, en noix & en autres fruits. Le fecond fe fubdivife en pays de Franche-Montagne, où se trouvent compris les bailliages de Pontarlier & d'Orgelet, partie de ceux de Salins, d'Ornans & de Baume. Dans le pays de Franche-Montagne, il ne croît que des menus grains, tels que l'orge, l'avoine, &c. c'eft cependant le pays de la province le plus riche à caufe de la grande quantité de beftiaux qu'on y nourrit, & qui s'y engraiffent. Les pays mêlés produifent du bled, de l'avoine & beaucoup de vin; & par-tout les forêts & les cam pagnes foifonnent en gibier de toute efpece.

Parmi les autres productions de cette province on compte des fources d'eaux minérales, principalement à Luxeuil, à Repes & à une lieue de Dole; des mines de cuivre, de plomb, de fer excellent & même d'argent ; des falines très-importantes à Salins & des carrieres de toutes fortes, nommément d'albâtres blancs & jafpés, & de marbres noirs.

Les principales rivieres qui arrofent ce pays, font la Saone, l'Ougnon ou l'Oignon, le Doux, la Louve & le Dain.

Les habitans de cette province font laborieux, bons foldats, mais d'un commerce un peu dur & difficiles à perfuader. Leur négoce confifte principalement en bleds, en vins, en chanvres, en fer, en chevaux, dont il y a des haras qui réuffiffent au mieux, en autre gros bétail, en fel, en falpêtre, en fromage, en beure, en bois de charpente & de conftruction, en cochons, en lard, &c.

Il y a environ trente forges ou fourneaux le long de la Saone, du Doux & de l'Oignon, où il fe fabrique une prodigieufe quantité de fer excellent, comme auffi des bombes & des boulets pour l'artillerie de terre & de mer, & l'on trouve dans plufieurs villes, comme à Besançon & à Pontarlier, d'excellens atteliers d'armes à feu.

Du temps de Jules-Céfar la Franche-Comté étoit habitée par les Hel

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