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Le législateur parle enfuite du mariage de la main gauche & des concubines. On diftingue deux fortes de concubines. La premiere ne perd point fes droits fur l'eftime publique. C'est une femme qui s'unit à un homme par le lien de la bénédiction nuptiale, après que les annonces ont été publiées, dans la vue d'habiter enfemble leur vie durant, & de procréer des enfans (mais avec la déclaration expreffe, que ni la femme ni les enfans ne feront pas reçus dans la famille, & ne participeront pas aux droits qui y font attachés.) L'autre, eft une femme qu'un homme prend fans forme, fans bénédiction, uniquement pour fatisfaire fes défirs.

Le mariage de la main gauche ne peut fe contracter fans une permiffion du roi; il eft établi en faveur des gens de qualité, qui n'ayant point le don de continence, & cependant ne voulant point contracter un fecond mariage qui nuiroit aux enfans du premier lit, donnent aux plaifirs qu'ils veulent prendre une forme honnête & légale. Le mari donne alors une certaine portion de bien pour l'entretien de la femme & des enfans qu'il aura d'elle mais tout cet arrangement ne peut fe faire que du confentement du roi. La puiffance paternelle a, dans ce mariage, les mêmes effets, que dans les autres. Quant à l'autre concubinage, profcrit à caufe de fon infamie, mais cependant un peu toléré à caufe de la foibleffe humaine, les enfans font fous la puiffance maternelle.

Celui qui a rendu une femme enceinte, & qui ayant prouvé qu'elle étoit de mauvaise vie, n'eft point tenu de l'époufer, eft cependant obligé de pourvoir à l'entretien de l'enfant, & s'il meurt inteftat, fes parens afcendans en prendront foin... une perfonne de qualité qui fe laiffera féduire par un domeftique, perdra la part qui pouvoit lui revenir des fiefs. Les conventions matrimoniales, qui ont pour but de régler la dot, fa reftitution après la diffolution du mariage, peuvent fe faire avant ou après les fiançailles, & même après le mariage. Les conventions verbales devant deux témoins fuffifent à la rigueur. Quand on les fait en préfence de la juftice, le juge & le greffier tiennent lieu de témoins.

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On entend par dot le droit que le mari acquiert fur les biens que la femme lui apporte pour l'aider à fupporter les charges du mariage. On entend par dot profedice, non-feulement celle que le pere conftitue de fon propre bien à fa fille, lorfqu'elle eft encore fous fa puiffance, mais auffi celle qu'un étranger conftitue en confidération du pere, lorfqu'il le déclare en termes exprès. La dot adventice eft celle qui ne dérive pas du bien du pere, & qu'un étranger donne de fon bon gré, fans aucune confidération pour le pere. On peut, après le mariage, conftituer la dot, ou l'augmenter, mais cette augmentation ne peut être faite au préjudice des créanciers, ou de la légitime. La fiancée ou la femme peut elle-même fe conftituer une dot fi elle eft maîtreffe de fon bien. Un pere eft obligé de doter fa fille, quand bien même il n'auroit pas confenti au mariage, pourvu que fon confentement eut été fuppléé par la juftice, à moins ce

pendant

pendant que la fille n'eut un bien fuffifant pour fe conftituer une dot proportionnée à la condition du fiancé. Il y a quelques a quelques cas où le pere eft difpenfé de doter fa fille, & la raifon les indique affez. Si les biens du pere ont été confifqués, le fifc eft tenu de doter fa fille à proportion du bien confifqué, & de la condition du fiancé. Nous obferverons qu'il y a peu d'Etats ou le fouverain foit affez jufte, pour se dépouiller ainsi d'une partie de fes droits en faveur de la fille d'un coupable.

L'étranger qui a adopté une fille eft tenu de la doter. Mais une fille née d'un mariage de la main gauche ne peut exiger une dot de fon

pere.

La dot peut être conftituée ou par un pacte (c'eft-à-dire une promeffe) ou par une difpofition de derniere volonté, ou par une tradition réelle. Le légiflateur parle enfuite de la nature des biens qu'on peut donner en dot. du genre d'action qu'acquierent ceux qui l'ont reçue contre ceux qui l'ont donnée, & fes difpofitions à cet égard paroiffent être celles de la plupart des Etats policés. Il établit encore cette loi fage, que dans le cas où la femme, le pere, ou l'étranger ne payent pas la dot promife, ce n'eft pas une raifon qui autorife le mari à renvoyer fa femme, ou à lui refufer ce qui lui eft néceffaire pour fon entretien.

La dot eft en Pruffe, comme ailleurs, un bien facré, qui repose sous l'abri des loix, dont la femme ou fes héritiers font rendre un compte rigoureux au mari ou à fes représentans, ainfi que des dommages que ce bien peut avoir soufferts.

Tout ce que la femme acquiert après l'accompliffement du mariage, à l'exception de la dot, par la voie d'une fucceffion, d'un legs, d'une donation, eft rangé dans la claffe des biens paraphernaux. Le mari n'a que l'adminiftration de pareils biens. La femme feule peut difpofer du fonds, & fon confentement verbal ne fuffiroit pas au mari pour l'autorifer à les aliéner. Il faut que ce confentement foit écrit. Lorfque le mariage eft diffous, la femme peut revendiquer les biens paraphernaux; & s'ils ont été aliénés fans fon confentement, elle a contre le poffeffeur tous les droits d'hypotheque & de rétention.

Les biens appellés receptitia, font ceux qu'une femme fe réserve avant les noces pour en avoir tant la propriété que la jouiffance. Lorfque le mariage eft diffous, la femme acquiert, par rapport à ces biens, les actions de revendication, fi le bien exifte en nature, de condiction contre le mari & fes héritiers s'il a été diffipé, d'hypotheque contre tout poffeffeur, & de rétention.

La donation à caufe de noces, eft un préfent que le mari fait à la femme en confidération de la dot & pour fa fureté. Expreffions fans lesquelles ce présent ne feroit plus qu'une donation fimple. Cette donation peut être faite, ou par le mari, ou par fon pere, ou par un étranger. Mais celui qui la promet ou la fait, contracte une obligation facrée & irrévocable. Tome XX.

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Une femme mariée de la main gauche ne peut réclamer aucune donation à caufe de noces.

11 eft important d'obferver que lorfque le mari convole à de fecondes noces, la donation à caufe de noces faite à la feconde femme ne peut excéder la portion de l'enfant du premier lit le moins bien partagé. Le donateur conferve toujours la propriété de l'objet donné à caufe de noces, & la femme n'en a que la jouiffance; cependant le mari ne peut l'aliéner fans le confentement de fa femme.

Quant au douaire, il confifte ordinairement dans le double des intérêts de la dot, à favoir dix pour cent, qui fe payent de la dot, & de la donation à caufe de noces, pendant la vie de la veuve, pourvu qu'elle refte dans le veuvage; les héritiers du mari confervant la propriété de la dot & du bien donné à caufe de noces.

Toutes fortes de biens, excepté les fidéi-commis, peuvent être affignés en douaires; même les fiefs, mais, lors de la vacance du fief, le feigneur direct ou les agnats pourront le retirer à eux, en cédant à la veuve la pleine & perpétuelle propriété de la dot & du bien donné à caufe de noces. La douairiere n'a que l'ufufruit des immeubles fur lefquels fon douaire eft affis. Mais dans cet ufufruit il ne faut pas comprendre la pêche, la chaffe, les droits de patronage & de péage, ni les mines découvertes dans le fonds dont elle jouit; à moins qu'au douaire on n'eût ajouté cette clause, avec tous les droits régaliens qui en dépendent. La femme ne peut engager ni la dot ni le douaire pour cautionner fon mari. Elle perd fon douaire fi elle convole à de fecondes noces, fi elle donne lieu au divorce, fi elle est condamnée à mort pour crime, quand bien même elle obtiendroit des lettres d'abolition, fi elle mene une vie libertine, loix fages qui mettent aux paffions le frein le plus puiffant de tous, l'intérêt.

Il y a encore un autre don appellé morgenbage; c'eft un préfent que le mari fait à fa femme le lendemain des noces pour fes menus plaifirs.

Lorfqu'il n'y a ni contrat de mariage ni pactes dotaux, l'ufage de plufieurs provinces accorde au furvivant des deux époux la moitié des biens qui étoient communs à tous deux; & c'eft ce qu'on appelle portio ftatutaria. L'autre moitié revient aux enfans & héritiers du défunt, ou à leur défaut au fifc. Aucun des époux ne peut ni révoquer cette moitié, ni la diminuer, ni faire aucune difpofition qui y porte préjudice. Cette portion ne peut être exigée, lorfque l'époux fuivant a demandé à retirer fon bien propre; lorfque c'eft par fa faute que le mariage eft diffous; lorsque le mari tue fa femme qu'il trouve en flagrant délit; lorfque le furvivant ne pourfuit pas la vengeance de la mort de fon époux; lorsque la veuve tient une conduite infâme, & dans quelques autres cas.

Lorsqu'un enfant eft né d'un légitime mariage, & qu'il vient à terme, c'eft-à-dire, dans le neuvieme ou dixieme mois depuis la bénédiction nuptiale, le pere eft obligé de le reconnoître pour fon enfant, quand bien

même la mere, même à l'article de la mort, le déclareroit conçu en adultere. Mais fi l'enfant eft né, par exemple, dans le cinquieme ou fixieme mois, qu'il foit venu au monde entiérement formé, & que le pere n'ait point rendu à fa femme le devoir conjugal dans le temps où il a dû être conçu, il n'eft point forcé de le reconnoître pour fien. Il en eft de même des pofthumes venus au monde trop long-temps après la mort du mari, pour pouvoir être cenfés fes enfans.

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Dans le titre VI du livre II, le législateur traite de l'obligation où font les parens afcendans, d'alimenter & d'entretenir leurs enfans, & de celleoù font réciproquement les enfans d'entretenir leurs parens. Dans la plupart des autres gouvernemens, les législateurs fe font peu occupés de ces devoirs, fans doute parce qu'ils ont fuppofé qu'il étoit inutile de forcer les hommes à des actions auxquelles ils femblent invinciblement portés par plus doux des penchans. Mais dans la dépravation actuelle des mœurs, dans un fiecle où regne l'égoïfme, où la vertu eft devenue auffi rare que fes panégyriftes font communs, il étoit néceffaire de fubftituer des loix civiles aux loix naturelles oubliées. C'eft donner, fans doute, une étrange idée de notre fiecle; mais ce n'eft certainement pas le calomnier.

Dans le titre VII, le législateur indique les précautions les plus fages, pour la recherche des groffeffes fufpectes, qui a lieu lorfqu'une femme après la diffolution du mariage, ou après la mort du mari, "déclare qu'elle eft enceinte. Par exemple, il faut que dans l'efpace de trente jours, fon pere, fon tuteur ou elle-même déclare fa groffeffe, qu'elle foit vifitée & gardée, fans quoi le mari n'eft pas obligé de reconnoître l'enfant pour Gien. On aura fur-tout foin, ajoute le légiflateur, d'obferver ces précautions, lorfque le bien du mari défunt eft confidérable, parce que c'eft dans ce cas-là fur-tout, que l'on a plus à craindre la fuppofition d'un enfant.

Les tutelles, l'un des objets les plus importants de la jurifprudence, font le fujet du livre III. Ou le pere nomme un tuteur à fes enfans impuberes par fon teftament, & alors la tutelle eft appellée teftamentaire, ou les loix fuppléent à ce défaut en nommant un des plus proches parens, & alors la tutelle fe nomme légitime. La tutelle n'eft que le pouvoir de protéger ceux qui, par la foibleffe de leur âge, ne font pas en état de fe défendre eux-mêmes. Elle tourne donc au profit du pupille, & non à celui du tuteur; elle est une charge, un devoir, & on peut être forcé à l'accepter. Lorsque la tutelle n'eft point accompagnée de la gestion, le tuteur eft appellé honoraire. On ne peut nommer pour tuteurs, ni les infenfés, ni les fourds, ni les muets, ni les femmes (excepté les meres & les ayeules) ni les mineurs, ni les prodigues déclarés tels par décret, ni les eccléfiaftiques, qui n'ont point de bien en propre, ni les ennemis du pupille, ni les pauvres artisans, ni les débiteurs du pupille, ni ceux que le pere par un teftament auroit écarté de la tutelle, ni ceux qui ne font pas de l'une des trois religions tolérées dans l'empire. Un juif ne peut être

tuteur que d'un juif. Il y a encore plufieurs exceptions, en faveur des perfonnes revêtues de charges qui ne leur permettent pas de s'occuper d'autre foin que de celui des affaires publiques.

Quant au tuteur teftamentaire, c'eft au pere ou à l'ayeul à le nommer; la mere elle-même ne le peut pas. Mais de la part du pere la nomination par écrit ou de bouche fuffit. Quant à la tutelle légitime, fi la mere ou la grand'mere l'accepte, & qu'elle ne foit point verfée dans les affaires, on l'exhorte à fe donner deux adjoints. Au défaut de la mere ou de la grandmere, qui toutes deux peuvent refufer la tutelle, le plus proche héritier du pupille fera tenu, fous peine de perdre fon droit de fucccffion, de fe charger de la tutelle, pourvu qu'il n'ait aucune raifon légitime de s'en dispenser.

Le magiftrat donne un tuteur au pupille, qui en manque, par quelque raifon que ce puiffe être. Le parens qui ne peuvent, ne veulent, ou ne doivent pas accepter la fucceffion, font obligés d'avertir la juftice dans l'efpace de quatre ou fix femaines, au plus, que tel enfant eft demeuré fans tuteur; & dans ce cas, ceux qui négligeront d'avertir, perdront les droits que la proximité leur donne; ceux qui avertiront, quoique plus éloignés, fuccéderont à ces mêmes droits. Si les parens font abfens lors du décès, les domeftiques font tenus d'avertir la juftice.

Le roi de Pruffe a pouffé la tendreffe paternelle & l'inquiétude fur le fort des pupilles jufqu'à ordonner que la cour des pupilles feroit publier tous les trois mois l'avis fuivant.

On fait favoir que tous les parens d'un pere décédé font obligés, dans » l'espace de quatre femaines à dater du jour où ils ont reçu la nouvelle » du décès, d'en avertir la cour des pupilles, de lui faire connoître le » nombre des enfans, & les noms des plus proches parens. Les notaires » & fecrétaires qui ont été employés à l'appofition du fcellé, les miniftres » qui auront enterré le mort, font obligés, fous peine d'amende, de faire la même notification.

Dans le titre VI, du livre III, il s'agit de la geftion de la tutelle, e'eft-à-dire, de l'éducation des pupilles & de l'administration de leurs biens. Le tuteur doit être confirmé par la juftice & prêter un ferment dont la formule renferme tous fes devoirs. Nous allons la rapporter; elle eft elle-même une analyse des loix qui concernent les devoirs des tuteurs: Je jure & » promets à Dieu, que je ferai fidele dans mon adminiftration, & que je » pourvoirai, autant qu'il dépendra de moi, à la confervation de la perfonne & des biens de mon pupille; que j'aurai toute l'attention poffi»ble, pour qu'il reçoive une bonne éducation; que je n'aliénerai pas fes » biens fonds, s'il en a, fans la permiffion de la juftice; mais que je les > conferverai en bon état, que je défendrai fa perfonne & fes biens, foit » en juftice, foit hors de la juftice, & que je ne négligerai rien de tout » ce qui pourra tourner à fon avantage que je ferai un état exact de fes

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