Page images
PDF
EPUB

créanciers, foit qu'ils en profitent, ou qu'ils prêtent feulement leurs noms, font tenus de réparer le tort qu'ils ont fait. Ainfi, ceux qui acceptent des tranfports frauduleux de ce qui eft dû au débiteur, font tenus de remettre aux créanciers les titres des créances avec leurs tranfports, ou ce qu'ils peuvent en avoir reçu, ou fait recevoir par le débiteur qui empruntoit leur nom.

Le débiteur qui a fraudé fes créanciers, n'eft pas feulement tenu de réparer autant qu'il fe peut fur fes biens l'effet de la Fraude; mais il doit auffi être condamné aux peines qu'il pourra mériter felon les circonftances.

Si un tuteur ou curateur fe rend participant de quelque Fraude que fait un débiteur à fes créanciers, favorifant en cette qualité la mauvaise-foi de ce débiteur par quelque acte qui regarde la perfonne que ce tuteur ou curateur peut avoir fous fa charge; il fera tenu perfonnellement de la perte que fon dol aura pû caufer. Et celui dont fon tuteur ou curateur adminiftroit les biens fera auffi tenu de réparer la Fraude, quoiqu'elle_lui ait été inconnue, mais feulement jufqu'à la concurrence de ce qui en fera tourné à fon profit.

FRÉDÉRIC BARBEROUSSE, Empereur d'Allemagne.

Ann. de J. C. 2252.

E prince fembloit être né pour la fuprême domination. Plein de fentimens élevés, il n'imaginoit pas qu'on pût refufer de lui obéir; &, comme un autre Alexandre, il croyoit ne voir que des fujets par-tout où il trouvoit des hommes. L'Allemagne le regarde encore aujourd'hui comme un de fes plus grands empereurs.

Il étoit fils de Frédéric, duc de Suabe, & de Judith, fille de Henri-leNoir, duc de Baviere. Dès fa jeuneffe, il fit voir qu'il avoit toutes les qualités néceffaires pour occuper un trône. Doux & affable, & en mêmetemps févere & réfervé, il poffédoit l'art de manier les efprits & de fe concilier les intérêts, même les caracteres les plus oppofés. La grandeur de fon ame, plus avide de gloire que de plaifirs, ne le rendit fenfible qu'à l'ambition: il la porta loin, il vit les plus puiffans princes de l'Empire & les papes même fe déclarer fes ennemis; mais peu fufceptible de crainte ou de foibleffe, il ne rabattit jamais rien de fes prétentions, & fut habilement ramener tout à fon but. Ce prince paffoit pour un capitaine du premier ordre. Fécond en reffources, & plein de courage, il étoit incapable de céder à l'ennemi, ni de plier fous le nombre & fous les obftacles. Aux qualités militaires, il en joignoit d'autres excellentes : plein d'amour pour

la juftice, il établit des loix pour la faire rendre, & il eut un grand foin de veiller à leur exécution, peut-être même avec trop de févérité, surtout lorsqu'il s'agiffoit de punir les Lombards. Il étoit né libéral, & prévenoit les demandes, & même les espérances; fes promeffes étoient finceres, & c'étoit lui faire injure que d'exiger de lui un ferment. Il avoit des lettres, & fur-tout une mémoire heureufe pour retenir jufqu'aux moindres particularités de ce qu'il avoit lu & vu; il aimoit auffi les gens de lettres, & la liberté des fentimens ne lui déplaifoit pas, même fur les différens qu'il avoit eus avec les papes.

Paffons maintenant aux principaux faits de fon regne, ils ferviront de preuve à ce que nous avons avancé fur fes grandes qualités. Après avoir été élu à Francfort, du confentement de tous les princes, dont il reçut le ferment de fidélité, il alla à Aix-la-Chapelle, où il fut couronné par Arnould, archevêque de Cologne, qui lui mit le diadême fur la tête, & le fit affeoir fur le trône de Charlemagne. Les évêques vinrent lui rendre leurs refpects: ils lui recommanderent l'empire, & lui dirent qu'il ne l'avoit point reçu par droit d'hérédité, mais par les fuffrages des feigneurs, & fur-tout par la providence du Dieu tout-puiffant.

Son regne commença par l'action la plus impofante. Deux concurrens Svenon & Canut, fe difputoient depuis long-temps le Danemarc. Le jeune empereur fe fit arbitre du différend, & força Canut à céder fes droits. Svenon foumit le Danemarc à l'empire, il prêta ferment de fidélité, & fut invefti par l'épée. L'année fuivante, Frédéric accorda l'inveftiture de la Baviere à Henri-le-Lion, duc de Saxe, parce qu'il l'avoit toute reconquife; & le duc devint par-là fon plus fidele partifan. Ce prince fit un traité avec Eugene III, en vertu duquel il promit de ne faire ni paix, ni treve avec les Romains fans le confentement du pape & de ses fucceffeurs; de travailler à les rendre plus foumis au fouverain pontife qu'ils ne l'avoient été depuis cent ans; de le défendre contre tous, de l'aider à rentrer dans ce que l'églife Romaine avoit perdu, de n'accorder à l'empereur Grec aucune terre en deçà de la mer; &, s'il en ufurpoit quelqu'une, de mettre des troupes fur pied pour l'en chaffer. Le pape de fon côté promit d'honorer le roi comme fon fils, de lui donner la couronne impériale quand il viendroir la recevoir, & de l'aider de tout fon pouvoir à augmenter fa dignité.

Expéditions militaires de Frédéric.

EN conféquence, Frédéric entreprit fon expédition en Italie : il fe mit

à la tête d'une armée floriffante, compofée de belles troupes & de l'élite de la nobleffe de l'empire; elle campa dans la plaine de Roncalie à quelques lieues de Plaifance. L'empereur y paffa cinq jours & tint une cour des feigneurs de l'empire & des confuls des villes d'Italie. On y examina

[ocr errors]

les plaintes que l'on faifoit contre ceux de Milan; c'étoit la plus opiniâtre de toutes les républiques de Lombardie. Frédéric voulut la réduire. Il commença fes expéditions militaires par la prife de Rofati, marcha contre Milan, battit les troupes qui étoient forties de la ville pour l'attaquer. Il châtia plufieurs villes rebelles; il affiégea Tortone, qui, après une longue réfiftance, fe rendit; il accorda la vie & la liberté aux habitans, mais la ville fut abandonnée au pillage & brûlée. Enfuite il marcha vers Rome: le pape Adrien alla au-devant de lui. L'empereur devoit, felon le nouveau cérémonial, lui baifer les pieds, lui tenir l'étrier, & conduire fa haquenée blanche l'espace de neuf paş Romains. Frédéric ne faifoit pas difficulté de baifer les pieds, mais il ne vouloit point de la bride. On lui fit voir que Lothaire fecond avoit accepté ce cérémonial, il s'y foumit; & comme il fe trompoit d'étrier, il dit qu'il n'avoit pas appris le métier de palfrenier. Le lendemain, les députés du peuple Romain vinrent trouver ce prince, & lui dirent:,, Nous venons, feigneur, de la part du fénat, vous offrir la » couronne impériale, dans l'espérance que vous nous délivrerez du joug » injufte des clercs, & que vous rendrez à Rome fon ancienne fplendeur. » Nous vous avons fait notre citoyen & notre prince, d'étranger que vous » étiez; vous devez, de votre côté, nous promettre la confervation de nos » anciens privileges. "L'empereur, indigné de ce début de harangue, interrompir les députés & leur dit d'un ton de maître :,, Rome n'eft plus » ce qu'elle a été. Sa puiffance a paffé premiérement aux Grecs, puis aux François il n'eft pas vrai que vous m'ayez appellé, ni fait votre ci»>toyen & votre prince. Nos rois Charles & Othon ont conquis par leur >> valeur Rome & l'Italie fur les Grecs & les Lombards, fans avoir obli»gation à perfonne, & l'ont joint à l'empire. Je fuis votre maître, par » une poffeffion légitime, &c." Ayant ainfi parlé, les députés fe retirerent. Cependant les fénateurs & le peuple Romain, irrités de ce que le pape n'avoit pas attendu leur confentement pour couronner Frédéric, fe jetterent fur quelques évêques du parti de l'empereur & les tuerent. Frédéric vint au fecours du faint pere & des cardinaux, & les Romains furent battus, près de mille furent tués.

[ocr errors]

ENSUIT

Gloire & puiffance de Frédéric.

NSUITE l'empereur partit pour l'Allemagne : il fe rendit à Virtzbourg; & il y époufa Béatrix, fille de Renaud III, comte de Bourgogne. Comme elle étoit fille unique, elle porta dans la maifon de Suabe le comté de Bourgogne, enclavé dans l'ancien royaume d'Arles. Frédéric augmenta tous les jours en réputation & en crédit, & les princes recherchoient fon amitié. Il contraignit par les armes Boleflas & fes freres, ducs de Pologne, de lui faire hommage, & de payer le tribut que cette couronne devoit à l'empire. Il reçut des affurances de fidélité de la part de Geisa, roi de

1

Hongrie, & des préfens magnifiques de Henri II, roi d'Angleterre : il honora du titre de roi Uladiflas, duc de Boheme, & donna l'inveftiture du royaume de Danemarc à Waldemar I. Frédéric paffoit pour être au-deffus de la fortune; il étoit auffi incapable de céder à l'ennemi, que d'être effrayé par le nombre ou par les obftacles, & il faifoit fervir fon bonheur aux intérêts de l'empire: toute l'Allemagne étoit dans la foumiffion, & tout fembloit lui annoncer qu'il feroit auffi heureux dans l'expédition qu'il méditoit de faire en Italie. Il reprit donc fes projets contre Milan, pour punir cette ville de fon opiniâtreté à faire la guerre aux villes dévouées aux intérêts de l'Empire. Il envoya en Italie Rainal, fon chancelier, & Othon, comte palatin de Baviere, pour préparer les voies à fon expédition & y faire reconnoître fon autorité : ces commiffaires s'affurerent d'abord de la fidélité des habitans de Vérone, qui jurerent fur les évangiles d'être toujours fideles à l'empereur. La plupart des villes d'Italie firent le

même ferment.

Dès que Frédéric eut raffemblé fon armée à Aufbourg, il paffa les Alpes. La ville de Breffe ofa lui refufer le paffage, mais elle fut prife & taxée à une groffe fomme. Enfuite il s'avança vers Milan pour en faire le fiege cette ville avoit d'excellentes fortifications; mais l'armée Impériale montoit à plus de cent mille hommes. Nous n'entrerons point dans le détail de ce fiege, il fuffira de dire que les affiégés, après avoir fait la plus vigoureuse défenfe, & manquant de vivres & de inunitions, capitulerent & ouvrirent leurs portes à l'empereur, à qui ils jurerent ferment de fidélité.

La prife de Milan ayant jetté par-tout l'épouvante, les villes envoyoient des députés à Frédéric pour prêter en leur nom le même ferment. Ce prince n'ayant prefque plus d'ennemis à foumettre, fe fit couronner roi de Lombardie, & convoqua une affemblée générale à Roncalie au milieu de l'armée. Il y affifta un grand nombre de prélats, de princes, ducs, marquis & comtes, avec les confuls des villes d'Italie & quatre célébres docteurs en droit de Boulogne. L'empereur harangua l'affemblée : il exposa les devoirs d'un fouverain, & en même-temps la néceffité de faire revivre les anciennes loix. L'archevêque de Milan fit enfuite l'éloge de ce prince, en oppofant la fageffe de fon regne à la tyrannie des Lombards. Les jours fuivans, on examina les plaintes des riches & des pauvres. Frédéric difcuta les droits de chacun avec les jurifconfultes. Enfuite il fe fit expliquer par ces derniers, en quoi confiftoient les droits régaliens qui appartenoient à l'empire dans la Lombardie. On fit dans cette affemblée plufieurs loix pour établir la paix & la fureté publique: on en fit auffi en faveur des étudians; & entr'autres, que fi quelqu'un intentoit un procès contre eux, ils auroient le choix de plaider devant leur profeffeur ou en présence de l'évêque de la ville. L'empereur fit encore une conftitution 'fur le droit des fiefs, pour réformer les abus que la négligence avoit introduits au préjudice des feigneurs; il en donna une autre contre ceux qui troubloient la fociété & la

tranquillité de l'Etat. Ce prince, après avoir travaillé à pacifier les affaires d'Italie, congédia l'affemblée de Roncalie.

Cependant le pape fe formalifa de l'hommage que l'empereur avoit exigé des évêques: il écrivit à ce prince une lettre, dans laquelle il trouvoit à redire au ferment que les prélats faifoient à l'empereur en mettant leurs mains dans les fiennes; il conclut, en le menaçant de la perte de fa couronne, s'il ne devenoit plus fage. Fréderic répondit fur un ton encore plus haut, & foutint qu'il ne tenoit fa couronne que de fes ancêtres. » Du » temps de Conftantin, dit ce prince, S. Sylveftre avoit-il quelque part à » la dignité royale? C'eft ce prince qui a rendu à l'églife la liberté & la » paix; & tout ce que vous avez, comme pape, vient de la libéralité » des empereurs. Lifez les hiftoires, vous y trouverez ce que nous avan» çons. Pourquoi n'exigerons-nous pas l'hommage de ceux qui poffedent » nos régales, puifque celui qui n'avoit rien reçu des hommes paya le » tributà Céfar pour lui & pour Saint Pierre. Nos églifes & nos villes font » fermées à vos cardinaux, parce que nous ne voyons pas qu'ils viennent » prêcher l'évangile & affermir la paix, mais piller & amaffer de l'or & » de l'argent avec une avidité infatiable. Quand nous les verrons tels que » l'église défire, nous ne leur refuferons pas le falaire & la fubfiftance, &c. »

Les Milanois profiterent de cette querelle entre le pape & l'empereur. Les commiffaires envoyés en différentes villes de Lombardie, pour préfider à l'élection des magiftrats, furent infultés à Milan, & l'empereur fut bientôt inftruit de l'infidélité des habitans de cette ville; il rappella les troupes, fit tenir une affemblée à Boulogne. Les Milanois y furent cités, jugés par contumace, & déclarés déferteurs & ennemis de l'Empire. Dès ce moment, ils fe préparerent à faire la plus vive défense; ils tenterent même d'exécuter les horribles projets qu'ils avoient formés contre la vie de l'empereur, tantôt par le poifon, tantôt par le fer; mais ils furent toujours découverts, & ceux qu'ils avoient choifis pour miniftres de ces attentats punis de mort. Frédéric commença par Crefme qui étoit alliée de Milan; il fit le fiege de cette ville, qui fut très-long par la vigoureufe réfiftance des habitans, mais à la fin ils furent obligés de fe rendre & de fe foumettre aux conditions que l'empereur leur impofa; la place fut abandonnée au pillage & détruite. Ce prince ayant enfuite licencié fes troupes, les Milanois profiterent de cet affoibliffement de fon armée; ils firent_deux tentatives fur Lodi, & furent toujours repouffés. Frédéric accourut, & enferma les Milanois entre fon armée & la ville de Lodi, dans le deffein de leur couper les vivres : ceux-ci, réduits à la néceffité de vaincre ou de périr, tenterent de s'ouvrir un paffage les armes à la main; ils fondirent fur l'armée impériale à Carantia, & firent un grand carnage de ceux de Novarre & de Come. L'empereur ne put rallier les fuyards, & fut obligé de décamper avec le peu de troupes qui lui reftoient. Son camp fut pillé par l'ennemi, il voulut réparer cet échec. Après avoir reçu divers fecours

1

« PreviousContinue »