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nombre de 28 principales familles ou tribus, fous le nom d'Alberghi. Depuis cette époque, Gênes demeura long-temps fous la protection de l'Ef pagne, qu'elle fut obligée de ménager en quantité d'occafions, & qui penfa lui être fouvent funefte, à caufe des efforts réitérés, des tentatives continuelles que cette puiffance fit pour l'affervir.

Quoique la réforme de 1528 eût ôté, en apparence, toute matiere aux diffentions civiles, & qu'elles euffent paru totalement étouffées, il s'en éleva pourtant de nouvelles en 1570, entre les anciens nobles & les nouveaux, ou agrégés. Après une guerre de peu de durée, mais qui menaçoit de devenir très-férieufe, & où tout l'avantage fut du côté des anciens nobles, foutenus indirectement par l'Espagne, ces nouveaux différends furent enfin accommodés, & la paix conclue entre les deux partis (en 1576) par la médiation de l'empereur, du roi d'Espagne & du pape. On profita de cette occafion pour former un nouveau code de loix, qui font comme autant de fanctions, & fervent comme de base à la conftitution actuelle de cette République.

On ne parle point ici des diverfes tentatives que la France fit pour s'emparer de Gênes depuis 1528 jufqu'en 1540, parce qu'elles furent toutes infructueuses; on ne dira rien pour la même raifon, de l'entreprise que cette couronne fit en 1553 fur l'ifle de Corfe, d'autant mieux qu'il en eft parlé dans l'article qui la concerne : (Voyez CORSE.)

Les diverfes confpirations tramées depuis l'année 1528 jufqu'en 1672 par le comte de Fiefque, ( Voyez FIESQUE ) Jules Cibo, Vachero & Raphaël de la Torre, (les deux dernieres en faveur du duc de Savoie) firent voir à cette république, qu'il y avoit encore quelques vieux levains de faction, quelques femences de révolte entre fes citoyens; mais heureusement pour Gênes, ces conjurations n'eurent aucun fuccès, & les inquiétudes momentanées qu'elles lui donnerent, furent bientôt diffipées. Après s'être vue dans le plus grand péril en 1624 elle se tira affez avantageufement de la guerre onéreufe qu'elle eut à foutenir contre le duc de Savoie & contre la France liguées enfemble contre elle. Le marquifat de Zuccarello, qu'elle avoit acheté en 1623 de l'empereur Ferdinand, & qui étoit revendiqué par le duc de Savoie, fut plutôt le prétexte que la véritable caufe de cette guerre, dont le but étoit d'enlever Gênes à l'Efpagne, & de faire faire diverfion aux armes de cette puiffance. La paix fut enfin conclue par fa médiation en 1631 entre la république & le duc de Savoie. Gênes fe délivra avec te même bonheur en 1672, par fon courage & fa vigoureufe réfiftance, des nouvelles entreprises du fucceffeur de ce prince. Elle ne fe tira pas auffi heureusement de fes démêlés avec Louis XIV. Les liaisons continuelles de cette république avec l'Efpagne, fa partialité affectée pour cette couronne, qu'elle étoit obligée de ménager pour le bien de fes intérêts, & fur-tout le refus qu'elle fir de donner au monarque François les fatisfa&ions qu'il prétendoit, lui attire

rent fur les bras une facheufe affaire, qui fut la caufe du cruel bombardement de Gênes en 1684. A peine eût-elle fléchi le courroux de ce prince altier, par une démarche des plus humiliantes, (qui fut de lui envoyer fon doge & quatre de fes principaux fénateurs, pour lui faire des excufes folemnelles en fon nom) qu'elle fe vit expofée à de nouvelles inquiétudes, à caufe des guerres d'Italie entre la France & les puiffances liguées contre elle. Gênes fe reffentit fouvent du fâcheux voifinage des deux armées. Dans une fituation auffi critique, elle s'obftina toujours fagement à obferver la plus exacte neutralité, quelques efforts que chacune des puiffances belligérantes fit pour l'attirer dans fon parti. Sur fon refus d'y entrer, elle eut beaucoup à fouffrir de leur part, fur-tout de celle des impériaux & des Efpagnols, qui l'obligerent de leur payer des contributions confidérables, & de faire des fournitures à leur armée. Les différens traités de paix, conclus à Ryfwick & à Utrecht, bannirent les alarmes des Génois, qui commençoient à peine encore à refpirer, lorsque la nouvelle guerre qui s'alluma en 1717 en Italie, entre l'empereur & le roi d'Efpagne, replongea ces malheureux républicains dans de nouvelles inquiétudes. Ils n'en furent débarraffés que pour voir la Corfe fe foulever contre eux avec plus de fureur que jamais en 1728. Trop foibles pour réduire fes braves habitans, des fujets auffi indociles au joug, ils furent obligés de réclamer fucceffivement les fecours de l'empereur Charles VI & de La France, qui pacifierent cette ifle en 1741, au moyen des troupes qu'ils y firent paffer pour la foumettre.

Gênes fe vit bientôt enveloppée elle-même dans la guerre qui s'éleva en 1745, entre la France & l'Espagne d'une part & la reine d'Hongrie & fes alliés de l'autre. L'acquifition que cette république avoit faite en 1713 du marquifat de Final, fur lequel elle avoit d'ailleurs d'anciennes & légitimes prétentions, & dont elle avoit été folemnellement investie par l'empereur Charles VI, pere de la reine de la reine, fut la fource de cette guerre onéreuse pour elle, qui la mit à deux doigts de fa perte. La reine d'Hongrie ayant cédé ce même marquifat au roi de Sardaigne par le traité de Worms de 1743, la république fe vit obligée, pour pourvoir à la fureté & confervation de cette partie de fon domaine, d'accéder au traité d'alliance des rois de France, d'Efpagne & des deux-Siciles, qui lui garantirent fes Etats. Tant que leurs troupes furent aux environs de Gênes, cette ville fut tranquille & à l'abri de tout événement, mais les revers arrivés en 1746 aux armes Françoifes & Efpagnoles, & l'éloignement de l'armée des trois couronnes, abandonnerent cette république à la merci de fes ennemis. Les Autrichiens s'en emparerent auffitôt, ainsi que de la capitale, en exigerent des contributions énormes, & y commirent de fi grands excès, que le peuple indigné prit les armes, & chaffa les ennemis de Gênes, & d'une partie de fon territoire. Ils vinrent mettre le fiege devant cette ville en 1747, fous la conduite du Comte de Schulenbourg, tandis que les Piémontois

s'emparoient de toute la côte du ponant; & que les mécontens, fecondés par les Anglois, faifoient foulever la Corfe. La valeur des citoyens de Gênes, les fecours confidérables qu'ils reçurent de la France & de l'Efpagne, la vigilance & la prudence des ducs de Boufflers & de Richelieu, délivrerent cette république de tous ces dangers, jufqu'à ce qu'enfin la paix d'Aix-la-Chapelle en 1748, lui rendit totalement fa tranquillité, ainsi qu'à la Corfe. Le marquifat de Final, & toutes fes poffeffions lui furent confervés par ce traité. Tout fut paifible en Corfe jufqu'en 1761, où les mécontens fe fouleverent de nouveau fous la conduite du brave général Pascal Paoli. Ce foulevement fut plus confidérable que tous les précédens, ce qui obligea les Génois, voyant qu'ils étoient hors d'état de réduire ces infulaires, à reclamer encore une fois le fecours de la France, qui fit paffer des troupes dans cette Ifle. Elle fut entiérement foumife par les armes de cette puiffance en 1769. Suivant un traité fecret qui avoit été conclu l'année d'auparavant entre elle & la république, cette derniere lui avoit cédé, & rendu la fouveraineté de l'ifle de Corfe, moyennant qu'elle en fit la conquête. Ainfi cette ifle, dont les généreux habitans faifoient depuis fi longtemps de continuels efforts pour fecouer le joug des Génois qu'ils abhorroient, eft maintenant fous la domination Françoise.

On donnera ici un précis des événemens les plus intéreffans, des époques les plus remarquables dans l'hiftoire de Gênes. L'an 806 fes citoyens firent la conquête de la Corfe. En 888 ou 900 cette ville s'érigea en république, & fe choifit des confuls. En 1190 le gouvernement paffa des confuls aux podeftats étrangers: en 1257 des podeftats aux capitaines du peuple. En 1284, les Génois remporterent une victoire mémorable fur la flotte Pifane, près de l'ifle Meloria. En 1339 le dogat fut établi. En 1346 les Génois firent la conquête de l'ifle de Chio, & celle de l'ifle de Chypre en 1374, dont ils ne garderent que Famagoufte. En 1379 leur flotte remporta près de Pola, en Iftrie, une victoire complete fur celle des Vénitiens. L'an 1407, date de l'établiffement de la maison ou banque de St. Georges. En 1409 & 1413, Gênes fecoua fucceffivement le joug de la France & du marquis de Montferrat. L'année 1435 eft mémorable dans fes annales par la défaite & la prife d'Alphonfe V, roi d'Arragon, près de Gaëtte. En 1436 elle vint à bout de fe fouftraire à la domination tyrannique du duc de Milan, Philippe-Marie-Visconti. En 1460 elle fe fouleva contre le roi de France, Charles VII; en 1478 contre Jean-Galéas duc de Milan; en 1512 contre le roi de France Louis XII, en 1528 contre François I. En 1522, fiege & pillage de Gênes par les Impériaux. 1527, fa prife par le maréchal de Lautrec, général des troupes Françoises. 1528, André Doria rend la liberté à fa patrie: réforme totale du gouvernement, il eft rendu tout-à-fait ariftocratique, & mis fur le pied où il eft encore aujourd'hui. 1547, conjuration du comte Jean-Louis de Fiefque. 1553, foulevement de la Corfe, appaifé totalement en 1369.

1576, guerre civile des anciens & des nouveaux nobles, terminée par fa médiation de l'empereur, du roi d'Efpagne & du pape on dreffe un nouveau code civil & criminel; établiffement d'une rote criminelle. En 1581 le doge obtient de l'empereur Rodolphe, le titre de féréniffime. 1624, guerre avec Charles-Emmanuel, duc de Savoie, ligué avec la France, au fujet du marquifat de Zuccarello. 1627, conjuration de Vachero. 1631, Gênes conclut la paix avec le duc Victor-Amédée, fucceffeur de Charles-Emmanuel. 1633, on acheve la nouvelle enceinte de murailles, de 8000 pas de circuit. La pefte fait de cruels ravages à Gênes en 1657. Conjuration de Raphaël de la Torre en 1672, foutenu par la cour de Savoie. En 1673 la république conclut la paix avec cette puiffance. En 1684 cruel bombardement de Gênes par les François. 1685, fameufe & humiliante députation de cette république à Louis XIV: elle fait fa paix avec ce monarque. Elle fait l'acquifition du marquifat de Final en 1713. Nouveau foulevement de la Corfe en 1728; cette ifle eft totalement pacifiée en 1748. Gênes tombe au pouvoir des Autrichiens en 1746: elle les chaffe de fes murs & d'une partie de fon Etat, au commencement du mois de Décembre de la même année. 1747, fiege de cette ville par les Autrichiens, qui font contraints de le lever: belle défense des ducs de Boufflers & de Richelieu; leur vigilance fauve la république pendant cette campagne. 1748, la poffeffion du marquifat de Final lui eft affurée par le traité d'Aixla-Chapelle. 1761, nouveau foulevement de la Corfe, la république cede cette ile à la France en 1768.

Différentes dominations étrangeres auxquelles les Génois fe font fucceffivement foumis. En 1311 à l'empereur Henri VII. En 1318 à Robert, roi de Naples, & au pape Jean XXII. En 1353 à Jean-Visconti, archevêque & feigneur de Milan. En 1396 à Charles VI, roi de France. En 1409 à Théodore Paléologue, marquis de Montferrat. En 1421 à PhilippeMarie-Visconti, duc de Milan. En 1458 au roi de France Charles VII. En 1463 à François Sforce, duc de Milan. En 1491 à Ludovic Sforce régent du Milanès. En 1499 à Louis XII, roi de France. En 1515 François I, fon fils. En 1527 au même. Ce fut la derniere fois que Gênes fut fujette elle a toujours confervé fa liberté depuis.

LA

GENEVE, République.

A ville de Geneve fubfiftoit long-temps avant Jules-Céfar, & fes habitans étoient compris fous le nom général d'Allobroges. Il paroît qu'elle reçut de bonne heure la lumiere de l'évangile, puifqu'en 440 on trouve dans l'hiftoire un évêque de Geneve nommé Ifaac.

Gonderic roi des Vandales, ayant conquis le royaume de Bourgogne,

laiffa,

laiffa, en mourant, Geneve à Godefigile, le troifieme de fes enfans. Godefigile fut affaffiné, & Geneve paffa fous la domination de Sigifmond, dont les defcendans en furent dépouillés par Clothaire, roi de France, qui donna aux Genevois une forme de gouvernement civil. La barbarie des temps a tellement répandu fes ténebres fur l'hiftoire de cette ville, que nous fommes obligés de defcendre jufqu'en l'année 1050, temps auquel on trouve trois compétiteurs pour la fouveraineté de Geneve. Ces trois prétendans étoient l'évêque, le comte de Genevois & le comte de Savoie. Wide, fils d'un comte de Genevois, ayant été nommé en 1120, évêque de Geneve, & voulant groffir les prétentions de fa famille à la fouveraineté de cette ville, donna à fon frere l'inveftiture de plufieurs villages & châteaux, ainsi que la jurifdiction temporelle de Geneve. Humbert, fuc ceffeur de Wide réclama cette conceffion. Une difpute s'éleva pour lors entre l'évêque & le comte; mais elle fe termina par un traité. Dans la fuite Ardutius, fucceffeur d'Humbert, homme intriguant & foutenu par l'empereur Frédéric, trouva moyen de faire confirmer aux évêques le droit de fouveraineté dans Geneve. Ce furent ces prétentions qui occafionnerent tant de troubles & tant de divifions dans cette république.

Ardutius eut pour fucceffeur Natalinus, & Natalinus fut fuccédé par Grandfon ou Grandifon. Les comtes de Savoie foutinrent puiffamment ces deux évêques, de même que plufieurs de leurs fucceffeurs contre les comtes de Genevois. Mais en 1285 Amédée IV, comte de Savoie, vint à Geneve, & réclama avec menaces le remboursement des fommes qu'il avoit débourfées, pour défendre la république. Guillaume de Conftance, alors évêque, voulant arranger cette affaire de concert avec le comte de Genevois, les Savoyards qui fe trouvoient dans la ville refuferent d'y confentir, & l'on fût obligé de donner au prince du Piémont, les poffeffions du comte de Genevois. On fit un traité, par lequel le comte de Savoie s'engageoit à foutenir & défendre à fes propres frais, la république contre tous les ennemis. On établit une communication libre entre Geneve & la Savoie. Le comte en récompenfe fût déclaré vidame de la ville, & on lui permit de s'y faire repréfenter par un baillif.

fut

En 1291, Humbert, dauphin de Vienne, voulant furprendre Geneve, repouffé avec perte par les habitans. Peu après cette époque la guerre s'alluma entre le comte de Genevois & celui de Savoie. Il femble que le premier eut de fon côté tout l'avantage; car il fit une alliance avec l'évêque Amédée & la république de Geneve, qui le remit en poffeffion de tous fes biens. Cet Amédée eft célébre dans l'histoire par un décret affez fingulier, qu'il fit durant fon pontificat. Il enjoignit à tous les peuples de fon diocefe, de commencer l'année à Noël, au lieu de la commencer à Pâques, comme ils faifoient auparavant.

Cependant la ville de Geneve reftoit toujours un objet de contention entre les deux comtes. En 1307, le dauphin de Vienne déclara la guerre Tome XX.

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