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treve que l'empereur, alors en Efpagne, demanda au roi la liberté de paffer par la France pour aller à Gand appaifer une révolte; il lui promit en même temps de donner le duché de Milan à un de fes fils. Le roi lui accorda le paffage dans les termes les plus obligeans. Charles-Quint fut reçu à Paris avec les plus grands honneurs. Les politiques mirent en question, s'il ne devoit pas faire arrêter l'empereur; & les fentimens furent partagés. La réponse qu'il fit, paroît une décision fans replique. Comme on le louoit de la conduite qu'il avoit tenue: » Eh! quel fujet d'éloges, dit-il, trou» ver dans ce que j'ai fait! j'avois donné ma parole royale à l'empereur; » je ne l'ai pas violée. Y a-t-il là quelque chofe d'extraordinaire? Et ne l'ai-je pas dû faire? Quand la fidélité dans les promeffes, ajouta-t-il, à » l'exemple du roi Jean, feroit bannie du monde entier, c'eft chez les » fouverains qu'elle devroit trouver un afile. »>

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Cependant, dès que Charles-Quint fut hors du royaume, il ufa de fes fubterfuges ordinaires pour ne point tenir fa promeffe. François I, qui en avoit agi envers ce prince avec cette franchife & cette générofité qui lui étoient naturelles, fut piqué de fon peu de bonne-foi; mais il fut bien plus irrité lorsqu'il apprit qu'Antoine Rincon & Céfar Frégofe, qu'il avoit envoyés à Venife pour informer la feigneurie des juftes griefs qu'il avoit contre l'empereur, avoient été attaqués à l'embouchure du Téfin par des foldats que le marquis de Guaft, gouverneur du Milanez, avoit apoftés, & qu'ils avoient été tués dans le temps qu'ils vouloient fe défendre. On ne douta pas que ce ne fût de l'ordre de l'empereur. François en fit faire des plaintes dans toutes les cours de l'Europe: il mit en même temps trois armées en campagne, l'une en Rouffillon, aux ordres du dauphin, l'autre dans le duché de Luxembourg, aux ordres du duc d'Orléans, & la troifieme en Flandres, commandée par M. de Vendome. Ces trois armées incommoderent beaucoup le pays ennemi. Charles-Quint étoit alors en Espagne affez déconcerté de fa malheureuse expédition d'Alger: voyant les grandes forces que François I lui oppofoit, il eut recours à fes pratiques fourdes, & fufcita contre lui l'Angleterre & l'Empire. Le dauphin fit le fiege de Perpignan, défendu par le duc d'Albe. Le duc d'Orléans ayant fous lui l'amiral d'Annebaut, fit la conquête du Luxembourg. Le roi fit lever le fiege de Landreci à Gonzague de Mantoue. La guerre fe faifoit de tous côtés. Le duc d'Enguien gagna la bataille de Cerifolles contre le marquis du Guast, général de Charles-Quint: quinze mille hommes du côté des ennemis furent taillés en pieces. Cette victoire procura la conquête du Mont-Ferrat; mais elle n'eut point de fuite; le roi fut obligé d'affoiblir fon armée pour s'oppofer aux entreprises de l'empereur, qui, étant entré en Champagne, avoit pris S. Didier, & à celle de Henri VIII, qui avoit pris Boulogne. Cependant Charles-Quint voyant l'épuisement de fes finances, fit connoître qu'il fe prêteroit à la paix. François I. n'en étoit pas éloigné. Elle fe fit à Crépi en Laonois. Un des articles de cette paix étoit que le duc d'Orléans épou

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feroit la feconde fille du roi des Romains, & qu'elle lui apporteroit en dot le Milanez mais la mort de ce prince, qui arriva un an après, empêcha l'exécution du traité.

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Mort de François I, Ann. 2547.

Es dernieres années de ce Prince furent un temps de calamité pour lui. Les fruits amers qu'il cueillit de fa paffion déréglée pour les femmes, & le fouvenir des malheurs où la mauvaife conduite de fes miniftres l'avoient engagé, le plongerent dans un noir chagrin, qui l'empêchoient de connoître fes véritables intérêts. Il s'affligea mortellement d'une chofe qu'il auroit dû regarder comme une bonne fortune; favoir, la mort du roi d'Angleterre, prince qui s'étoit ligué plufieurs fois contre la France, & qui auroit été toujours difpofé à la renverfer de fond en comble, pour la partager avec Charles-Quint. Mais fur la fin de fon regne, il ouvrit les yeux fur fes erreurs. Devenu plus politique & plus économe, &, comme dit Bodin, auftere & peu acceffible, il écarta les flatteurs & les fangfues de cour, & pen peu il ménagea fi bien, qu'il fe trouva quitte après fa mort, & dixfept cents mille écus en l'épargne, outre le quartier de Mars qu'il étoit prét à recevoir, & fon Royaume plein de favans hommes & de grands capitaines. François premier mourut à Rambouillet le 27 Mars 1547, à l'âge de cinquante-deux ans, & après trente-deux de regne. Sa mort fut très-édifiante; il y fit paroître une conftance chrétienne & des fentimens admirables de religion.

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Le furnom de Grand lui fut donné par quelques panégyriftes. Il le méritoit à certains égards, fur-tout à caufe de fon courage, & de cette noble franchife qui eft fi rare parmi les perfonnes d'un rang fuprême. Il eft vrai que cette fermeté de courage fut ébranlée dans les rigueurs de fa prifon, & qu'elle ne fe foutint pas affez, puifqu'il faillit à y mourir de chagrin; mais une adverfité pareille à celle où tomba ce prince, la plus grande qui puiffe arriver à un roi, étoit une terrible fecouffe pour fon ame, & les rois font hommes.

Parmi les maximes de ce grand prince, on remarque celles-ci: La ven geance décele la foibleffe d'un Roi : le pardon fait voir fa magnanimité. Il difoit auffi, que les Souverains commandoient aux peuples, & les Loix aux Souverains. C'étoit la maxime de Trajan, & celle de tous les grands princes. La France lui doit la belle ordonnance de 1539, qui a fervi de bafe à toutes les autres, & particuliérement à celle de 1667 & de 1670. Délicat & fcrupuleux fur tout ce qui pouvoit regarder le point d'honneur, il en agit avec la plus grande générofité envers des dames Catalanes, qui furent prifes par un parti de fes troupes dans un château fitué fur les frontieres de Catalogne, dans le temps que le dauphin fon fils affiégeoit Pampelune. Elles étoient fujettes de l'Espagne, & avoient été prifes dans une guerre ouverte entre les deux couronnes: cependant leurs maris les re

vendiquoient, & prétendoient ne pas payer de rançon, parce que les fem mes, fuivant les loix, ne devoient pas être fujettes aux événemens de la guerre dont leur fexe les éloignoit. L'affaire portée devant le roi, il la jugea en faveur des dames, fans rien faire perdre au parti qui les avoit fait prifonnieres, & auquel il paya la rançon de fon argent.

Les défauts qu'on ne fauroit excufer dans François premier, étoient fon goût pour la dépenfe, qui ne s'accommodoit pas toujours avec fes affaires; témoin celle qu'il fit lors de l'entrevue entre Ardres & Guines avec Henri VII, roi d'Angleterre. La tente qu'il fit dreffer, de foixante pieds de long & autant de large, avec quatre pavillons, étoit couverte de drap d'or, & en broderie, & revêtue en-dedans de velours bleu : ce qui lui fit donner le nom de camp de drap d'or. Aucun de nos rois n'avoit encore pouffé la magnificence des bâtimens auffi loin que François premier. Le palais qu'on vit s'élever au milieu de la forêt de Fontainebleau, eft le premier édifice digne d'un roi en Europe; tous les autres châteaux, avant ce prince, avoient plutôt l'image d'une prifon ou d'une fortereffe. Si fes deffeins pour Chambord avoient été exécutés, ce bâtiment auroit, dit-on, excédé la beauté de celui de Fontainebleau. La richeffe des ameublemens répondoit à la magnificence de ses palais. Il donna jufqu'à vingt-deux mille écus d'une tapifferie en foie & en or, où eft représenté le triomphe de Scipion, & dix-huit mille écus d'une autre piece où l'on représente la vie de S. Paul. Elles fe voient encore parmi les meubles de la couronne; enfin on parlera toujours de fon fiecle à l'égard des arts & des connoiffances, comme on parle de ceux d'Augufte, de Charlemagne & de Louis XIV. De plus il avoit trop de foibleffe pour les perfonnes qu'il aimoit, une valeur qui tenoit, un peu trop de l'ancienne chevalerie. Son foible pour fes favoris étoit encore plus répréhenfible. Il en convenoit lui-même. Une partie de ses malheurs vint de l'amiral de Bonnivet, qui avoit un grand afcendant fur lui. François premier avoit un goût marqué pour la poéfie, & s'amusoit quelquefois avec les Muses. On a à la bibliotheque du roi un manuscrit contenant fes œuvres poétiques. Quoiqu'on ait publié en différens ouvrages l'épitaphe qu'il fit en paffant par Avignon à la belle Laure, fi célébre par la tendreffe & les fonnets de Pétrarque, peut-être que certains lecteurs feront bien-aise de la trouver ici; elle eft gravée fur fon tombeau, & conçue en ces termes :

En petit lieu compris, vous pouvez voir
Ce qui comprend beaucoup par renommée.
Plume, labeur, la langue & le favoir
Furent vaincus par l'amant de l'aimée.
O gentille ame! étant tant eftimée,
Qui te pourra louer, qu'en fe taifant?
Car la parole eft toujours réprimée,
Quand le sujet furmonte le difant.

FRANCONIE, l'un des cercles d'Allemagne.

LA Franconie eft une des contrées de l'Allemagne les plus fameufes dans les anciens temps. Elle a beaucoup perdu de fa premiere étendue. Bornée aujourd'hui, à titre de cercle, par ceux de Baviere, de Souabe, du hautRhin, du bas-Rhin, de haute Saxe, & par le royaume de Boheme, elle n'a guere en quarré, au-delà de 480 milles d'Allemagne, tandis que dans fon ancienne étendue, comprenant une partie des pays qui l'entourent elle en avoit peut-être le double, & formoit encore, dans le moyen âge, une des grandes provinces de la Germanie.

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Ce que l'on fait en fubftance de cette ancienne Franconie, c'eft qu'originairement habitée par les peuples, qui fous Clovis allerent dans les Gaules & les conquirent, elle parut être envisagée par les fucceffeurs de ce prince, tant Carlovingiens que Mérovingiens, comme une province qui relevoit immédiatement de leur perfonne, dont ils fe difoient eux feuls les ducs, & dont ils confioient fimplement l'administration à des comtes. L'on obferve encore, qu'après l'érection de l'Allemagne en empire, la Franconie n'eut pas non plus fes ducs particuliers, comme la Baviere, la Saxe, la Thuringe & la Souabe avoient les leurs; mais que poffédée par plufieurs des empereurs, de leur propre chef, elle continua d'être de leur mouvance directe, & à compofer ainfi l'un de leurs principaux domaines. Alors fa divifion ordinaire étoit en cantons, Gauen, Pagi; alors encore elle avoit des tribunaux particuliers, qui ne fubfiftent plus, mais dont l'efpece fe retrouve à Nuremberg & à Hirschberg, fous le nom de kayferli che land-gericht, & à Wurtzbourg, fous celui de land-gericht. Ses cantons les plus remarquables étoient le Nordgau en partie, le Rangau, le Volcfeld, le Waldfaffin, le Moingau, le Daburgau, le Mulachgau & l'Oringau; la forme n'en exifte plus, mais on en peut chercher l'emplacement dans l'intérieur de cette province, à fon midi, à fon orient, à fon feptentrion, comme on peut chercher à fon occident, l'Albegau, le Rheingau, &c. avec quelques parcelles du Kocher & du Craichgau, qui en dépendoient auffi.

Les empereurs qui, par leur qualité de ducs de Franconie, en fonderent la maison & l'illuftrerent, ont été Conrad I, dans le Xe, fiecle, Conrad II, Henri III, Henri IV, Henri V, & Conrad III, dans les XIe, & XII. La race s'en éteignit dans le XIIIe, après s'être mêlée avec celle de Souabe; Conradin décapité dans Naples, l'an 1266, en ayant été le dernier rejetton. Il eft vrai que depuis quelques fiecles, les évêques de Wurtzbourg riches & puiffans prélats, ont fait revivre en leur faveur le titre de duc de Franconie: ils le prennent immédiatement après celui d'évêque; mais autant il feroit impoffible d'en tracer le pays für aucune carte, autant croit

on qu'il feroit difficile d'en trouver le diplôme authentique, dans aucune des archives de l'Allemagne.

Lors de l'inftitution des cercles de l'empire, fous Maximilien I, & même lors des mesures déjà prifes à cet égard fous Wenceslas, la Franconie, réduite à fon étendue moderne, entra d'une maniere fpéciale, dans la forme que l'on donnoit ainfi à la conftitution germanique: elle fit partie des quatre premiers cercles, défignés l'an 1383; & elle fut un des fix anciens, nommés l'an 1500. Sa pofition, relativement à la France, la fait mettre du nombre des cercles antérieurs : & en conféquence, on l'a vu contracter, fuivant les occurrences, & finguliérement au temps de Louis XIV, des alliances & ligues particulieres, avec les cercles du Rhin, de Souabe, de Baviere & d'Autriche. Lorfqu'en 1682, l'empire décida de l'état ordinaire de fes troupes, il fut reglé que de 40 mille hommes que l'on auroit fur pied, 980 de cavalerie, & 1902 d'infanterie, feroient à la charge de ce cercle; & lors qu'en 1707, la caiffe, appellée d'opérations, fut fixée à 300 mille florins, il y en eut 22,696 & 47 creutzers pour la quotepart de la Franconie.

Quant à la religion, ce cercle eft du nombre des mixtes; c'est-à-dire, que proteftans & catholiques en font membres, & que donnant deux affeffeurs à la chambre impériale, il a foin de les tirer de l'une & de l'autre des communions.

Il a trois princes directeurs, favoir, l'évêque de Bamberg, le marckgrave de Brandebourg-Bareith, & le marckgrave dé Brandebourg-Anspach: ces deux-ci font alternativement leur office, chacun pendant trois ans. Ses affemblées ordinaires fe tiennent à Nuremberg; & fa chancellerie avec fes archives font à Bamberg.

Les Etats qui le compofent fe partagent en quatre bancs: fur le premier font les princes eccléfiaftiques; fur le fecond les princes féculiers; fur le troifieme, les comtes & les feigneurs; & fur le quatrieme, les villes impériales. Ces villes, au nombre de cinq, font Nuremberg, Rothenbourg, Windsheim, Scweinfurth & Weifenbourg. Les comtes & feigneurs, au nombre de douze, font, Hohenlohe-Neuenftein, Caftell, Wertheim, Rieneck, Erbach, Limbourg-Geildorf, Limbourg-Speckfeld, Seinsheim, Reigelsberg, Wiefentheid, Walzheim & Haufen. Les princes féculiers, au nombre de huit, font, Brandebourg-Bareith, Brandebourg-Anfpach, Henneberg - Schleufingen, Henneberg-Romhild, Henneberg - Schmalkalden, Schwartzenberg, Lowenftein-Wertheim & Hohenlohe-Waldenbourg. Et les princes eccléfiaftiques, au nombre de quatre, font Bamberg, Wurtzbourg, Aichftedt, & le grand-maître de l'ordre teutonique. Dans l'affemblée de ces Etats, les voix font recueillies par Bamberg, qui le dernier donne la fienne, & qui fuit, en demandant les fix premieres, une certaine alternative commençant par Wurtzbourg il continue par Bareith, puis par Eichftedt, puis par Anfpach, puis par le grand-maître teutonique, puis

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