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jeux, les filous, les bouffons; les courtifanes, les mauvaises plaifanteries, & tous les autres paffe - tems appellés plaifirs. Ces exercices ne fe font pas fans quelque intermede de friandife. On foupe & on paffe la nuit à boire. Ainfi fans s'appercevoir de fon existence, la vie s'envole rapidement, & on meurt dans ce cercle d'illufions.

Un dernier coup de pinceau va nous convaincre que tous les hommes font fous. L'un aime éperdument une femmelette; & moins il est aimé plus l'amour le tourmente & le rend furieux. L'autre époufe la dot & non pas la fille. Celui-là proftitue fon épouse. Celui-ci poffédé du démon de la jaloufie, n'a point affez d'yeux pour garder la fienne. Quelles fottifes ne dit-on point & ne fait-on point dans le deuil? Beaucoup de joie dans le cœur, & de douleur fur le vifage. L'un ramaffant de tout côté de quoi fatisfaire fa gourmandife, donne tout à fon ventre, au rifque de mourir de faim après s'être contenté. L'autre met fon bonheur à dormir & à ne rien faire. Il y en a qui, toujours actifs pour les affaires d'autrui, négligent les leurs. On en voit qui empruntent pour s'acquitter, & qui fe trouvent abymés de dettes, lorfqu'ils fe croient riches. Cet avare, qui vit pauvrement, ne conçoit pas un plus grand bonheur que d'enrichir fon héritier. Cet affamé de biens court les mers pour un profit léger & fort incertain, abandonnant aux vagues & aux vents une vie qu'il ne peut racheter de tout l'or du monde. Et ce guerrier, qui pourroit jouir chez lui d'un fûr & agréable loifir, aime mieux chercher fortune à travers les dangers & les horreurs de la guerre.

En un mot, tout eft illufion, tout eft folie dans la vie. C'eft une trifte vérité qu'on fent d'autant mieux qu'on a une idée plus parfaite du fage. Car qu'est-ce que le fage? C'eft un homme qui eft fourd au langage des fens, lorfque ce langage n'eft point naturel; qui n'eft tourmenté par aucune paffion; à qui rien n'échappe; qui eft un lynx pour la pénétration; qui confidere tout avec la derniere exactitude; qui aime la vérité, qui la dit hardiment, & qui ne fait grace fur rien. Or qu'on voie combien il y a de mortels de cette efpece. Le petit nombre qui s'en trouve, eft même rebuté. Qui eft-ce qui l'invite jamais à fa table? Peut il trouver une femme ou un valet? Songe-t-on à l'employer dans les affaires? On choifira plutôt parmi la plus folle populace quelque fou d'une autre efpece, qui fache commander ou obéir aux fous, quelqu'un qui foit du goût de fes fembla bles, c'eft-à-dire, de prefque tous les hommes.

Ah! le beau fpectacle, fi, placé fur la lune, on pouvoit découvrir les agitations infinies des hommes. On verroit une groffe nuée de mouches & de moucherons qui fe querellent, fe battent, fe tendent des pieges, s'entrepillent, jouent, folâtrent, s'élevent, tombent & meurent. On ne pourroit jamais imaginer les mouvemens, le vacarme, le tintamare, que l'homme ce petit animal qui, par rapport à une durée infinie, n'a qu'une minute à vivre, excite fur la furface de la terre.

Concluons donc avec l'Italien, que la folie est la reine du monde. La Pazzia, la Regina del mondo.

GÉNÉALOGIE, f. f. Dénombrement d'aieux, hiftoire fommairé des parens & alliés d'une famille noble ou d'une maison ancienne tant en ligne directe que collatérale,

ON prouve fa nobleffe

fa nobleffe par sa Généalogie, avant que d'être reçu chevalier des ordres du roi.

On fait auffi des preuves de nobleffe par fa Généalogie, lorfque l'on défire entrer dans les chapitres nobles, tels que ceux de Lyon, Brioude, & Macon; on en fait pareillement pour l'ordre de Saint-Lazare & pour l'école royale militaire.

Les demoiselles font des preuves de nobleffe pour entrer à Saint-Cyr, & dans les chapitres de Neuville en Breffe, d'Alix en Lyonnois, de Metz, &c.

On fait encore des preuves de nobleffe par Généalogie, pour jouir des honneurs de la cour.

Lorfque l'on fait une Généalogie avec les formalités requifes; le préfenté doit mettre en évidence fon baptiftaire, qui prouve qu'il eft fils de fon pere, fa filiation doit remonter de lui audit pere, du pere à l'aïeul de l'aïeul au bis-aïeul, du bis-aïeul au tris-aïeul, du tris-aïeul au quatrieme aïeul, du quatrieme aïeul au cinquieme aïeul, &c. felon l'exigence des cas.

Le préfenté doit mettre en évidence un arbre généalogique où fe trouvent fes armoiries deffinées à chaque degré, & à coté les armoiries des

meres.

A chaque degré, il faut au moins deux actes originaux, contrat de mariage & teftament, & s'il manque un contrat de mariage ou un testament, il faut deux autres actes pour fuppléer à chacun, foit extrait mortuaire tranfaction, hommage, dénombrement de terre, acte d'acquifition de biens, &c.

Quand on fait une Généalogie entiere d'une maifon ou famille noble, on y met toutes les branches & les rameaux qui en font fortis; on fuit à chaque degré ce qui fe pratique pour entrer dans les ordres de chevaleries & chapitres nobles; on y ajoute les dates des contrats de mariages & teftamens de tous les collatéraux mâles & femelles, tant ceux qui ont eu poftérité que ceux qui n'en ont point eu. On y doit mettre encore les dates des commiffions, lettres & brevets des fervices militaires, les dates des morts des officiers tués dans les armées, & des détails de leurs actions éclatantes, ce qui rend les Généalogies hiftoriques; on y met même les dates des mariages des filles, les noms de leurs maris, de qui ils font fils, tant de celles qui ont eu poftérité, que de celles qui n'en ont point afin de connoître toutes les alliances.

On prétend que les Généalogies n'ont commencé à être en ufage que vers l'an 1600. Auparavant on faifoit les preuves de nobleffe par enquêtes, Les commiffaires prépofés pour les informations fe tranfportoient fur les lieux où la famille réfidoit, interrogeoient des vieillards & en dreffoient leur rapport; ce qui fe pratique encore dans l'ordre de Malte; il eft vrai que les commandeurs commiffaires y font ajouter des titres originaux qui établiffent la filiation.

Le terme Généalogie vient du latin Genealogia, dérivé du Grec vy qui a été fait de Yes genus, race, lignée & de ayes fermo discours; ainfi ce terme veut dire un difcours fait fur une lignée, fur une defcendance de pere en fils.

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GÉNÉRAL D'ARMÉ E.

Des traités faits par un Général d'armée.

un Général d'armée fait un traité ou une convention, fans ordre du fouverain ou fans y être autorifé par le pouvoir de fa charge, & en fortant des bornes de fa commiffion, le traité eft nul, comme fait fans pouvoir fuffifant: il ne peut prendre force que par la ratification du fouverain, expreffe ou tacite. La ratification expreffe eft un acte, par lequel le fouverain approuve le traité, & s'engage à l'obferver. La ratification tacite fe tire de certaines démarches, que le fouverain eft juftement préfumé ne faire qu'en vertu du traité, & qu'il ne pourroit pas faire s'il ne le tenoit pour conclu & arrêté. C'eft ainfi que la paix étant fignée par les miniftres publics, qui auront même paffé les ordres de leurs fouverains; fi l'un de ceux-ci fait paffer des troupes, fur le pied d'amies, par les terres de fon ennemi réconcilié, il ratifie tacitement le traité de paix. Mais la ratification du fouverain a été réservée, comme cela s'entend d'une ratification expreffe, il eft néceffaire qu'elle intervienne de cette maniere, pour donner au traité toute fa force.

On appelle en latin fponfio, un accord touchant les affaires de l'Etat, fait par un Général ou une perfonne publique, hors des termes de fa commiffion, & fans ordre ou mandement du fouverain. Celui qui traite ainfi pour l'Etat, fans en avoir la commiffion, promet, par cela même, de faire enforte que l'Etat ou le fouverain ratifie l'accord & le tienne pour bien fait; autrement fon engagement feroit vain & illufoire. Le fondement de cet accord ne peut être, de part & d'autre, que dans l'efpérance de la ratification.

L'hiftoire romaine nous fournit des exemples de cette efpece d'accords : arrêtons-nous au plus fameux, à celui des Fourches Caudines; il a été dif

cuté par les plus illuftres auteurs. Les confuls T. Veturius Calvinus, & Sp. Poftumius, fe voyant engagés avec l'armée Romaine dans le défilé des Fourches Caudines, fans efpérance d'échapper, firent avec les Samnites, un accord honteux, les avertisant toutefois, qu'en qualité de fimples généraux ils ne pouvoient faire un véritable traité public, fœdus, fans ordre du peuple Romain, fans les féciaux & les cérémonies confacrées par l'ufage. Le général Samnite fe contenta d'exiger la parole des confuls & des principaux officiers de l'armée, & de fe faire donner fix cents otages. Il fit pofer les armes à l'armée Romaine, & la renvoya en la faifant paffer fous le joug. Le fénat ne voulut point accepter le traité; il livra ceux qui l'avoient conclu aux Samnites, qui refuferent de les recevoir, & Rome fe crut libre de tout engagement & à couvert de tout reproche. Tite-Live, liv. IX, au commencement. Les auteurs pensent différemment fur cette conduite. Quelques-uns foutiennent, que fi Rome ne vouloit pas, ratifier le traité, elle devoit remettre les chofes dans l'état où elles étoient avant l'accord, renvoyer l'armée entiere dans fon camp aux Fourches Caudines; & c'étoit auffi la prétention des Samnites. J'avoue que je ne fuis pas pleinement fatisfait des raifonnemens que je trouve fur cette queftion, dans les auteurs même dont je reconnois d'ailleurs l'entiere fupériorité. Effayons, en profitant de leurs lumieres, de mettre la matiere dans un nouveau jour.

Elle préfente deux queftions. 1°. A quoi eft tenu le général qui a fait l'accord, fponfor, fi l'Etat le défavoue? 2°. A quoi eft tenu l'Etat luimême? Mais avant toutes chofes, il faut obferver avec Grotius, Droit de la guerre & de la paix, liv. II, chap. XV, S. 26. que l'Etat n'eft point lié par un accord de cette nature. Cela eft manifefte par la définition même de l'accord, appellé fponfio. L'Etat n'a point donné ordre de le faire, & il n'en a conféré le pouvoir en aucune maniere; ni expreffément par un mandement, ou par des pleins-pouvoirs; ni tacitement, par une fuite naturelle ou néceffaire de l'autorité confiée à celui qui fait l'accord, Sponfori. Un Général d'armée a bien, en vertu de fa charge, le pouvoir de faire des conventions particulieres, dans les cas qui fe préfentent, -des pactes relatifs à lui-même, à fes troupes & aux occurrences de la guerre; mais non celui de conclure un traité de paix. Il peut fe lier lui-même & les troupes qui font fous fon commandement, dans toutes les rencontres où fes fonctions exigent qu'il ait le pouvoir de traiter; mais il ne peut lier l'Etat au-delà des termes de fa commiffion.

Voyons maintenant à quoi eft tenu le promettant, fponfor, quand l'Etat le défavoue. Il ne faut point ici raifonner d'après ce qui a lieu en droit naturel, entre particuliers; la nature des chofes & la condition des contractans y mettent néceffairement de la différence. Il eft certain qu'entre particuliers, celui qui promet purement & fimplement le fait d'autrui, fans en avoir la commiffion, eft obligé, fi on le défavoue, d'accomplir

lui-même ce qu'il a promis, ou de faire l'équivalent, ou de remettre les chofes dans leur premier état, ou enfin de dédommager pleinement celui avec qui il a traité, felon les diverfes circonftances: fa promeffe, fponfio, ne peut être entendue autrement. Mais il n'en eft pas ainfi de l'homme public, qui promet fans ordre & fans pouvoir le fait de fon fouverain. Il s'agit de chofes, qui paffent fa puiffance & toutes fes facultés; de chofes qu'il ne peut exécuter lui-même, ni faire exécuter, & pour lefquelles il ne fauroit offrir ni équivalent, ni dédommagement proportionné il n'eft pas même en liberté de donner à l'ennemi ce qu'il auroit promis fans y être autorisé : enfin il n'eft pas plus en fon pouvoir de remettre les choses dans leur entier, dans leur premier état. Celui qui traite avec lui ne peur rien espérer de femblable. Si le promettant l'a trompé, en fe difant fuffifamment autorifé, il eft en droit de le punir. Mais fi, comme les généraux Romains aux Fourches Caudines, le promettant a agi de bonnefoi, avertiffant lui-même qu'il n'eft pas en pouvoir de lier l'Etat par un traité, on ne peut préfumer autre chofe, finon, que l'autre partie a bien voulu courir le rifque de faire un traité qui deviendra nul s'il n'eft pas ratifié, espérant que la confidération de celui qui promet, & celle des otages, s'il en exige, portera le fouverain à ratifier ce qui aura été ainfi conclu. Si l'événement trompe fes espérances, il ne peut s'en prendre qu'à fa propre imprudence. Un défir précipité d'avoir la paix à des conditions. avantageufes, l'appât de quelques avantages préfens, peuvent feuls l'avoir porté à faire un accord fi haiardé. C'eft ce qu'obferva judicieusement le conful Poftumius lui-même, après fon retour à Rome. On peut voir le difcours que Tite-Live lui fait tenir au fénat. » Vos généraux, dit-il, & » ceux des ennemis, ont également perdu la tête nous, en nous enga»geant imprudemment dans un mauvais pas; eux, en laiffant échapper » une victoire, que la nature des lieux leur donnoit, fe défiant encore de leurs avantages, & fe hâtant, à quelque prix que ce fut, de défarmer des gens toujours redoutables les armes à la main. Que ne nous >> retenoient-ils enfermés dans notre camp? Que n'envoyoient-ils à Rome, > afin de traiter fûrement de la paix, avec le fénat & le peuple? «

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Il est manifefte que les Samnites fe contenterent de l'efpérance que l'engagement des confuls & des principaux officiers, & le défir de fauver fix cents chevaliers laiffés en ôtage, porteroient les Romains à ratifier l'accord; confidérant que quoiqu'il en arrivât, ils auroient toujours ces fix cents ôtages, avec les armes & les bagages de l'armée, la gloire vaine, ou plutôt funefte par les fuites, de l'avoir fait paffer fous le joug.

A quoi donc étoient tenus les confuls & tous les promettans, Sponfores? Ils jugerent eux-mêmes qu'ils devoient être livrés aux Samnites. Ce n'eft point une conféquence naturelle de l'accord, fponfionis; & fuivant les obfervations que nous venons de faire, il ne paroît point que le promettant ayant promis des chofes que l'acceptant favoit bien n'être pas en fon pou

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