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munités. La bourgeoifie de S. Gall, une grande partie des peuples d'A penzell & des fujets immédiats de l'abbaye, embrafferent cette doctrine. Le culte proteftant fe fit dans l'enceinte même du monaftere, & l'abbé fe retira en Souabe. Mais l'iffue de la guerre de religion, favorable au parti catholique, rétablit fes affaires, & quoique parmi fes fujets même un grand nombre demeurât attaché au culte réformé, fes droits & fa fouveraineté furent maintenus.

Les liaisons qu'il prit dès-lors avec les Etats catholiques de la Suiffe, & fon affociation aux traités particuliers de ces Etats avec la France, nonfeulement le raffurerent fur fes poffeffions, mais elles ouvrirent à fes députés l'accès aux dietes des cantons. Il jouit de tous les avantages d'un membre affocié à la ligue Helvétique, & s'oblige à fournir mille hommes pour l'armée confédérée, en cas d'une attaque de la part d'un ennemi étranger.

Déjà vers le milieu du quinzieme fiecle, la riche fucceffion des comtes de Tokenbourg avoit fourni le prétexte de la premiere guerre civile, la plus fanglante & la plus opiniâtre entre les Suiffes. Le choc des titres de l'abbé avec les immunités des peuples, & la méfiance nourrie par la diverfité des cultes, ne ceffoient de produire des griefs & des difcordes dans ce petit pays. Ces querelles brouillerent de nouveau les cantons en 1712; on eut recours aux armes; les cantons de Zuric & de Berne, deux fois victorieux, dicterent les conditions de la paix. L'abbé réfugié en Souabe, fe refufoit opiniâtrement à l'accommodement qui a été accepté par fon fucceffeur en 1718. Les difficultés qui reftoient encore n'ont pu être terminées qu'en 1758, par la médiation des deux cantons fus-mentionnés.

On compte à l'abbé ou prince de Saint-Gall 91,800 fujets dans les anciens domaines du chapitre, dans quelques terres fituées en Tourgovie, où le port d'armes lui appartient, & dans le Tokenbourg. Ses droits font moins étendus dans ces deux derniers diftricts. Par une claufe ajoutée en 1590, au traité d'alliance ou de combourgeoifie perpétuelle, avec quatre cantons, l'abbé a donné à fes protecteurs le droit d'établir, en leur nom, un contrôleur ou commandant, fous le titre de capitaine du pays, qui a le rang de conseiller intime, avec le droit d'affifter aux audiences, & de percevoir la moitié des bamps pour le compte des cantons. Les cantons pourvoient de deux en deux ans à tour de rôle à cet office; celui qui le remplit, réfide à Wyl; cependant fa commiffion ne s'étend ni fur cette petite ville, ni fur le Tokenbourg. C'eft un juge de paix, qui doit veiller fur les immunités réfervées aux peuples, dont les cantons font en vertu du traité les garans & les arbitres. Au refte l'abbé fait exercer la juftice & la police par des baillis ou juges féculiers, fubordonnés à diverses chambres, dans lesquelles' des religieux fiegent & ont la principale influence.

Le pays eft, pour la plus grande partie, montueux & généralement plus

abondant en pâturages qu'en grains. Des entrepreneurs de fabriques & des commerçans de Saint-Gall, de Bifchofzell & de Hérisan, par la filature des cotons & du lin, font circuler des fommes considérables dans les terres de l'abbaye.

Il faut tenir compte à quelques monafteres de nous avoir confervé quelques reftes de la littérature ancienne. Seuls dépofitaires de l'art d'écrire pendant plufieurs fiecles, ces cénobites, plutôt par dévotion ou par oifiveté que dans le but de s'inftruire, s'amufoient à copier & à peindre des évangiles, des miffels, des chroniques, quelquefois d'anciens auteurs, dont ils ne favoient pas apprécier le mérite. On compte aujourd'hui autour de mille manufcrits dans la bibliotheque du monaftere de Saint-Gall, la plupart sur du parchemin. Ce tréfor littéraire fut fauvé lors de la révolution de 1712; les livres imprimés de cette bibliotheque affez nombreuse, furent en grande partie difperfés. Un abbé Ratgut avoit commencé déjà vers la fin du neuvieme fiecle, à former ce dépôt. Il a été utile aux peres du concile de Conftance. Les religieux eux-mêmes y firent fi peu d'attention, que ces manufcrits demeurerent long-temps entaffés dans la pouffiere d'une tour. C'eft de ce cahos qu'on tira, vers l'année 1413, les manufcrits de Pétronius, de Silius Italicus & de Valerius Flaccus. Poggii Epift.

La ville & petite république indépendante de Saint-Gall, eft afsociée au corps Helvétique. La fondation du monaftere de Saint-Gall occafionna l'établissement d'un bourg dans ce lieu; après l'invasion des Huns ou Hongrois dans le Xe. fiecle, les habitans difperfés s'étant raffemblés, fe munirent contre de nouvelles attaques par l'enceinte d'un mur. D'abord fujette des abbés, cette ville, une des plus anciennes de la Suiffe, obtint fucceffivement diverfes immunités de fes maîtres & des empereurs. Frédéric II la reconnut ville immédiate de l'Empire, & Rodolfe I rendit ce droit inaliénable. Pendant cette révolution lente, qui éleva les communes dans tout le reffort de l'Empire, la bourgeoifie de Saint-Gall, par des alliances avec diverfes villes de la Souabe & de l'Helvétie, étendoit & fortifioit fes privileges; elle profitoit des circonftances pour fe racheter de quelques affujettiffemens. La même guerre contre l'abbé, qui affranchit les peuples d'Apenzell, rendit auffi la ville de Saint-Gall prefqu'indépendante. Dans la fuite elle obtint, par l'entremise de quelques cantons & pour prix d'argent, fon entiere libération de toutes les prétentions de l'abbaye.

Quand cette petite république vit le prince-abbé de Saint-Gall rechercher l'appui des cantons, elle s'empreffa, de fon côté, à fe lier, par un traité pareil de combourgeoifie, avec les cantons de Zuric, Berne, Lucerne, Schweitz, Zoug & Glaris. Cette levée de bouclier inconfidérée, pour détruire le nouvel établiffement des religieux de Saint-Gall à Rofchach, dont il a été fait mention ci-deffus, lui coûta la perte de quelques jurifdictions & domaines, que les cantons confifquerent, & vendirent les unes à l'abbé, les autres au feigneur de Sax.

Lors de la réformation, embraffée par la bourgeoisie de Saint-Gall, celleci pouvoit efpérer non-feulement de voir le monaftere fécularifé, mais de profiter de fes dépouilles. La défaite des Suiffes réformés fit évanouir ces espérances; mais la ville conferva le nouveau culte, que l'intérêt politique lui rendoit encore plus cher. Elle devint le théâtre du fanatifme des anabaptiftes. Chaque idiot s'appliquant à la lecture de l'Ecriture fainte, & fe trompant à l'hafard, fur le fens ou littéral ou myftique des livres facrés, y puifoit quelque opinion extravagante; on vit, dans les campagnes, des fanatiques excufer leurs débauches par le principe que les faints ne peuvent pécher; on en vit d'autres affecter non-feulement une fimplicité, mais une négligence, une mal-propreté puérile, & folliciter les châtimens deftinés à l'enfance, fur l'idée qu'il faut reffembler aux enfans pour hériter du royaume des cieux; enfin, on vit un frere infpiré décoller de fang froid, fon frere, qui fe préfentoit au coup en béniffant Dieu. La févérité des punitions n'auroit peut-être pas fuffi fi-tôt pour arrêter l'épidémie de ces folies fcandaleufes, fi le mépris & l'épuifement même des imaginations égarées n'avoient concouru à la faire ceffer.

Le différend qu'eut la bourgeoifie avec l'abbaye, en 1566, au fujet d'un mur & d'une porte de féparation, fe termina par un arrangement entier de toutes les prétentions réciproques. Il s'éleva un tumulte en 1697, à l'occafion d'une proceffion des catholiques, & du refus que firent les prêtres, de baiffer les croix & les enfeignes en paffant par la ville. On prit les armes, on fit des barricades; mais le calme fut rétabli par l'entremife des alliés. En 1712, l'abbé obligé de fuir devant les troupes des cantons proteftans, mit le monaftere fous la fauvegarde des bourgeois, qui l'ouvri rent aux vainqueurs par capitulation.

Le gouvernement à Saint-Gall, eft une ariftocratie & démocratie mixte. La bourgeoifie eft partagée en fix corporations ou tribus, outre celle des familles nobles. Chacune des fix tribus fe choifit trois préfidens ou tribuns, qui alternent dans leurs fonctions. Douze de ces tribuns fiegent dans le fénat ou conseil étroit, avec les trois bourguemaîtres, dont la charge alterne auffi d'une année à l'autre, & avec neuf confeillers, choifis indiftin&tement parmi tous les citoyens. A ces vingt-quatre font ajoutés onze de chaque tribu bourgeoife, pour former le grand confeil des nonante. La bourgeoiLie en corps fait l'élection du bourguemaître. Les tribuns font choifis par les corporations. Le fénat élit fes membres des confeils, &c. Nous ne fatiguerons pas le lecteur par de plus grands détails fur la régence, fur l'adminiftration de la juftice & de la police. Pour la défenfe de la ville la bourgeoifie eft partagée en neuf compagnies de milice, une de canonniers & deux de grénadiers, dont l'une doit fervir à cheval.

Saint-Gall n'a pour tout territoire qu'une banlieu très-refferrée. Elle eft, à proportion de fon étendue, très-bien peuplée. On compte dans la ville & les fauxbourgs huit mille trois cents ames. On y trouve cet ordre fimple,

ple, cette économie & propreté que donne l'habitude du commerce, & qui fe maintient plus aifément dans une fphere bornée, où l'attention des magiftrats eft en même-temps moins diftraite par la multiplicité des objets, & mieux éclairée par des citoyens, qui jouiffent du plaifir de leur liberté dans le droit de furveiller la régence. Les dépenfes publiques font prises fur le produit de quelques droits d'entrée & de fortie, & fur une contribution annuelle, réglée par le grand confeil, & à laquelle les citoyens abfens reftent également affujettis.

Tout le petit territoire relevant de la ville, eft occupé par des jardins, des vergers, ou des prairies deftinées au blanchiment des toiles. Cette fabrication & le commerce qui en eft la fuite font l'unique richeffe & le principal reffort de la république. Cette branche d'induftrie y exifte depuis le XIIe fiecle. Deux événemens ayant fait tomber le commerce & l'induftrie dans la ville de Conftance, mieux fituée, & beaucoup plus peuplée autrefois que Saint-Gall, cette derniere ville a profité des pertes de fa rivale. Le concile affemblé à Conftance au commencement du XVe fiecle, par l'affluence prodigieufe des étrangers, par le renchériffement des vivres & par les mouvemens guerriers qui fuivirent fes réfolutions, fit émigrer plufieurs familles citoyennes; l'abolition du culte réformé en 1548, quand Ferdinand, roi des Romains, par menaces & par adreffe, eut fubjugué Conf tance, occafionna un refuge plus confidérable encore. Le gouvernement de Saint-Gall, de fon côté, a favorifé cette émigration, en faifant les frais pour l'établissement des divers bâtimens & des aqueducs pour la préparation des toiles. De fortes maifons de familles S. Galloifes fe font établies à Lyon, à Marseille, à Gênes, à Cadix, en Hollande & en Angleterre. C'est peut-être un bien, que ces familles, après s'être enrichies, ne foient pas tentées de rapporter dans leur patrie l'exemple contagieux des dépenses & du luxe.

La ville de Saint-Gall tire facilement toutes fes denrées des contrées voifines de la Suiffe & de la Souabe. Cependant, par un inconvénient de fon fite, on n'y peut aborder que par des routes mal-entretenues; il feroit également avantageux pour les fujets de l'abbaye, que pour cet objet elle voulût fe prêter aux vues & intérêts de la ville.

L'efprit de commerce ne fait pas négliger les fciences à Saint-Gall. De tout temps cette ville a compté des hommes inftruits & éclairés parmi fes citoyens. Un des plus célébres eft le bourguemaître Vadian ou de Wadt. Il jouit d'une grande confidération du temps de la réformation; il en fuc le principal promoteur dans fa patrie. Sa bibliotheque, léguée à la ville, a fervi de base pour l'établiffement d'une bibliotheque publique. On y con serve treize volumes in-fol. écrits de fa main, qui contiennent fa corref pondance avec les réformateurs & divers documens fur l'hiftoire de fon temps. La ville de Saint-Gall, en vertu de fa combourgeoifie avec fix cantons jouit du titre d'affocié du corps Helvétique. Depuis 1666, un député de sa

Tome XX.

Ii

part eft admis aux dietes générales des Suiffes. Elle participe à divers traités des cantons, particuliérement des cantons évangéliques, avec des puiffances étrangeres, & aux privileges que ces traités procurent à la nation chez fes voifins. Comme ville marchande elle profite particuliérement des immunités accordées aux Suiffes par la France.

LE

GALLES, Principauté d'Angleterre.

LE pays de Galles eft borné à l'eft par les comtés de Chefter, de Shrop, de Hereford, & de Montmouth; à l'oueft & au nord par la mer d'Irlande, & au midi par le canal de Saint-Georges.

Les Romains, maîtres de la Grande-Bretagne, la divifoient en trois parties; favoir Britannia maxima Cæfarienfis, contenant la partie feptentrionale; Britannia prima, contenant la méridionale; & Britannia fecunda, contenant le pays de Galles. Ce dernier pays étoit alors habité par les peuples Silures, Dimeta & Ordovices.

La plupart des Bretons s'y retirerent pour y être à couvert des Saxons, lorfqu'ils envahirent l'Angleterre ; & depuis il a toujours été habité par leur poftérité, les Gallois, qui ont eu leurs princes particuliers jufqu'à la fin du treizieme fiecle. Alors Edouard I les réduifit fous fon obéiffance, & leur pays devint par conquête l'apanage des fils ainés des rois d'Angleterre, avec titre de principauté. Cependant ces peuples ne furent jamais vraiment foumis, que quand ils virent un roi Breton fur le trône de la Grande-Bretagne; je veux parler d'Henri VII, qui réunit les droits de la maifon de Lancaftre & d'Yorck, & conferva la couronne qu'il avoit acquife par un bonheur inoui.

Enfin fous Henri VIII les Gallois furent déclarés une même nation avec l'Angloife, fujette aux mêmes loix, capable des mêmes emplois, & jouiffant des mêmes privileges.

Leur langue eft l'ancien breton; & c'eft peut-être la langue de l'Europe où il y a le moins de mots étrangers. Elle eft gutturale; ce qui en rend la prononciation rude & difficile. Paffons au pays.

Il fe divise en douze provinces; fix feptentrionales, qui forment le NorthWales; & fix méridionales, qui conftituent le South-Wales.

L'air qu'on y refpire eft fain, & l'on y vit à bon prix. Le fol placé entre le neuvieme & le dixieme climat feptentrional, eft en général fort montagneux : cependant quelques-unes des vallées font très-fertiles, & produifent une grande quantité de bled & de pâturages; de forte que fes denrées principales confiftent en beftiaux, peaux, harengs, coton, beure, fromage, miel, cire, & autres chofes femblables.

Ce pays contient auffi de grandes carrieres de pierres de taille, & plu

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