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la raifon, n'eft fufceptible d'aucune obligation, pendant tout le temps qu'il se trouve dans cet état-là. La raifon tirée du droit qu'on a de repouffer un Furieux jufqu'à le tuer, ne prouve rien, difent-ils; le cas eft fort différent; puifqu'il s'agit de la défenfe de foi-même, qui ne fuppofe pas néceffairement dans celui contre qui l'on fe défend, quelque mauvais deffein, ou quelque faute; au lieu qu'on ne peut être refponfable d'un dommage, proprement ainfi nommé, que quand on a contribué à le caufer par un acte de fa propre volonté; en un mot, ces jurifconfultes voudroient envisager le dommage caufé par un Furieux, comme un dommage caufé par une caufe purement phyfique, qu'on ne peut point condamner, en tant que telle, à la réparation du dommage.

Je crois que l'affirmative eft plus conforme à l'équité naturelle. Si le maître d'une bête qui m'a caufé du dommage, eft obligé à me le réparer, pourquoi un Furieux, tout être purement phyfique qu'on veuille le fuppofer, ne feroit-il pas tenu à la réparation du dommage caufé? D'ail leurs, un Furieux doit être gardé auffi foigneufement au moins qu'une bête & dans ce cas; fi le Furieux s'échappe par la faute de la garde, c'eft à celle-ci à réparer le dommage que le Furieux aura caufé; que s'il n'y a point eu de faute de la garde, l'équité naturelle demande qu'on répare le dommage caufé, par les biens du Furieux. Le droit à la réparation du dommage dérive de ce que je ne fuis pas obligé de le fouffrir, & du droit de propriété; quel que foit l'être qui m'attaque ce droit facré, il doit m'en dédommager, s'il eft en état de le faire,

Tom XX.

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G. GA

GALBA. (SERGIUS)

GALBA, fucceffeur de Néron, étoit d'une illuftre famille des Sulpiciens

qui avoient la chimere de prétendre être iffus de Jupiter & de Pafyphae. Il nâquit dans un village près de Teracine où il paffa fa jeuneffe dans l'étude de la jurifprudence. Sa femme Lépide fixa toute fa tendreffe, & il fut réfifter aux careffes d'Agrippine qui le follicitoit au divorce pour le faire paffer dans fon lit. Fidele à fon premier amour, il vécut dans le célibat après la mort de fa femme dont il avoit eu deux enfans. Sa modération le mit à l'abri des orages qui, dans ces temps de troubles, renverfoient la fortune des principaux citoyens. Il fut redevable de fa tranquillité au crédit de Livie qui, en mourant, lui légua douze cents cinquante mille écus: mais ce don fut annullé par Tibere. Ayant été élu préteur avant l'âge, il célébra, en l'honneur de Flore, des jeux où l'on vit des éléphans danfer fur la corde. Après avoir été conful & gouverneur d'Aquitaine, il fut envoyé, par les Légions, pour rétablir l'ancienne difcipline. Sa févérité impofante réprima la licence fans trouver de rebelles. Après la mort de Caligula, il parut vouloir mener une vie privée, mais Claudius qui l'aimoit le mit à la tête de la cohorte qui veilloit à fa garde. L'Afrique étoit alors agitée de diffentions civiles, il fut choifi pour y rétablir le calme. La fageffe de fon administration lui mérita les honneurs du triomphe, & la dignité facerdotale.

Dans les premieres années du regne de Néron, il s'éloigna des affaires pour vivre dans la retraite, mais on l'arracha, à fon loifir, pour l'envoyer commander en Efpagne, où Vindex le follicita d'adhérer à la rebellion qu'il avoit exécutée dans les Gaules.

Les crimes de Néron ayant foulevé le peuple & l'armée, Galba fut proclamé empereur par les légions d'Efpagne; mais il ne prit que le titre de lieutenant du fénat & du peuple, jufqu'à la mort de Néron qui fut le dernier de la famille d'Augufte. Le fénat & les chevaliers, fatisfaits d'être délivrés de leur tyran, ne contefterent point aux légions le droit d'élire l'empereur, & leur choix fut confirmé. Galba démentit bientôt l'idée qu'on avoit conçue de fa capacité. Sa vieilleffe & fon avarice le firent tomber dans le mépris. On ne vit plus qu'un vieillard languiffant qui s'abandonnoit aux confeils pervers de fes favoris. Il avoit été jufqu'alors févere, il fe montra cruel en faifant mourir un confulaire, & un conful défigné, fans leur permettre de fe juftifier. Les foldats de l'armée navale furent décimés, Rome fut remplie de gens de guerre qui n'ayant, ni

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chef, ni paie, y vivoient de leur brigandage. Les troupes qui aimoient autant les vices des empereurs, qu'elles avoient autrefois aimé leurs vertus, avoient oublié l'ancienne difcipline que Galba fe propofoit de rétablir. Le mécontentement fut général, & fur-tout dans la baffe-Allemagne, où Vitellius fut envoyé pour en pacifier les troubles. Galba crut devoir fe ménager un appui en défignant fon fucceffeur. Son choix tomba fur Pifon, qui comptoit, parmi fes ancêtres Craffus & Pompée. Othon, qui avoit paffé fa jeuneffe à la cour de Néron, dont il avoit partagé les débauches, ne put fouffrir qu'un autre lui eût été préféré. Son efprit avoit autant de vigueur que fon corps étoit efféminé. Son ambition étoit allumée par les prédictions des aftrologues qui lui promettoient l'empire. It commença par fe concilier l'affection des gens de guerre par fes manieres fimples & populaires; il careffoit les vieux foldats, les appelloit fes camarades, & les aidoit de fa bourfe & de fon crédit. Chaque fois qu'il régaloit Galba, il faifoit un préfent de cent fefterces à la cohorte qui étoit de garde à fa porte. Ces largeffes rendoient plus fenfible l'avarice de Galba qui avoit coutume de dire qu'il n'avoit point acheté l'empire. L'efprit de révolte fe communiqua aux légions, & aux troupes auxiliaires quí étoient encouragées par la rebellion de l'armée d'Allemagne. Vingt-trois prétoriens rencontrent Othon dans les rues de Rome, & le proclament empereur. Leur nombre groffit dans leur marche, ils le conduifent au camp où tous les foldats l'environnent, & le placent au milieu des étendards. Chacun lui jure de verfer fon sang pour fa défense. Galba inftruit de ce tumulte, fe rend dans la place publique avec Pifon qu'il venoit d'adopter; il voit par-tout des gens qui le plaignent, & ne voit perfonne qui s'offre à le venger. Othon profite de la premiere chaleur de fes partifans, s'avance à la tête de la cavalerie dans la place publique, d'où il écarte le peuple & les fénateurs. Un enfeigne de cohorte foule aux pieds l'image de Galba que fes porteurs en fuyant renverfent dans la boue. Alors fe voyant entouré d'affaffins, il s'écrie, frappez, fi l'intérêt de la république le demande. Julius-Carus, foldat légionnaire, lui enfonce fon épée dans le corps devant le temple de Céfar. Ainfi finit Galba, âgé de foixante-treize ans. Il avoit vécu avec gloire fous cinq empereurs, & avoit été plus heureux fous l'empire des autres que fous le fien. Il fut plutôt fans vices que vertueux. Bon maître, ami fidele, il craignoit de découvrir les coupables pour n'avoir point à les punir. Quoiqu'il n'aimât point l'éclat & le bruit, il étoit extrêmement jaloux de fa réputation. Satisfait de ce qu'il poffédoit, il ne convoitoit point le bien d'autrui; mais il étoit économe du fien, & avare de celui du public. On prit pour fageffe ce qui n'étoit en lui qu'une froide indifférence. Il fignala fa jeuneffe dans les guerres d'Allemagne, & fit paroître beaucoup de modération & de capacité dans fon gouvernement d'Afrique & d'Efpagne : enfin tant qu'il ne fut qu'homme privé, il parut digne de l'empire.

GALL, (Saint) Riche Abbaye de Bénédictins, en Suiffe.

L'ABBÉ de Saint-Gall jouit des honneurs de la mitre & du titre de

prince d'empire; par l'effet de fes liaisons particulieres avec quelques cantons Suiffes, il eft reconnu allié du corps Helvétique, & fon député siege dans les dietes générales. Tout ce qui peut être rapporté en faveur des premieres fondations monaftiques, eft applicable à celle qui fait le fujet de cet article. Saint-Gallus, venu, felon la tradition, des ifles Britanniques, accompagné de S. Columban, fut un des premiers apôtres de l'évangile dans la haute-Allemagne. Ces courageux miffionnaires, chez des ufurpateurs barbares, chez des peuples abrutis par de longues défolations & par Pefclavage, firent fuccéder à des fuperftitions abfurdes, fouvent atroces, des dogmes de bienfaisance & d'humilité, les craintes & les confolations d'une vie à venir. Après la mort de Saint-Gall quelques-uns de fes difciples s'établirent dans le lieu où il avoit fixé fon hermitage. Les cellules fe mu'tiplierent; le travail, aidé d'une dévotion bienfaifante, procuroit à ces folitaires les objets de leurs premiers befoins. Vers l'an 720, environ quatrevingt ans après la mort de Gallus, un comte Waldram obtint de Pépin, qui fut peu après roi des François, la permiffion de donner à cet établiffement la forme réguliere & folide d'un monaftere, fous la regle de S. Benoît. Andomare en fut le premier abbé.

L'exemple des vertus aufteres, valoit à ces premiers cénobites une confidération, dont ils fe fervoient quelquefois pour arrêter les paffions injuftes & pour tempérer les mœurs fauvages des princes & des grands. Leurs retraites privilégiées fervirent d'afile à des cultivateurs dépouillés, à des ferfs défespérés. On vit autour de ces fondations les défrichemens s'étendre, les folitudes fe peupler, des bourgs fe former ou des cités fe relever de leurs cendres. Il n'eft pas douteux, que la ville de Saint-Gall dont nous parlerons à la fin de cet article, doit fa premiere exiftence à l'abbaye du même nom, & qu'une partie du diftri& circonvoifin, lui doit, ou fa premiere population, ou du moins les premiers progrès de fa culture.

Bientôt dans cette folitude, où quelques anachoretes avoient vécu de la pêche & des aumônes, des peres bénédictins jouirent de l'abondance. Les donations, les legs, fe fuccédoient de près dans ces temps d'injuftice & de remords, où une do&trine plus menaçante qu'inftructive, excitoit chez les mourans des frayeurs tardives & les calmoit par des remiffions vénales. Une économie fuivie fourniffoit aux monafteres les moyens d'acheter, à bon prix, les dépouilles des maifons nobles, que les guerres féodales ou des croifades imprudentes avoient ruinées. L'abbé de SaintGall étoit déjà poffeffeur de rentes très-considérables & d'un territoire affez

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étendu, lorsqu'en 1204, il obtint le titre de prince du Saint-Empire & peu après les décorations de la dignité épifcopale.

Les richeffes avoient excité l'ambition chez ces hommes voués à l'humilité & aux méditations paifibles. Les évêques convoitoient les revenus des abbayes; on employoit les armes temporelles pour s'attaquer & pour fe défendre. Entraînés par les mœurs du fiecle, ces princes eccléfiaftiques armoient leurs vaffaux & faifoient la guerre avec la même cruauté qu'on reproche à la nobleffe de ces temps d'anarchie. Les abbés de Saint-Gall eurent fouvent de ces querelles fanglantes avec les évêques de Conftance, les abbés de la Reichenau, les landgraves de la Tourgovie, &c.

Si dans les premiers temps de leur inftitution, ces fociétés confacrées au culte divin avoient fur-tout mérité le refpect des peuples, par la protection des ferfs opprimés, ils n'eurent, dans la fuite, aucun fcrupule d'exercer tous les droits établis par les coutumes féodales fur les fujets qu'ils avoient acquis. L'infolente avidité de leurs employés porta vers le commencement du quinzieme fiecle, les Apenzelois à la révolte. Après une guerre fort vive & des fuccès variés, ces peuples obtinrent leur entiere indépendance.

La bourgeoifie de Saint-Gall, d'un autre côté, s'étoit auffi fouftraite à l'autorité des abbés; ils eurent en elle une rivale inquiete. Par une alliance avec les quatre cantons, Zuric, Lucerne, Schweitz & Glaris, en 1451, l'abbaye s'affura des protecteurs; & par l'acquifition du pays de Toggenbourg, qu'elle acheta en 1468, des héritiers du dernier comte, pour 14,500 florins du Rhin, elle fe dédommagea de la perte du pays d'Apenzell. Le premier avantage qu'elle retira de cette acquifition, fut la fuppreffion d'une abbaye dédiée à S. Jean, dont les revenus furent réunis à celle de Saint-Gall.

Vers la fin du quinzieme fiecle, l'abbé Ulrich donna occafion à une vive querelle avec la ville de Saint-Gall. Il demandoit du terrein pour agrandir le monaftere, & vouloit établir une porte dans l'enceinte qui fépare l'abbaye d'avec la cité. Les bourgeois refuferent fa demande & s'oppoferent à fon projet. Piqué de ces contradictions il fe détermine de transporter le monaftere à Rofchach, fur le bord du lac de Conftance. A peine le bâtiment fut-il élevé hors des fondemens, que les S. Gallois, avec l'aide des peuples d'Apenzell & des propres fujets de l'abbaye, allerent le démolir; ils craignoient également l'agrandiffement de ces religieux dans le voifinage, & la perte des profits & falaires par leur éloignement. Les cantons, appellés par leur allié protégé, foumirent, à main armée, ces peuples irrités, & les condamnerent à des frais & dédommagemens confidérables; le projet d'un nouveau monaftere fut fupprimé.

Il étoit aifé de prévoir que la doctrine des réformateurs trouveroit des difpofitions favorables dans des efprits accoutumés à lutter contre le pouvoir des eccléfiaftiques, devenus leurs maîtres ou les rivaux de leurs im

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